Afrique: la démocratie fait du sur place

Sur les trois scrutins présidentiels organisés simultanément au Congo-Brazzaville, Niger et Bénin ces derniers jours, deux se sont avérés vide de sens

Un pas en avant, deux en arrière. La marche vers la démocratie et l’état de droit s’est avérée toujours aussi frustrante ce dimanche en Afrique. Sur les trois scrutins présidentiels organisés simultanément au Congo-Brazzaville, Niger et Bénin, deux se sont avérés vide de sens.

Au Congo, le président Denis Sassou-Nguesso a fait couper le téléphone et Internet pendant 48 heures à l’occasion du premier tour de l’élection présidentielle. Une coupure totale de communications à l’intérieur du pays ou vers l’extérieur (sauf certains services d’urgence) situation à peu près sans équivalent de par le monde ces dernières années. Officiellement, il s’agissait d’éviter la publication de faux résultats. Plus vraisemblablement, il s’agissait d’empêcher la société civile et l’opposition de rassembler des preuves de fraudes.

Le président congolais est le vice-recordman de longévité parmi les chefs d’Etat africain, au pouvoir depuis 1979 hormis cinq ans d’exil. Il avait fait modifier la Constitution par référendum en octobre dernier pour briguer un troisième mandat de 7 ans. Cinq candidats d’opposition, qui ont dénoncé ce coup d’Etat constitutionnel, au demeurant classique sur le continent, se sont engagés à soutenir celui d’entre eux qui serait qualifié au second tour. Ils espèrent profiter du ras-le-bol d’une population dont le salaire moyen mensuel ne dépasse pas 80 dollars et qui souffre d’un chômage effarant : 40 % de la population active.

Le second tour de la a aussi été une caricature, puisque l’opposition l’a boycotté. Son candidat, Hama Amadou, était en effet emprisonné depuis novembre sous l’accusation de trafic d’enfants. Certes, il a été exfiltré vers Paris mercredi dernier pour y être hospitalisé, mais l’opposition a estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour un scrutin honnête et transparent. Elle s’appuyait lundi sur un taux de participation présumé très bas (les résultats officiels devraient être publiés dans la semaine) pour affirmer que «â€ le peuple a rejeté massivement le scrutin†». Et appelle de manière sibylline ses militants à «la vigilance» en vue d’un «â€ retour à la légalit醻. Le président Mahmadou Issoufou (47 % des voix au premier tour) semble toutefois assuré d’être réélu à la tête de ce pays de 18 millions d’habitants parmi les plus pauvres du monde, malgré des ressources en uranium qui en font un partenaire privilégié de la France.

Paris entretient aussi des liens particuliers avec le Bénin, mais cela n’a pas porté chance au Premier ministre depuis neuf mois, Lionel Zinsou. Ce dernier, homme d’affaires franco-béninois qui fut un collaborateur de Laurent Fabius, a reconnu lundi sportivement sa large défaite face à la plus grosse fortune du pays, Patrice Talon. Confirmant ainsi les vertus démocratiques du Bénin, un des premiers pays d’Afrique à avoir adopté le pluripartisme en 1990. Patrice Talon a obtenu 65 % des voix et va succéder à Thomas Boni Yayi son ennemi juré, qui ne pouvait se représenter. Le président Boni Yayi accuse Patrice Talon, qui fut son financier, d’avoir cherché à l’empoisonner jadis. Si Lionel Zinsou a été victime d’une campagne de dénigrement liée à sa double nationalité, ce nouveau venu en politique réputé intègre a surtout souffert de sa proximité avec le président sortant, très impopulaire, et de la crise liée aux déboires de son principal client, le Nigeria.


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Niger: Mahamadou Issoufou face à Hama Amadou au deuxième tour

Contrairement à ce qu’il espérait, le chef de l’Etat actuel n’a pas réussi son «coup K.O» au premier tour de cette élection présidentielle

La Commission électorale nationale indépendante (Céni) a proclamé vendredi après-midi 26 février les résultats provisoires définitifs. Mahamadou Issoufou arrive en tête avec 48,4% des voix, suivi de Hama Amadou avec 17,7%. Il y aura donc un deuxième tour. La participation elle est de 66,7%.

