La diaspora et le secteur privé interpellés pour le développement de l’Afrique

Les transferts de fonds des migrants et les investissements du secteur privé peuvent constituer des financements innovants en Afrique, estiment des spécialistes

Les transferts de fonds des migrants et les investissements du secteur privé peuvent constituer des financements innovants en Afrique, estiment des spécialistes réunis à Dakar pour étudier les mécanismes innovants de financement du développement dans les pays africains.

Sur ce sujet actuellement examiné depuis lundi à Addis-Abeba en Ethiopie, le professeur Malick Sané de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Malick Sané, fait remarquer que « les besoins de financement sont énormes dans les pays en développement alors qu’ il y a un déficit des financements traditionnels tirés de la coopération bilatérale et multilatérale ».

« Le défi est de trouver des ressources stables et complémentaires aux financements habituels et les transferts de fonds des migrants peuvent être utilisés comme des ressources pour des financements innovants du développement en Afrique », suggère-t- il.

« Les fonds des migrants sont supérieurs à l’aide publique au développement octroyée à l’Afrique et aux investissements directs étrangers dans le continent, mais le plus souvent ces fonds sont destinés à la consommation et à l’immobilier », note-t-il avant de soutenir que « le continent ne manque pas d’épargnes mais connaît un problème d’organisation ».

« Dans un pays comme le Sénégal, les fonds envoyés par la diaspora, chaque année, sont estimés à 900 milliards de FCFA, selon les chiffres officiels qui ne prennent pas en compte certains canaux de transferts », rappelle-t-il.

« Il faut que les Etats encouragent les migrants à investir dans le développement en orientant leurs fonds vers des secteurs productifs », préconise-t-il.

De son côté, Ibrahima Bèye, membre du Conseil national du patronat sénégalais (CNP), soutien qu’« au-delà du montant des transferts, c’est un mécanisme d’organisation des migrants et de mobilisation des fonds qu’il faudra développer ».

« Il faut que les Etats fassent du co-développement en s’appuyant sur les migrants. A travers la coopération, des projets peuvent être développés avec les municipalités dans les pays d’ accueil et les migrants, pour que ces derniers puissent participer au développement du continent », ajoute-t-il.

Pour sa part, le journaliste à la Radiodiffusion télévision sénégalaise, Mbaye Thiam, fait remarquer que « les migrants sont limités dans leur capacité d’investissement parce qu’ils manquent de projets structurels ».

« Les pays africains n’ont pas de politiques d’intégration des migrants dans le tissu économique et ceux qui rentrent dans leurs pays accèdent difficilement aux crédits des banques qui sont, pour la plupart, détenues par des étranger », déplore ce spécialiste en économie.

Durant la rencontre, le secteur privé a été aussi cité comme acteur important dans le financement du développement en Afrique.

Selon Ibrahima Bèye, « le secteur privé réalise les 2/3 des investissements en Afrique et fournit 80% de la production, et avec les marchés étriqués, ce secteur peut permettre d’avoir des marchés communs avec la création d’alliances Sud-Sud ».

« Il faut renforcer le partenariat public privé parce que le secteur privé a l’expertise et des ressources financières à mettre à la disposition des Etats », ajoute-t-il.

« Le privé travaille pour plus de justice sociale et une meilleure répartition des ressources avec une création massive d’emploi », affirme-t-il, avant de rappeler que « les jeunes sur le marché du travail sont estimés à 19 millions en Afrique subsaharienne et à 4 millions en Afrique du Nord en 2015, selon les prévisions de la Banque africaine de développement ».

« Les administrations africaines doivent s’appuyer sur le secteur privé d’autant qu’elles ont parfois des problèmes pour capturer des fonds et mettre en uvre des projets ».

Toutefois, soutient-il, « il y a la corruption, le délai très long de traitement des dossiers et une instabilité institutionnelle qui n’encouragent pas le privé à investir dans le développement ».


unblog.fr)/n

Constitutions africaines: Les bombes à retardement de 2015

L’année qui commence sera politiquement mouvementée dans certains pays d’Afrique subsaharienne: RDC, Congo, Burundi, Togo, Bénin

L’année qui commence sera politiquement mouvementée dans certains pays d’Afrique subsaharienne, où les révisions des normes fondamentales par des gouvernants désireux de se maintenir au pouvoir au-delà de leurs termes constitutionnels font débat et grondent comme les bombes à retardement de 2015, augure Serigne Ousmane Beye, analyste politique et enseignant à l’université de Dakar (Sénégal) dans un entretien à Anadolu.

