Afrique: pour les terroristes, tous les chemins mènent au Mali (Minusma)

A mesure que les extrémistes sont chassés des zones de conflits, ils trouvent refuge dans ce pays dont les frontières sont mal contrôlées, a déclaré la porte-parole de la Minusma, Radhia Achouri

Une superficie de plus de 1,2 million de km², entouré de sept pays en « situation vulnérable » avec « des frontières très mal contrôlées », le Mali offre un tableau « complexe » alliant données géopolitiques, économiques et sociales.

A mesure que les terroristes sont chassés des zones de conflits en Afrique, ils trouvent refuge au Mali, a déclaré dans un entretien la porte-parole de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), Radhia Achouri.

Ce constat repose sur un tableau « complexe ». Septième pays africain par sa superficie (1 241 238 km²), le Mali est limitrophe de sept pays qui se trouvent, pour la plupart, en « situation vulnérable » avec « des frontières très mal contrôlées », a précisé la fonctionnaire onusienne.

Fragilisé, un temps, par une guerre s’appuyant sur des « revendications socio-politico-économiques », le Mali est lui-même devenu un foyer de tension terroriste, dans la mesure où il a bénéficié, selon des observateurs, d’anciens réseaux radicaux en Algérie et des flux des anciens combattants de la guerre de Libye (2011).

Par ailleurs, on observe [i « sur le terrain [malien], (…) des alliances, des complicités, entre ceux qui ont un agenda radical religieux et (..) ceux qui ont un agenda purement pécuniaire »], distingue Achouri, en ajoutant un élément d’attraction pour les terroristes concernant la possibilité de leur « financement à travers les trafics d’armes, de drogues ou trafics humains ».

Dans cette situation où il est souvent « difficile de savoir qui est qui », un état décrit comme « ni de guerre ni de paix » s’est installé, comme le rappelle Achouri. Une situation propice à l’accueil des terroristes qui sont aux portes du pays. « Des conflits régionaux, la [situation d’insécurité qui perdure en] Libye, la présence de Boko Haram [au Niger frontalier]. Tous ces éléments ont beaucoup contribué à faire du phénomène terroriste au Mali un défi de plus en plus présent. Plus on chasse les terroristes [d’autres zones de conflit], plus ils trouvent refuge au Mali ».

Autant de raisons qui font de la résolution de la question sécuritaire « un défi, non seulement pour le Mali mais pour toute la région du Sahel », poursuit la porte-parole de la Minusma.

De ce « radicalisme actif » et de « la présence néfaste et agressive des narco-trafiquants », le Conseil de sécurité des Nations-Unies a récemment « tiré les leçons ». Le 29 juin dernier, il prorogeait d’un an le mandat de la MINUSMA en lui enjoignant d’agir avec plus de « robustesse ».

[i « La vocation de la mission n’a pas changé. Le Conseil de Sécurité n’a fait que rappeler qu’il avait autorisé la Minusma dans le cadre de son mandat à avoir recours à la force (…) surtout pour la protection de la population civile [en agissant] avec plus de robustesse »]. Un besoin qui découlait, aussi, du « bilan assez macabre » enregistré par cette mission, depuis son déploiement en 2013, avec près d’une centaine de morts parmi les Casques bleus.

« Recalibrer » le mandat de la Minusma offre, par ailleurs, la possibilité de mieux « assister l’armée malienne pour qu’elle se déploie progressivement et coupe la voie à tous ces groupements qui sont le véritable défi non seulement pour la stabilité du Mali mais pour celle de la région », réitère Achouri.

Toujours au titre de la lutte contre le terrorisme, même si « la vocation de la Minusma n’est pas d’établir des stratégies » en la matière, elle identifie les besoins maliens et les communique au quartier général (QG) de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Celle-ci intervient ainsi souvent, à travers ses institutions, comme l’équipe spéciale de lutte contre le terrorisme (CTITF) « pour discuter avec les responsables maliens dans quelles mesures elle peut les assister dans l’établissement de leur propre stratégie. »

« Il y a plus de deux semaines, il y a eu une visite du Quartier Général de New-York au Mali. Elle a eu lieu après une grande réunion organisée à Bamako regroupant des experts maliens, les ministères concernés, la société civile, des responsables régionaux et les partenaires de la communauté internationale pour épauler le Mali » dans sa stratégie antiterroriste.

