Hollande avait demandé de manière très ferme à Paul Biya de libérer Mme Yen Eyoum (avocat)

D’après Me Christian Charrière-Bournazel, l’un des conseils de Lydienne Eyoum, la grâce présidentielle accordée le 04 juillet 2016 est le fruit de tractations politiques

Lydienne Yen Eyoum, avocate francocamerounaise condamnée en septembre 2014 à 25 ans d’emprisonnement, a bénéficié d’une grâce présidentielle portant « remise totale de la peine restant à purger », hier en soirée. L’avocate, qui avait déjà épuisé tous ses recours judiciaires, a bénéficié de pressions politiques au sommet comme l’a affirmé l’un de ses conseils, Me Christian Charrière-Bournazel, sur les ondes de Radio France Internationale (RFI) ce mardi, 05 juillet, en matinée.

«Lydienne Yen Eyoum nous a appelé au téléphone, avec une voix extraordinairement joyeuse qui contraste avec le malheur qu’elle vit depuis six ans. Le régisseur venait de lui dire: « venez prendre vos affaires, pour sortir ».

Donc ce que l’on attend depuis des mois et des mois, ce pour quoi nous avons récemment encore été reçus à l’Elysée par Mme Le Gal, la conseillère du président, vient de se réaliser d’une manière tout à fait extraordinaire car on ne savait plus si on devait attendre six mois, un an, deux ans,

Mais nous savions une chose, c’est que le président Hollande avait de manière très ferme demandé à plusieurs reprises à M. Paul Biya de libérer Mme Yen Eyoum. Or, tout ça se passe à un moment où on se demandait si quelque chose allait sortir de ces contacts, de ces relations. Et d’un seul coup, elle est libre. Nous sommes évidemment profondément heureux pour elle, son mari que nous avons eu au téléphone est lui-même tout à fait heureux», a déclaré Me Christian Charrière-Bournazel, ancien Bâtonnier de Paris (2008-2009) et aussi ancien président du Conseil national des barreaux français (2012-2013).

Me Christian Charrière-Bournazel
Droits réservés)/n

Cameroun: Lydienne Yen Eyoum graciée par le président de la République

L’avocate francocamerounaise, condamnée à 25 ans de prison en 2014, bénéficie d’une «remise totale de la peine» d’après un décret présidentiel publié lundi soir

Lydienne Yen Eyoum épse Loyse peut compter les heures qui lui restent encore à passer dans sa cellule de la prison centrale de Yaoundé à Nkondengui, en attendant les formalités pour la levée d’écrou. L’avocate franco-camerounaise, qui purgeait déjà une peine de 25 ans de prison, a été graciée par le président de la République lundi soir, 04 juillet 2016, dans un décret lu au journal de 20h30 sur la télévision publique nationale.

Ecrouée en 2010, l’avocate avait été condamnée le 26 septembre 2014 par le Tribunal criminel spécial (TCS), juridiction spécialisée dans la répression de la grande corruption. Lydienne Yen-Eyoum avait été reconnue coupable du détournement de 1,077 milliard de FCFA (1,5 million d’euro) en écopant de 25 ans de prison. L’avocate avait attaqué la décision devant la Cour suprême, en dénonçant la violation de plusieurs dispositions légales. Le 09 juin 2015, la Haute juridiction devait confirmer la décision du TCS.

A l’origine de ses ennuis judiciaires, une transaction litigieuse. Me Yen-Eyoum, mandatée par le ministère camerounais des Finances, avait mené en 2004 une opération de recouvrement des créances de l’ex-Office national de commercialisation des produits de base (Oncpb) auprès de la SGBC, filiale de la banque française Société générale en contentieux avec l’Etat camerounais. La justice camerounaise lui a reproché d’avoir gardé par devers elle une partie des fonds recouvrés.

