¨Par Thierry Amougou
Ce nouvel avatar de la Françafrique va donc surtout parler affaires économiques car la France cherche comment à reconstituer sa rente économique historique d’ancienne métropole d’un ensemble de pays africains aujourd’hui en pleine croissance économique mais de plus en plus tournés vers l’Est où se lève le soleil.
La Françafrique, terme prononcé pour la première fois en 1955 par le feu Président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, est non seulement de l’ordre des serpents de mer parce que mal identifiée, mystérieuse, immortelle, plastique et interminable, mais aussi doté d’une polymorphie cyclique qui ajoute de la difficulté, tant à la croisade contre elle, qu’à son entendement comme alliance susceptible d’être positive pour l’Afrique et la France grâce à des réformes politiques démocratiques.
Au moment où ce serpent de mer s’apprête à nous livrer son dernier avatar sous forme du sommet élyséen sur la paix et la sécurité africaine des 6 et 7 décembre 2013, cette analyse tente deux choses :
a) Une mise en exergue à la fois de la nature protéiforme de la « Françafrique » suivant les conjonctures et des jeux inter-temporels d’entrepreneurs politiques africains et français dès la négociation des indépendances aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale.
b) Une réflexion sur les voies et moyens à mobiliser pour passer de la recherche vaine de la tête du serpent de mer afin de l’écrabouiller, à des politiques qui inverseraient la « Françafrique » pour en faire un instrument d’émancipation réciproque des peuples africains et français.
I-La polymorphie de la « Françafrique » suivant les conjonctures et les jeux d’entrepreneurs politiques français et africains
Sans remonter à l’origine lointaine des rapports entre la France et l’Afrique où il est possible de mettre en lumière l’esclavage et la servitude multidimensionnelle depuis au moins le XVème siècle, contentons-nous d’un minimalisme historique et signalons, d’entrée, les éléments de conjoncture qui entraînent le discrédit du fait colonial et déterminent les stratégies des entrepreneurs politiques français et africains. Il était en effet devenu insoutenable que des Africains venus combattre du côté français pour que ce pays se libère de l’occupation nazie, continuent de croupir sous le joug colonial après la Seconde Guerre Mondiale. Les Africains qui avaient souffert dans les combats avec les soldats blancs et qui en avaient vus mourir jouent, à leur retour en Afrique, un rôle central dans la démystification et la démythification de l’homme blanc que plusieurs indigènes avaient hissé au rang de dieu sur terre.
A cela s’ajoute la montée des luttes de libération par exemple celle de l’UPC au Cameroun avec le soutien des pays socialistes qui exaltent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. L’air du temps a changé. L’indocilité qui avait toujours été présente mais latente dans le corps social indigène, a rompu la digue de la peur via une contestation organisée qui utilise désormais, tant les raisons avancées par la France pour condamner l’occupation nazie, que les canaux internationaux comme le fera Um Nyobè lors de son discours au Nations-Unies.
En outre, les Américains flairent le changement de l’ordre politique mondial et lancent en 1944 via, Harry Truman, ce qu’on appelle aujourd’hui le développement par remplacement du terme « colonie » par celui de « under developped areas » : le monde des colonies est déclassé par celui du développement et de l’aide à celui-ci.
I.1- Le rêve de « la Grande France » dès 1944 : du Général Charles de Gaulle à Félix Houphouët-Boigny
La stratégie de la France et notamment du Général de Gaulle va consister à mettre en place des réformes dilatoires dans le but de sauver l’Empire colonial français en gardant l’Afrique dans le giron français. Le premier jalon de cette stratégie conservatrice est la conférence de Brazzaville de 1944. De Gaulle ne parle pas d’indépendance mais met en place un nouveau système qui abolit le code de l’indigénat qui, jusque là, faisait des indigènes des citoyens de seconde zone. Cette conférence de Brazzaville va même en partie inspirer la Constitution de la IVème République française adoptée en 1946. Elle transforme l’Empire colonial français en « Union française ». Cette reforme ne va pas pour autant calmer la violence et les revendications d’indépendance désormais endémiques dans les colonies françaises. D’où un deuxième jalon de la stratégie française via la mise en place en 1955 de la Loi Cadre ou la Loi Gaston-Defferre.
