Une enquête sulfureuse autour du scandale de l’avion présidentiel

Par Christophe Bobiokono

Il avait l’ambition de faire un livre qui donne toutes les clés de compréhension de l’un des plus retentissants scandales de la gouvernance publique au Cameroun. Mais, le penchant de Boris Bertolt pour certains protagonistes de l’affaire fini par le rattraper. A la fin, l’ouvrage apparaît comme le support d’une nouvelle plaidoirie en faveur de M. Fotso Yves-Michel et de son acolyte Marafa Hamidou Yaya.

C’est un sujet qui n’a pas arrêté de passionner les Camerounais, plus de 13 ans après les premières escarmouches publiques de certains des principaux protagonistes de ce qui est un authentique scandale d’Etat. Ancien reporter des quotidiens camerounais Le Jour et Mutations, Boris Bertolt (Un jeune Camerounais contrairement à ce que laisse penser son nom) a décidé d’en faire un sujet de grande enquête. Et son livre intitulé «L’avion du président», entièrement consacré à ce scandale d’Etat, a paru en août dernier au Cameroun et en Europe. L’ouvrage s’arrache comme de petits pains, à en croire les échos donnés dans les réseaux sociaux ainsi que le témoignage de l’éditeur, «Les éditions du Schabel», dont le promoteur, Haman Mana, dit n’avoir jamais connu par le passé pareil succès sur le marché pour un livre nouvellement mis en vente.

Ce «succès» pouvait être prévisible. Le sujet est en effet au centre de plusieurs procès (en cours ou achevés) qui ont conduit en prison une bonne brochette de personnalités imminentes : un ancien Premier ministre, M. Ephraïm Inoni, deux anciens ministres d’Etat, secrétaires généraux de la présidence de la République, Marafa Hamidou Yaya et Jean Marie Atangana Mebara, sans compter Yves-Michel Fotso, charismatique et non moins controversé capitaine d’industrie devenu à sa façon chouchou des médias. Certaines de ces personnalités ont été accusées d’avoir comploté pour renverser le président Biya et accaparer le pouvoir. Les procès qui se sont multipliés au sujet de la gestion catastrophique faite de la colossale somme de 40 millions de dollars américains (près de 30 milliards de francs à l’époque des faits) sortie des caisses de l’Etat pour l’acquisition d’un avion présidentiel sont loin d’avoir éclairé tous les contours du scandale. Le fait pour un journaliste d’enquêter sur l’affaire ne pouvait que faire saliver l’opinion publique.

Boris Bertolt est-il parvenu à étancher la soif du public au sujet de l’affaire de l’avion du président de la République ? La réponse est oui si l’on en croit les échos donnés par certains des premiers lecteurs. Pourtant, pour un observateur qui a suivi attentivement autant les joutes médiatiques des principaux acteurs du scandale que les procès qui se sont succédé jusqu’à la cour suprême, l’ouvrage de l’ancien reporter de Mutations en rajoute sans doute à la confusion. Il est parsemé de nombreuses contrevérités, de nombreux silences sur des épisodes importants du processus malheureusement foireux de l’achat de l’avion présidentiel, de multiples manipulations de dates importantes. et un parti-pris pour certains acteurs clés du processus que l’auteur refuse cependant d’assumer.

Rappel des faits
Un bref rappel de l’histoire paraît nécessaire pour bien comprendre l’ouvrage de Boris Bertolt. En 2000, M. Yves-Michel Fotso, vice-président du conseil d’administration de la Commercial Bank of Cameroon (CBC), fleuron du Groupe Fotso, est nommé directeur général de la Cameroon Airlines (Camair), entreprise publique de transport aérien dont il est déjà administrateur à ce moment-là. M. Marafa Hamidou Yaya est secrétaire général de la présidence de la République. A ce titre, il est chargé par le président de la République de coordonner le processus d’achat d’un avion pour les voyages du chef de l’Etat.

Dès juillet 2001, le nouveau DG de la Camair saisit le constructeur aéronautique Boeing pour s’informer des conditions d’achat d’un appareil de marque Boeing Business Jet de 2ème génération (BBJ-2) pour le président de la République. L’offre de Boeing reçue, Yves-Miche Fotso négocie avec un tiers, la société américaine Gia International, le financement de l’achat en location-vente (leasing) du BBJ-2 que la présidence de la République veut acquérir. Cette société est supposée être en relation d’affaires avec la Camair à cette période. Elle loue deux avions à la compagnie camerounaise de transport aérien. Le responsable de la Camair et celui de Gia International vont signer une convention de financement du BBJ-2 le 14 août 2001. Le ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya est tenu informé de toutes ces démarches par le DG de la Camair.

