Cameroun -Salaires : 100 000 F pour les curés, 39 000 F pour les pasteurs

Pendant qu’une catégorie d’hommes de Dieu perçoit un salaire tous les mois, bien que jugé dérisoire, une autre exerce sans aucune rémunération ni sécurité sociale.

Tous les dimanches comme ce  26 janvier 2020, les églises du Cameroun grouillent de fidèles. Jour de repos pour la plupart des travailleurs, principale journée de labeur pour les hommes en soutanes que beaucoup estiment généralement à l’abri du moindre besoin.

Un serviteur de l’Eglise catholique dément formellement cette idée qui laisse penser que les prêtres gagnent beaucoup d’argent. « Prêtre diocésain que je suis, je travaille dans un village lointain, dans une brousse. Chez moi il n’y a pas d’eau potable ni électricité. Les populations peinent eux même à s’en sortir. Le diocèse me donne 40 000 FCFA de salaire tous les mois. Puis-je m’en sortir avec ? Evidemment non. C’est la misère», confesse-t-il sous le couvert de l’anonymat.

Chez les catholiques en effet, les rémunérations varient selon que l’on exerce en zone urbaine ou rurale. Les rétributions mensuelles sont fixées par chaque diocèse. Selon une source généralement bien introduite dans le diocèse de Yaoundé où l’on compte des centaines de milliers de fidèles et des rentrées financières importantes lors des cultes, chaque vicaire perçoit 80 000 FCFA, tandis que le curé a droit à 100 000 FCFA.

Du côté d’Obala par exemple, ville périurbaine située à quelques kilomètres de la capitale, le curé n’en reçoit que 80 000 F et son vicaire 60 000 FCFA.

C’est connu, l’Eglise catholique juge nécessaire d’attribuer des salaires à ses ouvriers selon leurs conditions de travail. La loi canon 281 dans son alinéa 1 dispose précisément que : « puisque qu’ils se consacrent au ministère ecclésiastique, les clercs méritent une rémunération qui convienne à leurs conditions. Qui tienne compte, autant de la nature de leurs fonctions que des circonstances des lieux et de temps. Et qu’elle soit tel qu’il puisse subvenir à leurs propres besoins et à assurer une rétribution équitable à ceux dont le service leurs sont nécessaires.» Ce qui se fait tant bien que mal au Cameroun.

Mais l’alinéa 2 de la loi canon est presque totalement violé. Elle qui stipule que : « il faut veiller à ce qu’ils (les prêtres. Ndlr) bénéficient de l’assistance sociale grâce à laquelle ils sont correctement pourvus de leurs besoins de maladie, d’invalidité et de vieillesse. » Un alinéa qui, chaque fois qu’il est évoqué, rend complètement ‘’fou de rire’’ un prêtre du diocèse de Douala.

« Nous sommes des tacherons. En cas de maladie ou d’autre forme d’invalidité, vous êtes pris en charge par l’assureur de la paroisse. Mais celui-ci ne couvre pas votre carrière. Aussi, nous voyons Certains ainés à la retraite vivre dans la peine. Tout jeune pasteur qui voit cela est inquiet. Et est tenté de faire dans les affaires. Ou même de devenir l’ami des hommes riches », déclare-t-il.

Et les imams ?

La situation est presqu’identique à l’Eglise évangélique du Cameroun (EEC). « Une fois, notre Eglise a voulu nous affilier à la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS). Mais cela s’est avéré compliqué parce que nos salaires mensuels n’atteignaient pas le Smig », révèle un pasteur ayant requis l’anonymat.

A l’EEC, après de longues années de débat sur la question des salaires, l’on s’est finalement accordé d’octroyer « un moyen de subsistance » à tous les ouvriers de Dieu. «Il y a près trente ans, les pasteurs percevaient de façon trimestrielle, une somme de neuf mille francs. De revendication en revendication, les pasteurs ont pu se hisser à un niveau un peu plus élevé. La base salariale à l’E.E.C est désormais 39 900 FCFA.», raconte le même pasteur.

Pour sa part, la révérende Albestine Mémiafo, épouse Kenmogne, explique dans une interview accordée à l’hebdomadaire Repères en 2015, qu’en dehors du salaire minimum qui est donné à chaque pasteur, qui est davantage une indemnité de titre et de résidence, il reçoit aussi un appui de sa paroisse. Venant notamment du Conseil des anciens d’Eglise. Toutefois précise-t-elle, cela lui est attribué en fonction du contexte et de l’environnement dans lequel il exerce.

