Ndam Njoya: «Les approches régionalistes détruisent le sentiment national»

Le tout premier directeur de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric) réagit à la polémique qui a animé cette institution ces derniers jours.

Adamou Ndam Njoya, actuel président de l’Union démocratique du Cameroun (UDC), et tout premier directeur de l’Institut des relations internationales du Cameroun (1972-1975), donne son opinion à la suite de la controverse suscitée ces derniers jours au sein de cette institution. Des noms de certains admis au concours de la filière diplomatie ont été supprimés et remplacés le 27 février dernier, au nom, selon le ministre de l’Enseignement supérieur, du principe de l’«équilibre régional». Ces candidats ont de nouveaux été réhabilités hier, lundi 09 mars, sur des instructions de la présidence de la République.

«Tout comme les approches régionalistes détruisent le sentiment national, le sens de l’unité nationale dans la vie de notre pays, il faut que l’on sorte de cette logique qui, dans le fond aggrave nos problèmes parce que détournant des objectifs concrets, des solutions des problèmes par des Camerounais comme citoyens responsables et pleinement conscients de leurs devoirs», soutient Adamou Ndam Njoya dans une tribune publiée ce 10 mars dans le quotidien privé Mutations.

Il faut «en finir avec les considérations discriminatoires qui sont source de conflits, des oppositions entre les Camerounais, entre nos différentes localités territoriales, L’incident de deux listes d’admis à l’Iric nous édifie et nous interpelle», relève l’ancien directeur de cette «grande école» de l’Université de Yaoundé II.

Dans toutes ses déclarations relatives à l’affaire de la publication des deux listes du concours d’entrée en filière diplomatie à l’Iric pour l’année académique 2015, le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, a mis en avant la nécessité pour son département ministériel de faire respecter le principe de l’équilibre régional. Principe consacré, d’après les démonstrations du Minesup, par la Constitution de janvier 1996 et la loi sur l’orientation de l’enseignement supérieur au Cameroun, qui date quant à elle d’avril 2001.

«L’Iric comme institution de formation et de recherche de haut niveau qui s’est affirmé depuis sa création, admiré, et respecté, a profondément contribué à la réputation de notre pays et à former des jeunes qui sont des cadres dignes dont peut rêver tout pays. Tout doit être fait pour le maintenir dans son ascension», affirme le président de l’UDC comme pour indiquer que les questions d’équilibre régional n’auraient pas souvent été prises en compte durant sa direction.

Adamou Ndam Njoya a dirigé l’Iric de 1972 à 1975
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La position de l’UDC sur la loi antiterroriste votée par le Parlement

Par Adamou Ndam Njoya, Président national de l’Union démocratique du Cameroun (UDC)

Ce qu’il faut pour le Cameroun:Une loi qui unit et mobilise pour la prévention et la lutte contre le terrorisme et Non une Loi de Répression qui Divise. Pourquoi ? Comment ? POURQUOI ? Parce que la loi, portant Répression des Actes Terroristes, votée par le Parlement est, non seulement source des divisions créant les doutes dans les esprits, mais aussi la voie pour des interprétations diverses conduisant aux abus, aux violations des droits humains. En dernière analyse, elle est profondément cette source de destruction du capital unité et harmonie entre les camerounais qui ont vu le jour en réaction aux actions menées sur le territoire national par des terroristes de Boko Haram.

Parce que, contrairement à la Loi sur la Répression elle va respecter l’esprit et la lettre d’une part, de la Convention et du Protocole de l’OUA sur la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme, et, d’autre part, de la Résolution 2178 voté par le Conseil de Sécurité de l’ONU sur le Terrorisme.

La Loi partant de ces bases internationales, répond mieux aux objectifs visés et sera plus efficiente et opérationnelle pour des nombreuses raisons qui militent qu’elle soit élaborée pour remplacer celle portant Répression des Actes Terroristes

Parce que, depuis des années, nous nous sommes inscrits dans la logique de la puissance et non du dialogue ; ainsi, aucun effort n’est fait pour revenir à la sérénité dans les approches pouvant conduire à la mobilisation des citoyens , des citoyennes et de toutes les populations se trouvant sur le territoire national et de la Diaspora pour faire cause commune et agir face au terrorisme.

Le Projet de Loi portant Répression des Actes Terroristes a entraîné une levée de boucliers, à raison d’ailleurs, d’une importante frange des populations, des organisations de la société civile, de ceux et celles par qui s’exprime la très grande majorité des camerounais, la majorité silencieuse.

