Par Adrien Macaire Lemdja
Les mois, les semaines, les jours s’égrènent rapidement, sauf changements ou catastrophes majeurs, les Camerounaises et les Camerounais seront appelés à voter probablement en Octobre 2011, pour élire leur prochain Président de la République et ce pour un mandat de 7 ans. Après une présence sans discontinuer de près de 29 ans au pouvoir, l’actuel locataire du palais d’Etoudi, le Président de la République, Paul Biya, semble vouloir rempiler à son poste, pour, disent ses hagiographes et les thuriféraires de son régime, parachever l’ uvre inachevée qu’il aurait lancée depuis son accession à la magistrature suprême en 1982. Ils citent, entre autre, la démocratie, la stabilité, la paix, etc. .
Face à lui, se bousculent, au portillon du palais d’Etoudi, une multitude de candidat(e)s plus ou moins sérieux (se). Tous ont l’ambition affichée mais pas toujours démontrée, de réaliser ce que le « futur ex-locataire » de ce palais, comme ils l’espèrent, n’a pu, su ou voulu faire pendant les 30 ans de pouvoir. Les enjeux de cette bataille électorale à venir dépassent le simple cadre des honneurs et les lambris dorés de ce somptueux palais. En effet, de nombreux citoyens Camerounais sont nés et n’ont connu, jusqu’à présent, que l’ère du renouveau. D’autres, de la génération antérieure, qui espéraient un « changement dans la continuité » semblent aujourd’hui dubitatifs voir déçus par le bilan de ce long règne.
Que vont-ils faire? Se résigner ou aller à l’abordage en indiquant la voie à suivre, en rappelant leurs attentes aux différent(e)s candidat(e)s? Les différentes crises qui secouent l’Afrique en ce moment: la Tunisie, l’Egypte, la Libye et plus proche de nous la Côte d’Ivoire, ont mis en évidence, un potentiel politique latent et jamais égalé chez nos compatriotes, depuis les années de braise. Qui l’eut cru, au moment même où ELECAM, les partis politiques, leurs leaders et ceux des organisations de la société civile peinent à les convaincre à s’inscrire sur les listes électorales puis à voter (1). Cette «mine d’or» découverte en plein débat sur la crise ivoirienne, permet, de manière non exhaustive, de tirer quelques enseignements pour notre pays, parmi lesquels:
-Le peuple camerounais n’est ni atone ni amorphe. Beaucoup aurait tort de le penser. Celui-ci vient de démontrer, en dépit des déceptions et blessures occasionnées par certains de ces dirigeants et élites, qu’il était plus politisé qu’on pourrait l’imaginer ;
-Le potentiel ou gisement politique ainsi prouvé et dont est crédité notre peuple, faute « d’explorateurs et exploitants » crédibles pour l’instant, attend celle ou celui qui l’empêchera de demeurer au même stade que les ressources minières que recèlent notre sous-sol c’est-à-dire inexploitées.
-Nos compatriotes sont traversés par un sentiment ambivalent lorsqu’il s’agit de changement. Ils semblent être moins jusqu’aux boutistes que certains (une ultra minorité faut-il le dire) dirigeants de l’opposition qui, sans toutefois le crier fort, souhaitent utiliser tous les moyens possibles, pour accéder au pouvoir. Sont-ils plus intelligents, raisonnables et matures que cette ultra minorité? En tout cas, ils souhaitent le changement mais pas à n’importe quel prix. Tout en critiquant le silence sélectif et complice de certains membres de la communauté internationale sur certains évènements, ils répugnent tout autant leur ingérence dans le choix et les processus d’accès au pouvoir chez eux.
L’attitude du gouvernement Camerounais dans la crise ivoirienne témoigne non seulement de ce repli mais aussi de la future ligne de conduite que les autorités afficheront certainement dans les prochains mois. Elle se résume ainsi: Non ingérence dans les affaires internes d’un Etat souverain. La crise post électorale ivoirienne en était une. Oui au recours de la communauté internationale lorsqu’elle agit pour résoudre les conflits entre les Etats comme celui de Bakassi. (2)
Afin de donner aux différents candidats à la magistrature suprême, des idées qui pourraient les aider à «exploiter» le gigantesque potentiel politique camerounais ainsi révélé, nous convions chaque compatriote à un exercice certes virtuel mais instructif: celui d’imaginer, l’instant d’une seconde, l’ensemble des mesures qu’il prendrait dans les 100 premiers jours, s’il était lui-même candidat puis élu à la tête de notre Etat. L’autre objectif poursuivi, à travers ce débat participatif et interactif avec les candidats à cette élection, est celui de ne point laisser retomber la flamme allumée par nos compatriotes ces derniers mois. Les sujets qui préoccupent nos compatriotes sont nombreux et variés. Ils vont de leur pouvoir d’achat à leur sécurité en passant par l’emploi notamment des jeunes, le logement, les institutions, l’énergie, l’accès à l’eau potable, la santé, l’éducation, la justice, la bonne gouvernance et d’autres encore que le débat que nous vous proposons, nourrira nous l’espérons.
Des institutions partiales, peu représentatives de certaines composantes de notre nation.
