Le sociologue estime que les ministres et leurs familles sont suffisamment riches et trop bien traités pour en plus bénéficier d’une couverture sanitaire aux frais du contribuable
Le ministère de la Santé publique a récemment pris une assurance maladie pour les membres du gouvernement et assimilés ainsi que leurs familles respectives. Quel commentaire vous suggère d’emblée cet acte?
Je suis particulièrement choqué parce que l’indécence a atteint les sommets inégalables ou alors des profondeurs telles que nous ne savons pas que nous avons atteint le fond et on continue à creuser. Parce que quand on voit le rythme de vie des membres du gouvernement et assimilés aux frais de la princesse, on comprend mal qu’il faille de nouveau les prendre en charge avec leur famille dans la cadre d’une assurance maladie. Et c’est le contribuable, c’est-à-dire le petit peuple qui lui n’arrive pas déjà à se soigner, qui doit maintenant soigner des gens qu’il nourrit déjà et encadre suffisamment bien. Il me semble là que c’est une provocation de trop de la part du gouvernement. Quand vous regardez ailleurs, dans les pays tels que le Gabon à côté, la Côte-d’Ivoire, l’Afrique du Sud, on est allé vers la sécurité sociale et l’universalisation de l’accès à l’assurance. Dans le cas qui est le nôtre, il y a un peuple qui est utile c’est-à-dire ceux-là qui sont au poste, qui ne sont pas nécessairement au poste parce qu’ils sont les meilleurs mais parce que discrétionnairement ont les y a mis et c’est le bas peuple qui est le peuple inutile qui doit pouvoir les soigner. Je trouve pour ma part que c’est indécent et abject, s’il reste encore un peu de morale publique au Cameroun, il est temps de remettre en question ce marché public-là.
On parle depuis quelques années de l’assurance maladie pour tous, de la scission de la Cnps en deux entités, mais ces dossiers restent toujours dans les tiroirs, qu’en penser?
Aujourd’hui la Cnps aurait dû servir de sécurité sociale. C’est vers cela que les pays qui veulent effectivement émerger tendent. Si nos hôpitaux sont devenus des mouroirs aujourd’hui, c’est parce que la Cnps elle-même est un acteur de ces mouroirs-là. A mon sens, c’est une boite qu’on doit dissoudre pour créer une assurance maladie et une sécurité sociale dans le contexte du Cameroun et vous savez qu’au Cameroun on a créé une manière de résoudre les problèmes: c’est d’en parler et dès qu’on a fini d’en parler, le problème a été résolu et on passe à autre chose comme une sorte de néantisation par la parole. Je dis que c’est une provocation de plus et si demain les Camerounais se rendaient compte de cela, que c’est désormais eux avec leur argent, l’argent des contribuables que les ministres et leurs familles vont désormais être soignés, il y a fort à craindre qu’à un moment il y ait un soulèvement social.
Peut-on alors dire que l’unité nationale qui a été récemment célébrée n’est pas une unité nationale pour tous?
Non, il y a ceux qui sont unis par la pauvreté et d’autres qui sont unis par la richesse. Ceux qui sont unis par la richesse et le bien-être, c’est une minorité pendant que les camerounais qui sont unis par la pauvreté, la précarité et la vulnérabilité sont en réalité la grande majorité. C’est un leurre l’unité nationale dont on parle et il y a là une inégalité de traitement des camerounais en à l’accès à l’assurance maladie qui est inacceptable.
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