Désormais, il est mis en place le self-government suivant lequel les affaires locales seront gérées par les indigènes alors que les liens entre les colonies et le reste du monde sont assurés par un haut fonctionnaire français. Cet état du monde colonial va évoluer en 1958, en pleine guerre d’Algérie, vers l’idée de « la Grande France » matérialisée par l’institution de « la Communauté franco-africaine » par la Constitution de la Vème République française. C’est pendant cette période que ce marketing politique mit en place par l’entrepreneur politique français va entraîner des fissures au sein de l’union sacrée de l’opposition panafricaine à l’occupation coloniale. Certains leaders africains comme Um Nyobè ou Sékou Touré vont choisir une « démocratie de combat » via des combats citoyens, civiques et militants sans collaborer ni négocier avec la France, tandis que d’autres comme Félix Houphouët-Boigny ou Senghor, vont choisir une opposition au fait colonial mais collaborationniste avec la puissance coloniale. Voici deux exemples qui illustrent cette dichotomie dans le combat de libération de l’Afrique.
Sékou Touré déclare en 1958 : « Le projet de constitution ne doit pas s’enfermer dans la logique du régime colonial qui a fait juridiquement de nous des citoyens français, et de nos territoires une partie intégrante de la République française Une et Indivisible. Nous sommes Africains et nos territoires ne sauraient être une partie de la France. Nous seront citoyens de nos Etats africains, membres de la communauté franco-africaine ». La Guinée de Sékou Touré accède automatiquement à l’indépendance le 2 à octobre 1958 tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne dit oui à « la Communauté française » et posent ainsi les bases de la Françafrique. Contrairement au positionnement de Sékou Touré, Félix Houphouët-Boigny, leader du camp des opposants au fait colonial mais collaborationnistes déclare « souhaiter l’indépendance dans l’interdépendance » avec la France étant donné qu’il est nécessaire d’accéder à l’indépendance sans détériorer les rapports avec la France.
En conséquence, la France va soutenir les leaders modérés qui acceptent de négocier avec elle afin qu’elle parte d’Afrique en y restant via ceux-ci comme relayeurs, et éliminer politiquement et/ou physiquement tous les leaders radicaux adeptes de « la démocratie de combat » et d’une indépendance africaine immédiate et sans conditions. L’opportunisme politique, l’habileté politique et/ou la traîtrise politique de plusieurs leaders africains ont mis en porte-à-faux les leaders adeptes d’une indépendance radicale : la première strate et la première tête de la Françafrique comme serpent de mer était ainsi posée car ce sont les leaders africains opposés au fait colonial mais collaborateurs avec les forces de l’occupation qui ont eu le pouvoir au détriment des défenseurs d’une indépendance africaine sans collaboration avec la puissance coloniale. C’est à ce stade que l’Afrique perd la voie de « la démocratie de combat » et s’installe dans la peur du « syndrome du Christ » comme élément modulateur de la gouvernance de ceux qui sont au pouvoir. Chaque nouveau Président africain a peur d’être un libérateur de l’Afrique et de finir deux mètres sous terre comme ses devanciers dans cette posture-là. Conséquence, c’est la collaboration et ses implications qui constituent la rationalité politique gagnante et implantent le système colonial au sein de nouveaux Etats dits indépendants
I.2-Des indépendances à François Mitterrand : la mafia identifiée par François-Xavier Verschave
