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Nkodo Sitony: «La musique Bikutsi, c’est quelque chose de digne»

L'artiste camerounais, le roi du «Bikutsi» prépare une surprise pour ses fans avec son prochain album, «le c ur de…

L’artiste camerounais, le roi du «Bikutsi» prépare une surprise pour ses fans avec son prochain album, «le c ur de l’homme et la femme»

Quelle est la vraie histoire de Nkodo Sitony, surtout qu’à un moment de votre jeunesse, on vous a appelé Tony Franc?
C’est le premier nom que je me suis donné comme nom d’artiste quand j’étais à Lagos et je jouais beaucoup avec les nigérians. Quand je suis rentré au pays, mon père n’appréciait pas et a demandé que je porte mon vrai nom. J’ai donc remis, Nkodo, Sy Tony. Mon vrai nom étant Nkodi Si Tobi François. J’ai donc fais des compositions avec mon nom d’artiste Toni pour avoir le nom actuel. Nkodo Sitony.

Comment vous vous retrouvez au Nigeria?
J’y suis allé en aventure musicale et artistique, et j’ai rencontré Prince Nico Mbarga qui est mon beau-frère. J’ai essayé de bosser avec lui. J’ai aussi bossé avec Sony Okochun, c’est un artiste nigérian qui fait de l’afro beat, le même rythme que faisait Fela. J’y ai passé trois années, où je faisais de la musique Ibo, je faisais aussi du hiligth. Après tout ce mélange, j’ai eu envie de revenir au pays. C’est à partir de là que j’ai commencé des recherches dans le registre des musiques traditionnelles, folkloriques du Bikutsi. C’est pourquoi j’ai crée un rythme à moi, c’est un genre de Bikutsi qui est mélangé à du hiligth.

Plusieurs personnes disent que vous avez débuté comme danseur chorégraphe, est-ce vrai?
Je dansais simplement la musique traditionnelle que l’on accompagnait de tambour et de balafons. Toutes les personnes qui ont dansé avec moi, c’était par rapport à cette musique traditionnelle là. J’ai ma façon de danser qui est propre et qui n’a rien à voir avec un quelconque professionnalisme.

Vous avez été le roi du Bikutsi, ce rythme très dansé dans la région du grand sud, mais on nous a souvent vu dans un registre très mixé dans le style du son de Makossa dans du Bikutsi, aviez-vous envisagé de créer un nouveau rythme?
Avant que je ne commence mon aventure nigériane, je chantais déjà du Makossa à Douala avec des copains. A un moment j’étais avec des gens comme Manuel Nguisso qui est un grand guitariste. J’ai aussi trainé avec Eboa Lotin à mermoz. Tout cela m’a influencé. Mais, j’ai également puisé dans le folklore et le traditionnel. Avec cette expérience du Nigéria, vous avez l’impression que j’ai un Bikutsi différent des autres. Cette différence là, je l’ai travaillé avec d’autres rythmes : du jazz, de l’afro-beat, du hilight, et c’est comme cela que ca arrive que je devienne le roi du Bikutsi. C’est venu tout seul. J’ai fait mon premier album à Lagos. C’était du hiligth, ça n’a pas mordu. Une fois au Cameroun, j’ai rencontré Albert Broeuck’s. Il est un bon technicien, il avait un studio où je travaillais avec lui. J’ai essayé de recréer un Bikutsi avec tout le mélange que j’ai ramené du Nigéria. J’ai sorti mon premier album au pays en 1986. Il a fait deux ans dans le marché, les gens se demandaient, c’est quel genre de rythme. C’est en 88 que l’album explose, et devient la chanson de l’année sans que je ne m’y attende. Je ne savais pas que les gens allaient aimer. Avec le concours de plusieurs personnes, comme St Lazare Amougou (de regrettée mémoire) Roger Owona, et d’autres journalistes qui ont commencé à parler de moi, l’album s’est bien comporté. On le jouait déjà dans les bars avant que les journalistes et animateurs ne le remarquent et ne le jouent à la radio. L’album a fait trois ans avant de devenir chanson de l’année en 88 et, Nkodo Sitony artiste de l’année. Cela n’empêche aujourd’hui que je fasse des chansons avec des rythmes autres que le Bikutsi. Mais j’ai crée, c’est vrai ma façon de faire le Bikutsi.

Parlez nous de votre rencontre avec l’univers musicale et surtout votre histoire avec la guitare qui ne vous quitte jamais?
Avant je ne jouais pas à la guitare. J’ai travaillé pour cela avec un grand artiste Mongo Faya (qui avait beaucoup de femme) J’étais aux percussions. Après un jour c’était compliqué, il m’a dit de faire de la guitare. Je ne suis pas allé à l’école pour apprendre à jouer de la guitare. C’est à force d’assister ces grands artistes et musiciens que j’ai appris à en jouer. Et aussi c’était un handicap de ne pas souvent en avoir. Alors se m’y suis mis tout doucement et j’y suis arrivé sur le tas. Il y a aussi le bassiste Omgba Jean Paul qui m’a beaucoup aidé pour la guitare. C’est comme cela que je me retrouve sur la guitare. Il se trouve aussi que j’avais des soucis lorsqu’il fallait que je compose mes propres chansons. Il me fallait chercher un guitariste pour accorder mes paroles. Comme les conditions étaient difficiles, je me suis franchement mis à la guitare parce que, je n’avais pas toujours les moyens que l’on me demandait. J’ai donc aussi crée voire inventer ma façon de jouer de la guitare.

