La chute des ventes des producteurs et transformateurs locaux serait due, selon l’Asroc, à une importation massive et illégale favorisée par les Douanes
L’Association des raffineurs des oléagineux (Asroc), à l’origine d’une controverse sur l’huile de soja de marque Jadida importée par la société Coppeq Sarl basée à Douala et qui ne respecterait pas la norme en vigueur au Cameroun, a convoqué la presse camerounaise lundi, 06 avril, en début de journée à Yaoundé. Non plus pour parler cette fois de manière spécifique de l’huile de soja de marque Jadida, mais des huiles végétales importées en général et de l’impact de ces importations sur la filière locale. Particulièrement indexé dans le point de presse organisé lundi: le rôle de la direction générale des douanes qui favoriserait ces importations sous le «fallacieux prétexte de la réalisation des recettes douanières en vue du renflouement des caisses de l’Etat».
On observe aujourd’hui la «mise à la consommation d’une pléthore d’huiles végétales raffinées de soja de marques Jadida et Agrior; de palme raffinées, de marque Brôli, Vikor Hayat, Princesss; de tournesol, de marques Fiesta, Solior, Asil, Sunny et Olitalia; de colza, de marque Primance; de maïs, de marques Crystal et Collina d’Oro», a présenté d’emblée le secrétaire général de l’Asroc, Jacquis Kemleu Tchabgou.
L’Asroc dénonce, en ce qui concerne ces différents produits, des «importations massives et incontrôlées» sans prise en compte de la norme NC 77: 2002-03 révisée en 2011 sur les huiles végétales portant un nom spécifique enrichies à la vitamine A ; et d’une décision du ministre des Finances en date du 27 mars 2009 fixant le prix de référence pour la taxation des huiles végétales importées au Cameroun.
En pratique, l’Asroc dit observer une pratique de dumping sur le marché local, les huiles importées se vendant meilleur marché que les huiles produites localement. Ceci en raison de la non-observation du prix de référence qui fixe un niveau minimum (1200 F CFA) et un niveau maximum (1500 F CFA) pour la bouteille d’un litre. L’Asroc qualifie ces huiles végétales importées d’«huiles à faible valeur ajoutée et à faible prix».
Malaise dans la filière
Importations qui sont en train de «plomber» et de «détruire» le tissu industriel existant au sein duquel on retrouve des transformateurs (à l’instar des raffineries telles que la Sodecoton, Azur, SCS, SCR Maya, Spfs, CCO, Saagry, Soproicam, SMC, etc.) et des producteurs (Socapalm, CDC, Pamol, Safacam, plantations villageoises entre autres).
En y ajoutant les effets de la guerre contre Boko Haram et l’instabilité qui règne en République centrafricaine, l’Association des raffineurs voit poindre à l’horizon une menace sur les 25.000 emplois directs et indirects de la filière. «Ces événements ont provoqué un quasi arrêt des exportations de savon vers le géant nigérian et même le Tchad relativement à la guerre contre Boko Haram et vers le Congo Brazzaville et le Congo Kinshasa pour ce qui est de l’instabilité en RCA», relève Jacquis Kemleu Tchabgou.
Et pourtant, force est de reconnaître que la filière locale à elle seule ne permet pas actuellement de subvenir à la demande nationale.
Selon les chiffres du Comité de régulation de la filière des oléagineux, le Cameroun a connu une demande de 184.000 tonnes d’huile végétale raffinée en 2014. Les producteurs locaux ont produit 110.000 tonnes d’huile végétale raffinée (répartie en huile de palme, coton et de soja). Le Comité de régulation de la filière a dû recourir à l’importation de 60.000 tonnes d’huile de palme brute pour obtenir 42.000 tonnes d’huile de palme raffinée ce qui a porté l’offre à 152.000 tonnes en 2014, toujours en deçà de la demande. Pour résorber ce déficit, les raffineurs indiquent que l’Agence de promotion des investissements (API) a accordé des agréments à des industries de production et de raffinage pour améliorer leur outil ; et que des formations sont effectuées afin de porter également la production villageoise à de plus grands rendements.

Le ministère du Commerce en renfort
«L’importation des huiles végétales au Cameroun n’est pas interdite», a cependant tenu à souligner le Dr. Nkoulou Ada Emmanuel, président du Comité de régulation de la filière, au cours du point de presse. Toutefois, elle doit respecter la norme et le prix de référence. «La compétitivité de la filière passe par la productivité et la concurrence. Or, cette concurrence est faussée à la base», a-t-il indiqué, faisant allusion aux huiles importées qui ne respecteraient pas les normes admises au Cameroun.
Le Comité de régulation de la filière et l’Asroc dénoncent tous deux l’action de la direction générale des Douanes, qui autorise les huiles de l’extérieur sur la valeur transactionnelle (signifie que l’importation se fait au prix payé sur présentation de la facture d’achat) et non à partir du prix de référence ; et en second lieu sur le fait que la structure que dirige Mme minette Libom li Likeng se prévaut des pouvoirs de contrôle et de gestion «qui sont de la compétence exclusive du ministère du Commerce», déclare avec force le Sg de l’Asroc.
Le Dr. Nkoulou Ada Emmanuel estime par ailleurs que l’Etat peut gagner bien plus de recettes fiscales en interne en encourageant le développement de l’industrie locale qui, plus elle produit, plus elle fait des gains et paye davantage de taxes.
Le ministère du Commerce, qui semble acquis à la cause des raffineurs locaux, organise ces 07 et 08 avril 2015 un séminaire atelier sur l’assainissement de la filière des huiles végétales raffinées en application de la norme en vigueur. Devraient prendre part à ces travaux dont les résultats sont «très atttendus»: les ministères du Commerce, de la Santé publique, des Finances, de l’Industrie ; l’Agence des normes et de la qualité (Anor), la Société générale de surveillance (SGS), l’Asroc et les importateurs.
« La filière des oléagineux à travers ses industries de première transformation occupe le troisième rang en termes d’équilibre de la balance commerciale du Cameroun », renchérit Jacquis Kemleu Tchabgou pour souligner tout l’intérêt d’une bonne santé financière du secteur.
