Cameroun : des chercheurs révolutionnent la prise en charge du VIH

Rendus à une époque où les antirétroviraux se heurtent de plus en plus à une résistance du virus chez les personnes vivant avec le VIH, une équipe de chercheurs camerounais encadrée par l’Anrs et de l’Unitaid, vient de parvenir à des conclusions porteuses d’espoir. Celles ci permettront d’améliorer le traitement antirétroviral mais aussi, d’offrir une meilleure qualité de vie aux millions de personnes séropositives que compte l’Afrique.

La bonne nouvelle vient de Yaoundé. C’est au coeur de la capitale politique du Cameroun que l’étude Namsal (New Antiretroviral and Monitoring Stratégies in HIV-infected Adults in Low-Income Countries) menée par un groupe de médecins camerounais et co-financée par l’Anrs et l’Unitaid a été menée.

Cette étude avait pour objectif de comparer l’efficacité du Dolutégravir (DTG) à celle de  l’Efavirenz, deux molécules utilisées dans le traitement de première intention chez les personnes séropositives. Elle a permis d’aboutir à la conclusion selon laquelle le traitement de première intention à base du Dolutégravir est une bonne alternative à celui à base de l’efavirenz pour les pays en voie de développement.

 

Le Dolutégravir, une molécule salutaire pour les pays du Sud

Avant l’étude Namsal, il n’existait jusqu’alors aucun travail scientifique comparant directement  l’action du Dolutégravir à celle de l’Efavirenz dans le contexte délicat des pays à ressources limitées comme ceux des situés au Sud du Sahara.

L’étude réalisée auprès de 600 patients volontaires à Yaoundé a démontré la non infériorité du traitement à base du Dolutégravir par rapport à celui à base de l’Efavirinz. Toutefois, les recommandations qui en découlent surclassent de loin le Dolutegravir qui s’avère être une meilleure alternative à l’Efavirinz dans le contexte du traitement des personnes vivant avec le VIH dans les pays pauvres comme c’est la cas du Cameroun.

D’un point de vue clinique, il s’est avéré que le DTG présente une meilleure réponse dans le traitement. Dans le contexte de l’étude, les participants ont montré une tolérance similaire aux deux traitements même si des effets indésirables comme la prise de poids des patients ont été observés chez les patients traités au DTG. C’est d’ailleurs en partie à cause de ces effets que l’étude sera prolongée en 2021 afin de permettre aux cliniciens de mieux contrôler les effets indésirables.

Les conditions de réalisation de l’étude

L’étude en elle même a démarré en juillet 2016. Elle a été menée dans trois hôpitaux de Yaoundé que sont l’hôpital central, l’hôpital militaire,  et l’hôpital de district de la Cité-verte. Promue par l’Anrs Cameroun, l’étude a été dirigée par une équipe de médecins camerounais supervisée par le Dr Charles Kouanfack de la faculté de médecine de Dschang et le professeur Eric Delaporte, virologue à l’Université de Montpellier et coordinateur Nord de l’ANRS.

Les participants à l’étude ont été classés en deux catégories. D’un côté se trouvaient des patients suivant un traitement  à base de Dolutégravir ( participants DTG) et d’un autre côté se trouvaient des patients sous un traitement à base de l’Efavirenz (participants  EFV 400). Après 48 semaines de traitement, 74,5% des participants DTG et 69% des participants EFV 400 présentaient une charge virale VIH plasmatique inférieure à 50 copies virales par millilitre de sang prélevé..

Il est à préciser que la charge virale VIH plasmatique correspond au nombre de copies d’un virus dans un volume de fluide donné.

Le rapport qualité prix

Il est important de souligner que dans ses dernières recommandations, en 2018, l’OMS préconisait déjà un traitement de première intention pour l’infection par le VIH à base de DTG comme alternative d’un traitement à base de l’Efavirenz 400.