Il était reproché à Lydienne Eyoum d’avoir fait virer l’argent récupéré à la SGBC dans son compte personnel. L’ex ministre des Finances, Polycarpe Abah Abah, qui lui avait délivré le pourvoi spécial pour saisir les sommes querellées, avait été quant à lui acquitté par le TCS.

La grâce accordée à Lydienne Eyoum intervient quasiment un an jour pour jour après la visite de François Hollande au Cameroun, en juillet 2015. Au cours d’une conférence de presse accordée par Paul Biya et son homologue français à l’issue de cette visite, le président de la République du Cameroun avait déclaré sur le cas de Me Yen Eyoum : «Je verrai ce que je peux faire si tel est le souhait de l’intéressé. Et si la Constitution me donne les moyens de faire quelque chose, c’est de bon c ur que je le ferai, le moment venu».

«Tout Français, et Lydienne est française, a le droit de demander l’appui de son pays pour être soutenu et ce n’est pas une pression en tant que telle», avait défendu quelques mois auparavant Michel Thierry Atangana, un autre Franco-camerounais libéré en février 2014 à la faveur d’une grâce présidentielle après 17 ans de prison dans les geôles camerounaises.

Lydienne Eyoum
Droits réservés)/n

Grâce présidentielle pour Karim Wade au Sénégal

Le fils de l’ancien président sénégalais, libre ce vendredi 24 juin 2016, avait été condamné l’an passé à six ans de prison pour enrichissement illicite

Karim Wade est libre à la suite d’une grâce présidentielle accordée vendredi 24 juin par l’actuel chef de l’Etat Macky Sall. Le fils de l’ancien président sénégalais avait été condamné l’an passé à six ans de prison pour enrichissement illicite.

L’information est tombée dans la nuit : Karim Wade est libre. Aucune information sur la localisation de l’ancien ministre n’a été communiquée. Après avoir passé trois ans en détention, le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade est sorti de la prison de Rebeuss où il était emprisonné, exactement à une heure trente du matin (heure locale), honnêtement, en catimini.

Si cette libération était prévue d’après le président de la République Macky Sall avant la fin du ramadan, la rumeur a réveillé Dakar. L’information a été au final confirmée à deux heures quarante-cinq, au c ur de la nuit, par un communiqué de la présidence de la République : « Le président de la République, par décret du 24 juin 2016, a gracié monsieur Karim Wade ». Il précise par ailleurs que les sanctions financières à l’encontre de
Karim Wade restent en vigueur.

Reste une question : où est Karim Wade ? Difficile à dire. Ses sympathisants se sont réunis auprès d’une de ses maisons au centre de Dakar, ensuite dans différentes maisons. Certains disent qu’il serait déjà dans l’avion, qu’il aurait déjà quitté le Sénégal. Pour quelle destination ? Très difficile de le savoir à l’heure actuelle.

Karim Wade a été libéré suite à une grâce présidentielle, le 24 juin 2016 (photo d’archive).
Droits réservés)/n

Les malheurs de Michel Thierry Atangana

Libéré des geôles camerounaises par une grâce en février 2014, le Franco-camerounais se plaint de n’avoir été ni réhabilité ni indemnisé. En France, il lui est suggéré de s’inscire au RSA

Michel Thierry Atangana connaît toutes les voix de RFI. Emprisonné dix-sept ans durant dans une cellule de 7m2 sans fenêtre, soumis à l’isolement, ce Français d’origine camerounaise a réussi à obtenir de ses geôliers un poste de radio. Une faveur. Pendant toutes ces années, dans ce sous-sol du Secrétariat d’Etat à la défense du Cameroun où il est confiné, la bande FM sera sa seule compagne.

Grâce à elle, il suit de près toutes les affaires d’arrestations de Français à l’étranger, comme celle de Florence Cassez. Il connaît dans les moindres détails l’histoire de cette jeune femme arrêtée au Mexique et inculpée de complicité d’enlèvement. Il découvre la vaste campagne de mobilisation en sa faveur, sa libération en grande pompe, la campagne de réhabilitation qui a suivi. Du fond de sa cellule, il se demande s’il aura droit un jour, lui aussi, à une vague de soutien, à la compassion, aux honneurs.