Comme « la solution au terrorisme n’est pas exclusivement militaire », la porte-parole de la Minusma a insisté sur l’activation « d’urgence » de la mise en uvre de l’accord de paix d’Alger, signé et paraphé l’été dernier entre Bamako et les groupes armés de Nord. Cela passe par le rétablissement de la confiance entre les partenaires politiques, un obstacle de taille à la concrétisation de l’accord de paix entre des groupes, « qui étaient, il y a peu de temps, en train d’enterrer leurs morts respectifs ». Restituer la confiance, est donc « un processus qui requiert du temps. »

La mise en uvre de l’accord était ainsi, et jusqu’à il y a quelques semaines, bloquée. Le Gouvernement et les groupes armés du Nord exprimaient des divergences sur la question de savoir « par quel bout de l’accord de paix fallait-il commencer ? » rappelle Achouri. Un bras de fer s’est alors engagé, les groupes armés soutenant l’installation, d’abord, d’autorités intérimaires dans les régions du Nord, Bamako étant, de son côté, partisan de l’activation du dossier sécuritaire. « En définitive on a signé une entente [en juin dernier]. Il n’y a aucune raison pour qu’on pense qu’ils n’ont pas agi de bonne foi. Je crois que tout le monde a senti l’urgence. »

La mise en uvre de l’accord de paix permettra la neutralisation des groupes armés du Nord, « avec leurs assises et bases d’appui » en permettant le redéploiement des forces de sécurité et de l’armée malienne reconfigurée selon l’accord » pour être plus « représentative ». Elle s’accompagnera du « retour des services de base et des dividendes de la paix », dans un pays où la jeunesse est majoritaire (75%), dés uvrée et dépourvue de toute perspective. Elle constitue, à ce titre, un terreau pour les terroristes et autres forces négatives, alerte Achouri.

« On (les terroristes, i.e) peut vous payer 100 USD en échange du dépôt d’un engin explosif improvisé. Parfois, on ne sait même pas ce qu’on dépose. Il y a des coins au Mali ou l’on se demande comment les gens arrivent à survivre », a illustré Radhia Achouri, ajoutant que certains finissent par rejoindre les groupes terroristes ou de narcotrafiquants en raison du « désespoir. »


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Mali: l’avenir de la mission de l’ONU discuté et acté cette semaine

Le Conseil de sécurité de l’ONU s’apprête à renouveler, mercredi 29 juin, le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée de l’ONU pour la stabilisation au Mali (Minusma)

Le Conseil de sécurité de l’ONU s’apprête à renouveler, mercredi 29 juin 2016, le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée de l’ONU pour la stabilisation au Mali (Minusma). Compte tenu d’un contexte terroriste très difficile, il s’agit de l’opération de maintien de la paix la plus meurtrière. Son mandat, selon des informations de RFI, devrait se recentrer en priorité sur la mise en place de l’accord de paix et de réconciliation nationale dans le nord du pays. Il devrait aussi adopter une posture plus offensive et robuste.

C’est une opération de maintien de la paix qui n’en porte que le nom. Car le mandat de la Minusma, qui doit être renouvelé cette semaine, en fait clairement une mission de lutte contre le terrorisme.

Ce mot n’apparait pas dans la résolution, qui parle plutôt de menaces asymétriques. Mais clairement, le Conseil de sécurité a pris la mesure des enjeux dans le nord du Mali, face à la multiplication des attaques contre les casques bleus déployés et la pression des pays contributeurs de troupes.

Non seulement les effectifs sont revus à la hausse, avec 2 500 casques bleus et policiers supplémentaires, mais le mandat de la Minusma est aussi clarifié. Sa posture est beaucoup plus robuste, offensive et combative.

Le conseil note qu’il faut qu’elle agisse de manière pro-active en cas de menaces asymétriques. La France, avec son opération Barkhane, n’interviendrait qu’en soutien, en cas de menace grave et imminente.

La résolution invite donc les Etats membres à financer plus de moyens logistiques, que ce soit des drones, des hélicoptères de combat et des blindés, mais aussi plus de moyens de renseignement, pour permettre à la Minusma d’assurer son nouveau mandat.

Le texte qui sera voté est aussi résolument tourné vers l’avenir du Mali, donnant la priorité à la mise en place de l’accord de paix. Le redéploiement des forces maliennes, et le retour des autorités intérimaires dans le nord, prévu normalement au mois d’août prochain, pourraient marquer un sérieux coup d’arrêt aux groupes jihadistes.

