Cameroun: un notaire devant la justice pour « outrage au chef de l’État »

Me Harissou, le notaire de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République Marafa Hamidou Yaya, était au tribunal militaire mercredi, 15 juin 2016

Au Cameroun, Me Harissou, le notaire de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, Marafa Hamidou Yaya, était au tribunal militaire mercredi, 15 juin 2016. Il a été interpellé il y a deux ans et poursuivi pour des faits d’atteinte à la sécurité de l’Etat et d’outrage au président de la République.

Arrêté en septembre 2014 et depuis placé en détention à la prison principale de Yaoundé, maître Harissou, de l’aveu même de son conseil, est poursuivi pour des faits graves : « On lui reproche d’avoir essayé de renverser les institutions, complicité de détention et de port illégal d’armes à feu, complicité d’assassinat, outrage au président de la République. », explique son avocat.

Maître Harissou est du reste réputé proche de Marafa Hamidou Yaya. Cet ancien baron du régime purge lui-même une lourde peine d’emprisonnement ferme de vingt ans pour des indélicatesses de gestion. Ses liens de proximité entre l’homme politique et le notaire ont laissé prospérer des thèses de complot avec l’entrée en scène projetée de rebelles venus du Tchad voisin : « Il ne suffit pas d’évoquer des rebelles tchadiens. Tout le monde peut bien dire qu’il y a des rebelles, mais il s’agit desquels ? Ont-ils été appréhendés ? Ont-ils été entendus ? Y a-t-il eu des témoins et autres ? Donc voilà le problème de ce dossier ».

Trois journalistes sont co-accusés dans ce procès. Il leur est reproché de n’avoir pas dénoncé des faits se rapportant à cette affaire et dont ils avaient pris connaissance. Un motif également porté à l’encontre d’Ahmed Abba, correspondant en langue haoussa de RFI, dans une autre affaire. Il est poursuivi devant la même juridiction pour, entre autres, non-dénonciation d’actes de terrorisme.

Au Cameroun, Me Harissou était au tribunal militaire ce mercredi.
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Affaire Harissou: La position de RSF sur le cas des journalistes inculpés

Par Reporters sans frontières

Les journalistes ne sont pas des agents de renseignement. Deux journalistes camerounais ont été convoqués devant le tribunal militaire de Yaoundé le 28 octobre. Il leur est reproché de n’avoir pas dénoncé un projet de déstabilisation de l’Etat.
Le 28 octobre au matin, Félix Cyriaque Ebole Bola et Rodrigue Tongue, respectivement journalistes pour les quotidiens Mutations et Le Messager, ont comparu devant le tribunal militaire de Yaoundé. A l’issue de l’audience, les deux journalistes ont été inculpés de «non dénonciation» de faits susceptibles d’atteindre à la sureté de l’Etat. Baba Wamé, un ancien journaliste actuellement professeur, est soumis aux mêmes accusations.

«Cette inculpation est très inquiétante pour la liberté de l’information au Cameroun, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Les journalistes n’ont pas à être des collaborateurs des agents de sécurité de l’Etat. Au contraire, ils se doivent de maintenir leur indépendance vis-à-vis du pouvoir s’ils veulent continuer à exercer. Leur demander de se transformer en informateurs des autorités, c’est tuer l’essence même de la profession journalistique. Nous demandons au tribunal militaire d’abandonner les charges qui pèsent contre les deux journalistes.»

Leurs confrères journalistes, venus nombreux pour les soutenir, ont été expulsés de la salle d’audience mais se sont néanmoins réunis devant le tribunal pour manifester leur indignation. Placés sous contrôle judiciaire, les journalistes comparaîtront libres, mais doivent pointer au tribunal une fois par semaine, ne peuvent s’éloigner de Yaoundé, ni s’exprimer publiquement sur l’affaire.

Tout a commencé lorsque Félix Cyriaque Ebole Bola et Rodrigue Tongue ont été informés de la présence d’un cadre militaire rebelle centrafricain à la frontière du Cameroun, qui disposerait d’informations sécuritaires sur le pays. Selon la rédaction de Mutations, jointe par RSF, Félix Cyriaque Ebole Bola a alors écrit au Délégué général à la Sûreté nationale faisant état de ces nouvelles et demandant confirmation. En guise de réponse, le journaliste a reçu un appel de la police pour lui demander de partager les informations dont il disposait et de les tenir au courant s’il en obtenait davantage.