Las. Rien de tel pour le financier français. Pas de mobilisation, pas d’avion de la République, pas de ministre pour l’accueillir sur le tarmac. Quand il est sorti de prison, le 24 février 2014, l’ambassadrice de France à Yaoundé l’a bien invité à déjeuner. Mais c’était pour lui signifier qu’il devrait payer lui-même son vol retour.

« Gangstérisme d’Etat »
L’« affaire Atangana » commence en 1994, lorsque le jeune ingénieur financier français, diplômé de l’Université de Clermont-Ferrand, est envoyé à Yaoundé pour gérer un consortium regroupant cinq géants français du BTP, supervisé par une structure publique franco-camerounaise. Objectif: développer un réseau d’autoroutes au Cameroun pour un budget de quelque 500 millions d’euros. Chargé d’attirer des investisseurs, Michel Atangana a la haute main sur le projet et l’oreille du président Paul Biya, dont il est le protégé. Tout lui sourit. Mais à l’approche de l’élection présidentielle de 1997, le climat entre les deux hommes se dégrade.

Le pouvoir le soupçonne de soutenir le ministre de la Santé Titus Edzoa, présenté comme un possible concurrent de Paul Biya. Le 20 avril, le ministre démissionne et annonce sa candidature. « Pour le pouvoir, ça a été la goutte de trop », dit Michel Atangana. Le 12 mai au petit matin, il est arrêté et jeté en prison. « Je n’avais aucune idée de ce qu’on me reprochait » dit-il, jurant aujourd’hui encore ne s’être « jamais mêlé de politique ».

Accusé d’avoir utilisé les caisses du consortium pour soutenir l’opposant, il passe 57 jours en prison avant de pouvoir rencontrer un avocat. Lors d’un premier procès en octobre 1997, puis en appel en 1999, Michel Atangana est accusé de détournement de fonds publics. Chef d’inculpation: « Grand gangstérisme d’Etat ». Aucune preuve de détournement n’a jamais pu être apportée. Mais il est condamné à quinze ans de prison ferme et dépouillé de tous ses biens. Les comptes du Consortium sont bloqués. Le président, qui a promis de faire de la lutte contre la corruption la priorité de son mandat, a décidé de faire de son cas un exemple. L’opinion publique camerounaise applaudit:

« J’étais français, avec un job prestigieux, qui aurait dû naturellement échoir à un haut fonctionnaire du pays ; j’avais forcément touché des commissions. »

Pour les Camerounais, qui ne reconnaissent pas la double nationalité, il est français. La France n’a pas bonne presse dans le pays. C’est le coupable idéal. Mais pour la France, malgré son passeport bien français, il est camerounais. Pourquoi dès lors s’en mêler? Derrière cette indifférence, sans doute un zeste de realpolitik: Paris entretient d’étroites relations avec le gouvernement en place à Yaoundé. Pas question de les mettre en péril pour cette sombre histoire. Atangana soupire:

« Quand la France est intéressée, elle sait s’impliquer. Là, ils se sont dit que c’était une histoire d’Africains entre eux, forcément louche. Que je ne valais pas la peine de créer un incident diplomatique. »

Quinze ans durant, il attendra en vain la visite d’un diplomate, une enquête parlementaire, au moins un peu de compassion. « La simple protection consulaire m’a été refusée. Même si la France considérait que j’étais coupable, on aurait pu au moins s’assurer que mes droits étaient respectés, vérifier mes conditions de détention. J’ai eu le sentiment que je n’étais pas un Français comme les autres. »

« Un Français de couleur »
Le soutien tant espéré viendra paradoxalement des Etats-Unis: en 2005, le département d’Etat Américain lui reconnaît le statut de prisonnier politique. En 2013, Amnesty International lui accorde le statut de prisonnier d’opinion. L’ONG américaine Freedom House le soutient. Mais pas une seule ONG française ne se mobilise. En 2009, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, ému de son sort, regrette de ne rien pouvoir faire pour lui, mais lui promet d’en référer au Quai d’Orsay. En vain.