C’est du moins ce que souhaitent les Nations unies, qui s’engagent aussi à gagner les c urs et les esprits à travers des projets humanitaires à impact rapide, comme la construction de puits ou l’installation de groupes électrogènes.

Un casque bleu de la Minusma à Tombouctou, dans le nord du Mali.
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Mali: cinq casques bleus tués dans une embuscade

L’attaque portée, dans le centre du Mali, contre un convoi de la Minusma a également fait un blessé grave. Les Nations Unies condamnent «cet acte odieux»

Cinq Casques bleus ont été tués dimanche, 29 mai 2016, dans une embuscade « terroriste » dans le centre du Mali, une première dans cette région, alors que le pays connaît depuis une dizaine de jours une recrudescence des attaques meurtrières contre l’armée et les soldats de l’ONU.

Ce nouvel attentat contre la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) n’a pas été revendiqué.

La Minusma n’a pas spécifié immédiatement la nationalité des Casques bleus attaqués. Une source policière malienne a déclaré qu’il s’agissait de Togolais.

« Les Casques bleus togolais étaient en mission de paix dans le secteur où les agriculteurs et les éleveurs se sont récemment affrontés », a déclaré cette source, contactée par téléphone à Mopti depuis Bamako.

La mission de l’ONU a annoncé dans un communiqué qu’une attaque « terroriste » avait eu lieu dimanche vers 11h00 (heure locale et GMT) contre « un convoi de la force de la Minusma, pris dans une embuscade à 30 kilomètres à l’ouest de Sévaré », une ville située dans la région de Mopti.

« Selon les informations préliminaires, cinq Casques bleus ont été tués. Un autre a été grièvement blessé et son évacuation médicale est en cours », a ajouté la mission dans un communiqué.
Cette attaque survient quelques jours seulement après la mort vendredi de cinq soldats maliens, tués dans l’explosion d’une mine au passage de leurs véhicules entre les localités d’Ansongo et d’Indelimane, dans le nord du Mali, selon l’armée.

Et cinq Casques bleus tchadiens avaient déjà été tués le 18 mai, dans une autre embuscade au nord d’Aguelhoc, dans le nord-est du Mali. L’attaque avait été revendiquée par un cadre du groupe jihadiste malien Ansar Dine, allié à Al-Qaïda et qui a contrôlé le vaste nord du Mali pendant près de dix mois, entre 2012 et janvier 2013.
Mahamat Saleh Annadif, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et chef de la Minusma, a condamné l’attentat de dimanche.

«Acte odieux de terrorisme »
« Je condamne avec la plus grande vigueur ce crime abject qui s’ajoute aux autres actes terroristes qui ont ciblé nos soldats de la paix et qui constituent des crimes contre l’humanité au regard du droit international », a déclaré M. Annadif.

« Cet acte odieux de terrorisme est d’autant plus révoltant qu’il a été perpétré durant la journée internationale des Casques bleus », a-t-il souligné.

Il a appelé à « déployer tous les efforts possibles pour identifier les responsables de ces crimes odieux ».

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a lui aussi condamné l’attentat, a rapporté son porte-parole dans un communiqué prenant en compte les informations selon laquelle les Casques bleus visés étaient togolais.

« Le secrétaire général présente ses sincères condoléances aux familles des cinq Casques bleus qui sont morts pour la cause de la paix, ainsi qu’au gouvernement et au peuple du Togo », indique le communiqué. « Il appelle à une action rapide pour traduire les auteurs de ce crime devant la justice », ajoute le texte.
C’est la première fois que des Casques bleus de la Minusma sont tués dans le centre du Mali, une zone où est basé le Front de libération du Macina (FLM), un groupe apparu début 2015 et dirigé par le prédicateur radical malien Amadou Koufa, un Peul.

Le FLM est allié à Ansar Dine. Ces deux groupes revendiquent régulièrement des attaques dans le Nord et le centre du Mali.
Déployée depuis juillet 2013, la Minusma est celle qui connait le plus fort taux de mortalité de toutes les actuelles missions de maintien de la paix de l’ONU, en nombre par rapport à l’effectif de plus de 10.300 militaires et policiers.

Le Nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, après la déroute de l’armée face à la rébellion à dominante touareg, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.

Les jihadistes ont été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, qui se poursuit depuis.

Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix entre le camp gouvernemental et l’ex-rébellion, censé isoler définitivement les jihadistes.