Passons outre l’épisode Pompidou parce que pas vraiment significatif par rapport au système Foccart mis en place par de Gaulle, c’est un épiphénomène. N’insistons pas non plus outre mesures sur l’arrivée de Valérie Giscard d’Estain qui lui succède. Rappelons tout au moins que « la Françafrique Giscardienne » est ubuesque parce qu’elle consacre un roi nègre Bokassa Ier en montrant ainsi le peu d’estime et même le mépris légendaire que la France porte aux régimes africains et à leurs dirigeants car c’est la France qui aura financé et organisé de bout en bout ce sacre de la honte et de la bêtise humaine en endettant ainsi la Centrafrique envers elle. Sans mettre fin au système Foccart, «la Françafrique Giscardienne» c’est surtout l’Afrique comme garde-chasse du roi français Giscard car celui-ci y va en vacance plusieurs fois chez le soudard Bokassa, et y chasse l’éléphant en belles compagnies. C’est aussi l’entrepreneur politique Bokassa qui offre des diamants à son illustre ami, diamants qui vont ensuite entraîner la défaite de Giscard face à François Mitterrand. Les externalités de cette collaboration franco-africaine ne sont pas uniquement négatives pour le développement de l’Afrique mais aussi pour certains pouvoirs français qui ont mordu la poussière par le reflux métropolitain de leurs combines en Afrique. C’est une stratégie politique qui entraîne très souvent une privatisation des externalités positives (avantages) pour les entrepreneurs politiques africains et français et une collectivisation des externalités négatives (désavantages) au sein des sociétés africaines et françaises.
Passons à « la Françafrique Mitterrandienne » où on retrouve la continuité du système Foccart car François Mitterrand, Président socialiste, n’est pas un néophyte de ce système. François Mitterrand, ministre de la France d’outre-mer de l’époque combat déjà le RDA (Rassemblement Démocratique Africain) et convainc Félix Houphouët-Boigny de se désolidariser du parti communiste français, seul soutien hexagonal du RDA. Autant comme entrepreneur politique François Mitterrand joue sa carte politique pour pacifier les colonies par élimination des mouvements contestataires de la France, autant Félix Houphouët-Boigny joue la sienne en acceptant de rompre les liens entre le RDA et le parti communiste français. Félix Houphouët-Boigny déclare le 6 octobre 1951 aux militants du RDA : « J’ai promis au ministre des territoires d’outre-mer en tant que Président du RDA de faire tout ce qui est humainement possible pour obtenir le calme et la concorde fraternelle. L’engagement que j’ai pris vous engage ». François- Mitterrand justifiera en 1957 cette stratégie en disant :
«En procédant ainsi, on parviendrait sans doute à l’isoler pour le réduire, le noyau dur, idéologiquement irrécupérable, dont la présence rendrait vaine toute tentative de conciliation. On épargnerait en revanche les authentiques messagers de la libération africaine que l’assentiment et la fidélité de leurs peuples autant que l’amitié de la France mèneraient aux plus hauts destins».
Nul besoin de commenter ces deux citations qui se suffisent à elles-mêmes et démontrent, tant l’abandon de « la démocratie de combat » par Félix Houphouët-Boigny et la lutte contre le communisme, que la condamnation des Africains opposants radicaux à la France puis la promesse de succès faite aux fidèles et authentiques amis de la France. Une fois Président de la République française, « la Françafrique Mitterrandienne » a été le zénith du réseau historique mafieux conceptualisé et popularisé par le sociologue néerlandais par François-Xavier Verschave lorsqu’il signala le passage des rapports étroits et interdépendants dont parlait Félix Houphouët-Boigny en 1955, à « la mafiafrique » dont quelques affaires sont la guerre Tchad/Libye, l’assassinat de Thomas Sankara, le génocide rwandais, les malversations financières d’Elf au Gabon et au Congo Brazzaville, les soutiens aux dictatures africaines, la révocation diligenter par Omar Bongo d’un ministre français de la coopération qui voulait mettre fin au système clientéliste Afrique-France, les coups d’Etat d’Elf au Congo Brazzaville, le financement des partis politiques français par des présidents africains, les influences malsaines de la franc-maçonnerie et de la rose-croix françaises sur les pouvoirs africains qui y cotisent et vident les caisses de leurs Etats etc.
