Pour l’entretien de cette route unique qui mène au port de Douala-Bonabéri, les pouvoirs publics ont dépensé en moyenne 10,5 milliards de F CFA par an entre 2006 et 2020, contre un coût annuel de 320 millions de F CFA à l’époque de l’ex-Office national des ports du Cameroun
L’actuel management du Port autonome de Douala (entreprise publique qui gère le port de Douala-Bonaberi) regrette le choix fait par l’Etat, à l’occasion de la réforme portuaire en 1998, d’externaliser l’activité de dragage du chenal du fleuve Wouri en la confiant à des entreprises privées. Il y a eu une “croissance exponentielle et excessive des coûts de dragage”, d’après l’actuel DG du PAD, Cyrus Ngo’o, à a tête de l’institution depuis août 2016.
Corruption ou surfacturations ? alors que le coût moyen annuel du dragage était de 320 millions de F CFA entre 1987 et 1997, la facture a été quasiment multipliée par 10 dès la sélection d’un premier entrepreneur privé, entre 1997 et 2000, passant à 2,7 milliards de F CFA, selon les données présentées publiquement par le DG du PAD le 13 octobre.
Les charges de l’entretien du chenal – pour l’enlèvement des dépôts permanents de sédiments dans le lit du Wouri afin de faciliter le passage des navires -, sont allées crescendo au fil des années. D’après les détails fournis par Cyrus Ngo’o, ces charges sont passées annuellement à 4 milliards de F CFA entre 2000 et 2006, puis 11 milliards de F entre 2008 et 2009 avec la même entreprise, et à 11,6 milliards de F entre 2009 et 2014. Entre août 2014 et août 2016, le coût annuel du dragage a légèrement baissé avec l’arrivée du chinois CHEC, se situant à 9,3 milliards de F CFA, avant de remonter – avec la même entreprise – à 10,3 milliards de F CFA entre août 2016 et août 2018. De 2019 à 2020, la facture a été établie officiellement à 8,2 milliards de F CFA.
« Sur les 15 dernières années, uniquement pour le dragage du chenal d’accès au port de Douala Bonabéri, le PAD a dépensé plus de 156 milliards de F CFA soit une moyenne de 10,5 milliards de F CFA par an », a relevé Cyrus Ngo’o mardi, à l’inauguration des nouveaux engins nautiques acquis par le PAD pour le dragage du chenal du Wouri.
L’objectif de réduction des coûts pour de meilleures performances est avancé comme la principale motivation qui a conduit le PAD à créer une régie déléguée pour remplacer les opérateurs privés.
« Les études économiques et financières réalisées montrent que l’activité du dragage du port de Douala en régie coûterait 76 milliards de F CFA en moyenne sur les 15 prochaines années, contre environ 179 milliards [avec des privés], soit des économies projetées de 103 milliards de F CFA qui pourraient être consacrées à d’autres priorités », a justifié le DG du PAD.

L’ambition pour l’administration du port est d’évoluer progressivement pour arriver à des charges d’exploitation de 5 milliards de F CFA par an, voire à « neutraliser » ces charges en assurant – via la régie – des services comme la location d’engins, la vente des résidus du dragage, entre autres.
Le personnel navigant et technique de la régie a déjà été recruté. Le Premier ministre camerounais, Joseph Dion Ngute, a été invité à Douala le 13 octobre, pour inaugurer six engins nautiques acquis par le PAD pour le dragage du chenal du Wouri.
Ces acquisitions ont coûté officiellement 45,35 milliards de F CFA. Parmi ces six engins, on retrouve : une vedette – baptisée “Menchum Fall”, pour l’appui au balisage des travaux de techniciens pour la maintenance des navires ; un bateau faucardeur – baptisé “Lake Barombi Mbo” – pour l’entretien des rivières, étangs, marécages, dans l’estuaire du Wouri ; un baliseur – baptisé “Dika Mpondo Akwa” –, pour la manutention à quai et en mer des bouées ; une drague Beaver 50 – baptisée “Vigilance” – pour la drague des plans d’eau, la lutte contre l’ensablement et l’envasement en maintenant la profondeur disponible pour les différents navires; un navire Delta multicraft – dénommé “Patriot” -, dédié à l’assistance de la drague, le petit remorquage, la logistique des projets de dragage, le support opérationnel de plongée et d’enlèvement des épaves de navire, entre autres ; et une drague aspiratrice en marche – baptisée “Mont Mandara” –, pour désagréger le sol à draguer, fluidifier et aspirer les sédiments.
La constitution d’une régie déléguée pour l’activité de dragage du chenal du Wouri, tout comme la reprise, en 2019 par le PAD, de l’exploitation du terminal à containers (géré en concession pendant 15 ans par le groupe français Bolloré), constituent pour Cyrus Ngo’o une “reprise en main progressive du destin du port de Douala par l’Etat”, ainsi que la fin du “chantage permanent d’arrêt des travaux brandi par les entreprises multinationales” .
Mieux, selon le DG du Port autonome de Douala, Ces initiatives du gouvernement consacrent le retour de la «souveraineté de l’Etat du Cameroun sur la principale route d’accès des marchandises et des biens du pays ».