Cameroun: Victor Tonyé Bakot n’est plus archevêque de Yaoundé !

L’évêque d’Ebolowa, Mgr Jean Mbarga, le remplacera de manière provisoire

Selon un communiqué de la nonciature apostolique signé lundi 29 juillet 2013, Victor Tonyé Bakot renonce à sa charge apostolique. Démission acceptée par le Saint siège, sur la base du droit Canon qui stipule que L’Évêque diocésain qui, pour une raison de santé ou pour toute autre cause grave, ne pourrait plus remplir convenablement son office, est instamment prié de présenter la renonciation à cet office. Il sera remplacé à ce poste par l’Evêque d’Ebolowa, nommé administrateur apostolique à l’archidiocèse de Yaoundé.

Aucune raison n’est avancée pour justifier la démission et l’acceptation de celle-ci par le Saint siège. Mais on est en droit de penser que la multiplication des « affaires » autour de cet homme d’église, censé prêcher par l’exemple, a eu raison de lui. Ces dernières semaines, il est cité dans des affaires de malversations, notamment dans une histoire qui le met aux prises avec la famille d’Albert Roland Amougou pour le contrôle de la société immobilière La Foncière. Revelé par le journal La Nouvelle, cette information pour laquelle des protagonistes sont en prison, vient s’ajouter à un conflit larvé avec les autochtones Emveng de Mvolyé, qui l’accusent de brader leurs terres. En avril dernier, ces derniers ont décidé de perturber les assises de la 38e Conférence épiscopale nationale avant d’être maîtrisés par la police. Quelques mois plus tôt, c’est une correspondance adressée au Rev. Père Martin Brida qui avait mis le feu aux poudres, à propos de la trop grande présence des bamilékés à l’Université Catholique d’Afrique Centrale. A ce propos, le rassemblement des jeunes patriotes a écrit une lettre au St Père pour informer des dérives politiques de l’archevêque de Yaoundé, Mgr Victor Tonyé Bakot, qui risque de mettre le feu au Cameroun par ses élans tribaux.

Né en 1947 à Makomol dans le Nyong et Kele, il a été ordonné prêtre en 1973 et Archevêque de Yaoundé en 2003, il y a tout juste 10 ans !

Victor Tonyé Bakot n’est plus archevêque de Yaoundé

La femme ce n’est pas le travesti ou la prostituée, c’est quelque chose de beau

Par Mgr Victor Tonye Mbakot, archevêque de Yaoundé

Chers fidèles du Christ,

Nous célébrons en ce jour les merveilles que le Seigneur a faites pour la Vierge Marie: «La voici élevée bien au-dessus des anges, elle partage désormais les triomphes du Christ et règne pour toujours avec lui». L’Assomption de la Vierge Marie est la manière propre à l’Eglise, de rendre un hommage mérité à la Sainte Vierge Marie, la Mère de Jésus et notre Mère.L’Evangile de Luc I, 39-56, en ce jour spécial, propose le chant du magnificat qui est en réalité l’action de grâce de Marie au moment où cette dernière accueille la salutation d’Elisabeth sa cousine: «Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exalte en Dieu mon Sauveur. Il s’est penché sur son humble servante; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles; Saint est son nom!» En reprenant ce chant du magnificat il y a peu; j’ai eu l’impression de voir défiler devant mes yeux toutes les femmes du monde entier, de toutes les races, de toutes les cultures et de toutes les conditions! Intérieurement, je me suis rendu compte à quel point la femme était une chance pour l’humanité! Elle qui, à la fois est épouse et mère, donne la vie et la protège aussi bien sur le plan physiologique que spirituel; elle qui accueille les premiers mots du petit enfant et veille sur ses premiers pas; elle l’éducatrice et la consolatrice; elle la gardienne de la tradition et de la société; et la liste pourrait encore s’allonger! Alors, qu’en avons-nous fait? Réfléchissons-y en ce jour propice où Jésus nous fait la leçon en prenant au ciel sa Mère, celle qui a cru, celle dont le c ur fut transpercé par un glaive, celle qui, un jour à cana dit aux disciples: «Tout ce qu’il vous dira, faites-le», lorsque Jésus transforma l’eau en vin. Oui, bien aimés de Dieu, qu’avons-nous fait de la femme, cette chance dont Dieu nous a si généreusement gratifiés! Il arrive des moments où nous entendons dire que «les femmes ont toute une journée du 8 mars pour elles. Que veulent- elles encore?» De quoi se désoler surtout lorsqu’on est chrétien, car il est bien triste d’être obligé d’avoir une journée pour rappeler au monde que la moitié de l’humanité n’est pas traitée comme l’autre; même s’il faut se réjouir de la progression observée au niveau des instances internationales, car d’immenses avancées ont été faites en faveur des femmes, mais bien d’autres devraient suivre dans l’urgence.