La deuxième strate de la Françafrique, autrement dit, la deuxième tête du serpent de mer, est non seulement la continuité de la première tête (système Foccart), mais aussi l’empilement et l’entrecroisement entre «la Françafrique Giscardienne» et «la Françafrique Mitterrandienne».
I.3- Du discours de Dakar de Sarkozy à François Hollande : l’impossible rupture
Quelques éléments de contexte sont à signaler pour cette nouvelle tête et nouvelle strate du serpent de mer. Une génération plus jeune d’entrepreneurs politiques arrive à la tête de l’Etat français et met en place un dispositif de rupture avec le système Foccart, notamment via des discours novateurs visant à poser les bases d’un nouveau départ des relations entre la France et l’Afrique. Nicolas Sarkozy va placer la focale sur le respect et les intérêts réciproques entre la France et l’Afrique, quand François Hollande ajuste son curseur politique sur l’écoute du continent noir et le refus d’être un donneur de leçons. La rupture affichée par Hollande et Sarkozy va être une pure illusion à cause d’un ensemble de paramètres politiques et conjoncturels interdépendants.
Les maladresses de Sarkozy dans son discours de Dakar ont convoqué et remis au devant de la scène ce que la Malienne Aminata Traoré appelle « le viol de l’imaginaire africain » par description de l’Afrique avec des analyses éculées et inspirées de la négation hégélienne de son histoire et de sa contribution à la civilisation universelle. Par la suite, «la Françafrique Sarkozyste» va tomber dans les mêmes travers que ses devancières en révoquant sur ordre d’Omar Bongo, le ministre de la coopération Jean-Marie Bockel, individu qui s’était juré d’écraser la tête du serpent de mer. La circulation des valises d’argent africain à l’Elysée va continuer et sera signalée par Robert Borgi. La proposition faite à Ben Ali par la ministre française de la défense, Michelle Alliot-Marie d’envoyer les services de sécurité français réprimer la révolution tunisienne a, s’il en était encore besoin, confirmé le soutien chronique de la France aux dictatures africaines. « La Françafrique Sarkozyste » va finalement rejoindre le système Foccart et enterrer la rupture prônée lors l’intervention de la France dans le conflit postélectoral ivoirien, la guerre libyenne puis l’assassinant de Mouammar Kadhafi.
Si la rupture prônée par Sarkozy et Hollande a du plomb dans l’aile parce que ces deux Présidents ont en face d’eux une élite politique africaine qui soit n’a pas trop changé, soit s’est reproduite de façon héréditaire en gardant les mêmes réflexes-Foccart, le tombeau ivoirien et libyen de la rupture sarkozyste est le lien historique qui plante le décor de « la Françafrique Hollandiste » en ouvrant le théâtre malien via les effets externes négatifs de « la Françafrique Sarkozyste » en Lybie. La mondialisation d’Al-Qaïda comme réseau terroriste performant dont certaines filiales africaines occupèrent le Mali en réactivant un problème touareg séculaire, la déréliction de l’Etat malien et le besoin de sécurisation des affaires françaises au Niger voisin, ont poussé Hollande à engager l’armée française au Mali et le Président malien par intérim à demander officiellement l’aide militaire de la France. La rupture, version hollandiste a donc commencé par une non rupture, c’est-à-dire la guerre au Mali. Guerre qui est la continuité événementielle et structurelle de celle de Sarkozy en Lybie. Par ailleurs, cette question sécuritaire renforce encore les réseaux mafieux « françafricains » car ce sont les chefs d’Etats africains qui négocient la libération des otages français et paient les rançons avec de l’argent public et, parfois, libèrent des terroristes qui, après, s’attaquent aux pauvres populations africaines dont la vie ne compte guère.