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Mahamat Saleh Annadif: un Tchadien à la tête de l’ONU au Mali

Il devient à partir de ce vendredi le nouveau représentant spécial du secrétaire général des Nations unies au Mali, et le chef de la Minusma

Le Tchadien Mahamat Saleh Annadif est le nouvel homme fort de l’ONU sur l’échiquier malien, toujours en proie à la guerre. Il devient à partir de ce vendredi le nouveau représentant spécial du secrétaire général des Nations unies au Mali, et le chef de la Minusma. Fin diplomate, il possède une vaste expérience nationale et internationale.

Depuis 2012, à la suite d’une rébellion touarègue revendiquant l’autodétermination du territoire de l’Azawad et la prise de contrôle du nord du Mali par des groupes djihadistes liés à al-Qaïda, le Mali est en guerre pour reprendre le contrôle de son territoire.
En janvier 2013, une offensive jihadiste salafiste sur les villes de Ségou et Mopti provoque l’entrée en guerre de la France, avec le lancement de l’opération Serval, et de plusieurs pays africains de la Cédéao, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest dans le cadre de la Misma, la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine. Les islamistes sont repoussés dans le nord du pays et doivent progressivement abandonner de nombreuses bases reconquises notamment par les forces franco-tchadiennes.

Le 18 juin 2013 le gouvernement de transition du Mali signe un accord de cessez-le-feu avec différentes forces rebelles (MNLA, HCUA, MAA) qui permet la tenue de l’élection présidentielle dans le nord du pays. L’ONU prend le relais de la Misma et met en place la Minusma. Les affrontements reprennent en mai 2014 et après plusieurs mois de combats, un accord de paix, l’Accord d’Alger, est conclu le 15 mai et signé le 20 juin 2015. Mais cet accord de paix ne met pas un terme aux actions de guérilla qui continuent de fragiliser et de meurtrir le Mali.

La gestion de la Minusma dans un contexte sécuritaire tendu
Depuis son déploiement au Mali en juillet 2013, la Minusma, créée par la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations unies, a eu plusieurs mandats. De juin 2014 à juin 2015, sa mission a consisté en priorité à faciliter le règlement politique et à étendre sa présence dans le nord du pays. Son deuxième mandat qui lui a été confié, pour la période de juin 2015 à juin 2016, consiste principalement à soutenir la mise en uvre de l’accord de paix sur le plan politique et sécuritaire.

Pour y parvenir, elle est autorisée par l’ONU à disposer de 12 640 personnes, dont 11 240 soldats. Or, d’après le rapport de Ban Ki-moon du 16 décembre 2014, les effectifs seraient de 10 638 soldats, dont plus de 1 100 Tchadiens qui constituent l’un des contingents les plus importants, après le Burkina Faso et le Bangladesh. Mais cette mission de maintien de la paix de l’ONU se révèle la plus coûteuse en vies humaines depuis la Somalie avec 60 morts en deux ans et demi.

Au niveau de son commandement depuis son installation au Mali, la Minusma a déjà usé un commandant en chef, le Rwandais Jean-Bosco Kasura (parti au bout de 18 mois) et trois adjoints au chef de la mission : le sénégalais Abdoulaye Bathily, le Béninois Arnaud Akodjenou et l’Américain David Gressly. Au niveau de sa direction, Mahamat Saleh Annadif devient le troisième chef de la Minusma dans cette courte période d’existence. Le premier de 2013 à 2015, le Néerlandais Bert Koenders avait été rappelé aux Pays-Bas pour occuper le poste de ministre des Affaires étrangères. Le second de janvier 2015 à janvier 2016, fut l’ex-ministre des Affaires étrangères de Tunisie, Mongi Hamdi, dont la gestion était critiquée par plusieurs pays qui évoquaient ses mauvaises relations avec le gouvernement du président malien Ibrahim Boubakar Keita (IBK), son manque de poigne dans la crise et ses difficultés à gérer la Minusma.

C’est donc dans ce paysage difficile que débarque Mahamat Saleh Annadif dont les talents diplomatiques et l’expérience dans des processus de paix au Niger, en République centrafricaine et en Somalie, sont très attendus.

