Note de lecture: «Ville morte» de Baba Aoudou Hervé

Ce livre appel à un examen de conscience collective

Ville morte est un roman de neuf chapitres qui raconte dans un langage simple et rationnel, la douleur d’un homme qui a fait les frais des saccades de ces années de balbutiements de la démocratie au Cameroun. En effet, c’est l’histoire d’une famille qui vit à Bertoua (Est-Cameroun) dont le père et personnage principal s’appelle Samaki. Propriétaire d’une moto (seul source de revenu de la famille de six personnes). Un matin, Esther femme de Samaki s’oppose au fait que son mari aille au travail parce qu’elle a entendu parler des villes mortes. Obstiné, Samaki s’en va puisqu’il a des arriérés de loyer ainsi qu’un fils à nourrir (Roger). Nous sommes au lendemain du multipartisme et des hommes politiques continuent d’être muselés. C’est le cas de Ngari, homme politique de l’opposition. Face à cette situation, certains expriment leur ras-le-bol, d’autres montent des gangs de jeunes en leur promettant de meilleures conditions de vie. On assiste ainsi à des pillages, des vols, des meurtres. Des pneus de motos ou de voitures sont enlevés et alignés pour barrer les routes. Ils sont aussi entassés les uns sur les autres pour brûler des gens vifs, à l’intérieur. Malheur à ceux qui ne respectent pas le mouvement de grève.

La fin ne sera pas agréable, car le personnage (Samaki), embarqué dans un engrenage infernal, finit par perdre non seulement son enfant malade faute d’argent qu’il ne réussira pas à récolter, à cause des actes de violence dans la rue, mais également sa moto, sa seule source de revenu. Cette situation plonge la famille entière dans une grande désolation et les obliges à rentrer au village. Face à ces tristes circonstances, Baba Aoudou Hervé appelle à un examen de conscience collective et invite aussi bien les pouvoirs publics que les populations à faire preuve de maturité et de responsabilité dans la gestion des affaires d’intérêts généraux. Baba Aoudou Hervé vient de Bétaré-Oya, région de l’est du Cameroun. Licencié en philosophie, il est contrôleur des régies financières-trésor, diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM). Il prépare un autre roman sur la thématique controversée de l’exploitation de l’or dans sa région natale.

Extrait:
-Tout ça est trop bête. Finalement, nous autres on ne comprend plus rien à ces histoires. Au début on parlait de démocratie, on nous disait que désormais, on pouvait faire tout ce qu’on veut sans que personne ne nous demande quoi que ce soit. Puis le multipartisme, et chacun pouvait avoir son parti politique. Aujourd’hui, c’est la ville morte qu’on nous donne: n’allez pas au travail, et demain tout ira mieux. Tu crois, toi, à tout ce qu’ils racontent ?
-Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que ce n’est pas en empêchant les gens d’aller au travail qu’on vivra mieux demain.
– Et s’il se trouve que c’est vrai, nous aussi on pourra peut-être travailler un jour. D’ailleurs tout ça est bête. On ne sait pas trop qui a raison et qui a tort

«Ville morte» de Baba Aoudou Hervé
Journalducameroun.com)/n