Détestée par la France, crainte par les cadres du Fpi, adulée par la jeunesse, elle est au c ur de la stratégie anti-Ouattara
Née en 1949 à Moossou dans le grand Bassam, son ascension est liée à celle de son mari. Mais riposte t-elle: «Ma position actuelle, je la dois à ma trajectoire, pas au poste de mon mari (.) J’ai la trempe d’un ministre», confiait-elle dans un entretien. Le 31 mars 1971, Laurent Gbagbo est interpellé pour subversion. Enfermé à Bouaké, il obtient une permission du capitaine Robert Gueï. C’est à cette occasion qu’il rencontre Simone, alors étudiante en lettres modernes. Il sympathise avec cette fille de gendarme, militante de la jeunesse estudiantine catholique, séduite par le marxisme. Elle deviendra enseignante, puis chercheuse en linguistique. A cette époque, Laurent, alias «petit frère», dirige la cellule «Lumumba» que fréquente Simone, alias «Adèle». La relation avec Laurent s’accélère à sa sortie de prison en 1973. «Adèle» prend une place importante dans le groupe politique clandestin mis sur pied par Laurent appelé le groupe des cinq. Il est composé de Laurent Gbagbo, Kokora Pierre, Abouramane Sangaré, Boga Doudou et Simone Ehivet. C’est elle qui fera la mue de ce mouvement marxiste en parti politique légal en novembre 1988 avec la création du Front populaire ivoirien (Fpi). Un an plus tard, en janvier 1989, ils scellent définitivement leur union à Abidjan. A la suite des manifestations populaires du 18 février 1990, Simone et son mari sont arrêtés. Ils séjourneront ensemble à la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca).
Depuis lors, elle sera de tous les combats. Du boycott des élections en 1995 à l’accession à la présidence en 2000. Elle est aujourd’hui la deuxième personnalité du Fpi. Les Français l’accusent d’avoir fait assassiner le journaliste franco- canadien Guy André Kieffer. Elle figure sur la liste des personnalités sanctionnées par l’Union Européenne. Mais elle est là et tient bon. Sa trajectoire et son engagement auprès de son mari justifient les craintes de certains cadres du Fpi qui affirment qu’elle rêve d’un destin à la Cristina Kirchner en Argentine. Simone Gbagbo n’est pas le genre de Première dame à faire de la figuration à côté de son époux. «Au côté des hommes, j`ai mené des combats très durs contre le régime en place. J`ai fait six mois de prison. J`ai été battue, molestée, presque laissée pour morte», racontait-elle dans une interview. «Après toutes ces épreuves, il est normal qu`on ne badine pas avec moi.» Fille de gendarme, ancienne championne scolaire de saut en hauteur, Simone Ehivet a su préparer son corps à toutes les pressions, toutes les épreuves. Et ce ne sont pas les exactions subies pendant les années d’exil de Laurent Gbagbo- période pendant laquelle elle sera emmenée à s’occuper de la famille et du parti, encore moins les bastonnades, les intimidations et la prison qui la feront reculer.
Certes, la tradition veut que sous les tropiques, certaines premières dames créent des associations caritatives. Simone n’y sacrifiera pas. Présidente du groupe parlementaire FPI et troisième vice-présidente dudit parti, Simone Gbagbo est une militante active de la lutte contre le SIDA, action qu’elle mène en bonne intelligence avec le ministère délégué chargé de la lutte contre ce fléau. Une telle philosophie ne peut que défier la misogynie qui n’accepte pas qu’une femme soit brillante, capable d’entreprendre, d’élever le débat et de défendre ses opinions. Pourtant, le monde évolue et les femmes avec. Simone n’entend personne lui ravir le fruit de son engagement.
