L’archevêque de Douala s’adresse au peuple de Dieu dans une lettre pastorale rendue publique le 08 août dernier dans un contexte marqué par l’approche de l’élection présidentielle.
À deux mois de la tenue du scrutin présidentiel, l’archevêque de Douala dresse un tableau sombre du climat social au Cameroun. Dans une lettre pastorale de 15 pages, le prélat, fervent critique du régime de Yaoundé, présente en neuf point essentiels, la situation dans laquelle se trouve le Cameroun. Selon l’homme de Dieu, le pays a besoin de la paix, de la réconciliation à la veille de l’élection. Et le malaise qui le ronge prend source dans les actes antiévangéliques. L’archevêque tente ainsi d’exorciser ces actes en procédant par le rappel des réalités sur plusieurs plans.
Au plan de la gouvernance, le chef de l’Eglise catholique dans la plus grande ville du Cameroun dénonce la corruption et son cortège de maux. Un phénomène déshonorant le pays et ses ressortissants mais dont les pouvoirs publics ne prennent aucune action concrète pour son éradication. Il dénonce la mal gouvernance qui s’explique selon lui par le fait que le « citoyen camerounais n’est plus au cœur des préoccupations des dirigeants. L’intérêt général n’est plus pris en considération. Le bien-être de tous est devenu une promesse fallacieuse ».
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Mgr Kleda présente aussi une démocratie dévoyée dont la pratique au Cameroun ne reflète pas le standard international. Telle que pratiquée au Cameroun, la démocratie est aux antipodes des valeurs qu’elle impose. « Elle est entachée par la violence institutionnelle, les intimidations, l’absence de transparence, de vérité et de justice (…) Une démocratie où les acteurs politiques sont méprisés, brutalisés, embastillés, est vouée à l’échec ».
Aux plans de la pauvreté et du chômage, l’évêque montre que la fermeture de 2 316 entreprises sur les 6 458 créées entre 2009 et 2016 et entre 2018 et 2022. De même, la fermeture de sept entreprises sur 10 créées entre 2010 et 2015. En s’appuyant sur ls documents officiels, il rappelle qu’il ne reste qu’une dizaine d’entreprises publiques sur les 188 crées. Le taux de pauvreté est estimé à 37,7%. 1,10 millions de Camerounais vivent avec moins de 1000 francs Cfa.
Au plan de l’immigration clandestine, le taux de chômage général estimé à 74% figure parmi les raisons qui contraignent les jeunes à quitter le pays. « L’emploi se fait très rare pour les jeunes issus des familles pauvres. Dans un contexte d’injustice généralisée, les recrutements se font à coups de recommandation au détriment de ceux qui n’ont personne dans les sphères de l’Etat. Les jeunes de notre pays sont les victimes directes des maux sociaux tels que la corruption, l’injustice, les abus de pouvoir, le tribalisme et les ambitions hégémoniques ».
Quant au délabrement du tissus routier, Mgr Samuel Kléda rappelle que 17,67% de routes sont en mauvais état contre 11,17% de routes en bon état. Aucune de 10 régions n’enregistre 25% de routes en bon état. La conséquence en est que presque tous les bassins agricoles restent enclavés. Les raisons de la situation sont entre autres l’attribution des marchés à des entreprises incapables de fournir des résultats, la perception des fonds par voie de corruption. Les routes existantes sont marquées par des nids de poules et des fissures béantes.
La situation est similaire pour ce qui est de l’accès à l’eau potable et à l’électricité. Le taux de couverture en eau potable est estimé à 82% en milieu urbain et à 52% en milieu rural. Et à peine 43% de la population rurale et des quartiers pauvres des grandes villes a accès à des installations sanitaires de base. En 2024, le taux de couverture en électricité est estimé à 68%. Il est évalué à 87,6% en zone urbaine et à 28,4% en zone rurale.
Par ailleurs, l’homme de Dieu dénonce la gestion nébuleuse du pétrole que le Cameroun produit depuis 1977. Une gestion qui selon lui est une affaire de famille et de clan. L’archevêque marque son regret de constater que les hydrocarbures sont la chasse gardée d’un cercle restreint du pouvoir politique qui exerce une tutelle directe de la Société nationale des hydrocarbures.
L’injustice dans l’exploitation de l’or dans la région de l’Est n’a pas échappé à la lettre pastorale. Mgr Samuel Kleda rappelle que l’or est exploité depuis 80 ans mais au détriment des populations locales. L’on recense 51 secteurs miniers, 509 chantiers actifs et 48630 artisans miniers dans la région. L’exploitation de l’or « est accaparée par des fonctionnaires sans scrupule qui y ont installé des réseaux de complices, de facilitateurs et de prédateurs ».
Enfin, dans sa lettre pastorale, l’archevêque mentionne que le Cameroun souffre dans sa chair. La crie anglophone et la crise sécuritaire dans l’Extrême-Nord entraine de nombreux effets. Les enfants du pays s’entredéchirent. Ils sont assassinés tous les jours. « Nous avons le devoir de demander au gouvernement de prendre toute mesures nécessaires pouvant réinstaurer la paix dans toutes les régions en crise. Les ressources qu’on aurait dû consacrer au développement des régions sont entièrement englouties dans la guerre », fait remarquer le prélat.
Face à ces maux, à quelques mois, de l’élection, Mgr Samuel Kleda appelle à la prise de conscience de tous ls acteurs sociaux. Ce, en vue de la réconciliation des cœurs et de la normalisation de le vie sociale. « Il convient que chaque Camerounais prenne la résolution d’apporter sa contribution dans la lutte contre de nombreux maux qui détruisent le pays. La situation que nous traversons exige que les citoyens aient à cœur de choisir des hommes et des femmes animés par le désir de changer ce que nous vivons actuellement », exhorte l’homme de Dieu.