Par Emile Zola Nde Tchoussi
Le passage au professionnalisme depuis deux ans au Cameroun est une exigence de la Fifa et non un luxe que se permettent les autorités en charge du football camerounais. Mais au vu de ce qui se pratique dans nos clubs et du côté de la Ligue de football professionnel du Cameroun pour la modernisation de notre football, plusieurs interrogations demeurent. Pourquoi au pays de Roger Milla, où la plupart des matches de championnat d’élite se disputent encore sur les terrains poussiéreux, on était tant pressé de courir vers «le professionnalisme» ?
Sachant bien que ces enceintes appelées abusivement «stades» ne peuvent attirer ni public, ni annonceurs. Avant de penser au professionnalisme, les clubs qui n’ont même pas de terrain d’entraînement ou de boîte postale, ont-ils pensé à transformer leurs associations sportives en véritables entreprises ? Le cahier des charges, qui obligeait les clubs amateurs de se doter, entre autres, d’un siège, des terrains d’entraînements, de toutes les catégories jeunes et d’un budget conséquent… n’a été que très peu suivi par les clubs.
Au lieu que l’Etat du Cameroun s’affaire à transformer les footballeurs locaux en « fonctionnaires » en leur fixant des salaires (100.000 F CFA par joueur en D1 et 50.000 F CFA en D2), il aurait été plus judicieux, depuis des lustres, de construire dans les grandes villes du pays des stades modernes (électrifiés) d’une capacité minimale de 5000 places assises. Le professionnalisme ne se décrète pas, il se construit ! Aujourd’hui, à l’heure de l’industrialisation du football, pourquoi a-t-on mis la charrue avant les b ufs ?
Avant le lancement du « professionnalisme en 2012», la Ligue de football a-t-elle pris le temps de former les dirigeants de club dans le management sportif? Les présidents de clubs, qui très souvent confondent les caisses du club à leurs poches, notamment lors des transferts des joueurs, savent-ils seulement qu’ils seront désormais face à des contrôles inopinés des agents de l’Etat? Il ne suffit pas de muer les footballeurs en « fonctionnaires » pour penser que l’on a professionnalisé le football. Un projet aussi grand que la mise en place du professionnalisme dans le football camerounais qui a vécu plus d’un demi-siècle dans un amateurisme total ne peut être entamé sans la mise en place d’un préalable : l’assainissement.
La première mesure à prendre, c’est d’éloigner par des mesures dissuasives tous les opportunistes qui rôdent autour du football et qui en ont fait une sorte de vache à lait. Ensuite, il faudra mettre en place des règlements nécessaires, un cahier des charges adapté à notre environnement et veiller à leur stricte et rigoureuse application ; entretenir chez tous les acteurs du football une mentalité pro en luttant contre toute forme d’amateurisme ; veiller à la pérennisation des ressources financières (recettes, sponsoring, soutien financier des collectivités locales, revenus des transferts, etc.). La ligue devrait agir, par divers moyens, afin que soient formés méthodiquement, avec l’aide de la Direction Technique Nationale (DTN), dans les centres de formations, les futurs footballeurs professionnels.
Pour y parvenir, une période transitoire d’au moins trois ans aurait été nécessaire. Avec un minimum de volonté, cette période aurait permis à l’État, aux entreprises privées et/ou aux collectivités locales, de construire des stades. Elle aurait permis aux clubs de remplir le minimum de critères (sportifs, administratifs et juridiques) pour entrer dans le professionnalisme. Le volet financier de nos clubs a, jusqu’à maintenant, été non seulement tabou, mais souvent entouré d’une gestion occulte. Pendant des décennies, il a échappé au contrôle fiscal de l’Etat, est-ce que cette gestion va changer avec l’instauration du professionnalisme ? Enfin, chaque club devrait apporter la preuve qu’il dispose, hors subventions et droits TV, des ressources financières nécessaires (fixées par la Ligue) pour aspirer au professionnalisme. Comme rien ou presque de tout ce qui précède n’a été effectué, l’on vit depuis deux ans, au Cameroun un professionnalisme de façade.