Le Cameroun à l’instar d’autres pays africains, a modifié sa constitution pour abroger la limitation du mandat présidentiel. Doit-on revenir en arrière? Il existe par ailleurs une loi limitant le cumul des mandats électifs, un retour à la limitation du mandat présidentiel, ne permettrait-il pas une oxygénation de notre vie politique? Pourquoi ne suivrait-on pas l’exemple Malien? La plupart des pays en Afrique, plus particulièrement en Afrique de l’Ouest, ont opté pour un scrutin présidentiel à deux tours, est-il normal que notre pays demeure dans le peloton de queue en la matière. La constitution de 1996 a prévu la mise en place de nombreuses institutions parmi lesquelles le Conseil constitutionnel et le Sénat notamment. La dernière session extraordinaire de l’Assemblée Nationale vient d’adopter une loi modifiant l’organisation d’ELECAM dont la composition, déjà à l’avantage du RDPC, passerait de 12 à 18 membres puis de confier désormais la proclamation des résultats des élections au Conseil constitutionnel inexistant jusqu’à présent dans les faits. La cour suprême qui agit, depuis lors, en lieu et place de ce Conseil constitutionnel, est régie par la précédente constitution.
Notre pays réussit, par des renvois ou arguties, le « tour de force » juridique, d’appliquer en même temps deux constitutions différentes. Ne dit-on pas souvent que le Cameroun c’est le Cameroun. Les Camerounais ne se bousculent pas dans les bureaux d’inscription en raison des soupçons avérés ou non de fraude ou d’opacité du système électoral. L’expérimentation récente d’un système de détection et/ou d’identification du nom et bureau de vote des potentiels électeurs sur la liste électorale, initiative de l’organisation non gouvernementale (ONG) Martin Luther King Jr Memorial Foundation (Lukmef) basée à Limbé, devrait pourtant les inciter non seulement à s’inscrire sur les listes électorales, mais aussi et surtout à protéger leur vote. Pendant que nos concitoyens du triangle national sont appelés à s’inscrire, ceux de la diaspora, qui ont conservé leur nationalité, en sont exclus alors que nos Ambassades et Consulats à l’étranger demeurent, par la continuité, des territoires camerounais.
Quid aussi pour ceux qui ont opté pour une autre nationalité mais souhaitent, par le biais de la reconnaissance de la double nationalité promis par le Chef de l’Etat, lors de sa visite officielle en France en 2009, participer à la vie politique, économique, sociale et culturelle de leur pays d’origine, sans être obligé d’emprunter des voies peu orthodoxes ni recourir à la démocratie de la « rue ». De nombreuses sessions parlementaires, ordinaires et extraordinaires, se sont pourtant succédées, depuis cette promesse, sans pour autant que le gouvernement ne mette ce sujet à l’ordre du jour des débats de l’auguste chambre. Notre pays peut-il continuer à ignorer une partie de ses citoyens tout comme se passer de leur apport alors que le Mali, le Sénégal, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc en profitent largement? Le Sénat et les chambres consulaires seraient d’ailleurs indiqués pour une telle représentation.
Après la décentralisation amorcée par le gouvernement, ne doit-on pas accélérer le pas en direction d’une régionalisation qui autoriserait l’élection des gouverneurs de région tout en nous permettant de sortir d’un jacobinisme source de nombreux goulots d’étranglement dans la gestion publique de notre Etat? Elle permettrait également de répondre aux attentes de certains de nos compatriotes de la partie anglophone. Les querelles auxquelles nous assistons sur un organe électoral neutre et indépendant, véritable anachronisme dans un Etat démocratique, résident dans le peu de confiance qu’inspirent nos institutions, notre administration qui doit cesser d’être partiale, certains hommes et femmes qui servent davantage le parti au pouvoir que la République. Cet Etat de droit que nous appelons de nos v ux doit principalement trouver sa traduction dans notre justice qui devra, plus que jamais, devenir impartiale, respectueuse des procédures et des droits de la défense, indépendante du pouvoir politique.
Lorsque la politique rentre dans les prétoires, la justice en sort toujours. Elle devra également se rapprocher du citoyen et à cet effet, des efforts financiers devront être consentis dans ce secteur dont le budget en 2011, a drastiquement baissé. Manque de moyens, lenteur, laxisme, partialité, corruption… Comme ailleurs en Afrique, rares sont ceux qui font totalement confiance à l’institution judiciaire. Montrés du doigt, magistrats et avocats se plaignent également. Les critiques sont nombreuses notamment de la part de Camerounais démunis et sans carnet d’adresses, qui, pris dans les rouages d’un système privilégiant des instructions à charge, faute sans doute de moyens, vont grossir la population carcérale de notre pays. Quelques chiffres qui traduisent l’état de notre système judiciaire et qui, malgré le plan de modernisation en cours, devront guider notre réflexion et notre action durant les prochaines années si l’on veut instaurer un véritable Etat de droit, condition indispensable pour attirer les investissements directs étrangers. On dénombre aujourd’hui près de 25000 détenus pour les 15000 places que comptent nos 72 prisons, la plupart vétustes.
Le pays compte 1500 Avocats payés à 5000 Fcfa par audience lorsqu’ils sont commis d’office. 924 magistrats exercent dans notre pays. Le salaire d’un magistrat en début de carrière (premier grade) est de 236.000 Fcfa. Les conditions de travail (locaux, matériels, personnel) sont difficiles. Parallèlement la justice populaire fait son lit au grand dam des pouvoirs publics qui tentent malgré tout d’enrayer le phénomène sans s’en donner les moyens. Viatique trouvé par une population exaspérée par une criminalité qui n’a de cesse de progresser dans les campagnes et surtout dans les grandes villes.
A suivre: Pour une meilleure sécurité des personnes, des biens et moins d’insécurité routière