Quelques jours plus tard, M. Marafa Hamidou Yaya convie dans son bureau à la présidence de la République le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Meva’a M’Eboutou, le chef de l’Etat-major particulier du président de la République, Blaise Benae Mpecke, et le DG de la Camair pour ce qui apparaît aux yeux de certains participants comme la réunion de lancement du processus d’achat de l’avion présidentiel. Le problème est posé par Marafa Hamidou Yaya qui donne ensuite la parole au représentant de l’Etat-major particulier et au DG de la Camair pour présenter respectivement le type d’avion dont l’achat est envisagé et le mode de financement entrevu (en fait arrêté). Des discussions vont suivre. Une autre réunion va se tenir sur le même sujet en ces mêmes lieux. La concertation débouche sur la sortie des caisses du Trésor public (en fait de la SNH) d’un pactole de 31 millions de dollars US (plus de 24 milliards de francs) comme avance du paiement de l’avion présidentiel dont le coût global pour l’appareil près à l’usage est fixé à 65 millions de dollars US.

Atangana Mebara arrive.
Cet argent est viré au compte de Gia International pour versement à Boeing, selon la correspondance du ministre de l’Economie et des Finances adressée à la Société nationale des Hydrocarbures (SNH). 29 des 31 millions de dollars ne parviendront jamais au constructeur aéronautique. Seuls 2 millions de dollars US versés pour réserver l’avion chez Boeing sont arrivés à bon port. Alors que le BBJ-2 devrait sortir des chaines de Boeing le 4 octobre 2001 pour intégrer l’atelier de Jet Aviation, entreprise suisse chargée de l’ameublement intérieur de l’appareil et de la peinture extérieure, cet avion ne sera jamais livré. Mars et octobre 2002, les deux nouveaux rendez-vous annoncés pour la livraison de l’avion passent. Toujours pas d’avion. Qui ne sera d’ailleurs jamais livré en dépit d’autres décaissements d’argent du Trésor public.

Entre-temps, en août 2002, Marafa Hamidou Yaya est remplacé au secrétariat général de la présidence de la République par Jean-Marie Atangana Mebara. C’est à l’initiative de ce dernier que le pot aux roses sera découvert. L’ambassadeur du Cameroun à Washington DC, Jérôme Mendouga, se rend en effet au siège de Boeing pour comprendre ce qui ne tourne pas rond. Il dressera un rapport qui indique que l’essentiel de l’argent décaissé pour l’achat de l’avion présidentiel n’est jamais arrivé chez Boeing. L’avion est toujours disponible, renseigne-t-il, mais le constructeur aéronautique fixe des conditions pour son acquisition. L’ambassadeur suggère que le Cameroun traite désormais directement avec Boeing. Que le projet d’achat de l’avion présidentiel jusqu’ici caché au FMI et à la Banque Mondiale fasse l’objet de plus transparence vis-à-vis de ces institutions. Que le Trésor public mette à la disposition de Boeing au moins 4 millions de dollars supplémentaires si l’Etat veut toujours acquérir l’avion.

5 millions de dollars seront virés du compte de la SNH pour celui de Boeing. Et alors que le processus d’achat du BBJ-2 semble relancé, il va connaître un nouveau coup d’arrêt en juin 2003. Informé du projet, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international veulent avoir tous les détails de l’affaire. Le chef de l’Etat se rebiffe et suspend le processus. Boeing détient en ce moment au total 9 millions de dollars (dont 2 millions versés par Yves-Michel Fotso) dans son compte ouvert au nom du Cameroun sur les 36 millions de dollars déjà sortis des caisses de l’Etat. Le reste du pactole, 29 millions de francs, se trouve entre les mains de Gia International.