Qui est Mohamat Saleh Annadif ?
Né le jour de Noël 1956 à Arada (nord-est du Tchad) dans une grande famille musulmane de la communauté arabe de la région de Biltine, Mahamat Saleh Annadif, aujourd’hui marié et père de six enfants, a une image de sage et d’habile négociateur comme le démontre son parcours. Après avoir décroché un Bac C avec mention très bien, il part à Madagascar faire ses études et revient au Tchad en 1981 avec un diplôme d’ingénieur des télécommunications.

Le retour est douloureux : les événements de 1979-1980 ont ébranlé le pays et le jeune Mahamat Saleh Annadif adhère au Conseil démocratique révolutionnaire (CDR) d’Ahmat Acyl (le chef « charismatique » des Arabes tchadiens) et passe à la rébellion en 1982 après que Hissène Habré se soit emparé de N’Djamena. Un mois plus tard, à la mort d’Ahmat Acyl, il devient le numéro trois du CDR (dirigé alors par Acheikh Ibn Oumar). Il s’occupe des relations avec le pays d’accueil qu’est alors la Libye de Kadhafi et se révèle être un habile diplomate.

En 1987, il négocie secrètement avec le pouvoir tchadien grâce aux bons offices de Tarek Aziz alors ministre irakien des Affaires étrangères. A l’issue de l’accord de Bagdad début 1989, il est nommé Secrétaire d’Etat à l’Agriculture dans le gouvernement de Hissène Habré.

L’homme de confiance d’Idriss Déby
A la chute du régime de Hissène Habré en décembre 1990, il parvient à rebondir auprès d’Idriss Déby, le nouveau président du Tchad, qui lui confie dès janvier 1991 la direction des Télécommunications internationales du Tchad (TIT), et un peu plus tard, la direction de l’Office national des postes et télécommunications (ONPT).
En 1993, il crée avec le mathématicien Ibni Oumar Mahamat Saleh, originaire comme lui du nord-est du Tchad, le Parti pour les libertés et le développement (PLD), proche du gouvernement.

Nouvelle preuve de confiance du président tchadien : il est nommé en 1997 ministre des Affaires étrangères du Tchad et le restera pendant six ans jusqu’en 2003. Mais durant son mandat, il sera confronté à un choix sans appel. Car en 1999, Ibni Oumar Mahamat Saleh décide de se présenter à l’élection présidentielle de 2001 contre Idriss Déby. Mahamat Saleh Annadif devra choisir entre Ibni Oumar Mahamat Saleh, son compagnon du PLD, et le président Idriss Déby.

Dans un contexte de crise, alors que tous les ministres membres du PLD démissionnent du gouvernement, Mahamat Saleh Annadif reste ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement d’Idriss Déby et rompt avec Ibni Oumar Mahamat Saleh qui devient le numéro un de l’opposition. Plus tard, le 3 février 2008, son ancien compagnon Ibni Oumar Mahamat Saleh sera enlevé à son domicile par des militaires et disparaitra dans une prison du régime.

A la faveur d’un remaniement en 2004, Mahamat Saleh Annadif devient le directeur du cabinet du président. En juin 2005, le président de la commission de l’Union africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, sollicite le président du Tchad de « bien vouloir mettre à sa disposition son ancien ministre des Affaires étrangères, M. Annadif, pour sa grande connaissance des problèmes internationaux et sa remarquable expérience, en vue d’occuper le poste très sensible de représentant de l’Union africaine auprès des Nations unies ». Le président accepte de s’en séparer en mai 2006 pour occuper le poste de représentant permanent de l’Union africaine auprès de l’Union européenne à Bruxelles, mais il le récupère en mars 2010 pour le nommer secrétaire général à la présidence.

De la présidence à la prison
L’ascension de Mahamat Saleh Annadif prend un violent coup de frein en avril 2012. Soupçonné de malversations dans une affaire concernant un détournement de plus d’un milliard de Francs CFA appartenant à la direction générale des grands projets présidentiels, il est arrêté et enfermé dans le camp-prison de Moussoro au milieu des dunes du nord du Tchad. Durant sa détention de trois mois pour complicité de détournement de fonds publics, il clamera son innocence. De nombreuses voix à l’international s’élèveront pour le faire sortir et il est libéré le 17 juillet pour vice de procédure.

