Evasion fiscale : le Cameroun et la République tchèque mutualisent leurs stratégies

Le ministre des Finances, a signé le 7 février une convention avec Zdeneck Krejci, ambassadeur de la République tchèque, qui prévoit d’éviter la double imposition.

 

Le Cameroun et la République tchèque sur le front de la lutte contre l’évasion fiscale. Les deux pays viennent d’adopter une coalition contre ce fléau.  Ceci c’est au travers d’une convention fiscale signée entre le ministre camerounais des FinancesLouis Paul Motaze et l’ambassadeur de la République Tchèque au Cameroun,  Zdeneck Krejc. Elle a été signée le 7 février à Yaoundé.

La convention va permettre d’éviter la double imposition et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôt sur le revenu. En d’autres termes, en vertu de cet accord entre les deux parties, les impôts payés dans un pays par une entreprise présente sur les deux territoires sont pris en compte dans l’autre pays. Ce qui entraînera une réduction des charges fiscales au profit des entreprises concernées par l’accord.

Cette mission au Cameroun intervient neuf mois après la visite d’une dizaine d’opérateurs économiques camerounais du secteur agro-industriel en République tchèque.

« Je serai très heureux que notre pays participe au développement de l’agro-industrie du Cameroun, un pays stable en progression économique. Il peut devenir un modèle dans l’utilisation des techniques pour atteindre le niveau mondial dans ce domaine. Cela nécessite également une coopération avec les institutions de recherche et de formation, et nous y sommes prêts », a déclaré Jiri Sir, vice-ministre tchèque des matières premières agricoles, des relations extérieures et de la production biologique.

Cameroun : l’évasion fiscale des multinationales fait perdre 167 milliards de F en un an

Tax justice Network, Global Alliance for Tax Justice et Public Services International ont récemment publié les résultats d’une étude qui dresse un état des lieux de la justice fiscale dans le monde.

De l’avis de certains experts, c’est en recourant à des techniques de planification fiscale agressive, que certaines sociétés exploitent les failles juridiques des systèmes fiscaux et les irrégularités qui existent entre les règles nationales pour éluder le paiement de leur juste part de l’impôt.

Intitulé «Justice fiscale : état des lieux 2021», le rapport révèle que chaque année, les multinationales implantées en Afrique transfèrent en moyenne 51,6 milliards de dollars de bénéfices vers les paradis fiscaux, générant pour les Etats du continent des pertes à hauteur de 15 milliards de dollars (environ 8700 milliards de F CFA) par an en recettes fiscales directes.

En localisant des holdings et d’importants actifs créateurs de valeur dans les paradis fiscaux, les grandes entreprises peuvent transférer leurs bénéfices vers des juridictions où l’imposition est faible ou nulle, afin de réduire artificiellement leurs obligations fiscales par ailleurs et de ne payer que peu ou pas d’impôts sur les bénéfices qu’elles transfèrent dans les paradis fiscaux.

Selon Ecomatin, le Cameroun qui regorge un grand nombre de filiales de grandes multinationales n’échappe pas à cette réalité. L’étude évalue à 873 millions de dollars (environ 506 milliards de F CFA) les bénéfices générés par ces multinationales et transférés à l’étranger ; soit une perte fiscale annuelle d’au moins 167 milliards de F CFA. Ça représente 0,8% du produit intérieur brut.

En pleine pandémie covid-19, le rapport ne s’empêche pas de relever que cet argent aurait permis au pays de financer sans aucun recours à des emprunts extérieurs la riposte exclusivement sanitaire à la pandémie. Dans la sous-région Afrique centrale, la palme d’or des pertes fiscales revient au Tchad (1 947 millions de Dollars) suivi du Congo, (462 milliards de F CFA). Le Cameroun qui arrive en troisième position est talonné par le Gabon (227 millions), la Guinée Equatoriale (40 millions), et la RCA (1,2 millions).

Au Cameroun, la contribution des recettes fiscales au budget de l’Etat est passée de 939,7 milliards en 2010 à 2060,7 milliards de FCFA en 2019, selon les données de la Direction Générale des Impôts (DGI). Ce chiffre pourrait davantage croître si le pays mettait en place une législation plus rigide pour limiter l’évasion massive de devises.

Pour faire face à cette menace, le gouvernement camerounais a mis l’accent au cours de ces dernières années sur le renforcement de la coopération fiscale internationale à travers la densification du réseau de conventions fiscales, aussi bien au niveau bilatéral que multilatéral ; l’adhésion au Forum Mondial sur la transparence et l’échange de renseignement à des fins fiscales ; le recours à l’expertise internationale grâce à l’Initiative Inspecteur des Impôts Sans Frontières de l’Ocde.

Dans cette même dynamique, le Cameroun a ratifié l’instrument multilatéral (IML) de l’Ocde en décembre 2020, qui offre des solutions aux insuffisances contenues dans les conventions fiscales bilatérales, notamment en matière de règlement des différends.

L’échange d’informations automatiques entre les différentes parties devrait donc permettre de combattre l’évasion fiscale au Cameroun. Puisque que la lutte contre la fraude fiscale est un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics, et une condition essentielle pour faire respecter le principe d’égalité devant l’impôt.

En effet, la fraude fiscale porte atteinte, d’une part à la solidarité nationale en faisant reposer l’impôt sur les seuls contribuables qui respectent leurs obligations fiscales et, d’autre part, aux conditions d’une concurrence loyale entre les entreprises.