Zones d’ombre.
La présidence de la République va opter pour la location d’un avion, un vieux Boeing 767 qu’elle entend utiliser pendant trois ans en attendant l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative Pays pauvre très endetté (Ppte). L’avion en question subit une cure de jouvence. Le 24 mai 2004, le jour où cet appareil transporte le chef de l’Etat pour la première fois, un incident banal mal géré par le pilote fait paniquer Paul Biya et tous ceux qui sont à bord de l’aéronef. A la descente de l’avion à Paris, le président de la République décide de ne plus y remettre ses pieds. C’est ainsi que cet avion est retourné à son propriétaire, la compagnie Boeing. Cette dernière exige et obtient une réparation pour la rupture jugée abusive du contrat. C’est dans la cagnotte des 9 millions de dollars détenus par Boeing que viendra le paiement. Depuis, le Cameroun est sans avion, sans une bonne partie des 36 millions de dollars sortis de la SNH.

L’enquête de Boris Bertolt permet-elle de comprendre comment l’argent du Cameroun est sorti si facilement du Trésor public sans que l’avion présidentiel soit livré ? Si les 247 pages de l’ouvrage contiennent quantité d’informations intéressantes pour le lecteur, elles ne permettent pas d’éclairer de nombreuses zones d’ombre de l’affaire. L’une de ces zones d’ombre concerne les raisons qui ont conduit en 2001 le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Meva’a M’Eboutou à faire virer 31 millions de dollars dans le compte de Gia International, alors que rien ne garantissait que cet argent parviendrait au constructeur Boeing.

Marafa Hamidou Yaya, chef du projet à son lancement, a toujours déclaré que la décision de M. Meva’a M’Eboutou avait été prise à son insu et en violation du mécanisme validé par ses soins, qui prévoyait que le Cameroun, plutôt que de virer de l’argent dans le compte de l’intermédiaire Gia International, émette plutôt une lettre de crédit à paiement différé (stand by letter of credit – Sblc). Selon Marafa, soutenu par M. Fotso, cette lettre était un moyen de paiement sécurisé qui aurait évité au Cameroun de perdre son argent.

Tout au long de son ouvrage, comme en page 88, Boris Bertolt embrasse cette thèse, sans la moindre réserve. Pourtant, il évoque lui-même dans son livre le contrat signé entre Camair et Gia International le 14 août 2001, c’est-à-dire une semaine avant le déblocage des fonds. Ce contrat prévoit pourtant bien que la Camair paie une avance de 31 millions de dollars par un dépôt en espèces («cash deposit») de cette somme dans le compte bancaire de Gia International au plus tard le 24 août 2001. Il n’y est mentionné nulle part la Sblc. Il y est plutôt indiqué que l’avion sera réceptionné le 4 octobre 2001. Avec le recul, on constate que le Cameroun s’est bien acquitté de son obligation, mais Gia International n’a jamais été en mesure d’obtenir livraison de l’avion chez Boeing pour avoir confisqué le paiement.

Luttes de clans
Dans le verdict rendu par la cour suprême du Cameroun qui condamne Marafa Hamidou Yaya et Yves-Michel Fotso à 20 ans de prison pour le détournement en coaction des 29 millions de dollars, ce contrat du 14 août 2001 est présenté comme la preuve des man uvres de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République et de l’ancien DG de la Camair. Cette information capitale échappe à l’auteur et montre que certaines informations contenues dans l’ouvrage n’ont pas fait l’objet d’une mise à jour en dépit de la survenance d’éléments nouveaux, comme ceux mis en exergue par la plus haute juridiction du pays. L’auteur continue de ce fait de clamer à longueur de pages que Michel Meva’a M’Eboutou avait fait virer les 31 millions de dollars au mépris d’un prétendu mécanisme validé par M. Marafa Hamidou Yaya.

D’autres explications, prises de positions ou omissions de Boris Bertolt dans son livre ne manquent pas d’intriguer : il ne donne aucune explication sur le fait pour la police judiciaire, chargée d’enquêter sur l’usage peu orthodoxe de l’argent destiné à l’achat de l’avion présidentiel, n’a jamais rien dit au sujet de la destination réellement prise par les 29 millions de dollars. il évoque des luttes de clans (des pro Marafa d’un côté et des pro Atangana Mebara de l’autre) à l’origine de l’échec de la livraison de l’avion présidentiel (lire bonnes feuilles ci-dessous), en minimisant la confiscation de l’argent destiné à Boeing par l’intermédiaire Gia International, argent sans lequel l’avion n’aurait jamais pu être livré. Le livre ne donne pas toujours la possibilité aux protagonistes de ces clans supposés de donner leur version des faits sur des épisodes importants du processus d’acquisition de l’avion présidentiel.