Mahamat Saleh Annadif tournera la page de cette affaire très compliquée avec le pouvoir de N’Djamena et dira un an plus tard à la journaliste Ghislaine Dupont de RFI [assassinée le 2 novembre 2013 avec Claude Verlon lors d’une mission à Kidal au Mali, ndlr] : « Dès le départ, je savais que le président Déby avait été induit en erreur. Les coupables, qui se reconnaîtront, ont sûrement la honte de leur côté. Idriss Déby a tourné la page, tout cela est derrière nous ».
Le diplomate des missions difficiles : de la Somalie au Mali
Mahamat Saleh Annadif dont les talents diplomatiques sont reconnus par tous est nommé représentant spécial du président de la commission de l’Union africaine en Somalie et chef de l’Amisom, la mission de l’Union africaine en Somalie de novembre 2012 à juillet 2014. Un poste qu’il occupera avec un certain succès et qui contribuera aussi à sa nomination comme chef de la mission de l’ONU au Mali.

Dans une interview au journal du Tchad le 18 décembre 2015, Mahamat Saleh Annadif évoquait sa nouvelle mission à la Minusma dans ces termes : « Ma première tâche est de réconcilier les Maliens avec la Minusma, qui est après tout, déployée pour les servir. Le deuxième élément : il y a des partenaires impliqués dans la crise malienne notamment les pays voisins, comme l’Algérie, qui a un rôle important à jouer et toute la Cédéao, et aussi des partenaires de poids tels que la France avec l’opération Barkhane, l’Union européenne et tous les pays contributeurs au Mali dont mon pays le Tchad, pour savoir ce qu’ils attendent de moi (…) Vraiment mon premier trimestre sera de comprendre, d’apprendre et de convaincre de la nécessité de la présence de la Minusma. Après cela, j’établirai mon planning, pour savoir quels sont les grands axes de mon action ».


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Mali: l’ONU dénonce de massives violations des droits de l’homme

En mai 2014, l’armée malienne a utilisé des armes lourdes, de façon indiscriminée, dans la ville de Kidal, en direction de zones habitées par des civils, précise un des deux rapports

Au Mali, deux rapports publiés conjointement par la Mission de l’ONU au Mali (Minusma) et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme évoquent avec précision deux affaires qui ont fait beaucoup de bruit. En 2014, l’armée malienne ouvre les hostilités et tente, sans succès, de reprendre des mains de la rébellion, la ville de Kidal, située au nord-est. Ensuite, en mai 2015, c’est une confrontation qui a eu lieu, toujours dans le nord, entre des groupes armés pro-Bamako et les groupes rebelles. Dans les deux cas, précise le rapport, de massives violations des droits de l’homme ont été commises.

En mai 2014, l’armée malienne a « utilisé des armes lourdes, de façon indiscriminée, dans la ville de Kidal, en direction de zones habitées par des civils », précise le premier rapport.

Des violations et des abus ont également été commis par des groupes armés rebelles qui, lors de ces évènements, ont tué huit personnes, dont six membres de l’administration malienne, et parmi lesquelles « certaines auraient été exécutées sommairement », selon le document de l’ONU.

Le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats dans les hostilités sont également pointés dans le rapport qui accuse également les groupes armés d’arrestations arbitraires et de traitements cruels.

Le deuxième rapport dénonce aussi de graves violations commises, cette fois-ci en 2015, lors d’affrontements dans la région de Gao entre le Gatia – un groupe armé pro-gouvernemental – et les rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad.

Au cours des combats, le Gatia aurait « sommairement exécuté six hommes en raison de leur appartenance communautaire ». De leur côté, les rebelles sont accusés « d’avoir pillé, fait prisonniers et obligé 230 personnes à un déplacement forcé, sur une base ethnique ».

Les groupes armés démentent
Si la CMA reconnaît qu’il y a eu de graves violations tout au long de la crise qui l’a opposée au gouvernement malien, elle conteste son implication dans les exactions relevées par les Nations unies, notamment dans la mort de 8 personnes, dont 6 membres de l’administration malienne, certaines exécutées sommairement en mai 2014, à Kidal.

« Nous n’avons pas tiré à bout portant ou de manière sommaire sur ces personnes. Elles ont été découvertes mortes dans les enceintes du gouvernorat qui était le théâtre d’opérations militaires pendant les combats. Des combats qui nous opposaient aux Fama suite à leur volonté délibérée de violer le cessez-le-feu et d’attaquer nos positions », explique Mossa Ag Attaher, porte-parole de la CMA au nom du MNLA.
La CMA demande un rapport plus approfondi et la mise en place d’une commission d’enquête internationale neutre.

