Lauréate du prix international RFI du meilleur reportage radio cette année, elle a accepté de partager son émotion. Rencontre.
Qui est Rosine Nkonla Azanmene? Parlez-nous du côté de vous que vos collègues connaissent, celui que vos parents proches connaissent et celui que vos amis depuis de longue date connaissent
Je suis une jeune journaliste âgée de 28 ans. Titulaire d’un Brevet de Technicien Supérieur en Information et communication option journalisme obtenu en 2002 à l’Institut Siantou Supérieur, je débute ma carrière à Radio Equinoxe à Douala. J’y passe 3 années avant d’intégrer un projet de l’Organisation Mondiale pour la Santé à Bélabo. En 2007 et après l’expiration de mon contrat, je dépose mes valises à Yaoundé. Et aussitôt, je renoue avec ma passion, le journalisme. Je suis rapidement employée à Radio Tiemenie Siantou, la radio dans laquelle j’exerce jusqu’à ce jour. Dans toutes les structures où j’ai travaillé, mes collègues affirment en parlant de moi que je travaille avec abnégation et fierté. Ma disponibilité a souvent surpris en raison de mes responsabilités familiales cumulatives. Mon entourage me trouve maternelle, c’est ce qui me vaut certainement le pseudonyme de Mémé sur mon lieu de service. Mes proches parents et amis savent que je suis ambitieuse et ne sont en général pas surpris de certaine de mes réussites.
Comment vous décidez-vous à faire de la communication et principalement du journalisme?
Ma passion pour le journalisme a commencé très tôt. Lorsqu’à travers la télévision, je regardais et écoutais Denise Epoté, Alain Bélibi ou Sally Messio à Bédiong, j’étais fascinée. Alors la grande question qui me trottait à l’esprit chaque fois, était comment ils font pour rentrer dans le petit écran ou dans le poste récepteur pour séduire autant?. Lorsque j’arrive en classe de 4ème au lycée de Penka Michel, je décide donc d’intégrer le club journal encouragée par un aîné Rosin Dongmo et je commence à mettre ma petite plume au service du journal mural du lycée. A l’occasion de la fête de la jeunesse, des journaux parlés étaient organisés et c’est là que mon proviseur de l’époque M. Tchouamani découvre que j’ai un talent exceptionnel. Il propose à mes parents de me permettre de m’inscrire dans une école de journalisme. Après mon baccalauréat, ils vont donc m’inscrire avec mon accord, à l’institut Siantou Supérieur. 2 ans plus tard, je sors nantie d’un BTS en Information et communication, option journalisme. C’est sur le terrain en réalité que je vais mieux me bâtir et Radio Equinoxe a été la fondation de ma carrière.
Lorsque vous vous décidez à faire ce métier, est-ce que vous pensiez un jour avoir un prix international?
Lorsque je décide de faire le journalisme, évidemment mon objectif n’est pas spécifiquement de remporter un prix international. Mon ambition est plutôt d’être bonne journaliste, professionnelle, en me disant bien que le reste suivra. Outre cela, je m’évertue chaque jour à intégrer la maxime de Martin Luther King selon laquelle Celui qui est appelé à être balayeur des rues, doit balayer comme Michel-Ange peignait ou comme Beethoven composait ou comme Shakespeare écrivait. Il doit balayer les rues si parfaitement que les hôtes des cieux et de la terre s’arrêteront pour dire: Ici vécut un grand balayeur de rues qui fit bien son travail.
Comment se passe vos journées dans un quotidien normal?
Je me réveille en général à 5h30. Après ma méditation, je prépare mes gosses pour l’école. Pendant ce temps, j’écoute la radio: RFI – CRTV – RTS et quelques fois BBC Afrique. Je regarde aussi parfois la revue de la presse de Canal 2 Internationale ou celle d’Equinoxe télévision. Dès 7h15, je me prépare pour le travail pour être en conférence de rédaction à 8h 30. Après la conférence et en fonction de ma programmation, je descends sur le terrain ou je présente le journal. Après le travail, je retrouve ma petite famille. Quand je n’ai pas un travail intellectuel précis, j’aide les enfants à faire leurs devoirs, parfois je cuisine (en cas d’indisponibilité de la dame de ménage), puis je regarde la télévision.
Qu’est-ce qui est le plus important pour vous dans le cadre professionnel?
Le plus important pour moi dans la profession, c’est de donner la bonne information au public. Vous savez, nous journalistes, avons un pouvoir qu’on ne réalise pas ou qu’on utilise mal. La bonne information (lorsqu’on y a accès) et lorsqu’elle est bien gérée, peut changer les habitudes, peut permettre une réorientation des politiques et peut préserver l’intégrité d’un pays.