Amadou Ali, ministre de la Justice à l’époque de l’ouverture de l’enquête judiciaire sur l’affaire de l’avion présidentiel, Pascal Magnaguemabe, juge chargé d’enquêter sur le dossier et responsable de l’inculpation de M. Marafa Hamidou Yaya et Yves-Michel Fotso, Jérôme Mendouga, ambassadeur du Cameroun aux USA qui a découvert qu’une partie de l’argent seulement était arrivée chez Boeing, Hubert Patrick-Marie Otele Essomba et Francis Nana, qui ont soutenu que la distraction des fonds destinées à l’achat de l’avion présidentiel était le fait de Yves-Michel Fotso, via de nombreuses sociétés écran, notamment Gia International, sont présentés dans l’ouvrage de façon très désavantageuse. C’est à peine si leur opinion est sollicitée sur des faits qui les mettent en scène.

uvre inachevée
En revanche, les prouesses de l’ancien bâtonnier Akere Muna sont célébrées malgré le caractère fortement contesté de certaines de ses affirmations, notamment au sujet du recouvrement allégué par cet avocat d’une partie des fonds destinés à l’achat de l’avion présidentiel. Le chapitre du livre, au titre évocateur («L’Etat du Cameroun dédommagé»), dans lequel Me Akere Muna est présenté en super star, achève de convaincre le lecteur attentif que l’auteur a un parti-pris non assumé pour M. Fotso et M. Marafa Hamidou Yaya. Il apparaît en effet, selon la démonstration de Boris Bertolt, que l’ancien DG de la Camair et son compagnon d’infortune ont été jugés pour rien. Aucune distance n’est en effet prise avec les déclarations de Me Akere Muna selon lesquelles le Cameroun aurait reçu en dédommagement «un Boeing 767-200 en location par Gia International à la Camair d’une valeur de 16 millions de dollars». Il est pourtant connu que l’avion en question était cloué au sol avant même le départ de M. Fotso de la Camair. Il a été vendu à la casse.

Au total, si l’ uvre du journaliste Boris Bertolt offrait la possibilité au lecteur d’être édifié sur l’affaire de l’avion présidentiel, elle laisse un arrière-goût d’inachevé. Certaines coquilles, laissent penser que la sortie du livre a été précipitée. Et l’usage de sources anonymes pour faire des affirmations favorables à l’ancien DG de la Camair ou à M. Marafa Hamidou Yaya, dans une affaire où tous les principaux acteurs du dossier (en dehors de Paul Biya) se sont déjà exprimés, ne laisse plus planer aucun doute sur l’objectif de cet ouvrage. C’est en fait une nouvelle tribune pour la défense de la cause de l’homme d’affaires. Un objectif incompatible avec la grande enquête journalistique à laquelle on pouvait s’attendre de l’ancien reporter audacieux de Mutations, qui a refusé de prendre de la distance avec certaines de ses sources.

Lire sur le même sujet: Cameroun: réponse aux élucubrations de Christophe Bobiokono

Marafa Hamidou Yaya.
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Cameroun: Jean Marie Atangana Mebara condamné à 25 ans de prison

Le Tribunal criminel spécial basé à Yaoundé l’a reconnu coupable, ce mercredi, de détournement des fonds devant servir à l’acquisition d’un avion présidentiel

Le verdict était attendu ce 22 juin 2016, et il est tombé. L’ancien secrétaire général à la présidence de la République du Cameroun, Jean Marie Atangana Mebara, a été condamné à 25 ans de prison par le Tribunal criminel spécial (TCS).

Ladite instance a reconnu son rôle dans le détournement des fonds devant servir à acquérir un avion pour les déplacements du président de la République, Paul Biya.

Un chef d’accusation que l’inculpé avait n’avait cessé de nier depuis le début du procès. Devant les magistrats, le 09 juin, pour le plaidoyer de la défense, Jean Marie Mebara avait déclaré : «la vérité qui se dégage de cette affaire est qu’aucun franc des 5 000 000 de dollars, envoyés par la Société nationale des Hydrocarbures à Boeing n’a été détourné. Ni par Jérôme Mendouga ni par moi-même».

Incarcéré depuis le 6 août 2008 à la prison centrale de Yaoundé, celui qui fut également ministre de l’Enseignement supérieur était déjà sous le coup d’une double condamnation à 15 20 ans de prison, la première relative au même dossier et la seconde portant sur la location d’aéronefs au profit la défunte Cameroon Airlines (Camair).

