Calixte Beyala, écrivaine prolixe rend hommage à la journaliste Suzanne Kala Lobe décédée ce 1er août 2024 des suites de maladie. Elle exprime sa tristesse et se souvient des moments passés avec celle qui lui a tenu la main en tant que jeune auteure. Voici un extrait de son message publié ce jeudi.
Aujourd’hui, j’apprends la mort de ma sœur aînée, Suzanne Kala Lobe. Mon cœur est empli de tristesse, j’ai dû annuler mes rendez-vous tant des larmes perlent à mes yeux.
Au début de ma carrière, j’ignorais jusqu’à son existence. Elle se mit à venir à toutes les conférences que je donnais en France pour me poser des questions les plus tortueuses. Au début, j’avais l’impression qu’elle me détestait ; j’évitais de lui donner la parole lorsqu’elle la demandait. Puis un jour, elle m’approcha, toujours aussi aigüe et pointue intellectuellement, elle m’expliqua son attitude, qu’elle souhaitait que j’aille plus loin dans ma pensée, que je devienne une crac. Elle se mit à venir chez moi sans la précaution d’un rendez-vous, elle commandait à ma gouvernante de lui préparer un petit déjeuner et demandait qu’elle voulait me parler.
Elle m’expliquait le monde, ses pièges à éviter, ses mesquineries à esquiver, et la capacité de toujours répondre comme il faut à toutes les questions. J’en étais heureuse. Des années plus tard, elle me félicita d’avoir été une bonne élève, qu’elle n’avait plus rien à m’apprendre… D’ailleurs ce jour-là, elle me dit qu’elle retournait au Cameroun, malgré mes protestations. Ce fut une sœur, une vraie, une grande intellectuelle qui m’a permis de grandir un peu plus. Mon âme est désolée d’autant plus que je ne la comprendrai plus lorsqu’elle se fut trempée dans les circonvulusions du Cameroun. »