Un journaliste camerounais récompensé pour son reportage sur la peine de mort

Christian Thouani a reçu le diplôme de lauréat du reportage écrit sur la situation internationale de la peine de mort. L’ambassade de France organise une réception en son honneur le 19 octobre

La France récompense la contribution des journalistes dans la lutte pour l’abolition de la peine de mort. Ce pays, par le biais de son ministère des Affaires étrangères et du Développement international, vient de décerner au Camerounais Christian Thouani le «Diplôme de lauréat du reportage écrit sur la situation internationale de la peine de mort».

Cette distinction a été attribuée à l’issue d’un concours organisé au Quai d’Orsay le 10 octobre 2016, à l’occasion de la 14e Journée mondiale contre la peine de mort. Laquelle coïncidait, lundi, avec l’anniversaire de l’abolition de cette mesure punitive en France.

Christian Thouani est l’auteur du reportage écrit intitulé : Condamné à mort à la prison centrale de Yaoundé, Bienvenu Onguené: «je vis mes arrêts de match». Lequel décrit, sous fond de narration, l’état psychologique d’un homme condamné en 1984, il était alors âgé de 30 ans, pour meurtre ; et qui se retrouve à 62 ans, être le locataire le plus âgé du quartier 6 de la prison de Kondengui.

Du récit de ce journaliste, nous apprenons que Bienvenu Onguené a tué en tirant à balle réelle sur un homme qui était en train d’abattre son père à coup de machette. «Tout est vanité. Nous sommes tous de passage sur cette terre. Je demande pardon. J’ai tué. Un jour, moi aussi je mourrais comme tout le monde, condamné ou non. Richesse ou pauvreté, on laissera tout pour se retrouver soit dans la joie avec le Seigneur, soit dans l’enfer avec le diable», s’est-il confié au journaliste du fond de sa cellule.

Le reportage de Christian Thouani fait voyager le lecteur au sein du quartier «des condamnés à mort»« un tas d’immondices alourdit l »oxygène». Ce secteur où le jeune «Yaya Sali, détenu d’à peine 17 ans» peut vous proposer de faire briller vos chaussures en échange de quelques pièces de monnaie.

Dans ce quartier, dépeint le journaliste, Bienvenu Onguené vit «sans espoir», fatigué de voir tous les jours «les mêmes gens et le même décor», abandonné de tous les siens et même de son ancienne compagne dont la dernière visite date de 1985.

«Ne me parlez pas d’espoir. C’est un mot que je n’aime plus entendre. L’espoir pour un homme comme moi c’est un rêve. Un rêve. je sais que je sortirais d’ ici mort. Si c’est ça l’espoir, hé bien oui j’en ai. Car l’espoir dont vous parlez, je l’ai perdu depuis longtemps… Maintenant, je vis mes arrêts de match. Le match est fini», déclare Bienvenu Onguené.

L’ambassade de France au Cameroun organise une réception en l’honneur du lauréat camerounais Christian Thouani le 19 octobre 2016 à la Résidence de France.


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Cameroun: création d’un réseau d’avocats contre la peine de mort

Le RAPOCAM entend fédérer les acteurs engagés pour cette cause, dans le cadre du projet «Agir ensemble pour l’abolition de la peine de mort au Cameroun»

Le Réseau des avocats camerounais contre la peine de mort (RACOPEM) vient d’être mis en place, à la faveur d’une assemblée constitutive tenue le week-end dernier à Limbe (Sud-Ouest).

Après sa légalisation intervenue en début juillet 2015, ce regroupement entend fédérer les acteurs engagés pour cette cause, dans le cadre du projet «Agir ensemble pour l’abolition de la peine de mort au Cameroun».

Ce pays a, en 2008, voté en faveur de la résolution des Nations unies pour un moratoire planétaire sur les exécutions capitales.

La justice camerounaise continue de prononcer lesdites peines, bien qu’aucune exécution ne soit intervenue depuis 1997.

Bien plus, l’article 23 du Code pénal, récemment promulgué par le chef de l’Etat, prévoit la fusillade ou la pendaison sur la place publique pour tout individu condamné à mort, une pratique qui selon le RACOPEM viole non seulement la Loi fondamentale du pays, mais aussi va à l’encontre des traités internationaux ratifiés par le Cameroun.

Les promoteurs dudit Réseau rappellent par ailleurs qu’une centaine de condamnations à la peine capitale ont été prononcées entre juillet 2015 et juillet 2016 par les tribunaux de la région de l’Extrême-Nord, en proie aux exactions de la secte islamiste Boko Haram, et qu’elles pourraient être appliquées à tout moment.