Depuis 40 ans que le féminisme a pris de l’ampleur, des combats ont été menés par les femmes: égalité des salaires, tâches domestiques, éducation des enfants, nominations à des postes de responsabilités, traitement médiatique … Ils sont nombreux, mais à entendre parler les femmes, le combat le plus important concerne la violence. Le reste des combats n’est pas injuste, mais secondaire, disent-elles. Nous savons que le viol, les crimes d’honneur, tout ce que subissent encore les femmes est totalement inacceptables dans une société comme la nôtre qui se dit évoluée. Malgré la présence des femmes dans les secteurs d’activités professionnels autrefois réservés aux hommes, grand est encore le nombre de femmes dont les capacités intellectuelles et les compétences sont bafouées. Elles sont nombreuses, les femmes méprisées, battues, violées, excisées, livrées à la prostitution, tuées par les coups du mari et j’en passe! Les débats politiques sont de plus en plus construits avec un souci de parité; on parle d’imposer des quotas, même si pour certains observateurs, il s’agit d’un aveu de faiblesse. Cette volonté de reconnaître en la femme un partenaire valable, capable de réflexion est une avancée considérable qu’il faut encourager. La femme est la mère de la société. Il est urgent pour l’Etat, pour l’Eglise, et la société civile d’améliorer la condition de la femme sur tous les plans, en mettant en place des structures pour aider les femmes en situation de violence; il en existe, mais ce n’est pas suffisant, quand nous voyons que la plupart des femmes violentées n’osent pas se plaindre, cela prouve que bien des sujets restent encore tabous. Au Cameroun et ailleurs! Le harcèlement sexuel est monnaie courante dans les établissements scolaires et d’autres instituts de formation, Ce fléau qui a fini par faire son lit dans nos universités était déjà présent dans ces lieux depuis les années 80, connues comme les années phares de l’université où la scolarité était gratuite et où la majorité des étudiants logeaient dans les cités universitaires. On ne pouvait donc pas dire que les filles se vendaient, mais plutôt qu’on abusait d’elles. Aujourd’hui, le voile est à peine levé sur cette malencontreuse situation. C’est pour moi l’occasion de saluer ici l’ouvrage d’un intellectuel camerounais, le Professeur Jean-Emmanuel Pondi qui traite du harcèlement sexuel et de l’idéologie en milieu universitaire en s’appuyant sur le cas de neuf histoires réelles de harcèlement sur les campus universitaires de notre pays.