Dès lors, le prochain sommet élyséen sur la paix et la sécurité en Afrique des 6 et 7 décembre prochains, est le dernier avatar d’un serpent de mer toujours en très bonne santé malgré le temps qui passe, le temps a sur lui un effet revigorant. Cette nouvelle strate de la Françafrique va surtout parler affaires économiques car la France fait face à une grosse crise de la dette souveraine et cherche comment, face à l’offensive chinoise et indienne en Afrique, retrouver des parts de marchés en Afrique et reconstituer ainsi sa rente économique historique d’ancienne métropole d’un ensemble de pays aujourd’hui en pleine croissance économique mais de plus en plus tournés vers l’Est où se lève le soleil.
Au moment où l’UE passe des traitements préférentiels aux Accords de Partenariats Economiques (APE) avec les pays ACP (Afrique-Caraïbe-Pacifique) suivant les règles de l’OMC, au moment où la Chine prend ses quartiers en Afrique à coups de prêts concessionnaires, de dons et d’investissements divers au non d’une amitié tiers-mondiste, la tuyauterie et les canaux de transmission de «la Françafrique» ont besoin de travaux de lifting politique et économique afin d’huiler leurs canalisations licites et illicites : c’est le grand chantier qu’ouvre « la Françafrique Hollandiste » car le Président français, à la tête d’un pays en crise de la dette souveraine, compte sûrement demander une contribution financière subsaharienne en soutien aux opérations de sécurité de l’armée française en Afrique.
II-A défaut de pouvoir tuer le serpent de mer la politique peut-elle le transformer en un bien commun ?
Le serpent de mer dont nous parlons n’a pas seulement plusieurs strates à la polymorphie conjoncturelle et plusieurs têtes. Il crache aussi un venin hautement destructeur et aliénant, tant pour le peuple français que pour les peuples africains. Cette deuxième et dernière partie de notre regard a pour but de réfléchir sur une inversion possible de la Françafrique afin que son venin ne soit plus mortel mais se transforme grâce à la politique en une source de vie et émancipatrice de nature réciproque. Cela nous semble plus important que chercher à tordre la tête à un serpent de mer d’une multitude de têtes autorégénératives.
II.1-Notre « Françafrique quotidienne » et au quotidien
Il nous semble important, alors que cela n’est pas très souvent le cas, de signaler qu’il existe déjà une Françafrique non mafieuse, en partage historique et en héritage dans notre quotidien d’Africains et d’Africaines. La preuve, ce texte est écrit en langue française, une dimension de l’héritage historique des rapports Afrique-France. Il est de même des emprunts juridiques qui ne sont pas un signe de sous-développement mais une réalité universelle entre plusieurs civilisations. Il y a aussi des organisations administratives, des formes vestimentaires, des formes de discours, de travail, des habitudes architecturales, sportives, familiales, industrielles, agricoles, sanitaires, universitaires, scolaires, spirituelles, alimentaires urbanistiques, amoureuses, mortuaires, économiques et/ou politiques que nous devons à la France pas par «la mafiafrique» mais par des interactions issues d’une histoire africaine que nous ne pouvons changer. Il me semble maladroit d’intégrer tout cet héritage quotidien de nos vies dans le combat contre la Françafrique car cela fait déjà aussi partie de l’identité moderne de l’Afrique. Ce sont des acquis parfois à réformer, à améliorer, mais pas à combattre sans discernements pour une authenticité africaine vaine et périmée par le déroulement impitoyable de l’histoire. Un bon texte en français de Mongo-Beti ou de Sankara doit beaucoup à cette Françafrique-là, différente de sa dimension mafieuse. Le français est par exemple une richesse pour l’Afrique car il n’empêche pas à celle-ci, si elle le souhaite vraiment, de développer aussi ses langues nationales. Le français enrichit plutôt le stock africain de moyens d’expression.
II.2- Quel rôle pour la démocratie dans l’inversion du serpent de mer?
