Lettre ouverte à Monsieur le ministre de l’Agriculture du Cameroun

Par Emmanuel Nyemeg III, ingénieur projet et promoteur industriel CEO du Bureau d’étude en ingénierie de projet et conception d’usine

Monsieur le Ministre,
Suite à votre mission en Italie effectuée au courant de cette semaine à l’occasion de laquelle vous avez signé une convention d’accompagnement avec l’université de Florence, relativement au Programme d’Investissement et de Développement des Marchés Agricoles (Pidma), pour accompagner le département ministériel dont vous avez la charge, dans la production et la transformation du manioc en farine, permettez-moi de vous signifier à travers cette épître, que vous avez définitivement enseveli ce qui constituait jusqu’à lors l’orgueil des Camerounais.

Votre département ministériel a bénéficié de la Banque Mondiale et des partenaires au développement de 49 milliards de francs Cfa pour booster la production du manioc, du maïs et du sorgho. Vous affirmez à travers une chaîne de télévision de la place que vous avez déjà construit et mis en service, du moins votre département ministériel, une usine de transformation du manioc à Sangmelima. S’agit-il de l’usine construite par la chambre de Commerce du Cameroun en vue de la production de la semoule à base de manioc appelé « Akwa kwa » ou alors d’une autre usine dont nous n’avons pas connaissance? Si c’est le cas, il nous semble que la chambre de Commerce du Cameroun n’est pas sous la tutelle du ministère de l’Agriculture pour confondre ses réalisations à celles de votre département ministériel.

Par ailleurs, dans le cadre du programme Pidma, avez-vous envisagé la valorisation des feuilles de manioc qui manifestement sont riches en vitamine B12 et qui sont abondamment consommées par les populations sous différentes formes ainsi que les rafles des tiges de sorgho et de maïs? Il nous semble que non puisque vous n’en faite pas allusion dans vos différentes sorties médiatiques au sujet du Pidma. Aujourd’hui, vous sollicitez l’expertise italienne pour accompagner votre département ministériel dans la production et la transformation du manioc en farine, car selon vous, les Italiens maîtrisent la production des farines.

En passant, Monsieur le Ministre,
Connaissez-vous l’école polytechnique de Yaoundé? De tout évidence Oui. Connaissez-vous la Faculté des Sciences Agronomique (Fasa) de l’université de Dschang? Indubitablement oui, ceux d’autant plus que tous les ingénieurs agronomes ou presque sorties de cette autre grande école sont vos collaborateurs, c’est-à-dire des fonctionnaires. Avez-vous connaissance ou entendu parler de l’Ecole Nationale Supérieure des Sciences Agro Industriel (Ensai) de l’université de Ngaoundéré connue à l’époque sous le nom de Ensiaac? Probablement oui et votre collègue ministre de l’Enseignement Supérieur peut vous édifier mieux que nous par rapport à cette prestigieuse école qui existe depuis 1984 soit 31 ans aujourd’hui. Pour votre gouverne, l’Ensai de l’université de Ngaoundéré est le temple, mieux, la référence dans la sous-région Afrique Centrale, dans la production et le développement de savoir-faire et d’expertise en Industrie agroalimentaire et en biotechnologie.

Bien plus, si vous en formulez la demande, un conteneur de 40 pieds serait insuffisant pour vous faire parvenir les mémoires des étudiants qui ont travaillé sur la transformation du manioc en tous ses dérivés avec la collaboration de leurs enseignants. Dès lors, quelle expertise cherchez-vous si loin, à coup de milliards de francs Cfa alors que vous pouvez l’obtenir sur place, à moindre coût, avec un avantage comparatif conséquent. Les ressources financières qui seront mobilisées dans le cadre de votre collaboration avec l’université de Florence auraient été très utiles à l’université de Ngaoundéré pour la réhabilitation des ateliers de simulation des grandes écoles ainsi que l’équipement de ses laboratoires de recherche appliquée.

