À Yaoundé, Limbe, Douala et Bafoussam, des stades construits pour abriter la 33ème édition de la Can affichent un bilan alarmant pour ce qui est du nombre des spectateurs, après la première journée. Le Covid-19 n’en est pas l’unique cause, car il a aussi, et surtout, manqué une politique incitative pour attirer davantage de public vers les stades.
Pour comprendre l’origine de la désertion des stades, il faut se rendre à Kouekong. En 2014, le Cameroun est désigné pays organisateur de la Can de 2019, à 16 équipes. Mais en 2016, la Caf décide que la grande fête du football africain se jouera désormais entre 24 nations. Une exigence du cahier des charges de la Can qui pousse le gouvernement camerounais à construire de nouveaux stades, plus grands.
À Bafoussam, où le choix le plus judicieux aurait été d’achever le stade de Toket, plus proche du centre-ville, l’Etat a choisi de construire un nouveau stade flambant neuf à Kouekong, à hauteur de 9 milliards de Fcfa. L’espace manquant dans le centre-ville, l’infrastructure sportive est installée à la frontière avec le département du Noun, à 16 km du centre-ville de Bafoussam. Il a ouvert ses portes en 2017.
Avec le risque de ne pas disposer du public lors des rencontres sportives. Comme le démontre la Can 2021. Moins de 2000 spectateurs ont en effet assisté à la rencontre Sénégal –Zimbabwe, pour une capacité d’accueil pourtant de 20 000 places. Il y a d’autres stades dans le même cas, comme le majestueux stade de Douala-Japoma, difficile d’accès, inauguré en 2019. Il a sonné creux lors du match Algérie-Sierra Leone.
Dans une ville où il aurait seulement fallu rénover le stade de Réunification, l’Etat du Cameroun a fait le douloureux choix de s’endetter, à hauteur de 150 milliards de Fcfa, pour offrir à la capitale économique un joyau architectural de 50 000 places dans une ville où les clubs dits professionnels ne possèdent pas de terrains nus d’entraînement. Après des années de dégringolade sportive et financière des clubs phares de la Douala, il sera extrêmement difficile de rentabiliser ces stades après la Can.
Gros problème de gouvernance
Le cas le plus emblématique est sans aucun doute le Complexe sportif inachevé d’Olembe. L’un des plus beaux d’Afrique qui aura coûté plus de 200 milliards de F cfa. Mais derrière ce qui doit être l’emblème du football camerounais, se cache un énorme détournement de fonds. Résultat, il ne satisfait personne, excepté ceux qui ont bénéficié des rétro-commissions.
Dans son traditionnel message à la nation de fin d’année, le président Paul Biya n’a d’ailleurs pas manqué de faire savoir que « Tous ceux qui se rendent coupables de malversations financières ou d’enrichissement illicite en assumeront les conséquences devant les juridictions compétentes. »
Par ailleurs, l’Etat a, pour des raisons sociologiques ou de géopolitique, choisi de construire un stade dans la ville «anglophone de Limbe ». Une ville d’à peine 50 000 âmes, où malheureusement il n’y a pas de club d’élite. Or, ce stade aurait plus bénéficié à Bamenda. Car, le chef-lieu de la région du Nord-Ouest, avec 500 000 habitants, possède deux clubs d’Elite One (PWD et Yong Sport Academy).
L’État du Cameroun avec ses restrictions sanitaires (vaccin + test) doit forcément changer de logiciel, notamment à travers des invitations, pour inciter les gens à aller au stade. Les billets d’accès au stade les moins chers étant à 3000 F cfa semblent assez élevés pour les passionnés de football, qui sont pour la plupart issus des milieux défavorisés.
Mieux, le Cameroun doit se poser la question plus globale de l’avenir de ces stades. L’erreur de départ dans ces projets de stade a été de mal copier le modèle européen. Où ils ont d’abord résolu tous les problèmes basiques (Logement, eau, électricité, éducation, etc.) avant de penser au loisir. Pourquoi avoir choisi de construire tous ces stades olympiques dans un pays qui n’accueille quasiment jamais de meeting d’athlétisme ?
Quand dans une ville le stade constitue le plus gros investissement public, c’est qu’il y règne forcément un gros problème de gouvernance ! Comme après l’Euro au Portugal 2004, ou encore les Jeux Olympiques d’Athènes en Grèce, la même année, le Cameroun va entrer en récession du fait de son très lourd endettement pour la construction de ses infrastructures sportives, peu rentables.