Ainsi s’est arrêté l’échange, jusqu’à ce que la rédaction de Mutations reçoive une convocation au tribunal pour n’avoir pas répondu aux sollicitations de la police. Pourtant, le journaliste n’a jamais été officiellement convoqué. Le refus de partager des informations peut-il exister lorsque la question n’a jamais été posée ?

Interrogé par RSF, Xavier Messe, directeur de publication de Mutations, déclare que ces poursuites sont extrêmement préoccupantes pour le statut de journaliste et la question de la protection des sources. Il explique: «Le Cameroun est dans une situation sécuritaire préoccupante. Tous les jours il y a des attaques à la frontière avec la République centrafricaine, des personnes sont enlevées. Il y a aussi les problèmes sécuritaires causés par Boko Haram au nord. Le gouvernement estime que dans ce contexte, les journalistes doivent coopérer. (…) En effet, nous nous attachons à être responsable. Nous recevons tous les jours des informations, mais nous ne publions pas tout car certaines pourraient créer des troubles à l’ordre public. Nous n’en faisons pas usage car nous assumons la responsabilité du journaliste, surtout en temps de guerre. Mais qu’on ne demande pas au journaliste de devenir agent de renseignement. Si j’avais voulu être gendarme ou policier, je l’aurais fait. Chacun fait son travail. Sinon, nous perdons notre crédibilité et notre conscience de journaliste».

Le Cameroun est en 131ème position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.

Rodrigue Tongue (g) et Felix Cyriaque Ebole Bola (d)
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Suite de l’affaire Harissou: Une mise sous surveillance judiciaire pour les deux journalistes

Après leur audition mardi au Tribunal militaire, Felix Ebolé Bola et Rodrigue Ntongue ont été placés sous surveillance judiciaire, ainsi que l’enseignant Baba Wame

Felix Ebolé Bola, chroniqueur au quotidien Mutations ; Rodrigue Ntongué, journaliste et coordonnateur de la rédaction du Messager pour la région du Centre ; et Baba Wamé, enseignant à l’ESSTIC de l’université de Yaoundé II, ont été placés sous surveillance judiciaire mardi, 28 octobre 2014, après leur audition par un juge d’instruction du Tribunal militaire à Yaoundé.

Il est reproché à ces trois personnalités, inculpés pour «non-dénonciation» à la suite de l’interpellation de Me Abdoulaye Harissou, de n’avoir pas averti les autorités militaires, administratives et judiciaires en temps de guerre, des informations en leur possession, et qui seraient de nature à nuire à la défense nationale». Rien n’a filtré toutefois sur les «informations» en question.

La mise sous surveillance judiciaire est une mesure prévue par le nouveau code de procédure pénale du Cameroun, notamment en son article 246. Au dernier alinéa de cet article, il est indiqué qu’elle contraint de «ne pas exercer certaines activités professionnelles lorsque l’infraction a été commise à l’occasion ou dans l’exercice de celles-ci et si le juge d’instruction estime que leur poursuite est de nature à faciliter la commission d’une nouvelle infraction. » Comme conséquence, les journalistes Felix Ebolé Bola et Rodrigue Ntongué ne pourront pratiquement pas effectuer le journalisme durant le temps de l’instruction, qui vient juste de commencer.

«Concrètement, il leur est interdit de sortir du territoire national à moins d’en informer le juge d’instruction ou le Commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire ; de sortir de la ville de Yaoundé pour quinze jours sans autorisation ; de prendre part à tout débat public. De même qu’ils doivent informer le juge de tout changement de domicile. Comme corolaire à toutes ces restrictions, ils ont l’obligation de se présenter au Cabinet du juge d’instruction tous les lundis matin à 11h, aussi longtemps que durera l’information judiciaire», rapporte le quotidien Mutations ce 29 octobre.