Vous venez ainsi de poser, de notre point de vue, un acte anti patriotique majeur, de faire perdre un grand pari à l’université de Ngaoundéré notamment à sa communauté scientifique, de sous-estimer, ridiculiser et à la limite cracher sur l’intelligence et l’expertise camerounaise dans le domaine agroalimentaire et de ramer, in fine, à contre-courant de l’émergence du Cameroun. Vous empêchez les Camerounais, qui cultivent pourtant le manioc, de parler avec autorité de la transformation du manioc, éventuellement en farine, pour nous mettre paradoxalement à l’école italienne où on ne cultive, ni ne mange du manioc. Ce que vos amis de l’université de Florence mettront à la disposition de votre département ministériel, en termes d’expertise ou de savoir-faire, ne tombera pas du ciel. Ce sera le fruit du travail. Doit-on par-là comprendre que nous sommes inaptes ou incapables à faire le travail que vous confiez aux Italiens?

Votre acte contribue à encourager les Camerounais à l’immigration dans l’espoir que le travail qu’on pouvait leur confier sur place, en restant dans leur pays et en étudiant dans leurs universités, leur sera plutôt donné en hexagone. En outre, dans une de vos sorties médiatiques, vous entendez encourager les Camerounais à cultiver les légumes de  »foléré » de son nom scientifique, Calice d’Oseille de Guinée, en vue de produire des boissons naturelles pour, dites-vous, concurrencer le Coca Cola. De grâce, Monsieur le Ministre, épargnez-nous une autre humiliation en allant chercher une expertise en Occident pour apprendre aux Camerounais à produire des boissons gazeuses à base des extraits naturels. Pour finir, nous voudrions porter à votre connaissance, Monsieur le Ministre, qu’en 1999 soit 16 ans aujourd’hui, à l’Ensai de l’université de Ngaoundéré, un enseignant et un étudiant en fin de cycle de ses études d’ingénieur ont réalisé l’exploit de fabriquer du vin de table à partir des extrais naturels du fruit de  »Cassimanga ». Vous ne trouverez, nulle part dans le monde, un tel breuvage au goût raffiné et au timbre exceptionnel, puisque nous en avons dégusté le produit fini. C’est un exemple parmi tant d’autres, pour vous faire savoir que dans cette prestigieuse école, on travaille depuis des années à la frontière de la connaissance où des résultats visibles et palpables sont produits.

Votre ministère a été saisi par cet ingénieur pour développer le projet au début des années 2000, notamment dans la vulgarisation de la culture de ce fruit pour en assurer l’approvisionnement en matière première en quantité. Et comme on aurait pu s’y attendre, pas de suite favorable. L’ingénieur est aujourd’hui salarié quelque part dans une entreprise privée probablement chinoise et l’enseignant affecté depuis des années à l’université de Yaoundé 1 à Ngoa Kellé et les connaissances développées par ceux-ci parquées dans les archives de l’université. Affaire classée! Voilà le sort réservé à ceux qui innovent dans la République du Cameroun des temps modernes.

Au terme de notre correspondance, qui n’est rien d’autre qu’une ultime interpellation en faveur de nos dirigeants et gouvernants qui semblent complètement déboussolés et déphasés sur les enjeux de la mondialisation, nous essayons le c ur brisé, de parvenir à sauver ce qui peut encore l’être, dans un Cameroun complètement à la dérive. Ainsi, nous vous souhaitons, Monsieur le ministre de l’agriculture, bon vent dans l’exercice de vos fonctions.


Droits réservés)/n

Florence Béal-Nénakwe, artiste peintre camerounaise

Elle transporte avec elle toute l’histoire de son enfance vécue à la chefferie de Bangangté dans la région de l’Ouest Cameroun

Parlez nous des 18 premières années que vous avez passées au Cameroun
J’allais aux champs pour cultiver avec ma maman, comme toutes les petites filles, avec mes frères et s urs. Je dessinais sur mes cahiers d’école, sur la terre et je bricolais. Je m’amusais comme tous les enfants. Je n’ai jamais été très école et mes parents ont forcé pour que je suive des études. Mais au collège, ils voulaient que je fasse la série générale et moi je voulais être orientée en technique. Il y a eu désaccord et j’ai arrêté mes études. J’ai grandi à Bagangté ville dans la région de l’Ouest et ensuite à Douala dans la région du littoral. J’étais choyée parce que je porte le nom de ma tante, la Reine Nénakwé, de la chefferie de Bagangté ville.

