Ingénieur audio et multimédia, il est aussi directeur technique de la boîte de nuit La Piedra
Ancien footballeur, aujourd’hui ingénieur de son. Dites nous en quoi consiste votre travail?
Je travaille comme prestataire de service pour EMI MUSIC France, dans sa division studio audio vidéo et salle de concert. Avec mon équipe, nous veillons au bon fonctionnement des infrastructures en place, à leur entretien, leur maintenance et à l’organisation des activités en ces lieux.
Vous menez une deuxième activité au niveau de la Piedra. Parlez-nous-en
C’est plutôt une activité de nuit. La Piedra c’est une boîte de nuit africaine à Paris qui ouvre ses portes du mardi au dimanche et managée par Mr Maestro Bilé Dajuan, directeur technique. Je dois veiller à ce que les installations de diffusion audio et vidéo professionnels de la boite fonctionnent correctement et les dépanner en cas de besoin. Faire les réglages nécessaires, micros, amplis .etc. Je suis accessoirement disc-jockey de cette boite de nuit.
Vous avez donc des longues journées de travail?
Chez EMI MUSIC France, les concerts n’ont pas lieu tous les jours, et ils finissent en général avant minuit, je commence à la Piédra à 00h30 jusqu’à 6 heures du matin. Par ailleurs, je ne suis pas obligé d’être présent tout le temps, à la Piedra par exemple, je peux être là des fois trois heures durant la soirée, et si le matin je suis fatigué, mon assistant peut assurer mon intérim le lendemain, chez EMI Music.
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Valéry Ntamag, ancien footballeur |
On vous a connu notamment comme footballeur. Racontez-nous vos débuts de carrière en tant que footballeur professionnel.
Très jeune, j’ai commencé à jouer comme beaucoup de camerounais dans les petits championnats de quartier, les championnats de vacances et les tournois inter-collèges (OSSUC à l’époque). A Yaoundé et en province, on connaissait tous les bons joueurs, à force de les voir lors de ces tournois. Moi j’étais au collège Vogt et je me suis fait ma petite popularité tout doucement, ensuite j’ai du partir à l’internat au séminaire de Nanga-Eboko. A Nanga, c’était la rivalité séminaire / lycée, duels dont tous les habitants et étudiants se souviendront longtemps, j’y ai accumulé de bons souvenirs. Suite à cela, j’ai été contacté par le président du club local, Tempête, qui évoluait en 3ème division à l’époque, il s’appelait Mr Messina, paix à son âme. Au bout de quelques mois, l’entraineur provincial du centre m’a fait convoquer chez les lionceaux, je suis parti en stage, mais je n’ai pas tenu le rythme, je pense que j’étais trop jeune. Cette génération composée de Song, Foé, Kima Moukoko, Embe, Eboué, Anya, Andomo . est partie jouer la Coupe d’Afrique junior à l’Ile Maurice puis la Coupe du monde junior en Australie. L’année suivante, je suis parti à Obala, où on me connaissait déjà pour y avoir été lors des championnats OSSUC du centre. Cette année là, j’ai joué pour Tarzan d’Obala L’année d’après, j’avais eu mon bac et je suis parti en Côte d’Ivoire pour faire la faculté de médecine. J’ai joué à Africa sport d’Abidjan tout en allant à la fac. A la fin de l’année académique, mon petit frère m’a dit que le coach des lionceaux était passé à la maison demander de mes nouvelles. Alors lorsque je suis arrivé au Cameroun pour mes vacances en juillet 1994, je suis logiquement allé voir Manga Onguéné, le coach, qui m’a proposé de m’entrainer avec le groupe et a décidé de m’intégrer définitivement dans l’effectif pour préparer les éliminatoires pour la Coupe d’Afrique junior. Le tournoi avait lieu en janvier 1995, entretemps je devais retourner à l’école en Côte d’Ivoire où les cours, décalés en raison de grèves intempestives, devaient reprendre en février.
Vous ne retournez pas puisque vous partez avec les lionceaux. Que dites vous à vos parents pour les convaincre?