Sur sa petite radio, le prisonnier a suivi de près l’affaire de l’Arche de Zoé, dont les responsables, accusés d’enlèvements d’enfants, ont pu être extradés et jugés en France. « Même eux ont eu droit à plus d’égards que moi. » Il parle doucement, avec calme et beaucoup de dignité.

Mes geôliers disaient: si tu étais vraiment français, la France s’occuperait de toi.
Michel Thierry Atangana

« C’est ma meilleure thérapie. Je n’ai pas de place pour la haine. Mais je suis français. Pourquoi la France m’a-t-elle abandonné ? »

Il en est convaincu: « Il n’y a pas le même intérêt pour un Français de couleur. » En 2012, quinze ans après son arrestation, François Hollande sera le premier président à lui écrire, s’engageant à faire son possible pour l’aider. Il lui en est reconnaissant, sans savoir si l’intention a été suivie d’effet. « Mon cas n’était pas stratégique. » Il ne suscite guère d’émotion dans les médias. « Il y a eu un grand silence organisé », accuse-t-il. A quelques exceptions qu’il a méthodiquement recensées: un papier du « Canard Enchaîné », des passages sur RFI. Et cette enquête du journaliste François Caviglioli, grande plume du « Nouvel Observateur », qu’il évoque avec reconnaissance et émotion.

« Cet article a été décisif. Jusque-là, mes geôliers disaient: si tu étais vraiment français, la France s’occuperait de toi. Là, c’était la preuve, enfin, que je n’étais pas abandonné par mon pays. Sans lui, je serais peut-être encore en prison, ou mort. »

Au Cameroun, cet article, publié en avril 2013, mille fois photocopié, a circulé dans toutes les rédactions, sortant son cas de l’oubli. Enfin, la presse camerounaise finit par prendre son parti. Quelques mois plus tard, grande victoire: un groupe de travail sur la détention arbitraire de la commission des droits de l’homme de l’ONU reconnaît le statut arbitraire de sa détention et réclame sa libération, sa réhabilitation, et son indemnisation.

Le 24 février 2014, Paul Biya lui accorde la grâce présidentielle. Depuis, soutenu par plusieurs avocats français, et des personnalités politiques, il réclame inlassablement justice, frappe à toutes les portes, multiplie les courriers à la République…

En retour, il ressent beaucoup de condescendance. A 52 ans, sa vie est brisée. Divorcé, père de quatre enfants, il n’a plus rien. Reçu au Quai d’Orsay et à l’Elysée, il n’est à ce jour ni réhabilité ni indemnisé. En guise de réparation, il lui a été suggéré de tourner la page. Et de s’inscrire au RSA (Revenu de solidarité active. Il s’agit d’une aide donnée en France aux personnes sans ressource.)

Michel Thierry Atangana
Jeune Afrique)/n

La libération conditionnelle de Pierre Désiré Engo vue par son fils

Joël Didier Engo, qui a lancé en France le Comité de libération des prisonniers politiques pour soutenir son père et d’autres personnalités, dit prendre «acte» de la décision

Le Comité de libération des prisonniers politiques du Cameroun (CL2P), mouvement lancé en France le 03 mai dernier par René Dassié et Joël Didier Engo – le fils de Pierre Désiré Engo – a publié un communiqué hier en rapport avec la décision du Tribunal criminel spécial de permettre à l’ex-Dg de la CNPS de comparaitre libre. Pour le CL2P, « si cette décision permet à l’ancien ministre aujourd’hui âgé de 73 ans de respirer l’air d’une liberté qu’il n’aurait jamais dû perdre eu égard à la nature de son affaire, le comité s’étonne cependant que les juges se soient autorisés à l’assortir d’une interdiction formelle de quitter le territoire camerounais. » La décision de la justice, le 07 mai 2014, de lever le mandat de détention provisoire contre Pierre Désiré Engo, a été effectivement assortie d’une interdiction de sortie du territoire, le temps d’avoir des éléments plus précis sur la destination des 25 milliards de F CFA de la CNPS qui se seraient retrouvés dans son compte personnel au crédit lyonnais.

