Ce que je retiens de « La Porte de Minuit » de Florence Tsagué

Par André Ekama

« La porte de minuit » est une uvre écrite par la camerounaise Florence Tsagué, publiée par les Éditions l´Harmattan, Novembre 2016. Dans ce recueil de nouvelle de 108 Pages, l´auteure vient là percer un univers mystérieux qui nous est toujours conté par nos aînés ou bien auquel nous faisons face individuellement. Nous appréhendons le monde rationnel qui essaie bien que peu de tout justifier et le monde irrationnel lequel repose sur notre imagination et nous parle aussi sans que nous puissions justifier certains phénomènes proches de nous.

Comment donc vouloir tout expliquer dans la vie alors que parfois nos sens sont limités sur ce que nous voyons ? Si l’esprit peut atteindre plusieurs dimensions, il n’est pas incertain que nous subissions des épreuves mais que nous ne puissions pas toujours interpréter ou expliquer mais que nous accordons à déduire par rapprochement avec ce qui nous est plus fréquentable.

L’auteure a su dans le choix de ses personnages épiloguer sur se veut ténébreux et articule dans ces différentes nouvelles une importante source de l’imagination de chez nous. L’on se représente des phénomènes et nous sommes hantés par leur présence parfois sans plus comprendre ce qui nous arrive vraiment ! Comme si un fatalisme venait se poser sur tous nos sentiers et nous laissait dans l’amertume subite.

Si dans un sens, la nuit apparait comme étant ce moment où les formes invisibles nous parlent, l’auteure dans son livre a aussi présenté le village dans son cadre, voir en le considérant comme étant le pays de nos ancêtres, qui est ce lieu où l’on finit toujours par y arriver même lorsque l’on feignit de ne pas s´y rendre par peur de sorcellerie.

Ainsi relate-t-elle avec beaucoup de précision certaines rencontres telles que celle avec ce monstre qu’elle qualifie de mastodonte ou dans d’autres histoires telles « Le Revenant » où elle se montre encore plus initiatique dans la description même du personnage. À la lecture de ce récit, l’on paraphraserait l’auteur qui disait « les morts ne sont pas morts, ils sont parmi nous ».

Avec l’histoire d’Adjimo, elle traduit là une forte compassion dans un environnement où tout le monde est baigné des larmes suite à une mort affirmative ou un simulacre de mort maintenu par cette fausse information et par pure coïncidence menant à milles suppositions.

Lorsque la victime qui ne l’est pas est inhumée, ceci prouve encore que parfois on peut tomber dans l’amertume et ne plus voir vraiment. Certes une succession de scènes horribles viennent démontrer les enjeux de l’opacité de la vie et des pratiques et toucher du doigt des réalités qui nous sont propres.

Ainsi, dans « Un Cadavre pour le Remaniement Ministériel », elle nous parle avec ce postulant à une fonction ministérielle qui use de tout pour atteindre son but mais hélas, retrouvé inerte sans avoir eu à savourer les délices de sa fonction. Quel triste épisode ! Cette uvre conscientise et un bravo à l’auteure qui a su allier les péripéties et donner du goût à lire malgré le chagrin qui s’élève parfois quand on constate que la vie peut être ôtée comme un coup de bâton magique si on se livre de manière naïve dans l’occultisme.


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Florence Tsagué signe «La Porte de Minuit»

Après son roman « Femmes Connues, Coépouses Inconnues », l’auteure camerounaise revient avec une collection de quatre nouvelles à la fois poignantes et bouleversantes

« La Porte de Minuit ». Ce roman marque le retour de Florence Tsagué dans le monde des lettres. Une collection de quatre nouvelles à la fois poignantes et bouleversantes.

Les raphias qui dansent, la boîte magique, le mastodonte voilé… Ces histoires traduisent, selon l’auteure camerounaise, « la complexité d´un monde habité par les démons de nos sociétés, les démons de la nuit et même ceux du subconscient de l´Homme ».

