Port de Douala: Graisser la patte pour accéder au terminal à bois

Les camionneurs doivent soudoyer à chaque poste pour avoir accès au terminal à bois du port de Douala. Leurs bourreaux nient les faits et pourtant sur place la corruption crève les yeux

Les jours se suivent et se ressemblent au port de Douala. Bien que moins brouillant ce samedi matin, la file de transporteurs à destination du parc à bois s’allonge progressivement. Leurs véhicules chargés de bois en grumes ou débités, sont garés sur la chaussée pendant qu’ils tiennent chacun sur la file des dossiers à faire valider. Pour accéder au bureau « Minfi/Minfof-programme de sécurisation des recettes forestières », les postulants ne se contentent pas de paperasse. Chacun a pris le soin de dissimuler un billet de 1000 Fcfa dans le porte-document.

Yaya, l’un des transporteurs laisse apprécier les dossiers de son véhicule avant de rentrer dans le bureau. A sa sortie, il exhibe le même dossier, mais cette fois, plus de billet de 1000F. « Vous voyez non, c’est généralement ainsi le samedi, dimanche et les fériés, il faut accompagner son dossier d’au moins 1 000 F pour être servi », fait remarquer Yaya sous l’approbation de ses autres collègues encore en rang.

« Nous ne prenons pas de l’argent, nous faisons le contrôle de conformité, c’est-à-dire, nous assurer que ce qui est sur le camion, correspond à ce qui est dans le dossier », se défend sous anonymat un fonctionnaire de ce bureau rencontré quelques instants plus tard. A en croire pourtant un autre chauffeur que nous préférons taire le nom, le bureau «Minfi/Minfof-programme de sécurisation des recettes forestières» fait partie des postes les plus corrompus du trajet vers le terminal à bois. « Dans ce bureau, que vous soyez en règle ou pas, il faut donner quelque chose pour être libéré », confirme-t-il.

5 postes de contrôles, 5 gestes à faire
Le rituel continue ainsi dans tous les 5 postes de contrôle à franchir pour accéder au quai à bois. Autant aux agents du Port autonome de Douala (Pad) que de la Douane qui constitue le dernier poste de contrôle avant le terminal, il faut faire un geste. Le tout dernier qui débouche sur l’espace privé géré par la Société d’exploitation des parcs à bois du Cameroun SEPBC est mieux organisé. Une table installé devant le bureau permet à deux agents de vaquer à leurs occupations. Le premier met de l’ordre parmi les porteurs de dossiers et le second se charge d’apposer sur ceux-ci une mention et des cachets. Le dossier visé ici, le porteur rentre dans le bureau où l’attendent un homme et une femme. Tout s’y déroule alors à huis clos. « On leur donne toujours quelque chose », confie un chauffeur à la sortie.

Non loin, un transporteur de bois dépité, présent en ce lieu depuis deux jours attend toujours de rentrer en possession de son dossier. A l’en croire, il a confié la responsabilité des démarches à un usager bien introduit dans le port. « Ils disent quoi là-bas ? », lance-t-il à l’endroit d’un jeune sortant de l’un des bureaux de la Douane. « Ils veulent l’argent », rétorque le jeune. Petits conciliabules entre les deux interlocuteurs et le jeune retourne dans la salle et en ressort quelques temps après avec une pile de dossiers qu’il remet au chauffeur. « Il a décanté ma situation », confie, sourire aux lèvres, le chauffeur qui se lève aussitôt, traverse la barrière, démarre son camion en trombe et se dirige vers l’espace réservé aux bois débités.

Perception indue
La Commission nationale anti-corruption (Conac) qualifie de «perception indue» ces actes des agents du corridor menant au terminal à bois du port de Douala. Pour Jean- Paul Dargal, sociologue et chef du projet de l’emploi domestique à l’Ong Horizons Femmes, membre de la plate-forme « Fight against corruption, change Habit » initié par la Conac, la multiplication des postes de contrôle charrie la corruption. Il dénonce par ailleurs l' »opacité dans la procédure où le circuit de validation du bois est monnayé sans facture ou ticket souche ». Ceux qui se livrent à cette pratique semblent ignorer une chose: le code pénal punit « d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 200 000 à 2 000 000 Fcfa, tout fonctionnaire ou agent public qui, pour lui-même ou pour un tiers, sollicite, agrée ou reçoit des offres, promesses, dons ou présents pour faire, s’abstenir de faire ou ajourner un acte de sa fonction ». Le ver est dans le fruit.

Autant aux agents du Port autonome de Douala (Pad) que de la Douane qui constitue le dernier poste de contrôle avant le terminal à bois, il faut faire un geste
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