Le nouveau Code de procédure pénale prévoit que les mesures de surveillance judiciaire peuvent être levées par le juge d’instruction «soit d’office, soit à la demande de l’inculpé». Toutefois, en cas de violation de l’une des mesures, l’inculpé peut être immédiatement placé en détention provisoire.


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Deux journalistes et un enseignant cités à comparaitre dans l’affaire Harissou

Rodrigue Ntongué et Felix Ebolé Bola ainsi que l’enseignant Baba Wamé sont invités au Tribunal militaire de Yaoundé le 28 octobre

Deux journalistes et un enseignant d’université ont reçu une citation à comparaître au Tribunal militaire de Yaoundé le 28 octobre 2014 dans le cadre de l’interpellation de Me Harissou, un notaire accusé d’avoir fomenté une rébellion pour déstabiliser le Cameroun.

Il s’agit de Felix Cyriaque Ebolé Bola, chroniqueur au quotidien privé Mutations; Rodrigue Ntongué, journaliste et coordonnateur de la rédaction du quotidien privé Le Messager ; Baba Wamé, enseignant à l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’Information et de la Communication (Esstic) de l’Université de Yaoundé II.

Dans son édition de lundi, 27 octobre, la rédaction de Mutations a publié la citation à comparaître adressé à son secrétaire général. Elle se présente comme suit: «J’ai, Maître Ngongang Sime Alain, huissier de justice (.), donne citation à Félix Ebolé, journaliste au quotidien «Mutations» (Sic), d’avoir à se trouver et comparaître en personne le 28 octobre 2014 à 9h précises au cabinet d’instruction (.) au Tribunal militaire de Yaoundé (.) pour être entendu sur l’inculpation d’avoir à Yaoundé, ressort judiciaire du tribunal militaire de Yaoundé, courant juillet-août 2014, en tout cas dans le temps légal des poursuites, en temps de paix, n’avoir pas averti les autorités militaires administratives, ou judiciaires de toute activité de nature à nuire à la défense nationale. Faits prévus et réprimés par les articles 74 et 107 du Code pénal».

D’après le quotidien Le Jour, Les deux journalistes et l’enseignant d’université sont invités chez le juge d’instruction pour certains échanges téléphoniques entretenus avec Me Abdoulaye Harissou, notaire à la première charge de Maroua et aujourd’hui poursuivi pour «hostilité contre la patrie et révolution», «complicité d’assassinat», «port et détention illégale d’armes», entre autres.


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Boko Haram, Guérandi Mbara, Me Harissou: Le point de vue du MRC

Par Maurice Kamto, président national du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun

Conférence du Président National du MRC sur quelques questions majeures d’actualité affectant la vie de la Nation Camerounaise.
La présente conférence de presse a pour but de donner la position du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) sur quelques questions d’actualité qui affectent ou sont de nature à affecter gravement la vie de la Nation : d’abord, du point de vue de sa sécurité et de sa stabilité, ensuite du point de vue de son unité et de sa cohésion, enfin du point de vue de son image et de sa respectabilité internationales. Ces sujets sont au nombre de quatre : la déclaration de guerre au groupe armé extrémiste Boko Haram ; les arrestations extrajudiciaires de Me Abdoulaye HARISSOU et de M. Aboubakar SIDIKI; les allégations de l’enlèvement et de l’exécution extrajudiciaires de M. Guérandi MBARA; l’affaire Célestin YANDAL et les menaces qui pèsent sur les libertés civiles et politiques au Cameroun.

I – Sur la déclaration de guerre à Boko Haram faite à l’étranger et la cacophonie de certains hauts responsables du pays dans sa gestion politique
Depuis quelques mois, le Cameroun est l’objet d’attaques barbares dans les Régions de l’Extrême-Nord et de l’Est de son territoire. Ces attaques attribuées notamment à la secte islamiste Boko Haram ont déjà endeuillé plusieurs familles camerounaises et plongé dans la torpeur de nombreuses autres. Aux familles ainsi endeuillées, notamment à celles de nos courageux soldats morts au front, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) présente une fois de plus ses très sincères condoléances. A nos vaillants soldats engagés sur les différents fronts, le MRC exprime son soutien total et indéfectible et les exhorte à combattre sans faiblesse les illuminés qui sèment la désolation, la tristesse et la mort parmi nos paisibles populations. Que les blessées, les déplacés et les nombreux enfants encore hors des salles de classe en ce mois de rentrée scolaire, reçoivent ma compassion ainsi que celle des militantes et militants de notre parti.