J’ai pu convaincre ma mère en faisant venir à la maison l’entraineur Manga Onguéné Jean, et un oncle à moi, qui aimait beaucoup le football. Ils lui ont expliqué que le foot était désormais un métier comme les autres et que tous les jeunes de mon âge rêvaient d’une telle opportunité, en plus si nous allions en finale de ce tournoi, je n’aurai perdu qu’une semaine de cours et donc c’était un risque mesuré. L’insistance du coach à m’avoir dans son groupe l’a fait céder, elle a donc accepté. Nous sommes partis au tournoi, et nous l’avons remporté. Lorsque nous sommes rentrés au Cameroun, nous avons été accueillis comme vous imaginez, j’ai vu dans la foule des supporters à l’aéroport, ma maman et ses s urs avec un bouquet de fleurs pour moi, c’était un jour mémorable. Après cela, nous avons, elle et moi, convenu que je prenais un an pour me perfectionner et devenir professionnel, à défaut je devais retourner à l’école au terme de ce délai. Dans la foulée de notre victoire continentale, nous sommes allés en Coupe du monde junior au Qatar où on a été éliminé en quart de finale par l’Argentine, futur champion du monde. Par la suite, notre génération à été surclassée presque totalement, chez les espoirs, puis chez les Lions Indomptables A. Lors d’un stage avec l’équipe nationale, en vue des éliminatoires de la CAN 96, j’ai dû quitter mes camarades pour partir en France, vu les offres qui se présentaient à moi depuis près de 6 mois, plusieurs clubs français m’avaient en effet contactés depuis la CAN junior, et j’avais choisi US Dunkerque qui évoluait en 2ème division en France, afin de me donner une chance d’être titulaire malgré mon jeune âge. Après un mois à Dunkerque, j’ai été sollicité par le Club belge de La Gantoise. J’y ai signé mon 1er contrat professionnel en 1995.Un contrat d’un an converti en 5 ans. Fin 97, je me suis blessé à la hanche, lors d’un choc face à un gardien. Après examen, je n’avais pas d’hématome, c’était juste un coup alors j’ai recommencé à jouer après quelques jours, je n’avais pas mal et pourtant j’avais perdu un bout de cartillage et puis progressivement j’ai senti une petite douleur, au bout de six mois, le médecin m’a informé que j’avais un début d’arthrose de la hanche.
C’est-à-dire?
J’ai eu au niveau de l’articulation de la hanche gauche, une partie de mon fémur, la tête fémorale qui touchait mon os coxal lorsque j’étais en mouvement. Je ne pouvais plus jouer au football, tellement c’était douloureux.
Et comment avez- vous pris la nouvelle?
Très mal, je n’y ai pas cru sur le coup. Mon surnom c’était Tarzan, j’ai dû plusieurs fois dans ma vie jouer avec des bobos, je me disais que c’était un bobo de plus et que si je serrais les dents ça passerait, mais le médecin m’a dit que ça irait en s’empirant. J’ai joué pendant un certain temps dans cet état (6 mois), entre temps j’ai été convoqué chez les Lions deux ou trois fois par la suite, mais je ne venais pas parce que je savais que j’étais diminué, Je ne voulais pas décevoir. Juste avant la coupe du monde 1998, nous sommes partis en stage à Hennef en Allemagne, et là, le staff a bien vu que, vu mon état, je ne pouvais pas participer au tournoi. Pour avoir d’autres diagnostics, je suis aussi allé voir d’autres médecins en Hollande, en Angleterre, en Belgique et ils m’ont tous dit la même chose, il fallait arrêter le foot, sinon je m’exposais à un gros handicap. Au fond de moi j’ai su que j’allais arrêter mais je ne l’ai pas dit tout de suite aux gens et puis je suis parti en vacances au Cameroun. Nous étions en 1999, j’étais toujours sous contrat mais je ne jouais plus. J’ai fait deux mois et demi au Cameroun et j’ai pris quarante kilos c’est-à-dire que j’avais un mal profond en moi, j’ai eu du mal à vivre, je ne savais pas quoi faire car j’avais arrêté l’école pour jouer au foot, et j’avais pleins d’atouts pour faire une belle carrière, tout cela était très difficile à accepter. J’ai quitté ma compagne, j’ai commencé à fumer et boire un max, j’étais dépravé. C’était une période très compliquée pour moi ! Ensuite je suis venu à Paris vivre chez ma s ur aînée.

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Valéry Ntamag, ancien footballeur |
Et comment annoncez-vous la nouvelle à votre mère et vos proches?
