Le projet de loi en préparation sur la promotion du plastique recyclé (rPET) au Cameroun suscite de vives inquiétudes au sein de la société civile et du corps scientifique, qui pointent les risques sanitaires liés à un recyclage mal encadré des déchets plastiques.
Le rPET est l’abréviation de « polyéthylène téréphtalate recyclé ». Il s’agit d’un matériau entièrement issu du recyclage de plastiques en PET (notamment les bouteilles). Le rPET est couramment utilisé pour fabriquer de nouveaux emballages, en particulier des bouteilles, ainsi que d’autres produits tels que les textiles.
Le 16 juillet dernier, lors des Journées d’excellence de la recherche scientifique et de l’innovation au Cameroun (JERSIC), organisées par le ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation (Minresi), le Dr Hypollite Mouaffo, chercheur à l’Institut de recherches médicales et d’études des plantes médicinales (IMPM), a été récompensé pour ses travaux sur les risques sanitaires liés à la réutilisation de déchets plastiques recyclés pour le conditionnement de boissons alimentaires. Son étude révèle la présence de biofilms résistants à la désinfection, hébergeant des agents pathogènes tels que Klebsiella, Pseudomonas et Vibrio cholerae, constituant un risque sanitaire majeur pour les populations. Il y dénonce également la faible fiabilité des processus de nettoyage appliqués aux déchets plastiques en cours de recyclage.
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Depuis plusieurs années, la réglementation camerounaise autorise l’usage du plastique recyclé. Pourtant, cette tendance, si elle reste mal encadrée, présente des risques sanitaires importants, alerte la société civile.
De sources concordantes, la rédaction de Journal du Cameroun a appris qu’un projet de loi est actuellement en cours de validation. Le texte prévoit d’encourager l’utilisation du rPET dans les processus industriels, notamment dans l’emballage alimentaire. Mais selon plusieurs experts, cette démarche pourrait exposer les populations à des substances toxiques, en l’absence de garanties de contrôle strict.
« Dans l’état actuel des capacités de recyclage au Cameroun, légaliser l’usage du rPET, notamment dans les contenants alimentaires, représente une menace directe pour la santé publique« , confie, sous anonymat, un toxicologue exerçant dans un laboratoire réputé à Douala.
Déchets collectés dans les caniveaux
Au Cameroun, les déchets plastiques destinés au recyclage sont majoritairement collectés dans des décharges sauvages, des rigoles ou des caniveaux. Souvent souillés, ils sont ensuite triés et fondus dans des unités artisanales, en l’absence de normes sanitaires strictes ou de mécanismes fiables de traçabilité.
Selon plusieurs acteurs du secteur, cette réalité rend impossible toute garantie quant à la non-contamination du RPET utilisé localement.
« Le plastique ramassé à ciel ouvert contient des résidus de carburants, de pesticides, de matières organiques, et parfois de métaux lourds. En l’absence de tests en laboratoire, on ne peut pas garantir son innocuité« , avertit un ingénieur chimiste ayant requis l’anonymat.
Des intérêts industriels en toile de fond ?
À l’origine de la proposition de loi se trouve un collectif d’industriels de l’emballage, appuyé par certains partenaires techniques étrangers. Ces derniers défendent une lecture écologique du texte, insistant sur la réduction des volumes de déchets plastiques dans l’environnement.
Mais pour plusieurs observateurs, cette initiative serait avant tout portée par des intérêts économiques. « Il s’agit d’une démarche de lobbying bien organisée« , estime un ancien cadre du ministère de l’Environnement. « Ce qui est en jeu, c’est la rentabilité d’une filière du recyclage peu régulée, qui pourrait bénéficier d’un blanc-seing législatif. »
Contaminations documentées
Les travaux du Dr Hypollite Mouaffo ont mis en évidence la présence de biofilms résistants à la désinfection, contenant des agents pathogènes comme Klebsiella, Pseudomonas et Vibrio cholerae. Mais il n’est pas le seul. Plusieurs études signalent également des traces de benzène, de phtalates et de résidus bactériens dans certains emballages alimentaires en plastique recyclé. Ces substances sont classées parmi les cancérigènes potentiels ou les perturbateurs endocriniens par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
« L’absence d’une véritable loi encadrant le recyclage du PET est à l’origine de nombreuses défaillances sur le terrain. Pour avoir visité plusieurs entreprises de tri et de recyclage de déchets plastiques, je peux affirmer que leurs processus ne sont pas sains. Il est probable que des produits contaminés et cancérigènes en soient issus », alerte une employée d’une startup spécialisée dans le conseil en responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
« Les produits remis sur le marché sont donc douteux. Il est nécessaire de réguler, mais surtout de bien le faire », poursuit-elle.
Appels à un moratoire
Plusieurs organisations de la société civile, bien que discrètes pour l’instant, se préparent à demander un moratoire sur le projet de loi, ainsi que la mise en place d’un cadre réglementaire rigoureux avant toute légalisation.
« Le recyclage est une nécessité, mais il ne doit pas être fait au détriment de la santé des populations« , estime Esther H., présidente du GIC La Perséverance spécialisé en santé communautaire. « Nous appelons à la prudence, à la transparence et à un débat public. »
Le texte pourrait être soumis au vote du Parlement dès la prochaine session ordinaire, prévue en septembre. Le ministère de l’Environnement, contacté à ce sujet, n’a pas souhaité faire de commentaire.