Féministe ou tout simplement femme?
Je suis membre de l’Association JAFEC, Journaliste d’Action Femmes de C ur et cette association ne défend pas les causes féministes. Nous sommes des femmes et nous souhaitons de meilleures conditions pour les femmes journalistes sans pour autant être féministes. Je suis une femme accomplie, je suis mariée, mère de 3enfants et je pense être utile aujourd’hui pour la société camerounaise, même si j’aspire au meilleur. Je ne défens pas les causes qui n’en valent pas la peine (selon moi).
Doit-on dire que vous êtes une journaliste engagée ou une journaliste qui veut être utile pour sa société?
Mon rêve c’est de voir les camerounais moins ignorants, plus civilisés et moins attirés par les cancers sociaux tels que la corruption, la tricherie, l’amour de la facilité et la dépravation des m urs. J’aimerai tant voir reculer la mal-gouvernance, la violation des droits de l’homme et des libertés, le mépris de la profession. C’est pour toutes ces raisons que chaque fois que j’écris, j’ai espoir qu’à travers ma modeste contribution, demain sera meilleur. Le reportage qui m’a fait gagner le prix RFI, du prix francophone de la liberté de la presse a renforcé mes élans et m’a confortée dans l’idée que lorsque nous journalistes écrivons, des oreilles nous entendent. Pour être plus précise, le hangar que je décris dans mon reportage sur l’alimentation des détenus à la prison centrale de Yaoundé Kodengui a été détruit après la diffusion de mon reportage et j’ai le plaisir de vous dire qu’à la place, une cuisine en dure est entrain d’être construite. N’est-ce pas là une victoire pour le journalisme?

Parlez-nous de vous petite déjà, jeune ensuite et adolescente après
Aussi surprenant que cela puisse paraître, je suis réservée par nature. J’ai beaucoup de camarades mais pas beaucoup d’amis. Sans doute à cause de mes nombreuses déceptions. Je m’attache difficilement aux gens de prime abord et mon excès de méfiance et la peur des déceptions finissent parfois par me causer des torts. Mon meilleur ami c’est mon mari. Mais au-delà de tout, j’essaye d’être sympa envers mon entourage et beaucoup me trouvent maternelle.
Vous sentez-vous aujourd’hui investie d’une mission?
Oui, je me sens aujourd’hui investie d’une lourde mission, celle de continuer à regarder autour moi pour attirer l’attention sur les injustices et autres disparités sociales. Aujourd’hui les défis sont plus grands étant donné que tous les projecteurs sont désormais braqués sur moi.
Comment vous voyez-vous dans 10 ans?
Dans 10 ans? Mon souhait c’est de m’investir dans le journalisme d’investigation mais aussi de connaître d’autres expériences ailleurs. Aujourd’hui je suis à Radio Tiemenie Siantou, comme j’ai été à Radio Equinoxe, mais j’aspire à une carrière à l’internationale.
Quel est votre plus grand regret
Mon plus grand regret c’est que notre profession est truffée de charlatans et cela ne semble ébranler personne. La précarité a atteint les plus hauts sommets et ils sont très peu les journalistes qui vivent de la profession, sans emprunter les voies de la compromission. Les patrons des entreprises de presse sont assez égoïstes.
Quelle est la plus grosse anecdote de votre vie?
La plus grosse anecdote de ma vie, c’est que j’ai épousé un jumeau. Son frère et lui se ressemblent comme une goute d’eau. La première fois que nous nous sommes rencontrés tous les 3, je ne savais plus qui était l’élu de mon c ur. Ils ont les mêmes tics, la même démarche, la même voix, les mêmes réactions, très humbles et affables, altruistes aussi. J’étais complètement perdue la première fois, au point de paniquer. Ils avaient réussi leur coup!
Quelle est votre plus grosse bêtise
Ma plus grosse bêtise? J’en ai commis beaucoup! Je ne me souviens pas de la plus grosse, mais je sais que depuis que j’ai connu le Seigneur, mes pêchés ont été pardonnés. Aujourd’hui je sais que les choses anciennes sont passées et que nous sommes dans la nouvelle ère. C’est Dieu qui me donne tout et je lui rends grâce pour cela. C’est à lui que je dois mon ascension, c’est à lui que je dois l’air que je respire. Ce prix que je viens de recevoir, c’est l’Eternel qui l’a permis. Il est mon alpha et mon oméga et a encore pour moi des projets de paix et de bonheur. Je lui dois tout! Absolument tout!
