Quelques jours après la célébration de la Fête du Travail, l’heure est au bilan. Si le pays enregistre des avancées en matière d’emploi et de revalorisation salariale, les défis restent nombreux, notamment pour les jeunes diplômés et les travailleurs du secteur informel.
Des signaux positifs du côté des PME et de l’agriculture
Le 1er mai 2025 a été marqué par des marches syndicales à travers le pays, mais aussi par des discours gouvernementaux se voulant rassurants sur la situation de l’emploi. Le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle a notamment mis en avant la création de 12 875 nouvelles PME en 2024, générant plus de 34 000 emplois directs, selon les chiffres publiés en décembre dernier.
Dans les campagnes, les efforts de reconversion des jeunes diplômés vers l’agriculture continuent de porter leurs fruits. Le programme “Un diplômé, un champ”, lancé en 2018, a permis de former plus de 1 000 jeunes dans 8 régions du pays, dont 30 % sont désormais actifs dans les filières agropastorales, d’après ses promoteurs.
Le chômage des diplômés reste une épine dans le pied du gouvernement
Mais derrière ces chiffres, une autre réalité persiste. Selon l’Institut national de la statistique, le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur (25-35 ans) s’élevait à 14,8 % en 2022, soit cinq fois plus que celui des jeunes non-scolarisés du même âge.
Cette disproportion met en lumière un problème structurel : l’inadéquation entre les formations académiques et les besoins du marché. Dans un pays où près de 90 % des emplois se trouvent dans l’informel, les jeunes diplômés peinent à trouver leur place dans un secteur moderne restreint et peu absorbant.
Une grille salariale revalorisée, mais pour une minorités
Côté conditions de travail, la principale avancée concerne la revalorisation du salaire minimum dans le secteur industriel, entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Le SMIG est passé de 39 911 à 60 000 francs CFA pour la première catégorie de la grille salariale, soit une augmentation d’environ 50 %. Une réforme saluée par les syndicats, bien que ne concernant qu’une portion réduite de la population et jugée insuffisante pour les travailleurs.
Dialogue social : encore trop timide
Si les célébrations du 1er mai ont offert une plateforme d’expression aux syndicats, le dialogue social reste encore trop vertical, souvent cantonné à des déclarations d’intention. Les négociations tripartites (État-patronat-syndicats) sont peu fréquentes et rarement suivies d’effets concrets, en dehors du secteur public.
Dans un contexte marqué par des tensions économiques et sociales, de nombreux travailleurs attendent des réformes plus inclusives, notamment pour faciliter l’accès au crédit pour les jeunes entrepreneurs, formaliser les activités informelles, et garantir un filet de sécurité aux travailleurs précaires.
Une urgence : repenser la formation et le marché du travail
Le véritable enjeu à moyen terme est de repenser l’articulation entre formation, emploi et productivité. Des experts recommandent une réforme profonde de l’enseignement supérieur, une promotion renforcée des filières techniques et professionnelles, ainsi qu’une meilleure incitation à l’investissement dans les secteurs porteurs comme le numérique, la transformation locale ou encore l’économie verte.
La Fête du Travail cette année a été l’occasion de dresser un bilan nuancé. Si des progrès sont enregistrés, notamment en matière de création d’emplois et de revalorisation salariale, le Cameroun reste confronté à une double urgence : améliorer l’employabilité des jeunes et offrir des conditions de travail dignes à l’ensemble des travailleurs.