La femme, on le remarque occupe une grande place dans vos travaux; est ce que vous pouvez nous dire pourquoi?
Je peins aujourd’hui à l’image de ce que j’ai toujours vu, de l’environnement dans lequel j’ai grandi. La femme occupe une place très importante dans la vie d’une famille et donc d’un enfant. Elle joue le rôle d’un pivot autour duquel la vie se déroule. J’ai grandi entouré de femmes. Ma mère, ma Tante la Reine Nénakwé dont je porte le nom, ainsi qu’un mélange de femmes du quartier ou d’autres villes avec qui nous formions une sorte de petite famille sont mes références et forcément quand on veut peindre, on pense d’abord à ces détails de notre enfance.

Non seulement vous peignez la femme, mais vous la plongez dans un grand mélange de couleurs: quel message peut on y entrevoir?
Le message que l’on peut entrevoir dans ce mélange de couleurs: c’est la joie, l’espoir, la paix et l’amour. J’ai eu envie de peindre pour parler de l’amour, raconter la vie, le bonheur, la joie et on ne peut le faire qu’avec des couleurs gaies.

De vous, l’histoire rapporte qu’en pays Bangangté (Région de l’ouest du Cameroun) d’où vous venez, votre statut de princesse et la possibilité que cela vous offrait d’être aux contact des uvres artistiques vous a fortement inspiré, est ce vrai?
Tout cela est vrai, les masques, les formes géométriques que j’appelle « formes bizarres » ont beaucoup influencé mon travail. Le contact des oeuvres artistiques de mon enfance reste pour moi une source intarissable de créativité. Vous savez, quand j’étais petite et que je voyais ces masques, je me disais tout le temps c’est bizarre. En grandissant, on m’expliquait ce que c’était et je comprenais mieux. En plus j’ai eu la chance de grandir dans la chefferie où il y a beaucoup de masques, pour les différentes cérémonies et tout ça fait partie de mes souvenirs d’enfance.

On rapporte qu’au début de votre activité les gens se moquaient de vous, et cela logiquement dans un contexte où l’art est apprécié sous un prisme d’incompréhension ; qu’est qui vous a motivé à continuer de peindre malgré tout?
C’est vrai. Quand j’étais plus jeune, je dessinais, je faisais les cahiers de morceaux choisis de mes camarades, des amis, des cousins. Et petit à petit, je prenais confiance mais j’avais toujours peur du regard des autres. Même plus tard, j’ai dessiné et caché mes toiles jusqu’à ce que mon mari les voit et me félicite. C’est alors qu’il m’encourage à continuer et surtout à permettre aux autres de voir mon travail. Le droit à la différence a été une source de motivation face aux moqueries et à l’incompréhension de mes camarades et des gens.

Florence Béal-Nénakwe
Journalducameroun.com)/n

Quelque chose impressionne chez vous, vous êtes une autodidacte, pourtant depuis 1996, vous enchainez les expositions, c’est quoi votre secret?
Je n’ai pas de secret, je dirais seulement qu’il faut travailler et avoir une grande part de chance.

Vous n’avez jamais fait d’exposition dans votre Cameroun natal, pourquoi?
A cause de la logistique liée aux expositions. Il faut des assurances, emballer les toiles et le transport des toiles est particulier. Je ferrais l’exposition au Cameroun quand toutes les conditions seront réunies.

Que fait Florence lorsqu’elle ne peint pas?
Lorsque je ne peins pas, je bricole, je couds, je jardine et je fais un peu de cuisine. Je m’occupe de mes enfants et de ma famille

Quelle vision avez-vous de la femme camerounaise de demain?
Je vois la femme camerounaise de demain comme une femme engagée et entreprenante avec des valeurs morales des ancêtres. Les femmes, qu’elles soient camerounaises, africaines ou d’autres continents, ont une force incroyable et beaucoup de talents. En Afrique et plus particulièrement dans mon village, je vois encore les femmes gérer les foyers, s’assurer de l’éducation de leurs enfants, travailler et tout ça sans se plaindre.

Avez-vous des projets pour le Cameroun?
Oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup !!! Avec l’aide de Dieu, s’il le veut je les réaliserais. Je vous en parlerais le moment venu.

Magnie, par Florence Béal-Nénakwe
Maman Magnie/beal-nenakwe.com)/n