Par Jean-Jacques Evini Avang
La défaite enregistrée par les Lions Indomptables du Cameroun, face au Brésil, en ce 23 juin 2014 apparaît comme l’aboutissement, dans une sorte de préfiguration notable, d’un processus amorcé dès l’entame de la compétition, précédée par une préparation incertaine.
Entre la lueur allemande des matches amicaux et la raclée brésilienne de la phase finale de coupe du monde, en passant par la sympathique équipe de Moldavie, rien de perceptible, et dans aucun aspect de l’entrainement de haut niveau, n’a été engagé par le staff technique, pour une meilleure capacité à la performance. Les multiples choix tactiques, sans cesse changeants de l’allemand ont plutôt laissé planer le doute sur sa compétence en la matière. Et les mêmes causes se sont ainsi succédé pour les mêmes effets ayant abouti à une déchéance qui, aujourd’hui, inquiète et embarrasse : suivez mon regard.
En trois matches de phase finale de coupe du monde, 9 buts contre, 1 but pour, sans compter les 2 buts mal gérés par l’assistant colombien HUMBERTO écarté aujourd’hui de la coupe du monde, pour erreurs d’arbitrage ; une situation qui pourrait compromettre son avenir dans cette profession. Rien d’étonnant donc que cette sortie prématurée des Lions Indomptables du Cameroun et, qui pis est, par la petite porte.
Au lendemain de toutes ces contre-performances, comme de tradition, les médias ont été mis à contribution et à l’occasion, ils ont donné à chacun l’opportunité de se prononcer sur le diagnostic des matches en question et sur la nouvelle thérapeutique du football camerounais, pour des succès futurs.
Et mieux que quiconque, des entraineurs chevronnés et bien d’autres libres penseurs se sont investis dans une sorte d’exorcisme sportif sur plus d’un plateau médiatique de la place, tant à la radiodiffusion qu’à la télévision. Au cours de ces différents débats hautement démocratiques et très souvent contradictoires, beaucoup de panélistes ont évoqué, entre autres problèmes, le choix des joueurs et davantage les choix tactiques opérés par l’entraineur.
Si le choix du joueur et sa confirmation dans la sélection nationale relèvent d’un collectif fait du médecin, du psychologue, du préparateur physique, du psychiatre, de l’entraineur et parfois de l’homme de la rue, le choix tactique reste la chasse gardée de l’entraineur, dans une complicité tacite avec ses joueurs dont il est sensé maîtriser, en bon pédagogue, la capacité individuelle et collective lui permettant de choisir tel ou tel système de jeu, parmi les 4-2-4 ; 4-4-2 ; 4-3-3. ; 4-5-1 etc. Même son adjoint n’a pas voix au chapitre. De quoi se demander quel est le rôle de ce poulain à côté d’un manitou ? Qu’importe !
Remontant quelque peu le cours de l’histoire, il apparaît que le système de jeu appelé WM des années 1925 était le seul système utilisé par toutes les équipes de l’époque. CHAPMAN, l’entraineur anglais de ce temps-là en a été l’initiateur. Ainsi, sur le terrain, le W indiquait la position des AVANTS tandis que le M présentait la place des ARRIERES et des DEMIS : « histoire raconte ». Comme tout système, il représentait quelque chose d’essentiellement figé.
En face, l’équipe adverse présentait un dispositif tout à fait semblable, parce que son W s’emboitait rigoureusement dans le M adverse. Et tout se passait comme si chaque joueur devait marquer son vis-à-vis, dans une sorte de symétrie centrale.
Cette méthode s’est vue dépassée du fait de l’évolution du jeu et de la nouvelle philosophie du football basée désormais sur le réalisme défensif et sur la détermination offensive. Et à partir de 1958, certainement avec l’avènement du joueur prodige EDSON ARANTES le « Roi PELE », assisté de GARRINCHA et autres VAVA de l’équipe brésilienne, des recherches approfondies ont été engagées pour de meilleurs résultats, à côté des spécificités tactiques telles que le CATENACCIO italien (cadenas) du temps de FACHETTI ou le football total du français Michel HIDALGO, (tout le monde attaque, tout le monde défend), dans les années 1970.
C’est pourquoi, «au dispositif dit 4-2-4, innovation de la période de 1958, s’est substitué un plus rigoureux 4-3-3 dont l’objectif essentiel était de garantir le milieu de terrain d’un élément supplémentaire en l’occurrence, chez les brésiliens des années 60 à 70, l’ailier « ZAGALO ». (Histoire du football de Jacques de RYSWICK P. 115). C’est l’époque du centre en retrait vécu au Cameroun notamment dans le canon de Yaoundé entre les ailiers tels que :AYO BISSE, MEDZA, EVINI, NGUEA et l’avant-centre MANGA ONGUENE, chargé de parachever l’ uvre. Aujourd’hui, nous assistons à des 5-4-1, 4-4-2, 4-5-1 etc. dans le souci de renforcer davantage ce milieu de terrain, même si par moments, le 4-2-4 du temps jadis refait surface, hélas ! Sans cette application et cette exploitation judicieuse d’antan. Tous ces changements sont en fait liés à la lecture tactique du jeu faite par l’entraineur par rapport à ses ressources et à ses potentialités de l’heure.
