L’oeuvre de Bassek Ba Kobhio vue par la France

Par Christine Robichon, Ambassadrice de France au Cameroun

Remise des insignes de «Chevalier des arts et des lettres» à Bassek Ba Kobhio
Discours de Mme Christine Robichon, Ambassadrice de France au Cameroun (Yaoundé, 29 janvier 2015).

Monsieur Bassek Ba Kobhio,
Les jeunes réalisateurs de cinéma d’aujourd’hui disent que le cinéma africain a soif de liberté et d’histoire. Vous n’êtes pas étranger à cette soif. Par vos films mais aussi par votre action militante en faveur de la production internationale, par la création d’une école et d’un festival, vous vous êtes engagé sur le plan civil et artistique et vous avez favorisé la naissance d’une culture cinématographique en Afrique.

Votre premier désir était de devenir écrivain. Vous avez débuté votre vie professionnelle en enseignant le français et en animant une émission littéraire à la radio. Vous êtes venu au cinéma quand vous avez été recruté à la Direction de la Cinématographie du Ministère de la Culture et que vous vous êtes trouvé impliqué dans la réalisation de ce que l’on appelait à l’époque « les actualités ». C’est à cette étape de votre vie que vous avez été mis en contact avec une jeune réalisatrice française, Claire DENIS, qui souhaitait raconter son enfance, qu’elle avait passée au Cameroun. Vous l’avez accompagnée pendant deux ans pour préparer son scénario puis sur le tournage de son film, Chocolat, sorti en 1968.

Cette expérience vous a incité à passer derrière la caméra et à réaliser votre premier court-métrage documentaire, Festac. En parallèle, vous avez continué à écrire des nouvelles, un essai et un roman, Sango Malo, que vous avez ensuite adapté pour le grand écran. Ce long métrage, qui a été sélectionné au Festival de Cannes dans la programmation «Un Certain Regard» et qui a remporté le Prix du Public du Festival du Cinéma africain de Milan, développe des thèmes qui marqueront l’ensemble de votre uvre : la prise de conscience politique, le choc des valeurs, le racisme, les conflits de génération et l’émancipation de la jeunesse.

Votre second film, Le Grand Blanc de Lambaréné, réunit autour de la figure du Pr Schweitzer de grands acteurs: André WILMS, Marisa BERENSON et Alex DESCAS. Vous y proposez une lecture critique de la colonisation et des aspirations d’un peuple africain qui découvre la nécessité d’une mutation et aspire à l’indépendance.

Votre troisième long-métrage, Le Silence de la Forêt, évoque l’oppression des pygmées et révèle cette troublante évidence que le bonheur est finalement la chose la plus relative du monde. C’est l’occasion d’une seconde sélection à Cannes, dans la Quinzaine des Réalisateurs cette fois-ci.

Parallèlement, à votre travail de création artistique, vous avez uvré à organiser l’industrie cinématographique en Afrique Centrale. Vous avez fondé «Films Terre Africaine», dynamique société de production, puis lancé «Ecrans Noirs», grand festival de cinéma au Cameroun, un temps itinérant au Gabon et en République Centrafricaine. Vous vous êtes également engagé dans la formation en créant l’Institut de Formation aux Métiers du Cinéma et de l’Audiovisuel en Afrique Centrale.

Vos multiples casquettes, clin d’ il à celle que vous portez toujours vissée sur la tête, font de vous un artiste de premier plan en Afrique. Votre liberté de ton et de pensée a servi d’exemple aux plus jeunes. La production cinématographique africaine est en pleine évolution. Les styles, les sujets, les techniques et les façons de faire changent mais les jeunes réalisateurs continuent de s’inspirer de votre uvre. C’est votre contribution au patrimoine africain que la France honore ce soir en vous exprimant sa reconnaissance pour votre uvre qui, depuis presque 30 ans, fait découvrir au monde l’Afrique et les Africains.

«Bassek BA KOBHIO, au nom du ministre de la Culture de la République française, je vous fais Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.»