Pour le CL2P par ailleurs, Pierre Désiré Engo qui en est ainsi à sa deuxième affaire depuis septembre 1999 fait l’objet d’un « acharnement judiciaire contre un homme dont le seul crime est d’avoir été soupçonné de vouloir faire ombrage au chef d’État camerounais à travers une association mémorielle (consacrée à Martin Paul Samba, résistant camerounais fusillé par les Allemands le 8 août 2014, ndlr). Au bout de leur argumentaire, René Dassié et Joël Didier Engo qui clament l’innocence de l’ex-Dg de la Cnps, demandent l’intervention du chef de l’Etat camerounais. « La responsabilité directe de Paul Biya est engagée sur ce cas, eu égard à sa mission de garant constitutionnel de l’indépendance de la Justice », plaident-ils.

Des éléments semblent avoir été omis dans le communiqué du CL2P, notamment le fait que Pierre Désiré Engo reste encore en prison malgré la décision du TCS. Au moment de l’ouverture de l’affaire des 25 milliards de F CFA, il purgeait déjà une peine de 20 ans d’emprisonnement infligée en 2000 par la chambre criminelle du tribunal de grande instance du Mfoundi. Peine qui court encore. Me Alexis Bayebeck a reconnu hier au sortir de l’audience du TCS que seule l’application du décret du 18 février 2014 relatif à la grâce présidentielle pourrait permettre à Pierre Désiré Engo d’être en liberté.

Si cette liberté intervenait, le fils de l’ex-DG de la CNPS a affirmé sur son blog, qu’il continuera l’action du CL2P pour «toutes les victimes de l’arbitraire judiciaire et carcéral au Cameroun». On se rappelle qu’au lancement de ce comité, Pierre Désiré Engo était la première personnalité de la liste. Y figuraient également Marafa Hamidou Yaya, ex-Secrétaire général à la présidence de la République (25 ans de prison) ; Paul Eric Kingue, ancien maire de Njombé Penja (prison à vie); Dieudonné Enoh-Meyomesse, historien et homme politique (07 ans de prison); Urbain Olanguena Awono, ancien ministre de la Santé publique (20 ans de prison)

Lire le communiqué du CL2P par rapport à la liberté conditionnelle de Pierre Désiré Engo

Joël Didier Engo
cameroon-info.net)/n

Pierre Désiré Engo est sorti de prison

C’est aux alentours de 19h00 ce 08 mai 2014 que l’ex-dg de la Cnps a retrouvé la liberté. Un peu plus de 24h après la levée du mandat de détention provisoire à son encontre.

C’est la fin des conjectures autour de la libération ou non de Pierre Désiré Engo, depuis la levée, hier, du mandat de détention provisoire contre l’ex-directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Pierre Désiré Engo a quitté la prison centrale de Yaoundé le 08 mai 2014 aux alentours de 19h00 pour retrouver son domicile qu’il a quitté .depuis septembre 1999.

Joint au téléphone par journalducameroun.com, son avocat, Me Alexis Bayebeck, a expliqué que Pierre Désiré Engo a bénéficié des dispositions du décret présidentiel du 18 février 2014 qui portait commutation et remise de peine pour une certaine catégorie de prisonniers qui avaient déjà eu une condamnation définitive. C’est grâce à « la mansuétude du chef de l’Etat » que Pierre Désiré Engo recouvre la liberté, a confié son avocat. Il devait encore purger une demi-dizaine d’années en prison dans le cadre d’une première affaire.

