Des « intellectuels patriotes » viennent de commettre une nouvelle tribune pour dénoncer l’engagement du président Paul Biya, âgé de 92 ans, à briguer un huitième mandat. Voici l’intégralité de la tribune libre.
Tribune – L’appel de l’Histoire
Peuple Camerounais,
La décision est désormais sans appel : parmi les quatre-vingt-trois candidatures enregistrées, une douzaine de postulants seulement ont été habilités à concourir pour le scrutin présidentiel d’octobre prochain. Ce tri autoritaire nous envoie un message clair : le régime décide seul qui peut concourir, bafouant nos lois. Pire, il est désormais certain que Paul Biya, nonagénaire viscéralement cramponné au pouvoir, fuit toute transparence. Ses absences prolongées, alimentant instabilité et rumeurs funèbres, consacrent un choix funeste : préférer l’ignominie d’une fuite silencieuse à la noblesse d’un départ salvateur. Ce renoncement condamne ainsi délibérément le Cameroun aux déchirements successoraux, sacrifiant sur l’autel de son ego une nation exsangue, minée par les fractures séparatistes et les crises économiques latentes.
Mais aujourd’hui, l’essentiel est ailleurs. Cette tribune s’adresse à celles et ceux qui portent l’espoir d’un Cameroun nouveau, à ceux prêts à relever un pays fracturé.
S’unir et agir stratégiquement.
La peur est une illusion que nous créons nous-mêmes et qui disparaît quand nous décidons de lui faire face. De la même manière, pour réussir à battre le parti au pouvoir, solidement installé depuis des décennies, l’opposition camerounaise doit impérativement dépasser ses divisions et s’unir derrière un candidat consensuel à la prochaine présidentielle.
Ce choix crucial ne peut résulter de calculs opaques. Il exige au contraire des négociations sérieuses, où chaque formation devra mettre de côté ses ambitions personnelles pour privilégier une stratégie commune, non seulement pour la présidentielle, mais aussi pour les législatives et les municipales à venir.
Ce candidat fédérateur devra être l’émanation d’un consensus et réunir plusieurs qualités essentielles : une assise nationale, une réelle expérience politique fondée sur l’intégrité, et un engagement constant pour l’intérêt général. Une légitimité incontestable, tant au niveau parlementaire que sur le terrain, ainsi qu’une stature reconnue aux plans national et international constitueront des atouts indispensables pour bâtir et mener à bien un projet de gouvernance crédible.
Exiger un projet de refondation nationale clair.
L’alternance exige quant à elle un projet de refondation nationale clair. Changer de président ne suffit pas ; nous devons reconstruire le pays sur de nouvelles bases.
La réconciliation nationale passe par des actes forts incluant la libération sans condition des prisonniers politiques, le rapatriement de la dépouille d’Ahmadou Ahidjo, et la création sans délai d’une Commission Vérité et Réconciliation.
La réforme de l’État est fondamentale et nécessite la convocation d’Assises nationales pour redéfinir notre pacte républicain, l’octroi d’une autonomie réelle aux régions, et la clarification des rôles entre l’État central et les collectivités.
Nous devons en outre réviser la Constitution pour limiter strictement le nombre de mandats présidentiels et affirmer une véritable séparation des pouvoirs. Garantir des élections transparentes est non-négociable : cela implique de modifier le Code électoral pour des résultats proclamés immédiatement et publiquement, et de créer une commission électorale réellement indépendante, rendant obsolète la nécessité pour les partis de surveiller chaque bureau de vote.
La modernisation de l’État et la relance économique revêtent un caractère d’urgence absolue. Cette impérieuse nécessité requiert, en premier lieu, de restaurer l’efficacité gouvernementale par une réduction substantielle du nombre de ministères, plafonné à quinze, et une restructuration rigoureuse du cabinet présidentiel. Elle impose parallèlement un audit sans concession des finances publiques, des Grands Projets structurants et de l’architecture de la dette intérieure, tout en exigeant des investissements stratégiques tournés vers l’avenir.