Bassek Ba Kobhio
Droits réservés)/n

L’oeuvre d’Ambroise Mbia vue par la France

Par Christine Robichon, Ambassadrice de France au Cameroun

Remise des insignes de «Chevalier des arts et des lettres» à Ambroise Mbia
Discours de Mme Christine Robichon, Ambassadrice de France au Cameroun (Yaoundé, 29 janvier 2015).

Monsieur Ambroise Mbia,
Vous êtes un homme des métamorphoses, un comédien multiple, divers, qui aime se transformer. Un homme de spectacle et une icône du théâtre africain. Mais surtout une personne qui aime partager.

Vos parents vous destinaient aux métiers agricoles. La formation initiale que vous avez reçue vous a donné le goût du travail bien fait. L’ambition d’excellence vous animait quand vous avez intégré l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques de Théâtre de Paris, puis la Compagnie Madeleine Renaud – Jean-Louis Barrault, à l’Odéon Théâtre de France. Vous avez débuté sur les planches dans la pièce Un Otage, aux côtés d’Arletty ; belle entrée en matière ! Vous avez poursuivi votre compagnonnage avec de grands auteurs et de grands artistes en jouant dans Le Marchand de Venise avec Jean-Louis Barrault, La Tentation de Saint Antoine avec Maurice Béjart, Les Voisins avec Laurent Terzieff ou encore Le Soulier de Satin avec Geneviève Page. Vous avez également entrepris d’écrire et de mettre en scène, tout en participant à une soixantaine de pièces de théâtre.

Avec la même passion, vous êtes allé vers le cinéma, la télévision et la radio. Là encore, la parfaite maîtrise de votre métier de comédien vous a permis de vous retrouver au casting du film Profession Reporter de Michelangelo Antonioni, en compagnie de Jack Nicholson et de [ L’Ile Mystérieuse] de Juan- Antonio Bardem, avec Omar Sharif. Vous avez tourné dans une trentaine de téléfilms et enregistré plus de 300 pièces de théâtre pour des émissions radiophoniques consacrées à la promotion des auteurs africains, malgaches et mauriciens.


Parallèlement à cette belle carrière, vous vous êtes investi dans l’enseignement et la transmission du savoir et de l’expérience. Cela fait partie de votre métier, dites-vous. Vous avez assuré des fonctions dans plusieurs structures comme le Festival Mondial des Arts Négro-Africains de Lagos, le Festival National des Arts et de la Culture de Douala, le Marché des Arts et du Spectacle Africain d’Abidjan ou le Festival international de l’acteur de Kinshasa. Vous avez animé nombre de stages qui ont permis à d’autres comédiens camerounais, comme Daniel Ndo, Ndédi Penda, ou Salomon Tatmfo de se former. Vous avez créé les Rencontres Théâtrales Internationales du Cameroun (RETIC), conçues comme un moyen de donner aux hommes de théâtre africains l’occasion de présenter leur travail à des professionnels internationaux, d’accorder des bourses à des artistes et de les accompagner dans leur formation.

Vous avez également participé à de nombreux jurys de festivals en Afrique et siégé dans plusieurs instances, comme la Commission du Théâtre Francophone, le Centre Camerounais de l’Institut International du Théâtre et le Centre Arabo-africain de recherche et de diffusion théâtrale. La politique culturelle de votre pays vous tient à c ur et vous y avez contribué au sein du Ministère des Arts et de la Culture en tant que Directeur de la culture et de la cinématographie, Directeur du patrimoine et Coordonnateur de l’Ensemble National.

«Pour réussir dans la vie, il faut soigner son entrée et sa sortie. Etre sélectif et surtout beaucoup travailler» conseillez-vous. Il est clair que vous avez respecté votre ligne de conduite : celle d’un artiste ouvert au dialogue et à la rencontre avec les autres, celle d’un comédien rigoureux et exigeant, à la recherche de la perfection, généreux et riche de la grande diversité de son expérience. C’est avec une très grande joie que je vous adresse aujourd’hui les hommages de la République française.