Pierre Désiré Engo avait déjà eu effectivement une peine définitive de 15 ans par la cour Suprême en 2005 dans le cadre d’une première affaire ayant trait au recouvrement des loyers d’immeubles et meubles appartenant à la Cnps. La même année, suivait l’ouverture d’une autre affaire liée cette fois à des malversations présumées dans la construction d’un immeuble de la Cnps à Douala en 1998. Les fonds dégagés, 25 milliards de F CFA, se seraient retrouvés dans le compte de l’ex DG au crédit Lyonnais. En décidant de lever le mandat de détention provisoire en attendant un complément d’information, le Tribunal a ouvert la voie à la libération de Pierre Désiré Engo. Liberté retrouvée ce jour grâce à une mesure du chef de l’Etat dont a bénéficié avant lui Michel Thierry Atangana et Titus Edzoa entre autres.


Deux mois après la grâce présidentielle, combien de prisonniers ont été libérés?

Pour atténuer la polémique sur des pressions extérieures, le ministre de la Communication avait parlé de 24.000 prisonniers concernés

Le 18 février 2014, dans la fièvre de la célébration du cinquantenaire de la Réunification du Cameroun, Le chef de l’Etat, Paul Biya, avait signé un décret portant commutation et remise de peines d’une certaine catégorie de prisonniers, définitivement condamnés. Les premières personnes libérées, le 24 février 2014, ont été Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana, sous de forts soupçons de pression extérieure, notamment de la France (du président François Hollande) et du Haut-commissariat des Nations-Unies pour les droits de l’homme qui avait jugé illégale la détention de Michel Thierry Atangana.

Face à cette polémique, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, porte-parole du gouvernement, avait jugé utile de tenir une conférence de presse, le 25 février 2014, pour rappeler qu’il s’agissait d’un acte de « mansuétude et d’humanisme » du chef de l’Etat, indiquant par ailleurs que 24.000 prisonniers en seraient bénéficiaires. Dans une émission télévisée de grande audience, un journaliste avait alors ironisé sur les estimations du ministre jugeant qu’il s’agirait par-là de « tous les prisonniers du Cameroun » qui sortiraient des prisons.

Combien ont effectivement bénéficié de cette grâce ? Journalducameroun.com a fait le décompte au vu des chiffres officiels publiés par le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune selon les principales prisons, entre le 18 février 2014 et le 17 avril 2014. Les prisonniers l’ont été à grand renfort de publicité.

A la prison principale de Bafoussam, 183 prisonniers en ont été bénéficiaires ; A la prison centrale de Ngaoundéré, une cérémonie solennelle organisée le 05 mars 2014 a permis à 69 personnes de sortir de prison ; Au total dans cette prison du chef-lieu de la région de l’Adamaoua, c’est 195 personnes qui ont bénéficié du décret. A la prison principale de Nkongsamba, environ 140 ; A la prison centrale de Douala à New Bell : 538 bénéficiaires, dont 116 libérés au cours d’une cérémonie le 10 mars 2014 ; A la prison d’Ebolowa, 22 prisonniers ont recouvré la liberté le 10 mars pour un total de 81 bénéficiaires ; A la prison centrale de Yaoundé à Kondengui, 600 détenus ont bénéficié des mesures de la grâce ; Dans l’Extrême-Nord, inclus les prisons de Maroua et Kousseri, c’est 893 détenus qui ont bénéficié de ce décret ; A l’Est, la prison principale de Bertoua et les huit autres prisons secondaires (Batouri, Abong-Mbang, Yokadouma, Moloundou, Messamena, Betaré Oya, Doumé et Lomié) ont vu 235 prisonniers bénéficier de la grâce ; A la prison principale de Mfou dans le Centre, 83 détenus ont bénéficié de cette mesure ; Dans le Nord, Cameroon Tribune indiquait, dans son édition du 19 mars 2014, que 890 condamnés définitifs ont bénéficié de cette mesure dans les prisons de la région.