Par ailleurs, la création d’un Registre Foncier National immuable s’impose pour résorber définitivement les conflits domaniaux. Le futur chef de l’État se devra également de redonner une dignité à la fonction publique en substituant aux avantages en nature une rémunération décente, d’initier une refonte substantielle du système de Santé Publique et de l’Éducation nationale, de réformer le Code des Marchés Publics, et de restructurer les institutions financières publiques. Enfin, un rééquilibrage institutionnel des rapports entre la Présidence et les Assemblées constitue une condition sine qua non de stabilité politique et d’efficacité gouvernante.
Résister à la désinformation.
Face à la violente offensive médiatique et à la propagande d’État qui se préparent, la société civile doit se rassembler pour diffuser massivement des informations vérifiées. L’objectif est de construire un récit alternatif solide, basé sur une vérité incontestable : l’alternance politique n’est pas un choix, c’est une nécessité vitale pour le Cameroun.
L’élection d’octobre 2025 n’est pas un scrutin ordinaire. C’est notre dernière chance de reprendre en main notre destin brisé. L’Histoire jugera sévèrement ceux qui, ayant le pouvoir de changer les choses, auront préféré leurs petits intérêts au salut national.
Assez de paroles. Place à l’action résolue. Écrivons ensemble la nouvelle page du Cameroun.
Yaoundé, 25 août 2025.
Le Collectif d’Intellectuels Patriotes (CIPA-CAM) :
Baba WAME (Journaliste – Universitaire), Stéphane AKOA (Journaliste – Universitaire), MOHAMADOU (Avocat), Alain BOUTCHANG (Universitaire – Consultant), HAMIDOU HAMASSEO (Médecin), Michèle NDOKI (Avocate), AMINOU Mal Adji (Universitaire), Éric CHINJE (Journaliste-Société civile), Aïssatou MOUSSA (Société civile), Jean-Pierre BEKOLO (Cinéaste – Société civile), André FIRISSOU KAKOU (Enseignant), Albert Roland AMOUGOU (Universitaire – Consultant), Lamissa ADORLAC (Journaliste), Alice NKOM (Avocate), Paul SAMANGASSOU (Consultant), Étienne DAFOGO (Société civile), Hama HABIBOU (Politologue), Boris SOUOP KAMGA (Universitaire), KARAMOKO Souleymane (Société civile), Leopold NZEUSSEU (Consultant – Écrivain), Aimé SADOU (Communicateur), Jean-Baptiste HOMSI (Écrivain), Yérima HALILOU (Leader d’opinion), Yaya HAMADJODA (Société civile), Bergeline DOMOU (Société civile), Aboubakar HAMADOU (Société civile, SG Voix du paysan), Aimé BONNY (Universitaire – Cardiologue), Nouhou MOUSSA (Homme d’affaires), Hassana TCHIROMA (Société civile), Emmanuel SIMH (Avocat), Anthony YAOUKE (Activiste – Écrivain), Innocent Blaise YOUDA (Journaliste), Bernard WANGSI (Journaliste – Consultant), HAMAN MANA (Journaliste – Écrivain). Léon ONAMBELE (Juriste – Analyste politique), Rabiatou MANA (Journaliste), Chrétien TABETSING (Chef d’entreprise), BAOH Jean-Marc (Consultant, société civile), NGOKO Merlin (Entrepreneur, société civile), DJOMDI NGOUYA (Universitaire), Bachirou HAMADOU (société civile), WASSOU WASSEL (Enseignant), Calixthe BEYALA (Écrivaine), Edouard KUEGOUE (Société civile), Ebenezer YOMBA (Financier – Société civile), Leonel LOUMOU (Consultant – Société civile), Jean-Paulin DOUMBE (Consultant – Société civile), Armel YOBO (Consultant – Société civile), Berlin EWANE K. (Artiste – Société civile), Jean Vincent TCHIENEHOM (Journaliste – Société civile