Artiste pluridimensionnelle, cette camerounaise a choisi pour son dernier album-livre, de renouer avec l’histoire d’un des héros perdu de son pays, Abraham Hannibal
Joëlle Esso, le public camerounais vous connait très peu, alors que vous êtes une personnalité des musiques du monde, pouvez vous vous présenter pour nos lecteurs?
Je suis une artiste Camerounaise pluridisciplinaire (musique, chant, dessin, peinture, danse, comédie) vivant en France. Depuis vingt-trois ans, j’accompagne des artistes en tant que support vocal, donc dans l’ombre.
Votre dernier album, le deuxième en solo de votre carrière, vous le consacrez aux textes du poète russe Pouchkine, dont on dit qu’il était lui même un descendant d’Hannibal une grande figure de l’histoire militaire de la Russie et que des historiens ont formellement établi comme originaire du Cameroun. Racontez nous un peu cette rencontre entre une chanteuse et l’histoire, celle des héros oubliés de son pays d’origine
Je suis passionnée d’histoire, je vais souvent dans les conférences et colloques d’historiens, et je trouve dommage que certains destins extrêmement intéressants ne soient pas portés à la connaissance du grand public. J’ai découvert le livre de Dieudonné Gnammankou «Abraham Hannibal, l’aïeul noir de Pouchkine» il y a quelques années; la trajectoire de cet enfant de Logone Birni (Extrême Nord) né en 1696, kidnappé en 1703 pour être emmené à Constantinople puis à Moscou, et qui devient l’arrière grand-père du plus grand écrivain et poète russe, m’a donné l’idée de ce nouveau projet «mémoire en musique», pour rendre hommage à nos illustres anciens ayant marqué leur époque, à travers des chansons.
Parlant de cet album, on dit qu’il est une invitation à la découverte du patrimoine musical Kotoko du Cameroun, du Logone, (cité fortifiée où naquit Abraham Hannibal en 1696), de La Fère (France, ville où Hannibal reçut son diplôme d’ingénieur militaire en 1723) et de Souyda (Russie, village où mourut Hannibal en 1781). Comment tout cela se présente-t-il?
Il faut savoir qu’Abraham Hannibal était le 4ème plus important personnage de l’Empire, ingénieur militaire et civil, fortificateur, diplomate, hydraulicien. La Russie lui rend hommage depuis des années par 2 musées qui lui sont consacrés. J’ai voulu retracer son parcours en musique, raison pour laquelle il fallait commencer par la musique traditionnelle de ses origines où je chante d’ailleurs en «lagwané» (langue de Logone), puis Constantinople, musique orientale; la Russie avec la musique classique de Tchaïkovski, la chanson française pour les 7 ans d’études qu’il a passés dans ce pays. Ensuite j’ai utilisé des poèmes de Pouchkine que j’ai mis en mélodie. C’est donc véritablement à un voyage musical dans lequel j’invite le public. Je chante en 5 langues dans cet album: Douala, lagwané, russe, français, anglais.
L’hommage à Hannibal vous ne le rendez pas qu’en musique puisque vous avez exposé en Suisse au salon du livre la version écrite en livre, comment est ce qu’il a été accueilli?
C’est un livre-CD-DVD, couverture cartonnée, avec des textes, des photos et des illustrations faites par moi-même (paru aux éditions Dagan). J’ai trouvé plus intéressant d’en faire un produit multimédia. L’accueil a été très bon, les médias russes en ont notamment beaucoup parlé, ainsi que l’agence Tass. La presse suisse s’en est aussi largement fait l’écho, ainsi que le New-York Times. Ayant participé à des débats et tables rondes suivis de dédicaces, j’ai pu avoir des échanges intéressants avec le public.
Beaucoup de gens ne le savent pas ça mais vous avez été parmi les ch urs d’accompagnement de la grande Céline Dion, est-ce qu’une expérience comme celle-ci modifie la manière de faire de la musique?
C’est une expérience. Tous les artistes que j’ai accompagnés m’ont apporté quelque chose, mais il est vrai que travailler avec des équipes très professionnelles oblige à être encore plus exigeante avec soi-même.
Deuxième album solo est toujours peu connue au Cameroun, vous comptez venir pour une tournée promo?
Il faut dire que je fais des choses un peu atypiques: Mon 1er album était essentiellement la bande-son du film de Jean-Pierre Bekolo «Les Saignantes»; le second est un hommage à un personnage historique, je ne fais pas de musique « populaire »; néanmoins je fais pas mal de concerts en France et ailleurs (notamment à l’université d’Harvard aux USA). N’étant pas organisatrice de spectacles, il appartient aux promoteurs Camerounais de m’inviter s’ils le souhaitent, je suis disponible.
Comment acquérir votre nouveau CD?
Si vous n’êtes pas en France, pour l’instant il est disponible en ligne sur www.editionsdagan.com, www.joelle-esso.com, www.fnac.com. En France, au musée du quai Branly (Paris), au musée Ivan Tourgueniev (Bougival), aux librairies l’Harmattan et Présence Africaine.