Acquitté en mai 2012, Jean Marie Atangana Mebara a toutefois été maintenu en détention alors que le juge ayant prononcé sa libération était sous le coup d’une affectation que certains milieux judiciaires ont qualifiée de disciplinaire.

Voici peu, la Commission des droits de l’Homme de l’Union africaine (CADHP), qui le considère comme un prisonnier politique, a estimé qu’il n’avait pas bénéficié d’un procès équitable, la justice ayant entre autres violé certaines dispositions de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples relatives à la présomption d’innocence et aux droits de la défense.

Cette instance a ainsi recommandé sa libération à l’Etat du Cameroun, par ailleurs appelé à lui verser 400 millions FCFA en guise de dédommagement.

Jean Marie Atangana Mebara, photo d’illustration
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Avion présidentiel: les caprices des chefs d’Etat africains

Dans son édition du mois d’avril, La Lettre du Continent évoque quelques pays: de l’Afrique du Sud au Cameroun en passant par la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Mali ou le Tchad


Plusieurs Gulfstream, un Airbus, un Boeing, un hélicoptère. Le président ivoirien Alassane Ouattara dispose d’une flotte présidentielle qui ne compte pas moins de 10 appareils ! De quoi faire pâlir Barack Obama et ses deux « Air Force One »… Dans son éditon du mois d’avril, la publication La Lettre du Continent, spécialisée sur l’Afrique, a répertorié les flottes aériennes de plusieurs chefs d’État africains. Une liste qui en dit long sur les rapports qu’entretiennent ces dirigeants avec leurs avions présidentiels.

« L’avion (…), symbole de souveraineté, de puissance », écrit la publication. « Mais les présidents ne sont pas tous logés à la même enseigne ». Si, à l’instar de son homologue ivoirien, le Tchadien Idriss Déby est l’un des rares chefs d’État africains à pouvoir jouir de quatre avions (un Boeing Business Jet, un Gulfstream II, un Beechcraft 1900 et un Fokker) d’autres ne disposent pas de tels attributs aériens.

Dans le cadre d’une série de mesures visant à réduire les dépenses publiques, le Sénégalais Macky Sall a ainsi vendu, lors de son arrivée au pouvoir en 2012, l’ancien avion de la présidence, « La Pointe de Sangomar », sur lequel volait déjà Léopold Sédar Senghor. Il n’utilise aujourd’hui que l’Airbus A 319, que son prédécesseur Abdoulaye Wade avait acheté à la France en 2010.

France 24 revient sur cinq cas de chefs d’État dont l’expérience avec leur avion présidentiel a été plus ou moins houleuse.. L’achat compulsif de Zuma, Issoufou, IBK, Paul Biya.

. Zuma et son jet privé
En novembre 2015, le président sud-africain, Jacob Zuma, décide d’acquérir un nouvel avion présidentiel. L’appareil, qui doit pouvoir transporter au moins 30 passagers et effectuer 13 800 km sans ravitaillement, coûte 250 millions d’euros. Il doit également comporter une salle de conférence pouvant accueillir 8 personnes, ainsi qu’une chambre à coucher et une salle de bain. Selon la presse sud-africaine, seul le président américain, Barack Obama, possède à l’heure actuelle un avion aussi luxueux.

L’opposition demande des précisions sur cet achat dispendieux – qu’il juge inutile puisque Jacob Zuma a déjà un avion présidentiel à sa disposition. Face au tollé, la présidence sud-africaine a fini par publier un communiqué : elle a demandé au ministère de la Défense de rendre publiques toutes les informations liées à cet achat. Elle a également précisé que le nouvel avion serait la propriété de l’État sud-africain, et non pas du président Jacob Zuma.

. Issoufou et sa « dépense de prestige »
Le 1er septembre 2014, le gouvernement nigérien a annoncé que le pays, l’un des États les plus pauvres au monde, se dotait d’un nouvel avion présidentiel. Valeur: 30 millions d’euros. L’ancien appareil, acheté dans les années 1970, ne répondrait plus aux normes internationales. Le nouveau Boeing 737, lui, « participera au rayonnement de notre illustre République » avait argué à l’époque le ministre de la Défense, Karidjo Mahamadou.

Un argument auquel l’opposition n’a pas été sensible. [i « Alors que la famine menace de nouveau le pays et avec les graves inondations cette année encore, l’État se permet d’investir des milliards [de francs CFA] dans des dépenses de prestige »], avait critiqué Ousseïni Salatou, le porte-parole de la Coalition de l’opposition nigérienne.