Les réactions suscitées par le vote de cette Loi, montrent clairement que ce texte de loi fait partie des actes de déstabilisation qui naissent lorsque pour leur conception et élaboration, il n y a pas mûre réflexion, il n’y a pas dialogue au sein de la société, parce que les gouvernants ne sont pas toujours à l’écoute des populations et des réalités mouvantes de la société. On ne devrait pas en arriver à de telles situations, dans la vie et des activités et des citoyens, et des institutions, ceci plus encore lorsqu’il s’agit des cas comme celui du Terrorisme où les Camerounais sont en éveil et unanimes pour les actions engagées face aux exactions meurtrières et terroristes de Boko Haram.

En effet, rien n’a été entrepris, bien que le contexte soit favorable, pour que les trois catégories d’acteurs – les Politiques, les Médias, la Société Civile- fassent, leur, les idées développées à l’OUA et mues en Convention pour la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme. Il y a eu un grand silence pendant tout le temps mis pour en arriver à une Loi qui aurait dû connaitre une grande adhésion face aux souffrances et aux traumatismes que nous inflige le terrorisme.

La Loi sur la Répression des Actes de Terrorisme, intervenant 15 années après l’adoption de la Convention de l’OUA et 10 années après l’adoption de son Protocole, est servie brutalement aux Camerounais comme si ce sont eux qui sont directement visés. En tout cas c’est ainsi que le texte adopté par le Parlement est perçu et vécu.

Comment?
Nous n’avions plus besoin d’une telle situation et les réactions négatives qui peuvent dégénérer en violences ouvertes ne vont être éliminées que par un texte de Loi nous mettant dans la situation où la lutte contre les actes terroristes est ce qu’il y a de normal mobilisant tout le monde comme cela se fait sur le plan mondial, expliquant la Résolution 2178 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Le Cameroun, qui de par toute sa population, manifeste une unanimité dans le contexte actuel d’agressions terroristes, est à même de faire face à la psychose, aux pressions qui se font jour des faits du Boko Haram. Boko haram ne doit pas nous empêcher de réfléchir, ni nous pousser à nous engager avec précipitation dans l’approche conduisant à un texte de loi qui donne lieu à des lectures et des interprétations qui n’ont plus leur place avec les évolutions que nous nous devons de connaitre et de cultiver dans notre pays.
Les arguments mobilisateurs pour la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme sont mis de côté pour faire ressortir la dimension répression qui n’intervient que lorsque des actes terroristes sont constatés. Les Camerounais n’ont pas été amenés à connaitre et apprécier le contenu et la substance des textes internationaux adoptés au niveau de l’Organisation Pan africaine OUA et au niveau de l’Organisation Universelle par le conseil de Sécurité de l’ONU ; l’ONU n’exclue pas la prévention qui est au c ur de sa mission de Paix et de Sécurité et qui conduira à la solution durable du problème du Terrorisme. Les camerounais doivent être informés.
Le Projet de Loi N962/PJL/AN, portant répression des Actes Terroristes, est voté par le Parlement alors que la Convention de l’OUA et son Protocole, qui sont à l’origine, sont seulement introduits au Parlement pour le vote de la loi autorisant leur ratification par le Chef de l’Etat. Pourquoi est- ce à cette même session du Parlement que les textes internationaux, datant de quinze [15] années pour la convention elle même et de dix [10] années pour son Protocole, sont introduits ? Une telle question ne peut pas être évacuée car le Savoir ouvre la voie au Savoir Faire et au Savoir Etre. Ce qui est des plus importants, des plus nécessaires, voire un véritable impératif, pour cette importante question qu’est le terrorisme.

En effet, à la suite des morts, des prises d’otages, de nombreuses victimes qu’il cause, les vies humaines sont chaque jour en jeu et on assiste à la naissance un peu partout de la peur, de la psychose. Aussi, en entreprenant d’éradiquer le terrorisme, on ne doit pas mettre en marche une machine pour créer d’autres traumatismes.
Il est désormais question de faire ressortir la quintessence et l’ossature de la Loi qui unit et mobilise pour la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme. Aussi, sans s’attarder sur des interrogations, retenons que c’est parce que les Actes terroristes causent beaucoup de souffrances que la Convention et le Protocole de l’OUA ainsi que la Résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies invitent les Etats Membres à légiférer et introduire ces Documents internationaux dans le droit Interne. Il est important de porter cette démarche de la société internationale régionale et universelle à la connaissance des Camerounais et des amis du Cameroun car c’est une lutte à laquelle est engagé tout le monde sauf, bien sûr, les auteurs des actes terroristes.