Face à cette litanie des systèmes de jeu, on s’interroge sur l’opportunité de l’un ou l’autre système dans cette arène où la subtilité, la finesse et la perspicacité individuelles sont de règle et constituent une arme efficace pour le joueur dans ses choix personnels.
Suffit-il de passer, pour réussir, d’un système de jeu à un autre, sans cette dynamique individuelle et collective au sein du groupe ? Que non !
Paul LEGUEN, à l’ère du Mondial d’Afrique du Sud 2010, n’avait pas semblé adhérer à cette idée de dynamique car, il n’avait fait appel à aucun moment, ni au génie créateur du joueur, ni à l’esprit d’initiative de l’équipe, dans ses multiples systèmes de jeu stéréotypes qui, à aucun moment, n’ont réussi à favoriser l’animation pour une véritable dynamique au sein de l’équipe.
Par la suite, l’on a cru avoir trouvé en CLEMENTE, le successeur-Messie, hélas ! CLEMENTE, pas très différent de son prédécesseur, n’aura pas été ce « Dieu de Clémence » dans ce passage de cause à effet. Il aura accueilli le Sénégal et l’Ile Maurice sans grand panache, avec une nouvelle forme de raté à la CAN 2012.
Puis viendra « le contrat de la discorde » signé par LAVAGNE pour la CAN 2013, avec au bout, comme son homologue, un résultat mi-figue, ni raisin.
Pendant qu’on s’attendait à un changement notable avec l’arrivée d’AKONO à la tête de l’équipe, son mandat n’a « vécu que ce que vivent les roses, l’espace d’un matin ». C’est bien l’homme qui, entre autres, a eu le courage de sanctionner les joueurs boudeurs de DAR ES SALAM en ce 6 février 2013. On eût dit de lui qu’il osa trop, mais pourtant, l’audace était belle, qui aurait pu instaurer une discipline de fer aujourd’hui moribonde au sein de l’équipe. Enfin VOLKER vint, qui le dernier au Cameroun, s’est employé à enfoncer le clou de la déchéance.
Le constat qui se dégage de cette analyse révèle que, au-delà du système de jeu, le placement des joueurs sur le terrain selon tel ou tel système précis et ben défini, n’est qu’un simple affichage au tableau, une quelconque représentation sur du papier ou une maquette symbolique sur le terrain. Quelque soit le système de jeu choisi, quel que soit l’acte tactique qu’on veut déployer sur le terrain, la règle première qui vaut la victoire en football, règle commune à tous les jeux sportifs collectifs, réside dans le respect scrupuleux des PRINCIPES DE JEU, du fait de leur immuabilité et de leur constance en tant que donnée universelle reconnue comme telle dans l’espace et dans le temps. Le principe de jeu est en football ce que le «lignum crucis», ce bois de la croix a été pour le salut du monde. Pour s’en convaincre, voici quelques principes de jeu, à titre d’illustration :
1- le ballon va plus vite que le joueur : ce principe consiste en « avoir vu, recevoir, donner », dans une vitesse d’exécution, sans verser dans la précipitation ;
2- la supériorité numérique prédomine et se veut plus efficace, par la création permanente du 5 contre 2 ; 3 contre 1, 4 contre 2 etc. ;
3- la possession du ballon est plus favorable que la perte du ballon, par une opération de récupération et de maitrise collective du ballon ;
4- le drible ralentit toujours le jeu et attire l’adversaire à soi : nécessite de la passe pour une application rigoureuse de tout système de jeu ou de tout schéma tactique ;
5- la première phase de défense, c’est l’attaque qui, par effet de récupération-surprise, favorise la contre-offensive ;
6- la défense est plus efficace quand elle est rapprochée, par le principe de harcèlement sportif, etc.
Ainsi, l’équipe qui aura respecté les PRINCIPES DE JEU, toutes proportions gardées, en y greffant des permutations imprévisibles et des efforts personnels incisifs fait facilement la différence. Et sur le plan individuel, le joueur qui met à contribution son propre génie, cette abondance créatrice doublée d’une imagination gigantesque s’impose radicalement, au-delà de tout système de jeu imposé par l’entraineur et considéré, par ailleurs, comme une simple maquette.
C’est dire, en d’autres termes que, entre le SYSTEME DE JEU et le PRINCIPE DE JEU, il y a tout un « RUBICON » à franchir. Cette vision rationnelle de l’entrainement de haut niveau interpelle par conséquent tous les entraineurs qui doivent faire de ces données scientifiques tout une école ; s’ils pensent, un jour, faire une bonne carrière dans ce domaine qui utilise un langage universel en tant que science disposant aussi de sa propre nomenclature.