L’étude Namsal a permis de démontrer que le protocole à base de DTG est adéquat pour les pays à faible revenus car il coûte moins cher que celui à base de l’EFV et a une meilleure réponse dans le traitement. En effet le DTG est un antirétroviral à haute barrière génétique et donc très efficace pour les virus les plus résistants. Il permet aussi à un patient de rester le plus longtemps possible sur une ligne de traitement.

Rappelons que les patients atteints du VIH sida selon leur niveau d’infection ( nombre de virus présents dans le sang) sont admis sous traitement via des lignes thérapeutiques distinctes.

Au Cameroun, les patients sont classés dans trois différents schémas thérapeutiques (lignes de traitement). De la première pour les moins infectés  à la troisième pour les personnes qui présentent une très grande quantité de virus pour une petite quantité de sang prélevé. Durant la phase de traitement, au fur et à mesure que les patients prennent leur médicaments, plus le virus à son niveau mute et  au bout d’un certain moment devient résistant au traitement. Quand le virus n’est plus sensible au médicament, le patient est admis à une autre ligne de traitement. Or le DTG dont l’efficacité a été prouvée s’avère très efficace dans ce sens qu’il permet au patient qui suit bien son traitement de rester en première ligne le plus longtemps possible. En d’autres termes, les principes actifs du DTG sont si forts que le VIH ne parvient pas à s’adapter ou encore à muter en leur présence.

Petit bémol…

Cependant, par mesure de prudence, le traitement au Dolutégravir reste déconseillé aux femmes enceintes. En effet, une étude réalisée au Botswana a montré un risque potentiel accru de malformation foetal chez les femmes qui ont pris du dolutégravir au début de leur grossesse. Le traitement au DTG jusqu’alors sera préconisé aux personnes séropositives naïves de traitement antirétroviral, les femmes sous contraception, les femmes ménopausées et les patients à charge virale indétectable.

Des économies pour les Etats qui subventionnent le traitement

Du fait des ressources économiques limitées, l’Afrique au sud du Sahara, se démarque par une progression alarmante du nombre de patients en échec thérapeutique.  Eric Delaporte, professeur de maladies infectieuses à l’université de Montpellier, et grande figure contemporaine dans la lutte contre le VIH reconnaît que « dans les pays riches, où les patients bénéficient d’un suivi individualisé et de schémas thérapeutiques “sur mesure”, l’échec thérapeutique est moins fréquent et n’est pas assimilé à un problème de santé publique ». Cependant en Afrique, du fait de la faiblesse des systèmes de santé il est impossible de traiter individuellement les patients ou de mettre au point des protocoles sur mesure.

Plusieurs études ont révélé par exemple qu’en Afrique subsaharienne, les schémas thérapeutiques de 2e ligne coûtent deux fois plus que ceux de 1ʳᵉ ligne. Et pour ceux de 3eme ligne, le coût peut être jusqu’à 14 fois plus élevé.

Cet État des choses pourrait conduire certains gouvernements où la prise en charge du traitement des PVVIH est gratuite,  à intégrer le DTG comme traitement de première intention dans leur prochaine transition vers les nouveaux antirétroviraux. Cela permettra de réduire le nombre d’échec thérapeutiques dans le traitement de première ligne, mais surtout de retenir les patients sur la première ligne qui est la moins coûteuse et donc la plus facile à gérer pour les Etats.

Dans un pays comme le Cameroun où la prise en charge des patients admis entre la première et la troisième ligne est subventionnée par l’Etat, il est de plus en plus difficile pour l’Etat de soutenir la subvention dans un contexte où on dénombre de plus en plus de patients qui par négligence dans le traitement grillent la ligne 1 pour s’installer en ligne 2 ou 3 beaucoup plus coûteuses pour l’Etat.

En ce moment, des études socio économiques sont en cours de réalisation par l’équipe Namsal. Elles permettront de déterminer l’impact économique lié à une transition vers le DTG dans le traitement antirétroviral.

