Selon l’Institut National de la Statistique (INS), l’inflation alimentaire au Cameroun a atteint 9,1 % en glissement annuel fin 2024, avec des hausses particulièrement marquées sur les produits maraîchers et les condiments.
Au marché Messassi à Yaoundé, les produits maraîchers subissent des hausses de prix aussi brutales qu’inattendues en cette mi-mai 2025. En moins de deux semaines, le coût du cageot de tomates a doublé, passant de 3 000 à 6 000 FCFA. Le sac d’oignons, lui, est quitté de 40 000 à 50 000 FCFA. Derrière ces chiffres, des visages et des voix : commerçantes, vendeuses de rue, mères de famille, toutes s’adaptent tant bien que mal à cette flambée des prix.
Sur les étals du marché Messassi à Yaoundé, épices fraîches et produits maraîchers sont toujours là, mais leur prix inquiète vendeurs comme clients. En quelques jours seulement, le prix du cageot de tomates a doublé, atteignant désormais les 6 000 FCFA. Un choc pour de nombreux ménages qui s’approvisionnent chaque semaine. Marthe, une commerçante dans la cinquantaine, est une figure bien connue du marché. Depuis six ans, elle vend condiments, oignons et tomates. Elle a vu le marché se transformer du jour au lendemain.
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Elle observe ces fluctuations avec une certaine distance : « Parce que le Centre ne sort plus. La tomate qu’on cultive dans la région du Centre ne sort plus. Tout ce qu’on voit au marché ces jours-ci, ça vient de l’Ouest », explique-t-elle, entre deux clients.
La raréfaction des produits cultivés localement, notamment dans la région du Centre, pousse les commerçants à se tourner vers les zones de production de l’Ouest comme Foumbot ou encore Bafoussam. Cela engendre des coûts de transport plus élevés, des risques de pertes pendant le trajet, et donc des prix en hausse au détail. Un phénomène cyclique, mais de plus en plus rapproché selon les acteurs du marché.
Pour Marthe, cependant, la qualité compense parfois la hausse. Elle relativise : « C’est même bien quand la tomate est chère. Il y a la bonne qualité au marché. Il y a moins de pourries et de cassées ». Une logique économique qui ne fait pourtant pas que des heureux.
À l’entrée du quartier Carrière Gracam à Messassi, non loin du marché, Ange vend chaque jour du riz sauce tomate. Pour elle, impossible de se passer de la tomate fraîche malgré la hausse : « Moi comme je vends la nourriture, je fais le riz sauce tomate, je n’ai pas trop le choix. Ce que je fais c’est que comme je viens d’acheter mon cageot ci à 6000 FCFA, je vais seulement augmenter le prix du plat. Comme je vends souvent à 500 FCFA, je vais maintenant vendre à 600 FCFA. Mes clients vont comprendre », confie-t-elle en remuant sa marmite.
Ange rejette l’option de la tomate en sachet, qu’elle juge trop acide pour sa cuisine. Mais elle sait que cette hausse pourrait lui faire perdre quelques clients. Pour l’instant, elle joue la carte de la transparence, espérant que sa clientèle lui reste fidèle malgré les 100 FCFA supplémentaires.
Pour Brenda, jeune mère de famille de 34 ans, cette flambée des prix a un goût amer. Au quotidien, elle lutte pour nourrir ses enfants et maintenir un semblant d’équilibre dans un foyer au bord du gouffre économique : « Moi je ne fais plus ma ration comme une femme normale. Je prends les choses chez les vendeurs au quartier et je leur dis que je vais payer après. Sinon mes enfants n’auront rien à manger », raconte-t-elle avec une voix lasse.
Le système de crédit informel est devenu son refuge. Une dette qui s’accumule, semaine après semaine, sans réelle perspective d’éclaircie. Pour la jeune maman, cuisiner est devenu un exercice d’équilibriste entre nécessité et survie.
Le marché Messassi est un miroir des tensions économiques qui secouent Yaoundé. Derrière chaque étal, chaque marmite et chaque foyer, la même réalité : des prix qui grimpent et des femmes qui s’adaptent, inventent, contournent. Dans ce désordre silencieux, chacune à sa manière tente de garder la tête hors de l’eau. Et, dans leurs témoignages, c’est toute une société qui parle, une société qui résiste, coûte que coûte.