Quelques jours plus tard, des députés de l’opposition ont porté plainte contre X pour vol et détournement d’argent. D’après leurs investigations, le nouvel avion valait à sa sortie d’usine, en 1998, 24 millions d’euros.

. Les turbulences de l’avion présidentiel d’IBK
En mai 2014, le Mali a acheté un luxueux jet à 28 millions d’euros pour les déplacements de son président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Pour justifier l’achat d’un nouvel appareil, le gouvernement malien a expliqué que son ancienne flotte n’était plus au point techniquement.

Côté médias et opposition, c’est le scepticisme qui domine. Le journal L’Indépendant, par exemple, avance que le précédent Boeing acheté par l’ancien président Amadou Toumani Touré avait des papiers en règle et n’avait aucun problème technique. L’avion avait même été révisé à Miami en 2012.

Mi-mai, le FMI avait également exprimé sa « préoccupation » concernant cette acquisition onéreuse alors que le pays, plongé dans une guerre contre le terrorisme, est sous perfusion de la communauté internationale. « Avec les milliards de francs CFA dépensés pour payer l’avion, ne pouvait-on pas acheter en partie du matériel pour l’armée malienne? », avait ainsi interrogé un député malien, Mamadou Gassama, cité par RFI.

. « Le cercueil volant » de Paul Biya
L’histoire commence en 2001 lorsque le gouvernement camerounais décide d’acquérir un nouvel avion pour les déplacements du président Paul Biya. Ce dernier juge que le « Pelican », l’avion présidentiel acquis dans les années 1970 sous l’ère d’Amadou Ahidjo, ne répond plus aux normes de sécurité et d’esthétique de son époque. Biya souhaite une flotte moderne et luxueuse.

Après de longues tractations, le Cameroun arrête son choix sur un Boeing 767. L’avion baptisé « Albatros » est livré en avril 2004. Le jour du vol inaugural, Paul Biya embarque à bord avec sa femme et ses enfants, direction l’Europe. Mais dès le début du trajet, l’appareil est victime de graves problèmes techniques, il se pose en urgence à l’aéroport de Douala. Qualifié de « cercueil volant » – bien qu’il vole toujours sous un autre pavillon, selon Jeune Afrique -, l’avion ne sera plus jamais utilisé par Paul Biya.

Après l’incident, le gouvernement découvre que « l’Albatros » n’est pas l’avion commandé par Biya, mais un appareil d’occasion. Boeing a refusé de livrer le véritable appareil, expliquant qu’il n’a pas reçu la totalité de l’avance débloquée par le Cameroun. Où est passé l’argent ? Les médias crient au scandale de détournements de fonds. L’affaire force le gouvernement à se pencher sur l’état de ses comptes publics. Sous pression, le Cameroun lance alors l’opération Épervier (destinée à assainir les comptes de l’État) qui révèlera au grand public l’étendue de la corruption dans le pays.

Quoi qu’il en soit, depuis ce jour, Paul Biya n’a plus « oser acheter d’avions », précise La lettre du Continent, le président camerounais préférant désormais affréter « des appareils de standings » pour effectuer ses déplacements.

. La relation paranoïaque entre Talon et son avion
Selon La Lettre du Continent, le nouveau président du Bénin, Patrice Talon, n’est pas très enthousiaste à l’idée d’utiliser le nouvel avion présidentiel du pays, un Boeing 737, commandé par son prédécesseur Boni Yayi.

D’après le mensuel, Patrice Talon envisagerait de lancer une enquête sur les conditions de son acquisition. Il aurait également demandé une expertise technique de l’appareil, pourtant flambant neuf puisqu’il a été livré 24 heures avant sa prise de pouvoir.


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Jean-Marie Atangana Mebara revient à la barre

Mardi, le Tribunal criminel spécial a estimé qu’il avait suffisamment d’éléments pour poursuivre l’ancien secrétaire général à la présidence, dans un détournement présumé de 5 millions de dollars

Mardi 5 mai dans la soirée, le tribunal criminel spécial a estimé qu’il avait suffisamment d’éléments pour poursuivre Mebara pour des faits de malversations présumées, un détournement de fonds dans le cadre de l’achat manqué d’un avion présidentiel. Lors de cette audience, Mebara a jugé qu’il était en réalité soupçonné d’avoir tenté de prendre le pouvoir.