Dans ces divers milieux carcéraux, dont les chiffres ont été publiés, c’est un total de 3838 prisonniers qui ont pu bénéficier de la grâce présidentielle à travers la libération, après paiement d’éventuelles contraintes par corps, ou encore à travers une diminution de peine. Loin des 24.000 annoncés par Issa Tchiroma.

Pour les prisons dont les chiffres ont été rendus publics, il s’agit de quelque 3838 prisonniers qui ont bénéficié des mesures de la grace présidentielle

Titus Edzoa: «Un président de la République n’a pas d’ami»

L’ex-collaborateur de Paul Biya, qui a bénéficié de la grâce présidentielle après 17 années passées en prison, estime, auprès de la presse nationale, avoir conservé ses convictions.

Dans une conférence de presse accordée à sa résidence samedi dernier, 1er mars, Titus Edzoa a fait part de ses sentiments envers le chef de l’Etat Paul Biya dont il fut le collaborateur avant de se retrouver en prison en 1997. « Un président de la République n’a pas d’ami. Cela veut dire que je n’ai jamais été l’ami du président de la République. En revanche, j’ai été son proche collaborateur », a indiqué l’ex Secrétaire général de la présidence de la République, dans son domaine au quartier Simbock à Yaoundé.

« D’aucuns disent que j’ai dit merci aux acteurs de l’extérieur sans le dire au président de la République. Ce dernier n’a pas besoin de gratitude. La politique n’aime pas les génuflexions. Il faut être digne. Respecter le président de la République car, s’il n’avait pas autorisé mon arrestation, je n’aurais jamais été embastillé. De l’autre côté, s’il n’avait jamais signé le décret, je n’aurais jamais été libéré », a-t-il ajouté.

L’ex haut commis de l’Etat a cependant indiqué qu’il pardonnait « aux autres » qui lui ont fait du mal. « Ils sont nombreux. Je les connais d’ailleurs nommément », a-t-il révélé. Titus Edzoa avait en effet été arrêté le 3 juillet 1997, trois mois après sa démission du poste de ministre de la Santé publique et l’annonce officielle de sa candidature à l’élection présidentielle qui devait se tenir au mois d’octobre de la même année. Condamnée une première fois à 17 ans de prison en 1997 puis une seconde fois à 20 ans de prison en 2012 pour des faits de détournements de biens publics qu’il a toujours niés, Titus Edzoa s’est toujours défendu d’être un prisonnier politique.

Celui qui a bénéficié de la grâce présidentielle du 18 février dernier en même temps que le Franco-camerounais Michel Thierry Atangana, a par ailleurs relevé qu’au moment de sa démission, il avait la vision d’un homme d’Etat. « Mais aujourd’hui, j’ai la vision d’un homme politique », a-t-il déclaré. A des questions de journalistes, curieux de savoir ce qu’il fera désormais en politique et s’il sera éventuellement candidat à l’élection présidentielle de 2018, Titus Edzoa a répondu : « J’ai démissionné du gouvernement, mais cela ne veut pas dire que j’ai démissionné du Rdpc (le parti au pouvoir, ndlr). C’est clair. A moins que vous m’en démissionnez vous-mêmes. [.] Vous faites déjà de moi un candidat de 2018, mais je dis d’attendre un peu ».

Titus Edzoa estime en outre que ses convictions n’ont pas été entamées après son séjour carcéral. Séjour d’ailleurs à propos duquel il estime : « On voit que vous n’avez pas été au Sed. Je n’ai pas été emprisonné, j’ai été séquestré. » Pour atténuer l’effet que la prison aurait eu sur lui, Titus Edzoa dit se porter relativement bien. A titre d’illustration, avant d’aller en prison je pesais 62 Kg. Hier (28 février, ndlr) je me suis pesé. Vous serez surpris peut-être. Je pèse encore 62 Kg. Donc, 17 ans n’ont pas entamé la santé mentale heureusement aussi la santé physique ». L’ex-sgpr a révélé néanmoins qu’il fera un autre livre sur les 17 années d’incarcération à la caserne militaire du Secrétariat d’Etat à la Défense, après « Méditations de prison », sorti en 2012.

