François Nkémé raconte les tribulations d’une revendeuse de vivres frais dans un marché
J’achète, je revends. Mamy Jacqua est « buyam sellam ». Ce qui signifie qu’elle achète et revend des vivres. Dans cette activité, elle doit affronter la dure épreuve du réveil matinal à 4 heures, elle doit faire face à la canicule quotidienne pour revendre les légumes et autres vivres frais. Elle doit braver l’adversité parfois coriace des autres commerçantes qui n’hésitent pas à recourir à la force pour obtenir gain de cause. C’est dans cette atmosphère redoutable qu’évolue cette femme qui est visiblement plus combative que son époux, récemment compressé de la fonction publique camerounaise et qui ne sait pas trop comment s’y prendre pour s’occuper de sa famille.
Heureusement pour lui, Mamy Jacqua se débrouille comme elle peut pour entretenir la famille jusqu’au jour où, elle-même ne peut plus subvenir correctement aux besoins de la famille. Le fils aîné du couple, Petit Pi choisit le chemin de l’homosexualité pour gagner son pain quotidien. Mamy Jacqua devient adultérine et ne rêve plus que de partir à l’étranger où elle espère vivre une meilleure vie. Le mari lui, sombre dans l’alcoolisme, s’engouffre dans une vie de débauche. Les enfants malades, drépanocytaires, sont à l’article de la mort. Le couple peine à s’acquitter des frais médicaux pour les sauver. Mamy Jacqua doit alors recourir à son directeur des impôts d’amant qui lui donne de quoi payer les frais de consultation. Las de chercher désespérément du travail et de faire des petits métiers, le mari de Mamy Jacqua se résigne. Il choisit de regagner son village natal, balayant les propositions des loges noires où l’on lui propose de s’initier à des pratiques magico-sectaires pour obtenir un poste de responsabilité dans la haute administration. Le couple explose. Mamy jacqua qui a réussi à troquer la vérité sur la mort de son fils, tué par son amant, contre une petite fortune, s’expatrie et ne rêve plus que d’une chose : amasser de l’argent en Europe et retrouver son ancien époux pour fonder à nouveau un édifice conjugal comme autrefois ; lorsque son époux était un éditeur prospère. Seulement, celui-ci acceptera t-il ? Que se passe t-il lorsque la quête d’un idéal essentiellement matériel justifie et explique toutes les peines et tous les actes ? C’est le fil conducteur de ce roman de 172 pages qui se lit d’un trait. Tant l’histoire est vive et haletante.
Le livre de François Nkémé nous plonge au c ur des réalités quotidiennes des revendeuses de vivres. Celles que l’on appelle couramment les « buyam sellam », véritables mamelles nourricières de nos sociétés et qui pourtant, essuient le mépris de leurs compatriotes. Bagarres, jalousie, duperie, convoitise, commérage et autres réalités qui font le quotidien de ces femmes, dont les activités garnissent nos plats ; sur qui reposent souvent la survie de familles entières. « Buyam sellam » est aussi le quotidien des petites gens, pris entre le feu de la misère et le luxe insolent de leurs dirigeants. Le langage courant et même vulgaire qu’emploie l’auteur, pour relayer les scènes que vivent les jeunes et les adultes de la « basse société » balade l’imagination du lecteur dans la vérité de nos sociétés africaines profondes où la survie quotidienne, les frustrations permanentes rythment la vie machinale.
« Buyam Sellam » révèle aussi au grand jour, les tares de nos sociétés africaines où l’homosexualité, les sectes et toutes sortes d’aventures pernicieuses transpercent la virginité d’un pourtant réputée pour son sens de l’honneur, de l’éthique.
« Buyam Sellam » brille enfin par son caractère actuel puisqu’il met en exergue, la pratique des correspondances virtuelles entre les africaines et les européens par le canal d’Internet. Si Mamy Jacqua a trouvé en l’Internet, une porte d’entrée au royaume du succès et de la prospérité, c’est bel et bien, la réalité des camerounaises et de certaines africaines pour qui les claviers d’ordinateurs connectés à Internet sont de véritables visas du succès. « Buyam Sellam », c’est le genre de roman qui vous fait méditer le lendemain lorsque vous croisez sur votre chemin les personnes citées, en l’occurrence, les revendeuses de vivres, sur qui l’on a forcément un regard différent. A lire en tout cas !

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