Les choses sont cependant loin d’être complètement satisfaisantes. « J’ai longtemps travaillé à l’Ouest. Dans certaines communautés j’avais à peine 9 000 FCFA à la fin du mois. Travailler dans les coins reculés, c’est difficile. Surtout quand vous avez des enfants qui fréquentent au secondaire ou à l’université ça devient très compliqué. Surtout que tu n’as pas d’autres activités. Car cela est interdit », regrette la première femme pasteur de la paroisse EEC de Nlongkak à Yaoundé.

Même si, reconnaît-t-elle, les choses changent peu à peu à l’Eglise évangélique du Christ. « Quand on se souvient que cinq ans auparavant, les pasteurs ne dépassaient pas 10 000FCFA de salaire minimum. Après des revendications, il a été revu à la hausse au cours d’un synode. Jusqu’ présent les pasteurs en demandent encore. Le débat est sur la table et les responsables se concertent ».

Pas de débat pas contre chez les musulmans. Ici, les leaders religieux vivent soit des présents offerts par les fidèles ou de leurs activités personnelles. « C’est un honneur d’être un imam. Parce que tu es désigné grâce à ta connaissance du Coran et des saintes écritures, à cause de ta bonté et ton bon comportement. Mais en dehors de cette fierté de servir Allah, notre Dieu, et recevoir les honneurs des hommes, il n’y a aucun autre profit. Puisque l’imam ne perçoit pas de rémunérations ni d’argent de poche», a indiqué El Hadj Modibo Halidou Ibrahima, imam principal de la mosquée d’Essos à nos confrères de Repères.

Ainsi, contrairement à ce qui s’observe dans les pays tel le Nigéria où ces dignitaires religieux sont pris en charge par l’Etat, être imam au Cameroun voudrait que l’on mène une activité parallèle. « Pour être un imam dans notre pays, il faut savoir de quoi vivre. C’est pour cela que certains parmi nous sont des commerçants, des hommes d’affaires, ou des débrouillards en général. A côté de cela, beaucoup vivent des dimes et autres actes de bonne volonté des fidèles », explique l’imam.

Crise anglophone: le Cardinal Tumi lance une croisade pour la paix

Au cours d’une conférence de presse tenue le 21 août 2019 à Douala, le prélat a invité les Camerounais de toutes les régions à se joindre à cette campagne.

Le prétexte de cette sortie du Cardinal Christian Tumi et d’autres leaders, n’est autre que la rentrée scolaire qui se profile à l’horizon. Elle débute le 02 septembre prochain dans un climat délétère dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

D’entrée de jeu, Jean Jacques Ekindi plante le décor «il est intolérable que cette année encore, des enfants camerounais par centaines de milliers puissent être privés d’école. Il est inadmissible que des Camerounais soient brutalement privés de moyens de subsistance pour eux-mêmes et pour leur famille. Il est insupportable que le risque de mort, pèse en permanence sur les habitants du Nord-Ouest et du Sud-Ouest», scande le président du Mouvement progressiste (Mp).

Pour pallier la situation, en attendant la tenue du dialogue général anglophone, tant espérée, le Cardinal Christian Tumi propose à «tous les Camerounais épris de paix» de passer à l’offensive. A travers le lancement d’une croisade pour la paix, le jeudi 29 août 2019.

L’homme de Dieu, Jean Jacques Ekindi et d’autres leaders présents à la conférence assurent que la croisade en question est une voie de sortie en l’absence de la conférence général anglophone «le dialogue ouvert et inclusif promis, attendu et tant espéré tarde à se mettre en place», avouent-ils. Ainsi, «l’initiative populaire pour la paix que nous entendons mettre en place ne sera pas un chapelet d’incantations, de professions de foi, de véhémentes déclarations. La crise ne peut plus être soignée par la simple parole. La condamnation, l’anathème, la commisération, l’empathie et la miséricorde ont atteint leur limite.»

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La croisade telle que pensée par le Cardinal et ses alliés devra s’inscrire dans la durée. Raison pour laquelle, «de cette rencontre, émergera une organisation qui consacrera les adeptes de la paix, les activistes de la paix, les apôtres de la paix… L’assignation première de cette organisation sera de se déployer pour que dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, les enfants retrouvent le chemin de l’école en toute sécurité. Il s’agira ensuite d’œuvrer pour que les activités économiques et sociales puissent reprendre…», planifient-ils.