Bien-aimés de Dieu; Etre femme est une noblesse, c’est une dignité spéciale que Dieu a conférée à l’être féminin: à ce titre, la femme mérite un respect de la part de son semblable masculin. La pornographie encouragée par l’ouverture en série des maisons closes est un ennemi de la femme et donc de la société. Que dire de la publicité sexiste, qui d’une manière ou d’une autre enferme la femme dans une situation d’éternelle subordonnée. Dommage, car à cause de l’idéologie du genre, l’on vole à la femme sa dignité et même sa joie d’être femme. La sexualité, il faut le souligner, est un vaste programme parce qu’elle ne se limite pas qu’à l’anatomie de l’homme ou de la femme, il y a un réel danger à tout banaliser, à tout mélanger au point de tout confondre. Quand cette sexualité dans notre monde n’a plus sa place, que reste-il à l’être qui n’est alors ni femme ni homme? Femme, tu as de la valeur aux yeux de Dieu. Que l’on cesse de te sous-estimer, de ternir ton image, de t’avilir, plus grave encore, de souhaiter indirectement la disparition de ton genre en banalisant ton rôle de protectrice. On entend parler de débats sur le mariage homosexuel. En quoi l’homosexualité promeut-elle la procréation et l’idéal familial? Quand bien même tous les hommes auraient pris pour compagnes les autres hommes, que deviendra la femme? Lorsqu’on aura tout détruit que restera-t-il? La télévision présente assez souvent des reportages qui traitent du sujet de l’homosexualité. Dans ces reportages, on peut voir des hommes arborer des poitrines généreuses, gesticuler et essayer de parler comme des femmes, se maquiller et même s’habiller comme des femmes. Certains, aidés par la médecine ont carrément modifié leur corps pour ressembler davantage à une femme. On les appelle travestis. Les plus engagés veulent même que, quand on parle d’eux, qu’on dise «ELLE» à la place de «IL». C’est une honte, une critique irrespectueuse à l’endroit de notre Dieu qui a choisi de nous faire homme ou femme.

L’homosexualité est un affront à la famille, un ennemi de la femme et de la création! Il existe aussi des pratiques telles que la pédophilie qui est un ennemi de la vie. C’est un drame lorsqu’on apprend que dans notre pays, des pères de famille prennent pour partenaires sexuels leurs propres filles tandis que les mères sont obligées de céder aux avances de leurs propres fils, Les bourreaux promettent alors de couper les vivres et mêmes de tuer les victimes au cas où ces dernières viendraient à dévoiler leur forfait. Certes, l’Eglise, à l’exemple du Christ, accueille avec miséricorde les personnes homosexuelles, les pédophiles et bien d’autres dépravés de la société, tout comme elle accueille aussi les autres pécheurs que nous sommes tous d’une manière ou d’une autre. Mais cela ne signifie pas pour autant que la morale catholique cautionne le comportement homosexuel et le style de vie qu’il inspire. Bien plus, elle les condamne! En ce jour où l’Eglise célèbre la Mère de l’humanité, notre message est celui-ci: que les destructeurs de la famille cessent leurs projets iconoclastes, car le cataclysme que la société met en marche par ces pratiques contre-nature risque de n’épargner personne, ni les destructeurs ni les détruits. Je veux aussi dans le même ordre d’idées me tourner vers les femmes pour relever deux situations bien tristes qui engagent aussi bien les hommes que les femmes: dans les milieux où la perversion morale est poussée à outrance, certaines femmes encouragées ou non par leurs maris se jettent bec et ongles à la recherche des honneurs et de l’argent en se livrant à des relations sexuelles avec des animaux, tels que le boa, le chien, le cheval. L’enrichissement qui en découle n’est autre que du satanisme et l’Eglise est tenue de le dénoncer formellement. De nos jours, le phénomène de placement de femme a pignon sur rue: de nombreuses dames font des voyages en Europe sous prétexte que c’est pour des raisons de santé alors que leur destination véritable n’est autre qu’un deuxième foyer, avec parfois la complicité du mari! Au bout de quelque temps, on voit pousser des châteaux ici et Ià dans nos grandes villes avec l’argent du péché; que dis-je, l’argent de la prostitution! A toi femme, l’Evangile d’aujourd’hui apprend que quand Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, elle fut remplie de l’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte: «Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi?». C’est pour dire que: lorsque nous croisons une femme on aimerait bien être frappé par quelque chose de fort, quelque chose de beau, quelque chose de merveilleux, merveilleux de dignité, de générosité, de simplicité, d’humanité, de beauté, de bonté et de spiritualité. Femme, notre société dépravée compte beaucoup sur toi, elle ne peut pas faire sans toi; le monde entier est à la recherche de ton image originelle de femme vertueuse, celle que présentent les saintes Ecritures dans le Livre des Proverbes: celle-là qui a bien plus de valeur que les perles. Le récit conclut en rappelant que la grâce est trompeuse, et la beauté est vaine: la femme qui craint le Seigneur est celle qui sera louée!