Le tribunal criminel spécial accuse Jean-Marie Atangana Mebara d’avoir détourné près de 5 millions de dollars destinés à l’équipement de l’avion présidentiel, dont l’achat n’a finalement pas abouti. Les faits remontent à 2001. Mebara est alors secrétaire général à la présidence et proche de Paul Biya. Lors de cette audience, le ministre des Finances de l’époque a confirmé avoir ordonné le virement de cette somme sur les comptes de Boeing, le fournisseur de cette opération.

«Les dés sont d’avance pipés»
De son côté, la défense relève une série d’anomalies et dénonce une «procédure bizarre». Selon elle, les responsables de l’avionneur ne sont par exemple pas cités dans ce dossier pour confirmer ou infirmer les accusations. A cela s’ajoute l’absence d’un autre coaccusé, Jérôme Mendouga. Ancien ambassadeur à Washington, il est soupçonné d’avoir coordonné la commande de matériel, mais il est décédé en novembre dernier.

«Tous les justiciables, y compris les anciens collaborateurs du chef de l’Etat poursuivis dans le cadre de l’opération Epervier, doivent pouvoir bénéficier de la présomption d’innocence», écrit Me Claude Assira dans une lettre ouverte adressée au président. «Les dés sont d’avance pipés», dénonce cet avocat, qui estime que «la justice est devenue le ferment de l’absurde et de l’arbitraire».

La reprise du procès est prévue le 21 mai prochain. D’ici là, Jean Marie Atangana Mebara devra dire comment il compte organiser sa défense. Rappelons que cette procédure vise également d’autres personnalités, telles que Marafa Hamidou Yaya, un autre ancien secrétaire général à la présidence, ou encore l’ex-patron de la Camair, Yves-Michel Fotso, qui ont tous deux écopé de 25 ans de prison.


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Ces pressions autour du Cameroun pour libérer Marafa Hamidou Yaya

Me Kofale-Kale, l’avocat de l’ancien ministre, parle de nombreuses maladies dont souffrirait son client, dans le « camp militaire » où il est incarcéré

Dans une interview que Me Kofale Kale a accordé à l’un des mouvements de soutien de Marafa Hamidou Yaya, le réseau « Marafa Watch », et repris par le bihebdomadaire régional camerounais « L’ il du Sahel » dans son édition du 20 mars 2014, on y retrouve de nombreux détails truculents.

Le conseil de Marafa Hamidou Yaya explique que son client est incarcéré dans le « camp militaire » du Secrétariat d’Etat à la défense (SED), dans de rudes conditions avec « la possibilité réelle qu’il perde la vue à cause d’une maladie oculaire débilitante si rien n’est fait, et vite ! » Plus grave serait encore « le diagnostic d’un cardiologue réputé qui fait état de ce que M. Marafa a un problème cardiaque et devrait subir des examens et un traitement qui ne sont pas disponibles au Cameroun et certainement pas dans sa prison. »

Me Kofale Kale voudrait voir son client libre dans une affaire où il le décrit « victime du crime de lèse-majesté ». L’avocat rappelle en l’occurrence le câble diplomatique d’un ancien ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun percevant Marafa Hamidou Yaya comme un potentiel successeur à Paul Biya, qui avait été rendu public par Wikileaks.

S’il est critique contre le président Paul Biya, le conseil de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, reconnait toutefois qu’il n’y aurait qu’une grâce présidentielle pour voir Marafa Hamidou Yaya sortir de prison, lui qui n’a pas bénéficié du décret de remise de peine du 18 février 2014. « Le seul recours disponible au Cameroun pour Marafa est une intervention présidentielle [.] parce que le crime présumé de Marafa est celui de lèse-majesté et que seul le président a le pouvoir de régler ce genre de crime », affirme-t-il.

Me Kofale Kale s’est par ailleurs réjoui du fait que le rapport 2013 des droits de l’homme au Cameroun, publié par les Etats-Unis, désigne Marafa Hamidou Yaya comme un prisonnier politique.

L’ancien Secrétaire général à la présidence de la République et ancien ministre de l’Adminitration territoriale, Marafa Hamidou Yaya, a été condamné le 22 septembre 2012 à 25 ans de prison. Il a été déclaré coupable de détournement en coaction, avec Yves Michel Fotso, ancien directeur général de la Camair, de la somme de 24 milliards de F CFA pour l’achat manqué d’un avion présidentiel.

Marafa Hamidou Yaya
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