L’obstacle qui bloquait les négociations (.) aurait été levé
Le bras de fer qui oppose depuis bientôt 04 mois, le gouvernement camerounais à l’opérateur AES/SONEL, au sujet des tarifs d’électricité, vient de connaître son épilogue. D’après nos sources, l’obstacle qui bloquait les négociations engagées après le refus par le MINEE d’entériner la dernière augmentation décidée par l’opérateur, aurait été levé. Un accord a été trouvé il y a quelques jours sur les compensations financières en faveur de AES/SONEL, conformément à l’article 5.3 de la Convention de concession signée le 18 Juillet 2001. Cette condition contractuelle constituait la principale pierre d’achoppement qui empêchait tout arrangement sur ce dossier. Ce préalable rempli, l’opérateur AES/SONEL accepte de revenir sur le dernier réajustement des tarifs et appliquera à compter de ce mois d’Août 2010, la grille tarifaire antérieure au mois d’Avril.
Les consommateurs accueillent avec soulagement la fin de cet imbroglio
L’effet immédiat de cet accord au forceps, est que les catégories de consommateurs qui étaient directement concernées par ce réajustement vont recevoir dès le mois prochain, les factures dont les montants seront calculés sur la base de l’ancienne grille tarifaire. Malheureusement, cet accord ne prévoit pas un mécanisme de rétroactivité sur les tarifs appliqués ces 04 derniers mois. C’est-à-dire que les consommateurs ayant payés les quittances sur la base de l’augmentation d’avril 2010, aujourd’hui annulée, ne percevrons aucun «trop perçu». Les usagers ont assisté à la fois interloqués et amusés, à la longue rixe verbale et au pugilat à coups d’arguments juridiques, auxquelles se sont livrés le gouvernement et «son partenaire stratégique». D’un côté l’opérateur AES/SONEL justifiant l’augmentation des tarifs par des impératifs économiques nécessaires au maintien de l’outil de production et à l’atteinte de ces objectifs contractuels; et de l’autre, le gouvernement, par la voix du MINEE et de l’ARSEL, prétextant agir pour l’intérêt de l’usager et surtout au nom de «la sauvegarde de la paix sociale menacée».
Cette brouille inédite entre les 02 «alliés» qui prenait de plus en plus l’allure d’une «affaire d’Etat», vient essentiellement de l’interprétation par les parties du contenu même du Contrat de concession. Nous rappelons que l’opérateur privé AES-SONEL est l’unique concessionnaire de fait et de droit du service public de l’électricité au Cameroun; il bénéficie de 04 Contrats de concession – de production, de transport, de distribution et de vente de l’électricité; l’Etat du Cameroun est actionnaire minoritaire de cette entreprise d’utilité publique (44% du capital social). Par ailleurs, ce Contrat a été signé pour une durée de 20 ans et est soumis à révision tous les 05 ans; malheureusement, les avenants issus de la dernière révision en décembre 2006, n’avaient pas modifié les dispositions potentiellement litigieuses contenues dans ce Contrat. Au lieu de se perdre en conjectures comme on l’a vu ces dernières semaines, l’Etat peut simplement, sans démagogie ni arrière-pensée politicienne, saisir l’occasion de la prochaine révision de ce Contrat, qui interviendra vraisemblablement en décembre 2011, pour revoir, sans tambours ni trompettes, certaines clauses de cette Convention ne garantissant pas les intérêts du pays, notamment l’article 5 alinéa 3, qui donne clairement la prérogative à l’opérateur AES/SONEL d’augmenter les tarifs d’électricité de 5% chaque année.

Nous pensons que cet accord sur la grille tarifaire ne règle pas dans le fond la question du tarif d’électricité au Cameroun. Malgré ce retour aux anciens tarifs, le prix moyen actuel de 77,7 FCFA le kWh reste scandaleusement élevé pour l’immense majorité des consommateurs. Le n ud du problème se trouve dans la maitrise des pertes techniques en lignes de transport haute tension. La vétusté du réseau de transport entraine des pertes techniques abyssales de l’ordre de 30% de la production d’électricité en régime de base (c’est-à-dire l’énergie produite à partir des sources hydroélectriques), alors que la norme admise est de 10%. Ces pertes sont payées par le consommateur et constituent même le segment le plus important de la structure du tarif d’électricité, très loin devant les coûts de production, du transport, de distribution et celui des pertes commerciales (c-à-d la mauvaise gestion clientèle et la fraude). Ces pertes engendrent des revenus de près de 40 milliards chaque année. Si cet argent était réinvesti dans le renforcement du réseau de transport, on pourrait à la fois réduire les pertes techniques, rationaliser la production d’énergie et surtout stabiliser le tarif moyen de l’électricité appliqué aux usagers.
Nous espérons qu’une fois la sérénité revenue, AES/SONEL et la tutelle du secteur se pencheront sérieusement sur cet aspect important du problème de la tarification. Dans l’intérêt de toutes les parties prenantes, il est temps de sortir des querelles stériles et se poser les vraies questions susceptibles de sortir le secteur de l’électricité de la crise. Pour nous, la bataille pour un tarif juste et une électricité accessible au Cameroun n’est pas seulement juridique, elle est aussi technique. Nous allons la mener afin de démontrer qu’il est possible de stabiliser durablement le prix du kWh et même de tirer les tarifs actuels vers le bas.
L’accès à l’énergie est un droit essentiel et inaliénable!