Titus Edzoa le 01er mars 2014, dans sa résidence au quartier Simbock à Yaoundé
newsducamer.com)/n

Grâce présidentielle: Mounchipou Seidou, troisième personnalité libérée

Après Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana, l’ex ministre camerounais des Postes et des Télécommunications a recouvré la liberté hier.

Mouchipou Seidou, ancien ministre des Postes et des Télécommunications, a recouvré la liberté le 27 février en soirée. Il lui restait six mois à passer en prison après sa condamnation à 15 ans d’emprisonnement par la cour d’appel du Centre en juin 2006. Après ce second jugement, il s’était pourvu en cassation à la Cour suprême sans obtenir de réponse. Mouchipou Seidou avait initialement été condamné en novembre 2003 à 20 ans d’emprisonnement pour détournements de biens publics liés à des marchés relatifs à la réfection de l’immeuble ministériel et l’acquisition d’équipements informatiques.

Il devient ainsi la troisième personnalité à bénéficier du décret de remise de peine signé par le chef de l’Etat camerounais le 18 février dernier, dans la mouvance de la célébration du cinquantenaire de la Réunification du Cameroun. Dans un point de presse tenu en début de semaine par le ministre de la Communication, l’on a appris que c’est en tout 24.000 prisonniers qui devraient bénéficier des mesures de cette grâce présidentielle. Mouchipou Seidou goute ainsi la grâce présidentielle, après Titus Edzoa, ancien secrétaire général de la présidence, et le Franco-camerounais Michel Thierry Atangana, condamnés solidairement tous les deux à 15 ans d’emprisonnement en 1997, puis à 20 ans en 2012, libres depuis le 24 février.

Le décret présidentiel du 18 février 2014 bénéficiera à 24.000 détenus
PRC)/n

Titus Edzoa : « S’il fallait recommencer, je le ferais »

L’ancien secrétaire général de la présidence de la République du Cameroun, libéré le 24 février dernier, estime toujours que son emprisonnement était exclusivement politique.

Titus Edzoa, l’ancien Secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr), qui a été libéré suite au décret présidentiel de remise de peine du 18 février 2014, a accordé une interview à Radio France International (RFI) ce 26 février. Ancien médecin du chef de l’Etat et par ailleurs ministre de la Santé publique au moment de sa démission du gouvernement en 1997, Titus Edzoa avait été condamné à 15 ans de prison la même année.

Après avoir purgé cette première peine, il avait de nouveau été condamné à 20 ans d’emprisonnement en 2012 dans le cadre d’un second dossier de la même affaire sur des détournements de deniers publics. Titus Edzoa a indiqué à Rfi ce matin que c’était un problème fondamentalement politique. « J’étais un prisonnier politique », a affirmé Titus Edzoa.

Titus Edzoa avait déclaré sa candidature à l’élection présidentielle d’Octobre 1997 et a toujours vu cette prise de position comme la source des 17 années qu’il a passées en prison. Au journaliste de Rfi qui lui a demandé s’il regrette le geste posé en 1997, l’ex-Sgpr a indiqué : « S’il fallait recommencer, je le ferais, puisque ce sont ces convictions pour lesquelles j’ai démissionnées qui me soutiennent jusqu’aujourd’hui. »

A 69 ans, Titus Edzoa a indiqué qu’il prendra le temps de ses reposer « physiquement mais aussi mentalement » avant d’envisager un éventuel retour en politique. « Ce n’est pas exclu », a-t-il relevé. Titus Edzoa a déclaré qu’il n’a jamais demandé la grâce présidentielle, tout en remerciant l’Organisation des Nations Unies, l’Union Européenne et la France à travers le soutien du président François Hollande.

Titus Edzoa, libre, après avoir purgé 17 années d’emprisonnement.
Droits réservés)/n