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Egypte: la peine de mort de 149 présumés islamistes annulée

La Cour de cassation en Egypte a ordonné mercredi que les accusé soient rejugés par un autre tribunal que celui qui les avait condamné en première instance

Ils avaient été condamnés à mort lors d’un procès expéditif le 3 février 2015. Un an plus tard, la Cour de cassation en Egypte a annulé ce mercredi la peine de mort pour 149 personnes accusées du meurtre de 13 policiers en 2013, le jour même où les forces de l’ordre tuaient des centaines de manifestants réclamant le retour du président islamiste Mohamed Morsi destitué par l’armée.

La haute juridiction a ordonné que les accusés soient rejugés par un autre tribunal que celui qui les avait condamnés en première instance il y a un an, mais il n’est pas possible de connaître les motivations de cet arrêt de la Cour de cassation tant qu’il n’est pas rendu public, ont indiqué des responsables de la Justice.

Procès de masse
Le 14 août 2013, quelque 700 manifestants pro-Morsi avaient été tués en quelques heures au centre du Caire, un « possible crime contre l’Humanité », selon l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch. Le soir même, 13 policiers étaient massacrés par une foule en colère dans l’attaque d’un commissariat d’un quartier du Caire, Kerdassa, réputé être un fief islamiste.

Depuis que l’armée a destitué le 3 juillet 2013 le premier président élu démocratiquement en Egypte, des tribunaux ont condamné à mort en première instance des centaines d’islamistes, dont Mohamed Morsi en personne, au cours de procès de masse expéditifs vivement critiqués par l’ONU qui les a qualifiés de « sans précédent dans l’Histoire récente » du monde.


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Le Tchad veut criminaliser l’homosexualité

Un projet de nouveau code pénal prévoit de « criminaliser » la pratique. Les auteurs pourront être punis de peines allant jusqu’à 20 ans de prison

Un projet de nouveau code pénal au Tchad prévoit de « criminaliser » l’homosexualité, qui pourra être punie de peines allant jusqu’à 20 ans de prison, et d’abolir la peine de mort, selon un document officiel dont l’AFP a obtenu une copie jeudi. « Est puni d’un emprisonnement de quinze à 20 ans et d’une amende de 50.000 francs (76 euros) à 500.000 francs (762 euros), quiconque a des rapports sexuels avec les personnes de son sexe », stipule l’article 361 bis du nouveau code pénal.

Autre réforme importante prévue dans le nouveau code pénal: l’abolition de la peine de mort. « C’est une très bonne nouvelle, qui est malheureusement ternie par la criminalisation de l’homosexualité » a réagi le directeur Afrique de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), Florent Geel, joint par téléphone. Le Tchad avait adopté un moratoire sur les exécutions en 1991, mais neuf exécutions ont eu lieu en 2003.Depuis lors, les autorités tchadiennes n’ont plus exécuté de condamné, selon la FIDH.

Ce projet de texte, qui doit encore être voté par le parlement, a été adopté le 4 septembre en Conseil des ministres, selon un document émanant du ministère de la Justice que l’AFP a pu consulter.
La réforme du code pénal était en préparation « depuis une dizaine d’années » mais la question de l’homosexualité, jusque-là considérée comme un délit, « n’a jamais vraiment été un sujet » de débat au Tchad, selon Florent Geel.

« Criminaliser l’homosexualité nous semble discriminatoire, démagogique et contre-productif, car cela risque de monter les groupes les uns contre les autres », a-t-il déclaré, appelant l’Assemblée nationale à modifier le texte avant sa promulgation.

Près des trois quarts des pays d’Afrique disposent de législations interdisant ou réprimant l’homosexualité, souvent héritées des lois coloniales. L’Ouganda avait adopté fin 2013 une loi renforçant la répression de l’homosexualité qui avait provoqué un tollé international.Elle reste en suspens depuis son annulation par la cour constitutionnelle début août, mais doit faire l’objet d’un nouveau vote au parlement.

Début 2014, le président nigérian Goodluck Jonathan a également promulgué une loi très controversée, qui interdit les unions entre personnes de même sexe et restreint les droits des homosexuels. Côté camerounais, le chef de l’Etat, Paul Biya, avait déclaré en janvier 2013 au perron de l’Elysée en France, que « la chose » est toujours un délit au Cameroun.