C’est dans ce contexte de violence aveugle que, lors du sommet de Paris du 17 mai 2014 pour la sécurité au Nigeria, réunissant autour du Président français les Présidents du Benin, du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad, les représentants des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Union Européenne, le Président de la République, M. Paul BIYA, a déclaré à la presse qu’il engageait le pays dans la guerre contre Boko Haram. S’il est incontestable que notre Constitution réserve au Chef de l’Etat ce privilège suprême, le lieu de la déclaration de cette guerre tout comme sa gestion politique interpelle.

A part sa déclaration de soutien à nos forces de défense et l’expression ses condoléances et de sa compassion aux familles éprouvées, le MRC s’est jusqu’ici abstenu de tout commentaire, propos, ou action susceptible de gêner l’action du Gouvernement dans cette guerre contre Boko Haram et le gestion d’autres périls à nos frontières.

En s’accordant le recul nécessaire pour apprécier la situation, le MRC a cependant cherché en vain quel était l’intérêt stratégique, tactique, politique ou diplomatique de cette déclaration de guerre faite depuis l’étranger, très loin des Camerounais de qui le Président de la République a reçu le mandat d’agir en leurs noms.

Après avoir engagé le pays dans la guerre depuis la France, la Nation attendait que le Président de la République, Chef de l’Etat et Chef des Armées, prenne la parole pour lui donner des informations, notamment sur les ennemis de la patrie et leurs buts de guerre, et sur les contours de la mobilisation attendue des citoyennes et des citoyens camerounais. Force est de constater que quatre mois plus tard, le Chef de l’Etat n’a toujours pas jugé utile de s’adresser à la Nation, même pas à travers la représentation nationale ou par un simple communiqué de presse.

Ce silence du Chef d’Etat, au moment où nos compatriotes meurent aux combats et où les populations sont désemparées, créé une situation politique trouble et incertaine. Vu de l’étranger, une telle situation laisse perplexe et interroge sur l’adhésion des dirigeants de notre pays à l’obligation de rendre compte qui, avec la responsabilité, fondent l’autorité dans les sociétés politiques modernes.

Ce mutisme a favorisé l’éclatement au grand jour des luttes de succession au coeur de l’appareil d’Etat, créant au sein des institutions de la République une vraie cacophonie qui n’est pas de nature à maintenir la sérénité parmi les populations. En effet, entre les motions de soutien et les serments inutiles qui polluent l’atmosphère politique au moment où la Nation a besoin d’être rassemblée, et les déclarations maladroites de certaines personnalités de premier plan qui divisent notre peuple, les Camerounais sont désormais en droit de demander au Président de la République, contre qui leurs soldats se battent vraiment.

Il y a désormais une obligation de prise de parole publique et solennelle du Chef de l’Etat, Chef des Armées. Le Président de la République ne peut pas, alors que les membres de son Gouvernement et des personnalités importantes de son système politique se déchirent en public sur l’identité réelle ou supposée des ennemis de la patrie et sur leurs complices, continuer à garder le silence sans assumer la responsabilité d’une grave faute politique. Même le moral de nos soldats engagés aux combats dépend désormais de cette clarification attendue du Président de la République, lui qui est la personnalité la plus et, sans doute, la mieux renseignée du pays. Il est important pour le peuple qui se sent pris en otage et surtout, qui a le sentiment que ceux qui gouvernent lui cachent des éléments de compréhension de ce qui se joue en particulier dans la Région de l’Extrême-Nord, de savoir la vérité.

II – Sur les arrestations extrajudiciaires de Me Abdoulaye HARISSOU et de M. Aboubakar SIDIKI
Comme pour jeter plus de trouble sur la situation dans laquelle est plongé le Cameroun, le 27 août 2014, les médias ont annoncé l’arrestation, dans les bureaux du Gouverneur de l’Extrême-Nord, par des éléments de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE), de Maître Abdoulaye HARISSOU, Notaire installé à Maroua, président honoraire de la Chambre des Notaires du Cameroun, président de la Commission du Groupe de Travail à l’Union Internationale du Notariat, et Secrétaire général de l’Association du Notariat Francophone (ANF).

