Dès l’an 2000, plusieurs Etats valident la création d’un Système de certification du processus de Kimberley (SCPK), entérinée par la Résolution 55/56 de l’Assemblée Générale des Nations Unies dont le but est de barrer la voie à l’entrée illicite des diamants qui alimentent les conflits. Suite au décret N°2011/3666/PM du 2 novembre 2011 portant création, organisation et fonctionnement du SCPK, le Cameroun devient, en juin 2012, participant au Processus de Kimberley (PK). Cependant, il existe, dans l’Etat du Cameroun, un risque de commerce illégal des diamants en provenance de la République Centrafricaine (RCA) avec qui il partage des frontières poreuses et qui est en proie aux conflits armés. C’est fort de cette réalité que des organisations de la société civile se mobilisent afin d’empêcher l’invasion du circuit officiel par les diamants de conflits encore appelés « diamants de sang ». Ce qui a conduit à la production du « Rapport de surveillance indépendante du système de certification du Processus de Kimberley au Cameroun ».
Le rapport de surveillance indépendante du système de certification du Processus de Kimberley au Cameroun intervient dans le cadre du projet de Surveillance indépendante du processus de Kimberley au Cameroun (SIPROKIM) financé par le Programme d’Appui à la Citoyenneté Active (PROCIVIS). Ce projet vise à contribuer à l’amélioration de la gouvernance du secteur diamantifère et la mise en œuvre du système de certification du Processus de Kimberley au Cameroun. Sous la coordination du Réseau de Lutte contre la Faim (RELUFA), le présent rapport est l’œuvre de plusieurs organisations de la société civile à savoir : le Centre de Protection de l’Environnement et de Défense des Intérêts Communautaires (CEPEDIC), le Centre Diocésain Justice et Paix de l’Archidiocèse de Bertoua (CDJP-Bertoua), Le Centre d’Accompagnement pour la Gouvernance des Ressources Naturelles (CENAGREN).
Du rapport de surveillance indépendante du système de certification du Processus de Kimberley, il ressort un ensemble d’observations dont la première fait référence aux difficultés pour les artisans miniers d’obtenir des cartes d’exploitants et de collecteurs. Elles sont dues à l’ignorance des procédures, au manque de ressources financières, à l’éloignement des sites miniers des chefs-lieux de département où les cartes sont produites, ou encore à la rupture du stock de cartes disponibles. La deuxième observation porte sur la faible traçabilité des 2 transactions entre les différents acteurs de la chaîne de production et de commercialisation des diamants bruts. A cela s’ajoute les défaillances dans la surveillance gouvernementale du PK parmi lesquelles on peut citer le déficit de coordination entre le Secrétariat National Permanent du Processus de Kimberley (SNPPK), la Direction Générale des Douanes (DGD), les forces de maintien de l’ordre et l’unité de sécurité aéroportuaire de l’aéroport de Douala en l’occurrence. Cette activité présente des défis sociaux à l’instar du travail des enfants dans les sites miniers, l’absence de sécurité sociale pour les artisans miniers, etc. Elle présente aussi des défis environnementaux avec des comportements adoptés par les mineurs de nature à nuire à l’environnement. Il s’agit par exemple de la destruction des zones de pâturages, l’obstruction ou détournement des lits de rivière, etc., … L’exploitation des mines est également le terrain de violence de tout genre sur les différents sites miniers. Ces violences exercées par certains éléments des forces de maintien de l’ordre, autorités locales, chefs de chantier et rebelles sont liées à l’exigence des quoteparts sur la production, au contrôle des revenus et aux limites des terrains exploités par l’activité.
Également, le rapport de surveillance indépendante du système de certification du processus de Kimberley au Cameroun présente des observations qualitatives. Il s’agit : du taux d’enregistrement des acteurs (artisans et collecteurs) qui est très faible ; de la quasi-totalité des sites n’ayant pas d’autorisation comme l’exige le code minier ; du grand nombre de centrafricains et personnes d’autres nationalités exerçant l’activité minière pourtant réservée aux camerounais aux termes de la loi. Il faut aussi mentionner que les registres de production sur les sites sont inexistants. Par conséquent, la production n’est pas enregistrée, ce qui est de nature à remettre en cause la fiabilité des données statistiques de production et la traçabilité du diamant à partir de son point d’origine. Les autres observations effectuées dans le présent rapport sont : le niveau d’alphabétisation des artisans miniers faible, ce qui rend les documents de traçabilité difficiles à utiliser par les artisans ; les artisans miniers ayant besoin d’être outillés tant en connaissances qu’en intrants pour assurer une exploitation diamantifère rentable, en supposant que le sol camerounais soit effectivement riche en ressources diamantifères ; l’absence de bureau d’achat des diamants dans la région de l’Est qui remet en question la destination des pierres extraites dans cette région ; la majorité des acheteurs des diamants exerçant dans l’informel ; les acheteurs s’approvisionnant tant au Cameroun qu’en RCA dans un contexte de porosité des frontières. Par ailleurs, il apparait que les visites des agents du PK dans les sites ne sont pas régulières ; les mécanismes de surveillance au niveau de la frontière 3 et des aéroports sont défaillants en quelques points et peuvent être exploités par les contrebandiers.
Considérant toutes ces observations, le rapport formule des recommandations qui consistent à : mener des activités visant à faciliter et à encourager l’enregistrement des différents acteurs (artisans et collecteurs) et l’obtention des autorisations ; réviser les dispositions législatives pour permettre à d’autres nationalités d’exercer l’activité minière artisanale ; outiller les artisans miniers tant en termes de connaissances et de matériels. En plus, il faudrait sensibiliser les artisans sur les défis environnementaux et leurs impacts, ainsi que sur l’importance de l’éducation ; doter les agents de surveillance des moyens adéquats pour assurer des visites régulières au niveau des acteurs de la chaine de production, de commercialisation (artisans, collecteurs, bureau d’achat) et du matériel de pointe au niveau des frontières et des aéroports ; et renforcer les capacités des agents chargés de la surveillance au niveau des frontières et des aéroports y compris les Forces de maintien de l’ordre, les agents de douane et de l’aviation civile pour qu’ils comprennent mieux les enjeux relatifs à l’exploitation du diamant et au processus de Kimberley.