Cameroun: la Conférence générale anglophone reportée

Le rassemblement, qui vise à trouver des solutions de sortie de crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, est désormais prévu du 21 au 22 novembre 2018.

Initialement prévue pour les 29 et 30 août 2018,  la Conférence générale anglophone a été reportée. Elle aura finalement lieu du 21 au 22 novembre 2018. D’après les organisateurs, ce renvoi permettra de se donner suffisamment de temps pour se préparer. La décision a été prise après une réunion tenue mercredi à Douala.

« Les organisateurs [de la conférence anglophone, Ndlr] ont passé en revue les différentes tâches à accomplir pour préparer la conférence et veiller à ce que cet important rassemblement des populations des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest atteigne ses nobles objectifs », a déclaré le cardinal Christian Tumi, qui l’initiative de cette  rencontre.

« Ils ont conclu que plus de temps serait nécessaire pour préparer la conférence. Ils ont donc décidé de reporter la tenue de la Conférence générale anglophone de Buea initialement prévue du 29 au 30 août », a ajouté le cardinal dans le communiqué annonçant ce report.

L’idée de la Conférence générale anglophone s’est frottée à des positions mitigées depuis l’annonce de sa tenue. L’opposition la plus farouche est notamment venue du maire de Buea, Patrick Ekema. Celui-ci a appelé le gouvernement à interdire cette conférence prévue à Buea. Le gouvernement, quant à lui, a fait preuve de plus de diplomatie pour réagir à la main tendue du Cardinal Tumi. Cependant, il ne s’est pas montré favorable à l’idée de libérer tous les prisonniers de la crise anglophone, préalable posé par le prélat.

Malgré ces différentes positions, les organisateurs de la conférence générale des anglophones se disent déterminés à la tenir, dans l’espoir de trouver une solution durable à la crise qui paralyse les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis novembre 2016.

Conférence des anglophones : «Le SDF est prêt à apporter sa contribution» (Etienne Sonkeng)

L’ancien sénateur Etienne Sonkeng s’est exprimé sur la question, en marge du NEC samedi dernier.

Le Social democratic front (Sdf) a donné sa position au sujet de la conférence générale des anglophones initiée le 25 juillet dernier par le Cardinal Tumi, et dont la tenue est prévue pour les 29 et 30 août prochains. Ce sujet était, en effet, l’un des points à l’ordre du jour de la session extraordinaire du National executive comitee (NEC) qui s’est tenue le samedi 28 juillet à la résidence du chairman Ni John Fru Ndi, à Bamenda.

Selon Etienne Sonkeng, «le SDF prendra part à cette conférence si les organisateurs estiment que la contribution de ce parti peut servir à quelque chose». L’ancien sénateur explique que son parti est prêt à faire des propositions, même s’il est consulté en privé. «Le SDF est disposé à apporter sa contribution lors de cette rencontre», conclut-il.

En prenant cette position, le Social democratic front devient le premier parti à se prononcer officiellement en faveur de cette conférence. Son opinion rejoint celle de certains activistes sécessionnistes qui se sont exprimés à ce propos sur les réseaux sociaux, et surtout celle du gouvernement.

En effet, le ministre de la Communication a indiqué, le 27 juillet dernier, qu’il était favorable à cette initiative, mais opposé aux préalables posés par le cardinal Tumi. Il s’agit notamment du cessez-le-feu et de la libération des personnes interpellées dans le cadre de cette crise. « On ne peut pas se permettre de mettre au même niveau, l’armée républicaine, qui défend le territoire, et des bandes armées, des terroristes », a justifié le porte-parole du gouvernement au cours d’une intervention au journal de la télévision nationale.

En rappel, la conférence générale des anglophones aura pour but de désigner les personnes qui parleront au nom des populations anglophones au cours d’un éventuel dialogue national sur la crise qui secoue le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.

Elle sera ouverte à tous ceux qui se réclament de cette partie du Cameroun et  répondent aux deux exigences précisées dans le communiqué publié après le meeting des leaders religieux. Il s’agit de « ceux dont les ancêtres sont issus des 13 départements qui composent les deux régions anglophones du Cameroun », et de ceux dont les ancêtres s’y sont installés de manière permanente « avant 1961 ».