A ce jour, aucun Procureur de la République ni un responsable gouvernemental n’a pris la parole pour dire à la Nation de quoi est accusée cette personnalité bien connue de notre pays. Pourtant, ni sa personnalité, ni le contexte de son arrestation, ni le service qui l’a arrêté, ni le lieu où il a été arrêté, ni les rumeurs sur les mobiles de cette arrestation – en l’occurrence, selon certains journaux, la « tentative de déstabilisation du Cameroun à partir des pays voisins », – n’autorisent le Gouvernement à garder le silence.

Le 9 août 2014, M. Aboubakar Sidiki, Président du Mouvement Patriote du Salut Camerounais (MPSC), avait déjà été arrêté à Douala par des éléments de la même DGRE.

Le silence des autorités judiciaires et des responsables gouvernementaux sur le sort de Me Harrisou et sur celui de M. Aboubakar SIDIKI, leader politique connu, et l’absence de toute procédure judiciaire officielle contre eux transforment ces arrestations en enlèvements extrajudiciaires. De plus, l’implication dans ces opérations des services de renseignement, alors même que la police judiciaire pouvait, sous les ordres du parquet, se saisir de ces cas, donne à ces enlèvements extrajudiciaires un caractère politique que le silence du Gouvernement ne fait que renforcer. Dans le contexte sécuritaire et politique actuel du pays, où des responsables importants du régime ont publiquement insinué et assumé la thèse du complot, le règne de la suspicion et la chasse à l’ennemi intérieur gagnent du terrain alors que le pays est en guerre. Dans l’intérêt supérieur de la Nation, les autorités judiciaires doivent prendre leurs responsabilités face à l’histoire.

Ces enlèvement extrajudiciaires alourdissent le climat politique, ternissent l’image de notre pays au plan international et sont de nature à discréditer les services de l’Etat. Quels que soient les faits pour lesquels ces compatriotes sont interpelés, les lois de la République, qui règlent les conditions d’arrestation et de détention et protègent les droits de tous les citoyens, doivent être observées.

III- Sur les allégations de l’enlèvement et de l’exécution extrajudiciaires de M. Guerandi MBARA
L’opinion nationale et internationale a appris, par un journal étranger dont l’article a été abondamment repris et commenté dans notre pays, le récit de l’enlèvement et de la mise à mort allégués de M. Guerandi MBARA par des éléments de la DGRE avec la complicité active d’un certain M. Georges STARCKMANN, marchand d’armes vivant en France, et d’un certain M. Alberto FERNANDES ABRANTES, un colonel portugais à la retraite. Ce récit, qui fournit à la justice camerounaise toutes les informations susceptibles de permettre l’ouverture d’une enquête, n’a pas encore été démenti par le Gouvernement plus d’une semaine après sa publication.
Le peuple camerounais et les observateurs internationaux ont, une fois de plus, du mal à comprendre le silence du Chef de l’Etat dans une affaire aussi grave. Le silence embarrassé du Gouvernement inquiète plus qu’il ne rassure. Même si le journal étranger en question avait raconté une fable – ce dont on peut douter au regard de son sérieux-, il est urgent pour le Chef de l’Etat, dans ce cas comme dans les précédents, de tirer la situation au clair dans l’intérêt de notre pays.

Le MRC rappelle que ce qu’il est convenu d’appeler l’«affaire Guerandi MBARA», si elle était avérée, constituerait une violation manifeste par l’Etat du Cameroun de ses obligations en matière du respect des droits de la personne humaine, notamment:

-au titre des instruments internationaux: la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984, la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires de 1989, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées de 2006, la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples de 1981 ;

-au titre de la législation nationale, en particulier : la Constitution, le Code pénal et le Code de procédure pénale.
En tout état de cause, cela constituerait une dérive dangereuse et inquiétante du régime en place.