L’essentiel des définitions des Actes Terroristes qui apparaissent dans la Loi portant Répression des Actes du Terrorisme étant puisé dans la Convention de l’OUA, le fait d’écarter une dimension importante de cette Convention à savoir la Prévention qui se trouve être le titre de cet Acte International est préjudiciable à plus d’un titre :
– Le rejet par les populations de la loi parce que ne se situant pas dans le contexte de la mobilisation universelle pour la lutte contre le terrorisme,
– L’inefficacité inhérente à la substance et aux orientations de la loi,
– une forme de brutalité de la loi qui devait plutôt apaiser, rassurer les populations.
– Les auteurs du Texte l’ont rédigé comme s’il y avait des comptes à régler avec les camerounais.

Tout cela doit disparaître, et ceci d’autant plus que la dimension Prévention n’est pas exclue de la Résolution 2178 du Conseil de sécurité qui, à voir la date de son adoption, le 24 Septembre 2014, a sans nul doute contribué à la précipitation pour le vote du Projet de loi portant répression des Actes Terroristes. L’ONU ne peut pas et ne doit pas cautionner une loi portant des germes des tensions dans un pays membre, créant des dissensions entre les autorités et les populations et, de ce fait paralysant les voies conduisant à la réalisation de l’objectif qui est celui de l’élimination des actes terroristes. Plus que cela, la forme et le fond de la loi sur la répression affichent le Cameroun comme un Etat cultivant la répression .On ne doit pas en arriver à cette situation. A la lecture, les dispositions de la Résolution invitent à éviter d’entrer dans l’escalade de la violation des droits sur le plan interne en demandant de veiller à ce que la qualification des infractions pénales dans leur législation et leur règlementation internes permette..d’engager des poursuites et de réprimer [ les actes terroristes]

Tous les éléments sont réunis pour permettre au Cameroun de capitaliser toutes ces dispositions qui, nous situant dans le contexte global de la lutte contre le terrorisme et appelant la mobilisation des populations, n’ouvrent pas la voie pour créer des situations des conflits sur le plan interne comme c’est le cas maintenant avec la loi sur la répression des actes terroristes. Cette dernière, en effet, ouvre des portes pour des lectures et des interprétations diverses et surtout dans un contexte de vie politique où on a encore beaucoup à faire pour la culture de la sérénité et du sens républicain et démocratique aussi bien dans le secteur public que dans le secteur prive et où parmi les populations qui sont les membres de la grande famille camerounaise se développent les méfiances, les recherches des moyens pour détruire ceux qui ne sont pas d’accord avec vous, ceux qui émergent et s’affirment.

Que ce soit au sein de la famille ou en dehors, très souvent, ceux et celles qui sont qualifiés les autres sont perçus d emblée comme adversaires voire comme ennemis ; on doit être conscient de ce phénomène pour mieux l’éliminer.

La Convention et son Protocole n’invitent pas à créer des situations où des populations vont être inhibées, craintives, où, d’aucuns, pour des raisons diverses, pourront monter des affaires, des dossiers contre d’autres ou instaurer la culture de la délation, de l’hypocrisie.

Tout cela doit être évité et, pour ce faire, la Loi qui unit et mobilise situe les camerounais dans le contexte des textes internationaux et des actions globales qui sont entreprises contre le terrorisme. La Prévention doit être traitée dans la loi qui doit inclure la participation des populations comme partenaires parties prenantes. Cela est très important car va conduire à la situation où il sera difficile d’assister à la naissance des actes terroristes sur le plan interne du fait des populations comme initiatrices ou comme portant les concours à des organisations terroristes internationales provenant de l’étranger.

La Loi vise fondamentalement la mobilisation des camerounais pour empêcher les actes terroristes soit de naitre, soit d’entrer dans le pays et, si, dans tous les cas, ils naissent ou entrent, être en mesure de les saisir, de les détecter sans confusion pour ainsi appliquer les sanctions appropriées sans compromission. Cela se fera facilement si les citoyens s’identifiant dans les textes, s’en approprient ; ce qui les mobilisera parce s’affirmant dans la défense de leur liberté, de la dignité humaine, des droits humains intangibles comme le droit à la vie.

Il s’en suit la nécessité de réécrire le texte de loi intégrant la prévention où les populations, partout, dans des cadres appropriés comme celui des Collectivités Locales Territoriales, seront sensibilisées, mobilisées et averties, pour faire face à tout ce qui a trait au Terrorisme. Ici, les populations frontalières vont jouer un grand rôle, celui là de premier plan. Ce qui conduit à l’association des pays frontaliers partageant souvent les mêmes populations et, au delà les institutions internationales car les phénomènes du terrorisme ne peuvent pas être appréhendés et résolus seulement par les lois et les mesures internes.

Dr. Adamou Ndam Njoya
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