Les résultats de la présidentielle sont tombés hier, vendredi 26 février. Mahamadou Issoufou, le chef de l’Etat, arrive en tête avec 48,4% des voix suivi de Hama Amadou qui obtient 17,7% des suffrages et de SeYni Oumarou qui récolte un peu plus de 12%. L’ancien président Mahamane Ousmane obtient 6,2 % des suffrages.

Il y aura donc un second tour puisque, contrairement à ceux qui l’espéraient, Mahamadou Issoufou n’a pas réussi finalement son « coup K.O », selon son expression. Mais s’il n’avait pas prévu d’aller à un deuxième tour, il pensait encore moins y affronter Hama Amadou.

Candidat en prison
L’ancien président de l’Assemblée nationale lui avait permis d’être élu en 2011, mais depuis trois ans, il est devenu l’un de ses plus grands ennemis politiques. « Une obsession », dit même un expert du Niger. L’entourage de Issoufou s’explique : « Hama Amadou s’est inscrit depuis bien longtemps dans une perspective putschiste ».

Plusieurs de ses cadres sont d’ailleurs emprisonnés dans l’affaire du complot déjoué de décembre dernier. Hama Amadou est, lui, poursuivi, pour une affaire de trafic présumé de bébés nigérians. Comme au premier tour, il s’apprête à faire campagne par procuration, depuis sa prison de Filingué où il est détenu depuis le 14 novembre.

Pour avoir une chance, il devra nécessairement s’appuyer sur le leader du MNSD, Seyni Oumarou, arrivé en troisième position. Ce dernier a créé la surprise en chutant de dix points par rapport à son score de 2011.

Les deux camps confiants pour le deuxième tour
La tension politique a baissé d’un cran après la proclamation des résultats. Malgré la différence de voix de plus de 1,4 million entre les deux finalistes, la coalition d’opposition se dit confiante pour le deuxième tour. « Nous pensons qu’à l’issue du deuxième tour, véritablement, il va y avoir l’alternance en 2016 », estime Ousseini Salatou, porte-parole de la Copa.

Pour Hassoumi Massaoudou, du PNDS, son candidat Mahamadou Issoufou va l’emporter. « Nous sommes en ballotage hyper-favorable », a-t-il déclaré. « Je ne vois pas comment ils vont rattraper leur retard par rapport à nous ». Selon les résultats de la Céni, le parti du président et ses alliés disposent déjà d’une majorité absolue de plus de 90 députés à l’Assemblée nationale.

Hama Amadou (à gauche) et Mahamadou Issoufou.
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Au Niger, l’opposant Hama Amadou reste en prison

La Cour de cassation a décidé de rejeter la demande de liberté provisoire du leader du parti Moden Fa Lumana, candidat à la prochaine présidentielle, inculpé dans une affaire de trafic d’enfants

La Cour de cassation a décidé ce mercredi 9 décembre au matin de rejeter la demande de liberté provisoire de l’opposant Hama Amadou. Le leader du parti Moden Fa Lumana – et candidat à la prochaine présidentielle – est inculpé dans une affaire de trafic d’enfants entre le Niger et le Nigeria. Il est en détention depuis son retour au pays le 14 novembre dernier, incarcéré à la prison de Filingué.

Hama Amadou restera bien en prison, du moins pour quelques jours encore. Ainsi en a décidé la Cour de cassation qui a jugé irrecevable la demande de mise en liberté provisoire introduite par ses avocats.

Une seule affaire était ce mercredi matin à l’ordre du jour à la Cour de cassation, selon le président du tribunal, Hama Amadou contre le ministère public. En deux phrases, le juge Ousmane Oumarou a vidé le dossier. « La Cour a jugé irrecevable la demande de mise en liberté provisoire et elle le condamne aux dépens », a-t-il conclu.

Déception dans le camp d’Amadou
Douche froide dans la salle d’audience de la Cour de cassation. La déception et l’amertume se lisaient sur les visages de tous les sympathisants d’Hama Amadou venus le soutenir.

Les avocats de la défense ne sont pas du tout surpris de cette décision. A la question : « Qu’allez-vous faire maintenant que la Cour a rejeté votre demande ? », maître Soulé Oumaru a répondu qu’il fallait que l’affaire « soit jugée sur le fond ».

Hama Amadou lors du congrès de son parti, le Mouvement démocratique nigérien (Moden), à Zinder, au Niger.
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