Idriss Deby, chef de l’Etat tchadien
AP)/n

Françoise Emily Bove, une humanitaire contre la peine de mort

Elle coordonne la semaine d’affichage contre la peine de mort au Cameroun et a accepté d’expliquer son concept de révolte

Qu’est ce que le concept Humanispheria?
Humanispheria est né de la réflexion d’un groupe de travailleurs humanitaires qui s’interrogeaient sur le sens de leur métier. On s’est aperçu qu’on se sentait mal à l’aise face à un système – celui de l’aide internationale – dont on commençait à sérieusement douter de l’efficacité, ce qui questionnait notre propre rôle et notre responsabilité finalement. Ne contribuons-nous pas, paradoxalement, à maintenir un modèle qui continue d’exclure et d’appauvrir? Cinquante ans après les indépendances, nos réflexes de solidarité, nos imaginaires restent fortement marqués par des schémas hérités de la période coloniale, que cela nous plaise ou non… C’est pour les mettre en évidence et tenter de construire ensemble des alternatives que le collectif a créé un média participatif. Ce premier projet comporte deux volets, un site web de publication multimédia et un réseau social (qui doit ouvrir d’ici la fin de l’année 2010) qui permettra à ses membres de collaborer à distance et de mener des projets en commun et le deuxième grand axe de travail du collectif porte sur le rôle de la création artistique comme l’un des moyens les plus universels de promouvoir le respect et la tolérance. Grâce au web, nous avons maintenant la possibilité d’échanger des images, des sons, des photos presque instantanément. Là où la langue et l’écrit étaient de véritables obstacles à la prise de parole, il est désormais possible de s’exprimer autrement et de le faire savoir. Humanispheria est donc à la fois un diffuseur de films, de photos ou d’ uvres qui ne trouvent pas leur place dans les médias dits traditionnels et un producteur de projets artistiques participatifs.

Comment a été prise la décision d’organiser à Yaoundé au Cameroun, ces journées d’affichage en manifestation contre la peine de mort, notamment quel a été le rôle joué par Post For Tomorrow?
Depuis 2009, Poster For Tomorrow est l’initiateur d’un concours de création graphique et coordonne l’évènement à l’échelle internationale. Les fondateurs de Poster For Tomorrow estiment que l’art de l’affiche peut contribuer à faire changer nos sociétés. C’est ce que résume Shirin Ebadi en disant que jeter un simple coup d’ il à une affiche peut parfois produire le même effet que lire un livre… C’est donc assez naturellement qu’Humanispheria a décidé de s’associer à ce projet et dans la mesure où aucun autre partenaire ne s’était positionné sur l’Afrique sub-saharienne, nous avons choisi d’organiser l’exposition à Yaoundé, où nous sommes représentés. Après la liberté d’expression l’année dernière, l’équipe de Poster For Tomorrow a choisi cette année le thème de l’abolition de la peine de mort. Plus de 2000 candidatures ont été adressées et en provenance de 78 pays différents, mais pas une seule candidature d’Afrique sub-saharienne. Notre objectif est donc non seulement de faire passer le message porté par l’exposition sur l’abolition de la peine de mort, mais aussi de faire connaître ce concours de création graphique au Cameroun, et peut-être que l’année prochaine des créateurs camerounais se retrouveront parmi les lauréats!

A quels types de réactions vous attendez-vous dans ce mouvement?
Il y a déjà eu des réactions ailleurs, comme en Irlande où la mairie de Belfast a voulu censurer 30 affiches parmi les 100 que comporte l’exposition. Certains partenaires de Poster For Tomorrow ont été harcelés, voire même provisoirement arrêtés. Mais ces réactions négatives sont marginales, et globalement, la campagne est très bien reçue. Quatre expositions auront lieu en Iran par exemple, ce qui était plutôt inattendu. Depuis une vingtaine d’années, il y a une tendance internationale très nette en faveur de l’abolition de la peine de mort. Par rapport au Cameroun, cette exposition s’inscrit dans la lignée d’un débat national qui existe depuis plusieurs années. En 2008, le Cameroun a voté en faveur d’un moratoire mondial sur les exécutions supervisé par le conseil des Nations Unies du 18 décembre 2008. Cette exposition à Yaoundé contribue donc à alimenter et poursuivre le débat ici au Cameroun.