Lorsque je lui ai dit que j’avais mal elle m’a répondu : « reviens, on peut tout soigner au Cameroun ». Mais quand elle m’a vu pleurer de douleur lorsque je marchais elle a commencé à réaliser. Par la suite, chaque fois qu’elle en avait l’occasion, elle me disait : « il faut te réinscrire à la fac » – « il faut que tu repartes à l’école », et j’ai eu du mal à repartir parce que j’avais perdu les réflexes, j’avais perdu l’habitude et surtout j’avais perdu la motivation, en voyant à côté de quoi j’étais passé. Je suis retourné à l’école après un long processus psychologique – j’ai mis 2 ans pour me décider, j’ai repris les cours en 2002 et c’était vraiment laborieux!
Est-ce que vous ne pensez pas qu’après réflexion c’est un des problèmes avec le football? Malheureusement tout est lié au physique de la personne
Oui c’est courant, il ya beaucoup de prétendants, mais très peu qui arrivent à faire carrière. C’est la loi du sport, quand on s’y engage, on sait que tout se joue à la base en fonction de la constitution physique, et de la chance de ne pas se blesser, c’est pourquoi il faut prendre des précautions et se prémunir de ce genre de dénouement en apprenant les bases d’au moins un métier ou en avançant au maximum dans les études avant de se lancer, j’ai eu la chance d’avoir mon baccalauréat avant de commencer ma carrière, ce qui m’a permis de continuer mes études après avoir cessé de jouer, ce n’est pas le cas pour la plupart de mes collègues. J’en connais plusieurs qui n’ont pas pu éclore au niveau professionnel, mais qui pourtant étaient doués, et qui aujourd’hui ont encore du mal à se réinsérer.
Le football ne vous manque pas?
Le football sur le terrain me manque, c’est-à-dire en tant que joueur, ça me manque beaucoup, mais je m’épanouis pleinement dans mon boulot, ça aide à « oublier ». Le pire, c’est quand je croise mes amis Lions Indomptables, ou des fans qui me reconnaissent encore, et qu’ils me disent combien ils sont déçus, et combien ils attendaient une grande carrière de ma part, « tu étais fort, comment est ce possible ? », « tu fus l’un des meilleurs, nous sommes vraiment déçus.» ou lorsque je regarde un match et on me demande « si cétait toi, tu aurais marqué n’est ce pas ? ».etc., ça ce sont des paroles qui me font encore mal, et qui malheureusement me sont répétées régulièrement, ça fait remonter des regrets que j’ai réussi à enfouir au fond de moi.
Et aujourd’hui quels sont vos rapport avec les Lions?
Quand on a été Lion, on est Lion à vie. Nos rapports sont bons, on se respecte, et ils ne m’ont pas oublié. J’en connais quelques uns et je suis en contact avec presque tous ceux de notre génération, on se parle parfois. Il y en a qui sont toujours dans le foot et d’autres qui font carrément autre chose.
Vous avez des enfants, il y a parmi eux des garçons?
Oui
Et si un jour ils vous font la même proposition que vous avez fait à vos parents : laisser vos études pour jouer au foot, qu’est-ce que vous leur direz, vous y avez pensé?
Oui j’y pense parce qu’il y en a un qui joue dans une équipe de jeunes. Si je suis confronté à ça, c’est lui qui décidera de toute façon, je ne suis que son père, je lui donne l’éducation qu’il faut, les valeurs qu’il faut, la religion, l’école, l’instruction c’est important. Mais une fois que j’ai fait mon boulot, s’il décide de jouer au foot, je lui donnerai juste des conseils après il décidera. S’ il joue au foot ça ne va pas me déplaire, au fond de moi je souhaiterai que mon fils soit footballeur, c’est peut-être un peu égoïste, il fera ce que je n’ai pas pu faire jusqu’au bout, mais c’est mon avis, mon sentiment, je ne vais pas l’y pousser.
Quand vous êtes de retour au Cameroun, qu’est-ce que vous aimez faire?
Sincèrement avec la vie que j’ai en France, ce qui me manque au Cameroun c’est de me reposer. Quand j’y suis, tout va au ralenti et je peux tout apprécier, je n’ai pas de rendez-vous, personne ne m’impose rien. En France, on a des règles, il faut s’y tenir, on se met la pression soi-même par souci d’ efficacité, surtout dans l’entertainment. Tandis qu’au Cameroun, j’arrive, je vais voir ma maman, je m’installe dans mon lit – juste une anecdote – l’année dernière je suis parti au Cameroun pour trois semaines, toute la première semaine je me suis couché systématiquement à 20h, je me réveillais vers 9h30-10h sans forcer. Impensable à paris, mais c’est pourtant vrai. J’ai dormi comme un nouveau né.
