OpinionsTribune



On l’appelle le Grand Littoral. Une ceinture géographique vivante, de Mamfé à Kribi, d’Otélé à Babimbi. Une terre de brassage, de richesses et de mémoire. C’est là que le Cameroun a trouvé son nom, sur ces rives baptisées par les navigateurs portugais Rio dos Camarões. C’est là aussi que Rudolf Duala Manga Bell, Um Nyobe et tant d’autres figures venues d’autres régions se sont levés, au prix de leur vie, pour défendre la dignité de notre peuple.

Et pourtant, malgré son histoire, malgré son poids économique et culturel, le Grand Littoral demeure une partie négligée de la République. Marginalisé dans la répartition des postes de souveraineté, sous-équipé en infrastructures, invisibilisé dans les cercles de décision, il porte le paradoxe de nourrir la maison Cameroun sans jamais siéger à sa table.

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Un poumon économique négligé

Douala et Kribi, nos ports, assurent 95 % du commerce extérieur. Édéa, Kribi et Limbé forment un triangle industriel où s’articulent raffineries, zones industrielles et centrales hydroélectriques. Nos terres fournissent cacao, bananes, bois, hydrocarbures, poissons. Nos plages, nos montagnes et nos villes brassées sont autant d’atouts touristiques. Et pourtant, les routes s’effondrent, les hôpitaux manquent de lits, les universités de moyens, les élites de relais politiques.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur une liste aléatoire de 71 PCA que nous avons vu dans l’un des travaux de Pr Ondoua Viviane Biwole, nous pouvons remarquer que 35 % des présidences de conseils d’administration vont à l’aire Ekang, 25 % aux Grassfields, 24 % au Septentrion… et seulement 15 % au Grand Littoral. Comme si le territoire qui fournit autant au Cameroun devait rester dans l’ombre d’un triangle équilatéral devenu cage de verre pour la République.

Du triangle au carré national

De mémoire l’illustre universitaire Pr Gabriel Nlep à qui je rends hommage, relevait dejà que le Cameroun reste structuré autour d’un « triangle équilatéral » dont les trois pôles se partagent le pouvoir au détriment des autres composantes nationales. Ces pôles à savoir le Septentrion (Extrême-Nord, Nord, Adamaoua), les Grassfields (Ouest et Nord-Ouest) et l’aire Ekang (Centre, Sud et Est) concentrent à eux seuls l’essentiel des postes décisionnels du pays. Aujourd’hui, plus de 30 ou 50 ans après, cette pratique reste d’actualité. Il est venu le temps de sortir de ce schéma épuisé.

Le Cameroun ne peut plus continuer à s’organiser autour d’un triangle équilatéral qui exclut le quatrième pilier de son édifice qu’est l’ensemble Grand Littoral. Reconnaître le Grand Littoral, et la part qui lui revient c’est bâtir un carré national, stable, inclusif, équilibré. C’est faire acte de justice.

Nous ne demandons pas une faveur. Nous exigeons justice. Justice dans la représentativité au gouvernement, dans les ministères régaliens, dans les directions d’entreprises publiques, dans la diplomatie. Justice dans les investissements (routes structurantes, hôpitaux modernes, universités dignes, zones touristiques). Justice dans la gouvernance avec l’implication réelle des élites du Grand Littoral dans la définition des politiques publiques.

Un appel républicain

Cette tribune n’est pas une revendication régionaliste. C’est un appel républicain. Le Cameroun ne tiendra pas debout si une partie essentielle de son corps reste affaiblie. Le Grand Littoral a porté le pays hier, il le porte encore aujourd’hui, et il est prêt à le porter demain. Mais à une condition que la République lui reconnaisse enfin sa juste place.

Nous n’acceptons plus d’être relégués à l’arrière-cour. Le Cameroun doit devenir un carré, et non plus un triangle. Car le carré a quatre côtés, quatre piliers, quatre forces en équilibre. Le Grand Littoral réclame sa part. Non par caprice, mais par exigence d’équité. Non par défi, mais par fidélité au Cameroun.

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