Le chef d’état-major adjoint de la plateforme à laquelle appartient le Gatia, Djibril Diallo, réfute quant à lui les accusations visant le groupe armé pro-gouvernemental. Il précise que le groupe ne se trouvait plus sur les lieux au moment des faits.

Un véhicule de l’armée malienne dans les rues de Gao.
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Que font les Volontaires des Nations Unies? le cas de Joseph, volontaire camerounais au Mali

« J’ai été déployé en tant qu’officier des affaires judiciaires, au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali », explique Joseph Agbor Effim

Quand Joseph Agbor Effim est arrivé au Mali au début de l’année 2014, il a été déployé à Kidal, une ville du nord du pays, théâtre d’affrontements entre rebelles et forces gouvernementales. Son rôle: participer aux efforts destinés à trouver une solution durable à la crise récurrente dans ce pays et plus particulièrement s’assurer que les droits des prisonniers soient respectés.

«J’ai été déployé en tant qu’officier des affaires judiciaires», au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a expliqué ce Camerounais de 37 ans, Volontaire des Nations Unies, dans un entretien téléphonique avec le Centre d’actualités de l’ONU.

Dans une ville où le système judiciaire s’était effondré, Joseph Agbor Effim était chargé de surveiller le traitement des détenus et plaider pour que leurs droits soient respectés.

«J’ai surveillé les violations des droits des détenus et le traitement de ces derniers dans tous les lieux de détention», aussi bien ceux contrôlés par la police et la gendarmerie que ceux sous l’emprise des factions rebelles, a-t-il souligné.

Ce volontaire des Nations Unies a organisé des sessions de travail à la fois avec des interlocuteurs étatiques et des membres des diverses factions rebelles pour les encourager à reconstruire le système judiciaire et à restaurer l’état de droit. Il s’est ainsi efforcé d’expliquer le mandat des Nations Unies et de plaider pour le respect du droit international des droits de l’homme.

Interrogé sur ce qui l’a motivé à se porter volontaire pour les Nations Unies, Joseph, qui a de nombreuses années d’expérience dans le secteur judiciaire, a expliqué avoir voulu «mettre ses compétences au service de l’humanité et contribuer à la paix et au développement dans les domaines de la justice, des droits de l’homme et de la protection de l’enfance».

L’environnement de travail à Kidal n’était pas facile mais il a eu le sentiment qu’il a pu faire quelque chose «en parlant à ces rebelles et en leur faisant comprendre que même si les gens sont détenus, leurs droits continuent d’être protégés». Il leur a expliqué les bonnes pratiques en matière de détention.

«J’ai essayé de créer des relations cordiales avec ces factions rebelles et elles m’ont accepté», a-t-il ajouté.

Joseph Agbor Effim, volontaire des Nations Unies, a été déployé à Kidal, dans le nord du Mali, en 2014
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Joseph Agbor Effim a le sentiment d’avoir apporté son expérience «au service du Mali, une nation qui venait de sortir d’un conflit». En ce qui le concerne, ce travail lui a aussi appris beaucoup et lui a permis de « faire l’expérience des difficultés du travail sur le terrain ».

Son séjour à Kidal a duré quelques mois seulement. En mai 2014, à la suite d’affrontements entre les rebelles et les forces armées maliennes, il a été redéployé dans la capitale malienne Bamako au sein d’un service de la MINUSMA chargé de collecter des informations et des statistiques sur l’état de droit au Mali.

A l’attention des personnes qui seraient tentées par l’expérience de volontariat au sein des Nations Unies, il a souligné combien cette expérience lui a permis de «rencontrer des gens d’horizons divers». «Vous augmentez votre capacité à traiter avec des gens de différentes parties du monde. Vous pouvez apprendre une nouvelle langue», a-t-il raconté.

Le programme des Volontaires des Nations Unies (VNU) a publié vendredi 5 juin le premier Rapport sur la situation du volontariat dans le monde. Ce rapport montre combien les volontaires jouent un rôle primordial pour rendre les gouvernements du monde entier plus responsables et plus réactifs face à leurs citoyens.

Joseph prévoit de rester encore au moins un an au Mali. Ensuite, si son contrat n’est pas renouvelé, il retournera peut-être dans son pays, mais une chose est sûre, il continuera de «plaider pour les droits des gens à être protégés».

Joseph Agbor Effim, volontaire des Nations Unies, (au centre) fait une présentation devant des collègues à Bamako, au Mali
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