Au Cameroun, la peine de mort n’est pas seulement le fait de l’Etat, elle est aussi le fait des populations qui mettent parfois à mort des personnes suspectées de vol ou autre fait d’agression; est-ce que ce type de peine de mort concerne aussi vos revendications?
L’article 5 de la déclaration universelle des Droits de l’Homme dit que Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » L’exécution est une peine cruelle, inhumaine et dégradante. C’est donc une violation de nos droits fondamentaux en tant qu’êtres humains. Humanispheria est en faveur de son abolition universelle. Il est vrai cependant que le mouvement international pour l’abolition universelle de la peine de mort se concentre sur l’abolition juridique de cette pratique au sein de codes pénaux des pays la pratiquant toujours. Les exécutions en dehors du cadre juridique d’un état sont toutes aussi tragiques, et de nombreuses ONG et associations travaillent dur pour essayer de les éradiquer.

En quoi consiste la lutte pour l’éradication de la peine de mort et quels sont les objectifs de Humanispheria dans ce sens?
En participant à la campagne de Poster For Tomorrow cette année, Humanispheria s’associe à l’ensemble des organisations qui militent en faveur de l’abolition universelle de la peine capitale, comme Amnesty International, la FIDH ou Ensemble contre la peine de mort. Leur combat consiste à faire adopter à tous les pays des dispositions constitutionnelles et juridiques qui interdisent le recours à la peine de mort pour tous les crimes et en toutes circonstances. Le combat vise aussi à démontrer que la peine de mort est une pratique inefficace (elle n’est pas dissuasive), illégale (elle viole la déclaration universelle de Droits de l’Homme), injuste (elle tue des innocents), cruelle, sans appel et réductrice (elle empêche tout travail de réhabilitation). Aujourd’hui, sur les 196 états-membres des Nations Unies, 139 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Même s’il reste encore beaucoup à faire, ces chiffres sont très encourageants.

Françoise Emily Bove
Idriss Linge)/n

Quelles appréciations faites-vous de la position des autorités camerounaises face à la peine de mort?
Il n’y a pas eu d’exécutions au Cameroun depuis la fin des années 80, le Cameroun est donc considéré par Amnesty International comme abolitionniste en pratique. La constitution camerounaise entérine l’article 5 de la déclaration universelle des Droits de l’Homme en précisant dans son préambule que Toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le chef de l’état a récemment commué la plupart des condamnations à mort en peine d’emprisonnement à vie. C’est un signal positif très fort et nous nous en félicitons. L’action des organisations non gouvernementales est essentielle car elle permet d’informer, de mobiliser et d’alerter, mais c’est la volonté politique qui reste le véritable moteur du changement. Les décisions récentes des autorités camerounaises semblent donc aller dans ce sens.

Humanispheria a-t-il d’autres actions au Cameroun ou en Afrique en dehors de cette journée exceptionnelle pour l’abolition de la peine de mort?
Cette exposition est la première action d’Humanispheria en Afrique, et nous ne comptons pas en rester là! L’un de nos objectifs est d’encourager la participation d’acteurs africains de la solidarité internationale ou de la création audiovisuelle pour pouvoir mener ensemble de nouvelles actions au Cameroun ou ailleurs en Afrique.

Comment voyez-vous le combat pour l’abolition de la peine de mort dans les vingt prochaines années?
Le mouvement international pour l’abolition universelle de la peine de mort est un mouvement fort, organisé, et qui bénéficie du soutien absolu de plusieurs grandes organisations internationales et étatiques, telles que l’ONU et l’Union Européenne, sans oublier les gouvernements des pays abolitionnistes. On peut espérer que d’ici vingt ans, tous les états du monde aient abolit cette pratique inhumaine et qui viole le droit international. Cependant, le mouvement doit continuer à mettre la pression aux pays exécutant encore des hommes et des femmes au nom de la loi. C’est un combat de chaque instant, et la pression ne doit jamais s’arrêter. J’ai bon espoir que dans 20 ans nous ayons atteint notre but.

Quelle impression vous laisse finalement cette première journée d’affichage?
Je remercie tous ceux qui sont déjà venus ce premier jour, mais en même temps, je suis quand même un peu déçue, parce que certaines organisations avaient promis d’être là, et elles ne sont pas venues, peut-être qu’elles viendront dans les prochains jours. Nous avons par ailleurs décidé d’effectuer les affichages dans des endroits différents, afin que tous les habitants de Yaoundé puissent être sensibilisés aux idées que nous défendons. Nous y travaillons et puis on verra avec l’organisation

Un dernier mot pour nos lecteurs?
N’hésitez pas à venir faire un tour sur Humanispheria pour découvrir le contenu du site, et aussi contribuer à la réflexion!

Françoise Emily Bove expliquant son concept d’affichage
Idriss Linge)/n