A la rencontre d’une reine camerounaise…contemporaine

Françoise Alima Messi est l’épouse de sa majesté René Désiré Effa, ce roi qui a initié et élevé le Président Paul Biya au rite et rang traditionnel du «Nnome Ngui»

Si les administrations coloniales et certaines d’aujourd’hui ont institué les titres de Chef traditionnel, supérieur, de tel ou tel autre degré, ces personnalités africaines sont des Rois, dont la notoriété ne se borne pas à des tenues officielles ridicules que les administrations en place imposent, voulant en faire des sous- agents administratifs à leurs ordres…. Ces Rois règnent et leurs épouses – ils sont en général polygames – les Reines, ont des rôles prépondérants dans la vie et les réalités du quotidien de leurs contemporains.

Nous avons rencontré la Reine Alima Messi Françoise, une des épouses de Sa Majesté Effa, ce Roi qui a initié et élevé le Président Paul Biya au rite et rang traditionnel du «Nnome Ngui ». Cette fille Etenga de Bikop, dans la Mefou Akono, et femme boulou de Ngonebock, dans le sud Cameroun est conseiller d’orientation, mais aussi doctorante en psychologie sociale à l’Université de Yaoundé 1. Sa recherche est une étude sur l’influence sociale dans le leadership traditionnel africain.

Pourquoi avez-vous choisi ce sujet ?

Françoise Alima Messi : « C’est pour épauler mon époux. Je suis mariée à un Chef Supérieur. L’une de mes priorités est d’être au top non seulement en tant qu’épouse, mais dans bien d’autres domaines. Je veux mettre la psychologie au service de la chefferie traditionnelle. Nous sommes certes dans un pays moderne et contemporain mais, en Afrique, il y a cette cohabitation de deux pouvoirs : le traditionnel et le moderne. Ils sont antinomiques, pourtant ils doivent évoluer ensemble. Il se pose le problème d’une nouvelle dynamisation de nos valeurs ancestrales qui vont nous servir d’appui pour faire face à la mondialisation. Les institutions traditionnelles ont donc besoin d’un accompagnement psychologique dans le cadre d’un management moderne des chefferies, d’où le choix de mon sujet. »

Françoise Alima Messi.
Droits réservés)/n

Vos recherches ont-elles des approches spécifiques à la vie des Africaines au quotidien ?
Françoise Alima Messi : « Parfaitement! Au sein de la chefferie, je pratique la psychologie appliquée. Les femmes africaines vivent beaucoup de situations dramatiques. Dans le cas d’exemple de la succession et de l’héritage, aux yeux de la loi, tous les enfants ont les mêmes droits. Mais dans la pratique, c’est autre chose. Les filles sont déshéritées et abandonnées à elles-mêmes dans certaines familles. Je me dois de leur trouver du réconfort. Il y a aussi une autre réalité qui fait beaucoup de mal dans nos chefferies traditionnelles. C’est la polygamie. L’une de ses particularités est de tuer le bel amour des femmes pour leur conjoint, les transformant en actrices qui jouent un rôle, un personnage. Vous savez, une femme, même mariée au plus grand coureur de jupon, tant qu’elle est dans la monogamie, se sent en sécurité même de façon illusoire. Vivre la réalité de la polygamie n’est pas toujours évident. Pour accepter de partager son époux, il faut éteindre en soi la flamme qui brûle pour lui, et jouer. Ainsi, il peut entrer et sortir sans que son absence ne vous fasse de mal. Le danger est que l’homme peut ne plus se sentir aimé, car en réalité, il ne l’est plus. Alors, en quête d’amour, il va voir ailleurs ; c’est pourquoi il est plus facile pour un homme qui a déjà une deuxième femme d’en chercher une troisième, et ainsi de suite.

En ce qui me concerne, beaucoup de paramètres ont joué en ma faveur. Mes études de psychologie sont un très grand atout, et l’Eternel Dieu m’a donné un époux réfléchi, qui sait faire la part des choses. La polygamie archaïque dans laquelle tout le monde vit dans la même concession est pire qu’un enfer. Je ne suis pas dans la même ville que ma coépouse. On ne se rencontre que lors de grands événements qui exigent la présence de tous. L’inconvénient cependant est que nos enfants n’apprennent pas à se connaître, et à s’aimer, mais voir mon homme par intermittence renforce mon amour pour lui.

Je pense pour finir que le bonheur n’est pas une donnée matérielle que l’on peut posséder. C’est plus un état d’âme. A mes s urs africaines, je dis que pour être heureuses, nous devons savoir ce que nous voulons et nous donner les moyens d’atteindre nos objectifs. Je prends le cas de cet événement qui est la Journée internationale de la Femme, le 8 mars. Quand j’observe comment mes compatriotes camerounaises ont leur singulière manière de célébrer cette journée, beaucoup sont comme des marionnettes qui prétendent revendiquer leur droit et l’égalité des sexes à travers l’achat des pagnes. Et, lorsqu’on a cousu son «kaba androïde », qui peut se soulever avec facilité, le tour est joué. Comme c’est ridicule ! Comme la liberté, l’égalité ne se revendique pas, elle s’arrache. Il vaut mieux rechercher son autonomie financière que revendiquer une égalité avec un homme dont dépend notre survie ».

Au bord de l’eau à Ngonebock.
Droits réservés)/n

Ouest, Nord-ouest: à la découverte des rois mystiques!

Dans ces deux régions du Cameroun, les rois appelés « Fon » ou « Fo’o », ne sont pas des personnes comme des autres. Plusieurs rites mystiques entourent leur intronisation

Dans les régions de l’ouest et du nord-ouest Cameroun, les rois appelé « Fon » ou « Fo’o », ne sont pas des personnes comme des autres.