Beye part d’un constat: les projets de révision constitutionnelle dans ces pays sont lourds de danger pour la stabilité du continent, qui se trouve déjà confronté à des rébellions, notamment en République Démocratique du Congo (RDC), au djihadisme au Mali, au Nigéria et au Cameroun, et à l’épidémie du virus Ebola dans sa partie occidentale.

Le cas du Burkina Faso (chute du régime de Blaise Compaoré, le 31 octobre dernier, qui voulait modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir) « devrait servir d’exemple », souligne-t-il, au-delà même de la région ouest-africaine, pour les Chefs d’Etat qui auraient la tentation de modifier les normes fondamentales de leurs pays pour déverouiller les dispositons constitutionnelles les empêchant de briguer un nouveau mandat.

Le président de la RDC, Joseph Kabila, qui ne peut, théoriquement, se présenter en 2016, puisque l’article 220 de la Constitution fixe à deux le nombre de mandats présidentiels, son homologue du Congo-Brazzaville Denis Sassou Nguesso, confronté, lui, à l’article 57 de sa Constitution qui l’empêche de se porter candidat aux élections de 2016, le président burundais Pierre Nkurunziza, soupçonné de vouloir se présenter une nouvelle fois en 2015 alors que la loi fondamentale ne prévoit que deux mandats, le Chef de l’Etat togolais, Faure Gnassingbé, appelé par l’opposition à opérer des réformes politiques, vue que la Constitution ne limite pas les mandats présidentiels et le Béninois Boni Yayi, qui ne peut pas se présenter en 2016, puisque la Constitution béninoise fixe le mandat du président de la République à cinq ans, renouvelable une seule fois, sont les principaux concernés.

A l’orée du 21ème siècle, où les peuples africains ont commencé à acquérir une maturité supérieure à la faveur, notamment, du développement des techniques de l’information et de la communication (TIC), de l’émergence de sociétés civiles actives et d’une nouvelle forme de citoyenneté aspirant aux techniques démocratiques occidentales tout en puisant ses sources dans des figures de proue nationales, « ces présidents sont appelés à méditer l’exemple burkinabé et le printemps arabe s’ils veulent quitter le pouvoir par la grande porte » selon l’universitaire sénégalais.

Si, en revanche, les chefs d’Etat susmentionnés refusent de tirer les leçons de l’Histoire récente et s’entêtent à s’accrocher au pouvoir malgré les exigences constitutionnelles, ils seraient alors dignes de cet adage qui dit: «le pouvoir grise et rend fou», prévoit Beye. C’est qu’il faudra s’attendre, selon l’analyste, à des remous dans leurs pays, où la détermination des peuples à vouloir faire respecter les principes et exigences constitutionnels sonnera le glas de leurs ambitions «démesurées».

Des ambitions «démesurées» si l’on considère que ce qui était valable au milieu du 20ème siècle par une gouvernance dictatoriale, ne l’est plus aujourd’hui, poursuit Beye qui estime que « la donne a changé. » De ce point de vue, l’universitaire sénégalais affirme derechef: «Nous sommes à l’ère d’une nouvelle civilisation de l’information et de la communication, d’une nouvelle citoyenneté et d’une prise de conscience affirmée de la jeunesse africaine.»

Afin d’épargner au continent une instabilité politique et sécuritaire assassine, l’analyste appelle la communauté internationale à agir en amont. Ce sera «en prenant des initiatives hardies de prévention et en rappelant les chefs d’Etat en question à l’ordre, au lieu d’attendre que le feu soit allumé pour jouer aux sapeurs-pompiers. Mieux vaut prévenir que guérir».

L’initiative américaine conditionnant, récemment, le déblocage de l’aide au Bénin par l’organisation en 2015 d’élections locales, sans cesse reportées depuis juin 2014, verse dans ce sens, fait-il observer. De même, que l’incitation faite par la voix du secrétaire d’Etat, John Kerry, à l’adresse des présidents africains, lors du dernier sommet Etats-Unis/Afrique, l’été dernier, à ne pas torpiller leurs Constitutions pour se maintenir au pouvoir.

«Ceci rejoint ce que nous disions plus haut, c’est-à-dire agir en amont, faire des pressions sur ces régimes et les amener à respecter leurs propres constitutions respectives», conclut-il.


Droits réservés)/n