Quel regard jetez-vous sur le Bikutsi d’aujourd’hui?
Quelque part, je me dis que cela progresse. Il y a de l’avenir. Au début, quand moi je commençais, ce n’était pas comme cela. On avait des anciens musiciens qui faisaient du Bikutsi sans que ça ne dise des choses au gens. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes qui émergent Katino, Lady Ponce, Tanus Foe et, d’autres jeunes que j’ignore. Aujourd’hui, tout le monde danse le Bikutsi, que tu sois Douala, Bamiléké, même les gens du Nord. Le rythme n’est plus réservé aux Beti’i. Ce que j’ai fais comme boulot, je sens que je ne suis pas passé à côté. Je suis fier de ça. Je ne donne qu’un message. Que ces jeunes prennent le temps de bien faire ce qu’ils ont à faire, bien composer les mélodies, ne pas enregistrer ou dire n’importe quoi. Il ne faut pas le faire n’importe comment. La musique Bikutsi, c’est quelque chose de digne. A ma manière de penser, on doit la conserver jalousement, pour qu’elle reste appréciable.

Parlez-nous de votre rencontre avec Mongo Faya et de ses enseignements à votre endroit?
Il a pris le temps de me voir travailler et de m’encourager à atteindre le niveau que j’ai aujourd’hui. C’est pareil qu’avec Albert Broeuck’s, il a aussi été un père spirituel. Il me conseillait. Il m’entrainait partout là où il faisait ses spectacles. C’étaient de bons souvenirs.

Où vit Sitony aujourd’hui?
Normalement, je vis à Paris. Mais je fais des allez et retour au Cameroun. Je commence déjà à penser à mon retour au pays. Y allez pour vivre ce qui se passe là bas, et revenir ici de temps en temps.

Vous avez récemment sorti un autre album, comment se porte-t-il?
Super Bantou est le dernier qui est sorti sans véritable promotion. Donc, ça n’a pas beaucoup marché. Je me suis dis qu’il fallait attendre un peu et mieux se préparer. Après j’ai eu quelques problèmes de santé. Donc, il y a cet album que j’ai sorti il y a trois ans et dont on n’a pas fait de promotion. Son titre c’est le c ur de l’homme et la femme. Cet album parle beaucoup de la vie quotidienne, la famille.

Nkodo Sitony
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Votre voix est assez spéciale, métallique et profonde. C’est le fruit d’un travail ou c’est un don naturel?
D’abord c’est un don naturel, après il y a le fruit d’un long travail. Tu peux avoir un don et, si tu ne travaille pas il ne pourra pas être exploité. Je chante naturellement comme cela. A force de travail, et d’accompagner beaucoup de chanteurs, je suis devenu ainsi avec ma voix. Naturellement, je chante de la sorte.

Quels souvenir gardez-vous d’Albert Broeuck’s, qui vous a ainsi aidé à moderniser le Bikutsi?
C’est mon père spirituel qui m’a beaucoup aidé pour mes recherches. Avec tout ce que j’avais fais au Nigéria je ne pouvais pas m’en sortir. Son concours au niveau des mélodies, des arrangements, pour moi ce sont des souvenirs inoubliables. Je n’ai pas encore pu trouver quelqu’un comme lui avec qui m’entendre. Je pouvais faire ma guitare et les voix et rester tranquille. Il se chargeait des arrangements et le tour était joué. Je peux dire que c’est lui qui a fait que je devienne Sitony. Je ne l’oublierais pas.

Dans beaucoup de vos chansons, vous aimez dire «c’est moi même au village». C’est un cri de guerre ou un amour profond pour votre village?
C’est l’amour de mon village. Ça veut dire que cette musique que je joue c’est une musique de chez moi, et je suis fière de ça. J’explique. En fait quand un étranger écoute, même s’il ne comprend pas toutes les paroles, lorsque j’introduis ces mots, il est à même de se dire qu’en fait, je parle de chez moi, au village. C’est un cri d’amour pour la musique de chez moi. Ce n’est pas un cri de guerre. Et puis, il y a beaucoup de jeunes qui ont même récupérer cela.

Vous avez beaucoup fait pour la culture et la musique camerounaise, s’il vous fallait laisser un héritage aux générations futures sur l’ensemble de votre uvre, ce serait lequel?
Mon message est simple. Bien faire sa musique. Prendre le temps de le faire et de bien réfléchir au message que l’on veut faire passer dans les musiques. Mois je me suis dis tant que cela n’est pas bien fait, je préfère attendre. Même dans les autres domaines de la vie, il faut prendre le temps de bien faire ce que l’on entreprend.

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