Encore plus inquiétante s´annonce l´histoire de Miagning, un haut fonctionnaire de la République connu de tous comme étant « ministrable ». Va-t-il enfin être nommé avec l´aide de la boîte magique du vieux marabout de de l´Afrique de l´Ouest ? « Etre ministre ou ne pas l´être », telle reste la question cruciale de cette nouvelle à la fin tragique, qui révèle une certaine « folie » de nomination dans une République où le mérite a fait long feu sur plusieurs plans.

Que dire de la nouvelle qui donne son titre au livre « La Porte de Minuit »? Une jeune fille, Mo Mo, est toute seule à la maison du village. Ce qu´elle va vivre, va se révéler être la face cachée d´un lourd secret familial dont sa mère seule détient la clé.

Autre nouvelle, celle du « Marigot aux Raphias Dansants » et plus loin, l´histoire du « Revenant », l´homme qui réapparait après son enterrement.

Après son roman « Femmes Connues, Coépouses Inconnues », Florence Tsagué, née à Bafou dans le département de la Menoua à l’Ouest du Cameroun, démontre une fois de plus la vivacité de la littérature camerounaise à travers « La Porte de Minuit » parue en novembre 2016 aux éditions L’Harmattan. L’auteure est par ailleurs chargée d’enseignement à l’Université de Wuppertal en Allemagne.

Les Camerounais sont-ils des mendiants assis sur une mine d’or?

Par Florence Tsagué

Pour Dr. Paul K. FOKAM de Afriland First Bank, les Camerounais sont des mendiants assis sur une mine d´or (voir la conférence « Le Cameroun, un Havre d´Opportunités » lors du Challenge Camerounais 2013 à Berlin). L´émergence qui est actuellement la musique de fond du gouvernement nécessite, selon lui, une mentalité propice au développement, une vision, une attitude au changement, la persévérance et la réussite. Sans minimiser l´impact des structures politico-économiques, il importe ici de jeter un coup d´ il sur l´attitude individuelle face au développement. Lorsqu´on considère les synergies des communautés camerounaises, on peut émettre l´hypothèse que les compatriotes sont souvent loin d´exploiter de façon effective les opportunités à eux offertes et leurs potentialités.

En Allemagne par exemple, la communauté camerounaise est désormais celle qui regorge le plus grand nombre d´étudiants de l´Afrique. Une communauté qui brille tant par sa quantité que par sa qualité. Nombreux sont ceux qui bouclent avec brio leurs études et réussissent à s´intégrer sur le plan social et professionnel. Et même les compatriotes qui sont venus pour se «chercher», pour des raisons professionnelles ou dans le cadre du regroupement familial, font montre d´une persévérance notoire. Autant notre communauté se fait distinguer par les prouesses et les réussites individuelles, autant il faut souligner le caractère isolé des actions et la difficulté à se mettre ensemble pour agir de concert. Une fois que les facteurs énoncés par Dr. FOKAM sont réunis et servent de grands chevaux de bataille, la synergie reste une étape décisive pour transformer les réussites individuelles en réussite communautaire pouvant profiter à toutes les couches sociales.

Au Forum Social et Économique du Challenge de Berlin 2013, alors tribune par excellence pour présenter les projets et conjuguer les synergies, deux compatriotes ayant pris place à côté de moi ne cachent pas leur inquiétude face au manque de concordance dans les différents points du programme. L´initiateur de la conversation confie: «Une telle désorganisation arrive quand on a un peuple trop intelligent comme les Camerounais, car personne ne veut écouter l´avis de l´autre.» Et à son interlocuteur de rétorquer: «Tu as raison certes, mais ce n´est que chez les Camerounais qu´on trouve quelque chose comme ce Challenge. C´est aussi la résultante de toutes ces intelligences. Si seulement on pouvait mettre nos égos à côté!»