Cameroun: vers le démarrage d’un essai clinique randomisé sur le VIH 1

Le Namsal vise à comparer l’efficacité et la tolérance de deux nouveaux schémas thérapeutiques pour la prise en charge initiale des personnes vivant avec le VIH-1

600 malades du VIH/SIDA vont être soumis au Cameroun à un essai clinique randomisé dénommé «ANRS 12313 NAMSAL». Lequel vise à comparer l’efficacité et la tolérance de deux nouveaux schémas thérapeutiques pour la prise en charge initiale des personnes vivant avec le VIH-1.

Selon l’ambassade de France, Le Namsal aura lieu pendant 48 semaines à l’hôpital central, à l’hôpital militaire et à l’hôpital de la Cité verte, toutes des officines publiques de la capitale du pays. Cet essai sera piloté sur le terrain par le Pr E. Delaporte et le Dr C. Kouanfack de l’Hôpital Central de Yaoundé, sous la coordination du Centre de méthodologie et de gestion de Montpellier (France) et l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS).

L’essai clinique, qui a été précédée d’une session de formation des spécialistes aux bonnes pratiques cliniques, ambitionne aussi d’évaluer si l’une de ces options pourrait être recommandée en option privilégiée de première ligne dans les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

En 2004, un test clinique sur le VIH/SIDA, dénommé «Tenofovir», conduit par la Family Health International (FHI) pour le compte du laboratoire Gilead et touchant 400 prostituées, avait déjà créé une forte controverse dans le pays, suite à la découverte de 3 cobayes ayant été infectées au cours de l’essai.

Face au tollé, le gouvernement dut reconnaître «des dysfonctionnements notés par la mission d’audit» et annoncé des «mesures correctives», avant d’annuler purement et simplement les essais.

En 2015, rappelle-t-on, le taux de prévalence officiel du VIH/SIDA était de 4,3% chez les Camerounais âgées de 15 à 49 ans, soit 650.000 à 660.000 personnes pour 350.000 orphelins et 160.000 patients sous traitement pour un pays de 22 millions d’habitants.


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Journées scientifiques: une équipe de français attendue au Cameroun

L’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) de France organisera ses journées scientifiques les 19 et 20 janvier 2016 à Yaoundé

L’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) de France organisera ses journées scientifiques les 19-20 janvier prochains dans la capitale camerounaise, Yaoundé, en vue de présenter les résultats des travaux de recherche menés conjointement au Cameroun et dans d’autres pays partenaires du Sud.

Parmi les chercheurs annoncés par l’ambassade de France au Cameroun, figurent le directeur de l’ANRS, Jean-François Delfraissy, le président-directeur général de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste en économie de la santé, Jean-Paul Moatti, le directeur général de l’Institut Pasteur et spécialiste en hépatologie, Christian Bréchot.

En même temps que ces éminents scientifiques tiendront des activités publiques la co-découvreuse du virus du sida et prix Nobel de médecine Françoise Barré-Sinoussi, de son côté, donnera une conférence à l’Institut français de Yaoundé.

Au rang des travaux portés à ce jour par l’ANRS, l’IRD et le Centre Pasteur du Cameroun, apprend-on, figurent notamment la prise en charge des personnes vivant avec le Vih/Sida ou les hépatites, qui selon l’ambassade de France « enregistre de nombreuses avancées grâce aux recherches » effectuées dans le pays.

La même source a indiqué que la première étude réalisée en Afrique a montré l’efficacité des médicaments génériques dans le traitement du Vih/Sida, les découvertes sur l’origine et la caractérisation du Vih ainsi que le suivi de cohortes pédiatriques pour la prévention de la transmission mère-enfant.