«Ambroise Mbia, au nom du Ministre de la Culture de la République Française, je vous fais Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.»

Ambroise Mbia
stephaniedongmo.blogspot.com)/n

Trois artistes camerounais reçoivent les insignes de Chevalier des arts et des lettres

Ambroise Mbia, Bassek Ba Kobhio et Barthélémy Toguo ont été décorés jeudi à Yaoundé par l’ambassadrice de France au Cameroun

Trois artistes camerounais ont reçu jeudi, 29 janvier, à Yaoundé, au nom de la France, les insignes de Chevalier des arts et des lettres. Il s’agit de l’acteur et metteur en scène Ambroise Mbia, du cinéaste Bassek Ba Kobhio et du peintre Barthélémy Toguo, des artistes qui ont en commun d’avoir réalisé des uvres de portée internationale tout en restant attachés à leur territoire.

Les trois personnalités ont été décorées à l’ambassade de France au Cameroun par Christine Robichon, l’ambassadrice. La cérémonie a vu la présence du ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna ; du ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Grégoire Owona ; et du Secrétaire général des Services du Premier ministre, Louis-Paul Motaze.

Profils
Ambroise Mbia, aujourd’hui âgé de 72 ans, a été salué par l’ambassadrice de France comme un «comédien rigoureux et exigeant». Ancien pensionnaire de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques de Théâtre de Paris, puis de la Compagnie Madeleine Renaud – Jean-Louis Barrault, à l’Odéon Théâtre de France, Ambroise Mbia a joué dans de nombreuses pièces de théâtres et même au cinéma. On peut citer pour illustration, en ce qui concerne le théâtre, le passage dans «Le Marchand de Venise» avec Jean-Louis Barrault, «La Tentation de Saint Antoine» avec Maurice Béjart, «Les Voisins» avec Laurent Terzieff. Au cinéma, l’acteur a tourné dans le film «Profession Reporter» (1975) de Michelangelo Antonioni aux côtés de l’Américain Jack Nicolson ; «L’Ile Mystérieuse» de Juan-Antonio Bardem, avec Omar Sharif. Fondateur des Rencontres théâtrales internationales (Retic), Ambroise Mbia compte à son actif plus de 300 pièces de théâtre radiophonique, 15 films au cinéma, 30 films dans les chaînes de télévision françaises et 60 pièces de théâtre.

Né en 1967, Barthélémy Toguo a acquis une expertise dans le domaine de la peinture après des formations suivies à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts d’Abidjan, à l’Ecole supérieure d’Art de Grenoble et à la Kunstakademie of Düsseldorf, en Allemagne. Auteur d’ uvres variées (estampes, aquarelles, photos, sculptures, etc.), Barthélémmy Toguo, avec ses nombreuses collections, est considéré comme l’un des 10 peintres qui comptent sur le continent. Depuis 2013, il a lancé «Bandjoun Station», un projet artistique et agricole à l’Ouest du Cameroun qui sert de résidence d’écriture, de lieu d’exposition et d’expériences agricoles.

Bassek Ba Kohbio, qui se consacre essentiellement aujourd’hui à la promotion du festival «Ecrans Noirs», importante plateforme de cinéma en Afrique centrale, draine derrière lui une riche carrière de cinéaste. Né le 1er janvier 1957 à Nindje (Littoral-Cameroun), Bassek ba Kobhio étudie la sociologie et la philosophie à l’université de Yaoundé. Converti plus tard en écrivain et cinéaste, il sera davantage connu pour les fictions à succès dont il signe la réalisation: « Sango Malo » (1991), « Le grand blanc de Lambaréné » (1994-1995), « Le silence de la forêt » (2003). Il a également réalisé de nombreux films documentaires depuis 1988. Bassek Ba Kobhio a aussi publié divers ouvrages dont Sango Malo, adapté au cinéma.

De gauche à droite: Ambroise Mbia, Christine Robichon, Bassek Ba Kobhio et Barthélémy Toguo.
ambafrance-cm.org)/n