Le Seigneur fit pour moi des merveilles!

Bien-aimés de Dieu, Avec Marie notre Mère qui est accueillie au ciel, chantons ensemble le beau chant du magnificat: «Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur»! Merci à vous, cher Père Recteur, pour votre accueil toujours chaleureux dans cette belle cathédrale. Merci à vous chers fidèles, de venir toujours aussi nombreux chaque année, pour acclamer Marie, la Reine de la paix accueillie au ciel. Merci à vous, hommes des médias, de relayer jusqu’au loin l’écho de notre message fraternel de ce jour. Que le Femme camerounaise, qui aime tant Marie se sente à jamais glorifiée en elle. C’est une chance pour le Cameroun d’avoir la Mère de jésus pour patronne.

Joyeuse fête de l’Assomption, paix et joie dans vos familles! Loué soit Jésus Christ!

Mgr Victor Tonye Mbakot, archevêque de Yaoundé

Discours tribal de Mgr. Victor Tonyè Bakot: Des origines constitutionnelles

Rédigé par le Dr. Maurice NGUEPE

Le Cameroun s’est levé ce matin du 19 juillet 2012 avec les mains sur la tête, et pour cause, une lettre de l’archevêque de Yaoundé, Mgr. Victor Tonyè Bakot, lettre parue dans la Nouvelle Expression et appelant à la révision du nombre des membres d’une communauté ethnique camerounaise (les Bamiléké) de l’université catholique d’Afrique centrale (ucac). Raison évoquée, enseignants et étudiants bamiléké sont trop nombreux dans cette institution. Il propose alors des méthodes correctives de la situation, des méthodes dignes du système hitlérien: «A valeur égale sur le plan intellectuel, il faudrait penser aussi à recruter des enseignants venant d’autres régions et, si possible, respecter les quotas de telle manière que l’Ouest ne soit plus majoritaire en enseignants associés ni en enseignants permanents. Il en est de même du nombre d’étudiants dont l’Ouest porte un nombre plus que significatif. Outre les corrections anonymées, nous proposons de diversifier les correcteurs le plus possible pour éviter de privilégier un groupe grâce à des enseignants correcteurs venant de la même région, parce que, nous dit-on, il y a des stratégies de signes qui permettent d’identifier l’origine des candidats. Nous vous recommandons (.) de redoubler de vigilance.» Même dans sa «Mise au point» du 23 juillet 2012 parue dans Cameroon Tribune, Mgr. Tonyè Bakot ne s’excuse pas, quoique la demande de pardon soit le leitmotiv de l’église chrétienne. Il prétend que c’est l’exigence de charité et de justice qui est au fondement de sa pensée. Du coup, on se demande dans quelle mesure la charité peut-elle amener un prélat à ordonner la réduction, dans un établissement universitaire, des effectifs d’étudiants et d’enseignants parce qu’appartenant à un groupe ethnique ? De quel type de charité et de justice s’agit-il?