Nous, générations actuelles et futures de France et d’Afrique sommes devant un défi historique majeur. Celui de trouver les voies et moyens de penser et de mettre en uvre la transition, mieux la transformation vertueuse de « la Françafrique ». Une façon de le faire est de réintégrer la logique de « la démocratie de combat». Cela revient à considérer que l’Afrique n’est pas encore indépendante mais dans un processus de conquête de son indépendance. En conséquence, les combats démocratiques à mener sont divers et variés :
Sur le plan sécuritaire, l’Afrique ne peut être souveraine si elle est incapable de jouer au gendarme chez elle. C’est la France qui le fait depuis la période coloniale en perpétuant ainsi sur le plan géopolitique l’idée d’Empire colonial.
Sur le plan diplomatique, une Afrique cinquième roue de carrosse de la diplomatie française, est à transformer en un acteur aux stratégies diplomatiques autonomes via une consolidation de l’Union Africaine.
Sur le plan économique, l’esprit du pacte colonial basé sur une logique de complémentarité centre-périphérie, structure encore les relations commerciales entre la France et l’Afrique. Il est temps de se rendre compte que le moteur des échanges est actuellement la concurrence et non la complémentarité qui ne joue plus que dans une dynamique intra-branches entre pays au même profil de consommation et de production.
Sur le plan politique, les rapports de mentor à élèves, les malversations financières de toutes sortes et les infantilisations langagières ne doivent plus avoir droit au chapitre. L’Afrique doit cesser d’être la machine à sous de l’Elysée, des entreprises françaises et des partis politiques français.
Sur le plan monétaire, revoir les accords coloniaux sur le FCFA ou tout simplement battre sa propre monnaie est un signe universel de souveraineté.
Les Français doivent aussi mener ces combats aux côtés des Africains car ce qui est mis en évidence par une Françafrique mafieuse, est aussi la réalité suivant laquelle la mafia promeut la médiocrité, sanctuarise les incuries africaines qui coûtent cher à l’Afrique en matière de développement, et pas moins cher à la France lorsque la médiocrité installées au pouvoir en Afrique fait de l’ancienne métropole le pays qui doit assurer les fonctions régaliennes des Etats africains en déroute comme cela s’est dernièrement vu au Mali et actuellement en Centrafrique : l’effet boomerang de la Françafrique mafieuse sur la France est assez coûteux en image de la France en Afrique et images des Français en Afrique. Cela n’est pas négligeable dans un continent où ce pays a autant d’intérêts politiques et financiers et un monde où une conscience solidaire universelle pointe le bout son nez. La Françafrique mafieuse prospère à cause du manque de démocratie en Afrique. La combattre c’est se mettre en ordre de bataille pour la gouvernance démocratique au sein du continent noir.
II.3- La notation et la surveillance de la société civile
La dimension civique, militante et citoyenne de « la démocratie de combat » dont nous parlons dépend beaucoup de la société civile, pas seulement africaine mais internationale. Les procès intentés en France par des associations sur les biens mal acquis ont, malgré le jeu politique du bâton et de la carotte que joue la France pour tirer ce qu’elle veut des familles présidentielles africaines mises en cause, sont des signes encourageants. Ils témoignent du fait que la Françafrique mafieuse n’est plus de l’ordre des choses situées dans une zone de non droit. Une société civile africaine et mondiale éprise de démocratie, de justice et de liberté est en route et devient de plus en plus experte dans la traque des mafias inter étatiques entre la France et l’Afrique. C’est une direction à renforcer par des collaborations et des échanges d’informations entre les sociétés civiles françaises et africaines.
Face à un système mafieux qui est devenu autonome dans sa reproduction inter- temporelle car les incuries, les carences et la médiocrité installées de longue date se maintiennent en Afrique et en France, notre tâche de citoyen du monde est de mobiliser les armes psychologiques, les armes institutionnelles puis les armes spirituelles et morales pour alimenter « la démocratie de combat ».