Nombreux sont ceux parmi nous qui ont toujours un point de vue sur tout sujet et s´y accrochent à mort. Beaucoup de discussions entre compatriotes se soldent par les frustrations, chacun se profilant comme expert et affirmant les choses de façon péremptoire. Comme l´une des causes de la mort précoce de beaucoup d´associations de la diaspora, Léonard JAMFA critique cette attitude à piétiner l´expertise. Il est souvent étonnant de voir des ingénieurs accaparer un dossier juridique au mépris des juristes à qui on devrait à juste titre confier la tâche.

De nos jours, les communautés camerounaises à l´étranger regorgent des compétences de tous les domaines importants de l´économie, de la politique, de la technologie, des médias… en sorte qu´il serait saugrenu de tomber dans la débrouillardise là où une tâche exige une expertise précise ou une interdisciplinarité devant réunir autour d´un projet de compétences de divers domaines.

Si un dicton de chez nous dit qu´on ne saurait se laisser mordre par le serpent alors qu´on a un bâton en main, on peut cependant observer au quotidien des individus qui préfèrent périr ou laisser le bateau communautaire chavirer que de recourir à l´aide du compatriote X. Il est vrai qu´on ne saurait frapper à la porte de tout le monde, quand bien même on tire le diable par la queue. Cependant, il est inquiétant de voir, dans le cadre des projets d´intérêt général, les incompatibilités d´humeur primer tout bon sens. D´aucuns jureraient: «si c´est celui-là qui détient le remède pour me guérir, je préfère mourir». Ceci traduit un orgueil souvent mal placé chez l´individu qui préfère se passer du savoir-faire de l´autre là où un petit geste d´humilité aurait aidé à tendre la main et à avancer sûrement.

Combien de fois sommes nous passés à côté des personnes détenant la clé nécessaire à nos synergies pour défendre nos intérêts et plaider pour la cause du Cameroun, notre Patrie et celle de l´Afrique, notre Avenir?

Florence Tsagué
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Qui a peur du testament? Quand l´héritage divise les familles

Par Florence Tsagué

Le matérialisme à outrance ne fait pas école dans nos sociétés sans impact négatif sur les valeurs morales et la gestion de la mémoire des disparus. Auparavant, les testaments étaient plus ou moins transmis sous forme orale et la parole semblait avoir une place sacrée, tant dans la conscience individuelle que collective. De nos jours, on ne sait plus à quel Saint se vouer. Ni la parole, ni les écrits ne semblent plus inspirer confiance.

Si ce n´est pas l´authenticité du testament qui pose problème, c´est son contenu qui surprend et taraude les enfants, rendant alambiquée la gestion post mortem et semant de la zizanie: les immeubles scellés, les pratiques magico-maléfiques, les comptes bancaires bloqués. Or dans nos m urs, aborder le sujet du testament chez les parents, même à un âge avancé, serait synonyme de vouloir «précipiter leur mort». Que peut-il donc expliquer un tel mutisme? Le refus d´envisager l´inévitable (la mort) ou l´attachement au matériel? La méfiance ou la déception face à la cupidité de la famille?

Même si les biens constituent en général l´objet de la convoitise, les familles les moins nanties ne sont pas non plus épargnées des conflits ouverts ou « froids » de la succession. Là où il y a absence de biens matériels, c´est souvent autour du nom ou du titre honorifique que se cristallisent les querelles. Quelques facteurs pouvant compliquer la gestion de l´héritage: le testament, la polygamie, le rôle de la famille et l´implication des amis.

Le testament
Écrire son testament revient à envisager l´éventualité d´une fin, mais surtout à laisser des consignes claires pour une vie paisible après son départ. Il est sans doute difficile d´imaginer ce point où, dirait-on en langage sartrien, on cesse d´être le « Pour-soi » pour devenir l »´En-soi ». Toutefois, rédiger un testament bien détaillé, le laisser aux bons soins d´une personne de confiance et d´un notaire/d´un avocat, s´avère primordial pour clarifier et légitimer la gestion et le partage post mortem des droits et des devoirs entre les légataires.

Et pourtant, lorsqu´on aborde cette question avec certains proches, on est vite confronté aux tabous, aux superstitions et même aux soupçons. C´est ainsi qu´ils mettent entre parenthèses la rédaction du testament et finissent par « tirer leur révérence », en ne laissant que de l´incertitude derrière eux.