Outre le préambule cité plus haut, l’article 57 (3) de cette même Constitution aborde les notions d’allogénie et d’autochtonie dans une dialectique aussi contradictoire qu’absurde. En évoquant l’autorité administrative suprême qui siège à la tête de chacune des dix régions du pays, on peut lire en effet que «le Conseil régional est présidé par une personnalité autochtone de la région élue en son sein pour la durée du mandat du Conseil». Cet article laisse comprendre qu’aucun Camerounais n’a le droit, par la grandeur de sa personnalité et la qualité de ses idées, d’accéder démocratiquement à la présidence des conseils régionaux des régions où il serait considéré comme allogène. L’article 57 alinéa 3 joue donc contre les minorités qu’il prétend protéger, puisqu’il les empêche d’être eux aussi présidents des conseils régionaux d’autres régions, en même temps qu’il empêche aux Camerounais de tous bords l’exercice de leurs droits de citoyen sur toute l’étendue du territoire. Lorsqu’on lit la lettre de Mgr. Tonyè Bakot en référence à cet article 57 (3) de la Constitution camerounaise, on se demande si l’archevêque ne joue pas le rôle de président du Conseil régional. Sa correspondance n’a en effet de sens pour lui que parce que l’université catholique (ucac) est située à Ekounou, un quartier de Yaoundé qu’il cite d’ailleurs. Ainsi, il n’aurait pas commis sa lettre si l’Ucac était située dans la région de l’Ouest. Le problème, avant d’être tribal, est donc d’abord territorial, parce que encadré par une Constitution qui donne à certains Camerounais le droit de s’établir sur le territoire de leurs parents et grand-parents, et aux autres, leur en interdit. C’est, à n’en point douter, une Constitution qui cultive le sentiment antipatriotique, transforme le citoyen en étranger, l’installe dans un obscurantisme qui obstrue son avancée vers les lumières de l’universalisme. L’artiste Joe La Conscience n’avait pas trouvé meilleure expression que de traiter ce texte de «Constitution constipée», ce qui se confirme dès lors que l’on constate qu’un discours tribal à la limite ethnocidaire comme celui de l’archevêque de Yaoundé devient constitutionnel.

Les réponses à ces questions résident dans le préambule de la Constitution du 18 janvier 1996, la loi fondamentale qui règle le quotidien des Camerounais. Les concepts d’allogénie, d’autochtonie et de protection des minorités y représentent la grande nouveauté: «L’État assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi». Comme on le voit dans cette sentence lapidaire, les minorités sont définies comme étant des autochtones. Mais étant donné que tous les groupes ethniques du Cameroun sont autochtones du fait qu’ils s’y sont établis depuis la période précoloniale et préesclavagiste, la question qui se pose ici est de savoir contre quels groupes majoritaires l’État protège ces autochtones minoritaires et en quoi les droits de ceux-ci sont-ils différents des droits des autres Camerounais. Le silence constitutionnel entretenu autour de la définition précise du groupe dit majoritaire et des groupes dits minoritaires en dit long sur la peur qu’avaient les constitutionnalistes de 1996 de nommer le prétendu groupe majoritaire visé: Les Bamiléké.

Toutefois, en utilisant les concepts de ces constitutionnalistes de 1996 pour faire une analyse des fondements de la lettre de l’archevêque de Yaoundé, on réalise que Mgr. Tonyè Bakot s’active, lui aussi, dans la protection des minorités. Pour lui, avec 60 % des effectifs, les étudiants originaires de l’Ouest constituent une menace, d’où les recommandations formulées pour réduire leur nombre et, par ce fait même, protéger ceux, minoritaires, des autres régions. Mais quelle drôle de protection! Pourquoi et au nom de quelle idéologie protège-t-on des personnes qui ne sont ni menacées, ni persécutées, ni violentées par ceux contre qui on prétend protéger? Dire que l’archevêque a raté sa sortie, tant sur la plan éthique, religieux, social que politique, est désormais une évidence. Mais le plus grand tort revient à la Constitution camerounaise et aux constitutionnalistes du système Biya. Car, Mgr. Tonyè Bakot risque ne pas se retrouver devant les tribunaux de la république, sa lettre antibamiléké n’étant finalement pas anticonstitutionnelle. Le dire, c’est montrer le niveau de décrépitude institutionnelle dans lequel baigne le Cameroun aujourd’hui.