Afin de mettre un terme aux rumeurs et autres spéculations qui enflent face au mutisme du Gouvernement dans cette affaire – qui pour le moment fait peser sur la DGRE et le pouvoir de lourdes allégations d’enlèvement et d’exécution extrajudiciaire – le MRC demande la mise en place rapide d’une Commission internationale d’enquête indépendante. Car, les faits allégués se seraient déroulés dans plusieurs pays, concerneraient des personnes de différentes nationalités, et mettent en cause le Gouvernement camerounais qui, dans ces conditions, ne pourrait pas conduire avec efficacité une enquête impartiale. La Commission proposée devrait avoir pour mission:

-d’infirmer ou de confirmer ces graves allégations d’enlèvement et d’exécution extrajudiciaire et le cas échéant, d’établir la chaîne de responsabilité ainsi que les responsabilités individuelles tant nationales qu’internationales ;

– ‘enquêter sur la véracité du décaissement de 350.000 Euros (229.600.000frs CFA) pour financer ce présumé assassinat.
Le MRC propose en outre la création d’une Commission d’enquête parlementaire (nationale) afin d’enquêter sur l’utilisation de la DGRE et d’autres services de renseignement de notre pays par le pouvoir à des fins politiques.

IV -Sur l’affaire Célestin YANDAL et les menaces qui pèsent sur les libertés civiles et politiques au Cameroun
M. Célestin YANDAL, jeune enseignant, président du Collectif des jeunes de Touboro et tête de liste UNDP lors des élections législatives et municipales de septembre 2013, a été arrêté le 30 novembre 2013 puis, après quelques péripéties, mis sous mandant de dépôt à la prison de Tcholliré, avant d’être transféré à la prison de Garoua où il est encore retenu sans jugement à ce jour.

Cette arrestation se situe dans le cadre des luttes politiques violentes qui ont opposé de façon dramatique, avant et après les élections couplées de septembre 2013, les militants de l’UNDP à ceux du RDPC, deux partis politiques pourtant alliés au sein du Gouvernement. Ces violences politiques ayant conduit à des morts d’homme, le MRC renouvelle ses condoléances aux familles des victimes et engagent les différents acteurs de la scène politique de notre pays à faire cause commune autour de la vision d’un jeu démocratique respectueux de l’adversaire et d’un changement dans la paix, tant au niveau national qu’au niveau local.

Faute d’information officielle, le MRC ne peut, à ce stade, relayer que des informations provenant des médias. Il serait reproché à ce jeune leader politique du département de Mayo Rey d’être le symbole de la dénonciation des exactions et des injustices dont seraient victimes, et ce depuis longtemps, une partie de la population de la part des responsables locaux du RDPC.

La gestion de cette affaire semble conforter le caractère politique de la détention de M. YANDAL. En effet, son principal crime serait d’avoir revendiqué le respect de l’Etat de droit face à un pouvoir traditionnel hissé au-dessus des lois de la République, et d’avoir osé s’opposer à l’immixtion de l’autorité administrative dans le fonctionnement de la Commune de Touboro dont son parti venait de prendre les rennes.

Le MRC en appelle au pouvoir afin qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour, d’une part, mettre fin au calvaire de Marcel YANDAL en ordonnant sa libération, et, d’autre part, réparer le préjudice sévère qu’il a subi et continue de subir, à la fois comme citoyen libre de participer à la vie politique de son pays et en tant que jeune enseignant ayant une carrière à construire.

Cette affaire YANDAL vient à la suite de plusieurs autres mettre en lumière la difficulté de mener une activité politique libre et indépendante du pouvoir dans notre pays, sans risquer divers types de vexations et d’exactions. Le Cameroun se met ainsi lentement et progressivement sur une pente préoccupante, où les dérives débouchant parfois sur des atrocités nous interpellent tous; car nul n’est à l’abri dans un contexte de dérapage autocratique, même pas ceux se sont convertis en serviteurs zélés et cyniques d’un tel système.

C’est pourquoi le MRC tient à rappeler notre devoir de vigilance collective et de solidarité avec les victimes, et à alerter le peuple camerounais et la communauté internationale sur les conséquences imprévisibles de l’accumulation de telles pratiques sur la paix, la stabilité politique et le progrès économique de notre pays.

Le Président National du MRC, Pr. Maurice KAMTO

Maurice Kamto, président national du MRC
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