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VIH-SIDA/Pays du Sud: Les femmes mieux prises en charge que les hommes

C’est à cette conclusion qu’est parvenu un travail de recherche mené par une agence française dans plusieurs pays, dont le Cameroun

Les femmes plus proches de la détection
A l’occasion de la Journée internationale de la Femme, l’ANRS l’agence française de recherche sur le Sida, a rendu public un ouvrage « Les femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud : Genre et accès universel à la prise en charge ». Le livre édité dans sa collection « Sciences sociales et Sida », rassemble une quinzaine de travaux de chercheurs qui y analysent l’égalité de l’accès aux soins, le rapport des femmes et des hommes aux systèmes de soins, ou encore le rôle des femmes dans la prise en charge de l’infection dans la sphère familiale. Cette publication permet de porter un regard nouveau sur les femmes vivant avec le VIH en Afrique. Alors que les discours politiques tendent à démontrer le contraire, les femmes tirent davantage profit que les hommes des systèmes de santé et, plus globalement, des services proposés aux personnes vivant avec le VIH. Elles restent peu soutenues dans certains domaines comme la contraception, la prise en charge des pathologies féminines liées au VIH ou la gestion des soins au sein de leurs familles dont elles assument souvent seules les responsabilités. Leurs spécificités de femmes (et non pas uniquement de mères) et leur expérience restent encore insuffisamment reconnues. Enfin, l’ouvrage remet en question une vision de la vulnérabilité généralement perçue comme exclusivement féminine. Les hommes sont eux aussi soumis à une forme de vulnérabilité sociale, limitant ou retardant le recours au dépistage et aux soins. Selon cette publication, les femmes contrairement à ce que l’on entend souvent ont accès plus précocement aux traitements antirétroviraux que les hommes. Une réalité qui tient notamment de ce qu’elles sont dépistées dans le cadre des programmes de prévention de la transmission mère-enfant (PTME). D’un autre coté, on y apprend aussi que malgré la dépendance sociale des femmes et leur assujettissement aux décisions des hommes, elles font passer leur responsabilité maternelle avant la crainte d’être vues dans des lieux de traitement spécifique d’une pathologie toujours tabou en Afrique. Les femmes ont des demandes plus directes de soins et d’appui notamment dans l’objectif de traiter leurs enfants, et elles en tirent profit pour accéder elles-mêmes aux traitements.

Une réflexion novatrice
Cet ouvrage qui est collectif veut apporter des réponses à ces questions, en s’intéressant plus particulièrement à un thème sur lequel les connaissances sont encore peu structurées et partielles à savoir le rôle que jouent les systèmes de soins, en médiatisant le rapport des femmes à l’infection par le VIH et à ses conséquences sociales. L’ouvrage aborde cette question, en mettant l’accent sur l’expérience des femmes, principalement en Afrique de l’Ouest et centrale. Il prend, de plus, le parti d’accorder une place essentielle aux données empiriques, avec plusieurs préoccupations : apporter des données précises et contextualités, balisées par les précautions méthodologiques des disciplines mobilisées ; rendre compte des éléments dynamiques qui apparaissent à l’interface avec des systèmes de soins ayant eux-mêmes rapidement évolué au cours des dix dernières années ; fournir des éléments de connaissance suffisamment validés pour orienter des propositions théoriques plus fines en sciences sociales que le modèle de la « vulnérabilité de genre » ; permettre, au-delà des questions liées à la situation des femmes, de disposer d’éléments concernant les dynamiques sociales qui puissent alimenter une réflexion appliquée, notamment autour des effets de recommandations internationales récentes ou des perspectives nouvelles en matière de prévention et de traitement. Publié dans la collection « Sciences sociales et Sida », et diffusé gratuitement, l’ouvrage a été coordonné par Alice Desclaux (Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille/IRD, Centre de Recherche et de Formation à la prise en charge de Fann, Dakar, Sénégal), Philippe Msellati (IRD, Yaoundé, Cameroun) et Khoudia Sow (IRD, Centre de Recherche et de Formation à la prise en charge de Fann, Dakar, Sénégal). Il est préfacé par les Professeurs Jean-François Delfraissy (Directeur de l’ANRS), Françoise Barré-Sinoussi (Prix Nobel de Médecine, Institut Pasteur) et Michel Sidibé le Directeur exécutif de l’ONUSIDA.

Au Cameroun comme dans quelques autres pays africains, les femmes profitent plus que les hommes de la prise en charge maladie / Sida