Plusieurs rites mystiques entourent leur préparation avant qu’ils ne deviennent roi, et une cérémonie peu commune permet de présenter le nouveau roi à ses sujets.

Cérémonie de présentation du nouveau Roi des « Nkwen »
Une flûte traditionnelle annonce l’arrivée du nouveau « Fon » ou roi de Nkwen, un village de l’arrondissement de Bamenda, dans la région du nord-ouest du Cameroun.

La cérémonie de présentation du nouveau roi se déroule au Palais Royal.
Elle consiste à doter le nouveau roi d’une puissance et d’un pouvoir, après la mort de son prédécesseur.

Cette chanson sacrée est entonnée par les princes, les princesses, et les reines. Ils chantent torse nus, visage déguisé au milieu de la cour royale ou sont rassemblés tous les habitants du village.

Une chefferie du Nord-ouest Cameroun.
Droits réservés)/n

Pouvoirs surnaturels
Les notables appelés ici « King Makers » ou « Faiseurs de roi » vont alors présenter le nouveau roi à ces sujets.

Après cette présentation, tous les sorciers, magiciens, médiums, devins guérisseurs vont faire des lancées symboliques de petits cailloux au nouveau roi.

Dans les villages de l’Ouest et du Nord-ouest Cameroun, cette phase de présentation du roi au public intervient après plusieurs semaines de préparation mystique du roi dans les sociétés secrètes du royaume.

Cette étape selon Talla Joseph, notable et faiseur de roi, consiste à doter le nouveau roi d’un pouvoir qui va lui permettre de gouverner ses sujets.

A 40 minutes de Nkwen se trouve le village de Bawock également dirigé par un roi.

Pour ses rites d’investitures, sa majesté Nana Theodore Wada a passé neuf semaines dans le La’akam, pour se doter de pouvoir contre d’éventuelles attaques.

Dans chaque collectivité traditionnelle au Cameroun, on dit que le roi réunit tous les pouvoirs surnaturels existant dans sa sphère politique. De ce fait, il est craint et respecter pour diverses raisons.

Considéré dans le Nord-ouest et l’Ouest du Cameroun comme le reflet du règne de Dieu, les rois sont les garants de la prospérité et de la survie du Royaume.

Un roi intronisé.
Droits réservés)/n

Littérature : Haman Mana et Mireille Bisseck en territoire Bamiléké

Les deux journalistes présentent dans un beau livre les «Rois et Royaumes Bamiléké»

Les bamiléké ont fait ceci, les Bamiléké se comportent comme cela, etc. On y va de toutes sortes de préjugés pour qualifier, à tort ou à raison ce peuple. Peuple des Grass Field de la région de l’ouest Cameroun dont seule l’histoire en appelle pourtant au respect et à l’admiration. Un peuple chargé d’histoire et surtout de traditions, lesquelles sont transmises comme de fil à aiguille, de génération en génération. Ceci par des Fo, les chefs, à la tête des royaumes et gardiens de ces traditions.

Haman Mana et Mireille Bisseck, brillantes plumes de la presse camerounaise, ont fait plus que cela. Ils sont allés aux sources, à la rencontre des Fo eux mêmes. A peu près 150 royaumes et autant de rois, présentés en 236 pages, sur papier glacé. Le livre dévoile, département après département, la petite histoire fondatrice de chaque chefferie. L’on peut ainsi apprendre qu’à Fotouni il aura fallu La tête d’un homme, à Bandjoun c’était Le pouvoir en cadeau de noces, à Batoufam la chefferie est née pour l’amour d’une princesse, à Bapi les hommes sont venus du ciel, à Babone c’était Le petit caillou, à Bafoussam ce fût tant de richesses. Autant d’histoires, anecdotiques pour la plupart, qui initient le lecteur aux mythiques traditions ancestrales et identitaires des royaumes et peuples Bamiléké.

Une bibliothèque traditionnelle
Le beau livre, comme l’exige le genre, fait la part belle aux images. Dans leurs chefferies, ou en pleine cérémonie, les rois ont posé. Ici en compagnie de leurs épouses, là avec leurs Ntchinda, les serviteurs, et ailleurs avec leurs Nkamvu, les grands notables. Plus impressionnants encore, tous ces symboles de culte et de prestige qui entourent les Fo, allant du Ndop, étoffe de rassemblement aux peaux de panthères en passant par la queue de cheval, signe de bravoure. Toute la magie des chefferies de l’ouest transparait dans cette désormais bibliothèque culturelle et traditionnelle des peuples Bamiléké. Des visages naïfs comme celui du rois des Fondonera dans le département de la Menoua, « arrêté » en 2009 alors qu’il n’a que 14 ans, l’on en arrive aux plus avertis, le cas du Fo Tankoua Thomas, doyen des rois Bamiléké du haut de ses 105 ans, roi de Bamaha depuis 1940.

Il était temps que le pari soit tenu, ou mieux, que le défi soit relevé. « Rois et Royaumes Bamiléké » répond de fort belle manière à toutes les exigences des ouvrages du même genre, le fait, jusqu’ici d’auteurs d’ailleurs. Les photos portent les marques du bien connu Hugo Bebe et les plumes qui vont avec sont celles notamment de Mireille Bisseck, journaliste à la Cameroon Radio and Television (CRTV) et Haman Mana directeur de publication du quotidien « Le jour ». A sa casquette de journaliste, ce dernier joint désormais celle d’éditeur, à travers les Editions du Schabel, éditrice de « Rois et Royaumes Bamiléké ». L’ouvrage bénéficie en guise d’introduction, d’une profonde étude du Professeur Emmanuel Ghomsi, lequel plante un décor avec pour point de départ la déterminante époque coloniale. Dire que les Bamiléké et leurs rois y ont fortement participé !


Journalducameroun.com)/n