Dr.Maurice Nguepe
Journalducameroun.com)/n

Pour le régime en place cependant, pas question de revoir la loi fondamentale du Cameroun et de la soumettre à la sanction référendaire. Déjà, pour les constitutionnalistes de 1996, les deux concepts (autochtone/allogène) n’avaient de sens que parce qu’ils percevaient les prétendues minorités sous le prisme de la paresse, voyant en elles des communautés qui ne veulent rien faire, mais aspirent à tout recevoir comme un don du ciel, d’où le mot «charité» utilisé par l’archevêque lui aussi. De plus, avec la dichotomie autochtone/allogène, le champ à une confrontation ethnique s’ouvre de façon automatique, et l’allogène est présenté comme la cause de tous les malheurs du Cameroun, ce qui permet au régime de contourner les soulèvements populaires chaque fois qu’il échoue à garantir une bonne qualité de vie aux Camerounais et particulièrement aux minorités qu’il dit vouloir protéger (adduction d’eau, électrification, routes, écoles, hôpitaux, logements sociaux adéquats, justice sociale.) On en déduit que l’encadrement constitutionnel de l’autochtonie minoritaire et de l’allogénie majoritaire sous le régime Biya vise une seule chose: susciter les provocations tribales pour détourner l’attention de toutes les autres composantes de la nation de la gestion calamiteuse des biens publics dont il s’est rendu coupable, et orienter le regard de ces composantes nationales vers le sens horizontal (tribu contre tribu) pour échapper aux revendications et aux révolutions verticales (peuple contre État). Ce n’est pourtant pas que les Camerounais sont incapables de s’élever au-delà de l’esprit villageois et tribal pour penser la nation avec des catégories universelles ! On sait dans ce pays qu’un individu appartenant à une ethnie dite minoritaire devient majoritaire lorsque, par son effort et son travail, il produit des richesses, développe des pensées révolutionnaires et universelles et gravit les échelles de la société. L’exemple de Barack Obama, issu de la minorité noire et devenu président des États-Unis, est édifiant à cet effet et est bien vu ici. On sait aussi que dans les communautés dites majoritaires, les individus deviennent minoritaires lorsqu’ils s’adonnent à la paresse et ne produisent rien.

La majorité n’est donc pas dans le nombre, mais dans le degré d’intellectualité, dans la puissance du travail et la capacité à produire des richesses. À l’inverse, la minorité n’est pas non plus dans le nombre, mais dans le refus du travail, la pratique de la corruption et du vol, la paresse, l’absence de valeurs, le manque d’éducation, l’incapacité à s’élever au-delà de son village et de sa tribu pour défendre des causes universelles. Le régime Biya, en donnant aux prétendus groupes minoritaires l’impression de les protéger, les infantilise et les amène à intégrer dans leurs attitudes et comportements les éléments négatifs très caractéristiques de la minorité et, par conséquent, à avoir une perception erronée du rôle de l’État, de la gestion des biens publics et de la gouvernance. C’est Eboussi Boulaga qui trouva des mots justes et forts pour le démontrer : «Autochtones, allogènes, ces mots sonnent pédants et barbares. Ils sont l’une des manifestations d’une inculture et d’une cupidité grandissantes (…) la protection des minorités relève d’une mauvaise écologie; on n’a pas à protéger une catégorie de citoyens comme on fait des espèces animales ou végétales en danger de disparition.»

Le Cameroun a besoin de nouveaux constitutionnalistes, de constitutionnalistes modernes et éclairés qui travailleront à la refondation complète des institutions de la république telle que le changement des mentalités populaires et des comportements citoyens en seront le corollaire. Nous espérons leur avènement pour bientôt.

Dr. Maurice NGUEPE
Le 24 juillet 2012

Dr.Maurice Nguepe
Journalducameroun.com)/n