Certains testaments révisés sont si différents de la première version que les héritiers se demandent si leur parent affaibli n´avait pas subi de manipulations de la part des personnes tapies dans l´ombre. À ceci s´ajoute une répartition injuste des biens, laquelle privilégie parfois les enfants déjà autonomes et néglige les plus faibles, n´en parlons pas des filles. Aussi faut-il noter la difficulté d´intégrer les enfants du défunt nés hors mariage, présentés aux veuves que pendant les obsèques.

De leur vivant, certains parents nourrissent l´espoir mais aussi l´illusion que leur successeur continuera à gérer la famille comme eux (les parents). Administrateur des biens, le successeur devra éduquer et élever ses jeunes frères/s urs et les aider à trouver leur chemin dans la vie. Une mission chargée de bonnes intentions, mais qui en l´absence du fondateur de la famille, peine à se concrétiser. Avec le soutien de la famille, certains héritiers sont à la hauteur de cette lourde tâche à eux assignée tandis que d´autres, se retrouvent, malgré les efforts fournis, isolés et frustrés à cause des critiques pas les moins acerbes.

On assiste aussi à des cas où les successeurs se laissent emporter par l´égoïsme et l´égocentrisme, lesquels les poussent à placer leurs droits au dessus des devoirs.
Il est curieux de voir que dans certaines familles, ces conflits se sont vite adaptés aux clivages politiques au point qu´on entend désigner le « clan » du successeur par « le parti au pouvoir  » et celui de ses détracteurs par « l´opposition ». Une conception binaire des choses qui ne laisse point de place à la neutralité.

La polygamie, la famille, les amis.
Les familles monogamiques ne sont pas épargnées des litiges liés à l´héritage. D´ailleurs les guerres de succession entre les enfants d´une même mère vont crescendo. Si l´équation n´est pas simple avec une seule épouse, alors, dans le foyer polygamique, les problèmes peuvent se multiplier par le nombre de femmes. En cas de controverses autour de la succession, les veuves se livrent des batailles, généralement par le biais de leurs enfants. Les oncles, les tantes et même les amis du défunt jouent leur partition, les uns pour apaiser les tensions et chercher une sortie de la crise, les autres pour envenimer le problème. Le recours pas le moins périlleux aux forces magico-maléfiques n´est pas exclu.

L´avidité de certains oncles et tantes n´est pas à négliger. Alors que du vivant de leur frère, ils n´étaient jamais impliqués dans la gestion du foyer et des biens de celui-ci, après sa mort, ils affûtent vite les armes pour imposer leur volonté sur la gestion de l´héritage; certains usant de tous les moyens physiques et psychiques pour intimider, infantiliser, voire mettre sous tutelle la veuve. C´est ainsi que la souffrance, les besoins, l´éducation et l´avenir des orphelins sont relégués au second rang.

Si l´absence d´un testament chez ceux qui malheureusement trépassent à la fleur de l´âge est tout à fait compréhensible, il reste cependant problématique de voir des chefs de famille succomber des suites d´une longue maladie, et laisser le suspense planer sur leur héritage. En l´absence du testament, certains enfants usent de leur position politique ou économique pour se tailler la part du lion, au détriment des plus démunis.

Pour poser les jalons d´une harmonie durable après le départ, il est capital pour les parents de régler leur héritage et leur succession au moyen d´un testament qu´ils peuvent actualiser au fil des ans, afin de partager les droits et les devoirs de façon à ne pas léser et frustrer d´autres enfants, particulièrement les moins aisés. Le plus important n´étant pas de cumuler les biens matériels et de les léguer à la postérité, il importe de créer un environnement propice à l´épanouissement de la famille, d´inculquer aux enfants les valeurs morales, une bonne éducation et de leur donner les mêmes chances de réussite. Un proverbe camerounais ne dit-il pas: «le tuteur vaut mieux que l´héritage»?

Florence Tsagué
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