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Cameroun : les enjeux de l’audience des 23 militants du MRC

Ce 15 mai 2025, une audience judiciaire très attendue se tiendra à Yaoundé pour statuer sur le sort de 23…

Ce 15 mai 2025, une audience judiciaire très attendue se tiendra à Yaoundé pour statuer sur le sort de 23 militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), emprisonnés depuis plus de trois ans.

 

Déjà qualifiée d’“arbitraire” par un Groupe de travail des Nations Unies, leur détention soulève des enjeux cruciaux pour la justice, les droits humains et la démocratie camerounaise.

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Un procès sous tension

Les regards sont tournés vers la cour suprême de Yaoundé où se jouera une étape décisive du dossier judiciaire impliquant 23 militants du MRC. Ces derniers avaient été arrêtés en 2020 lors des manifestations pacifiques organisées par le parti d’opposition pour dénoncer la mauvaise gouvernance, l’exclusion politique et l’organisation contestée des élections régionales.

Plusieurs figures majeures du MRC figurent parmi les détenus, dont des responsables de la coordination régionale du parti, des militants de base, mais aussi des sympathisants dont l’engagement politique leur a valu des accusations de rébellion, attroupement illégal, voire de tentative d’insurrection. Certains ont déjà été condamnés à de lourdes peines allant jusqu’à 7 ans de prison, d’autres attendent encore leur jugement après plus de 1 300 jours de détention provisoire.

Un signal d’alarme international

Dans un avis rendu public en mars 2024, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a formellement qualifié l’arrestation et la détention de ces 23 militants de “détention illégale et arbitraire”, réclamant leur libération immédiate. Le rapport de l’ONU souligne “l’absence de garanties d’un procès équitable”, “l’usage disproportionné de la force” lors des arrestations, et “la criminalisation de l’opposition pacifique”.

Cet avis, bien que non contraignant juridiquement, constitue une pression diplomatique forte. Plusieurs organisations internationales, dont Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), ont depuis réitéré les appels à la libération immédiate et inconditionnelle des détenus.

Un climat politique verrouillé depuis 2018

Depuis l’élection présidentielle d’octobre 2018, qui a vu la réélection contestée du président Paul Biya, le Cameroun connaît un durcissement notable de l’espace civique. Le MRC, principal parti d’opposition après cette présidentielle, a vu son leader, Maurice Kamto, arrêté en janvier 2019 et libéré neuf mois plus tard, sous pression internationale.

Plus de 500 partisans du MRC ont été arrêtés entre 2019 et 2021, selon des chiffres compilés par les avocats du parti. Plusieurs d’entre eux ont été relâchés, mais au moins 23 sont toujours incarcérés. Ce chiffre est confirmé par l’ONG Redhac, qui recense actuellement 76 détenus politiques au Cameroun, toutes formations confondues.

Une audience décisive pour l’État de droit

Le 15 mai 2025 pourrait donc marquer un tournant. Pour les familles, les avocats et les défenseurs des droits humains, cette audience est l’occasion de dénoncer l’instrumentalisation de la justice militaire contre les civils. Elle pourrait aussi représenter, pour le pouvoir judiciaire camerounais, l’opportunité de réaffirmer son indépendance dans un contexte où le doute persiste sur l’impartialité des tribunaux dans les affaires politiques.

Un test pour la justice camerounaise

L’audience du 15 mai dépasse le cadre d’un simple procès : elle cristallise les attentes d’une société civile épuisée par la répression, frustrée par les lenteurs judiciaires, et désireuse de voir émerger un État de droit. Quelle que soit l’issue, ce rendez-vous judiciaire constituera un précédent, et pourrait bien être l’un des moments les plus significatifs de l’histoire politique camerounaise récente.

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