Kah Walla, une présidente androïde pour 2018 au Cameroun!

Par Jean-Pierre Bekolo, Réalisateur

Le 8 avril dernier Edith Kah Walla, leader du parti d’opposition du Cameroon People’s Party (CPP), a été incarcérée avec d’autres militants au siège de la PJ de Yaoundé, la capitale camerounaise. Il lui est reproché d’avoir distribué des tracts pour inciter les citoyens à observer un «vendredi noir» en protestation contre une possible révision constitutionnelle par Paul Biya, au pouvoir depuis. 34 ans. Le cinéaste Jean-Pierre Bekolo, auteur en 2013 d’une satire politique censurée au Cameroun «Le président» s’insurge contre cette nouvelle atteinte aux libertés fondamentales.

Comme l’idée du développement de l’Afrique dans son ensemble, la femme et son rôle dans la société sont devenus un folklore insupportable. Et tous ceux qui, comme la jeune présidente du Cameroon People’s Party (CPP) Edith Kahbang Walla, surnommée Kah Walla, refusent de jouer ce jeu et affirment par leurs actes l’égalité et même plus, sont rejetés par le système politique local. Celui-ci ne compte même pas 10% de femmes dans les instances dirigeantes, dont les pratiques datent d’un autre âge, alors que celles-ci constituent la majorité de la population. Ils sont également rejetés par les organisations internationales et ONG qui apprécient l’idée d’une femme africaine qu’ils doivent éternellement assister, et ont du mal avec celles qui sont fortes. Ils perpétuent ainsi les clichés !

Après de brillantes études aux USA, Kah Walla rentre au Cameroun dans les années 90 pour prendre la tête comme directrice générale d’une importante compagnie d’assurance privée à 24 ans seulement. Loin du folklore de la promotion féminine des ONG et du gouvernement, elle s’impose comme manager, entrepreneur et leader dans un monde du business camerounais macho, où tous les DG et PDG sont au comité central du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti du président Paul Biya). Lorsqu’à 40 ans elle claque la porte du Social Democratic Front (SDF), principal parti d’opposition, défiant ainsi son vieux et indéboulonnable chairman John Fru Ndi devenu trop accommodant avec le régime de Yaoundé, personne ne pense que c’est cette «petite femme», comme ils l’appellent avec machisme, va devenir le «game changer» du jeu politique national orchestré par des vieillards fatigués – moyenne d’age 75 ans!

Un message politique adressé aux jeunes
Kah Walla comprend qu’il faut mobiliser les jeunes en parlant leur langage. Depuis plusieurs semaines, elle travaille pour détourner la mobilisation moutonnière du RDPC de Paul Biya, qui lance des appels à candidature «spontanée» et des élections anticipées pour réélire «très vite» dans la précipitation un président n’ayant plus rien à offrir, visiblement usé à 84 ans par 34 ans de «règne». Kah Walla demande aux jeunes de se mobiliser non pas pour une autre candidature de Paul Biya, qui ne ferait que perpétuer leurs cauchemars actuels, mais plutôt contre les insuffisances du régime. «Qu’ils anticipent d’abord sur l’eau et électricité!» Un minimum non pas pour vivre, mais «se battre» (survivre). Et ce message, les Camerounais, les jeunes et les femmes les plus nombreux, le comprennent. C’est ce qui fait peur a un régime habitué à une opposition d’affamés eux-mêmes coutumiers du retournement de veste, à l’instar de l’actuel ministre de la communication, devenu l’idiot du village, dont les contorsions linguistiques pour défendre l’indéfendable sont moqués dans les quartiers.

Si la vision de la femme de Paul Biya se confine à l’éternel ministère de la Condition Féminine ou à la journée du 8 mars et son pagne pour un défilé – dans un style militaire qui montre leur embrigadement – en présence de sa très jeune épouse l’emblématique Chantal, Kah Walla refuse d’être une «femme d’ambiance», celles habillées en pagne du parti au pouvoir qu’on appelle pour chanter, danser et faire des «oyengas» au passage des «hommes» dits politiques. Elle est plutôt là pour justement casser cette ambiance de sérénité et d’assurance qui planait depuis 34 ans au sein des membres du régime, ceux-là même qui affirmaient jusqu’ici qu’après Biya, ce sera Biya. En d’autres termes, les Camerounais vivront toujours un pays en chute libre, sans espoir pour la jeunesse, où quelques vieillards privilégiés vampirisent le destin de leurs propres enfants en refusant de prendre leur retraite.

Mobilisation via Internet
Si Kah Walla doit se contenter des réseaux sociaux pour communiquer, car même les chaînes de télévision privées comme Canal 2 sont maquées avec le régime de Paul Biya et l’auto-censurent – des chaînes a qui elle réponds «on s’en souviendra», la mobilisation des Camerounais sur le net concernant l’affaire Monique Koumate – de la mère des jumeaux décédée aux portes de l’hôpital – fut grande lorsque Kah Walla a appelé l’opposition à une marche «non-autorisée» – ici pour faire une marche contre le gouvernement, il faut demander au même gouvernement une autorisation.

Cette mobilisation en ligne a poussé le gouvernement à s’y mettre « sur hautes instructions du chef de l’État » ! Ce même gouvernement qui, il y a encore quelques semaines, demandait aux Camerounais de se détourner des réseaux sociaux. sachant qu’il les aide déjà. En effet, le Cameroun est l’un des pays d’Afrique où Internet est si lent qu’il est quasiment impossible de regarder Youtube ! L’ancien ministre des Télécommunications a ouvertement déclaré que c’était pour éviter à son patron un printemps arabe. Peu importe donc le chômage des jeunes, peu importe l’impact sur une économie à genoux qui ne tourne que grâce à la surfacturation des marchés publics !

Accusée de rébellion, elle risque la de peine de mort
Sauf que sur Internet, Kah Walla est la femme africaine, comme ne veulent pas la voir tous ceux qui pourtant travaillent et financent son émancipation, tant sur le plan national qu’international. Et parfois même, ses détracteurs sont souvent ces autres femmes qui se sont soumises au pouvoir de cet homme africain, qui jusqu’ici a conduit l’Afrique dans le trou que nous connaissons actuellement. La Kah Walla qui a été arrêtée et relâchée lors de ce «vendredi en noir» – mouvement interdit qu’elle lance pour la mobilisation contre le manque d’eau et électricité – malgré qu’elle soit une ex-candidate a l’élection présidentielle avec un parti légalement constitué, est accusée de rébellion et risquerait au vu des nouvelles loi qui se veulent dissuasives, la peine de mort!

Cette Kah Walla est en train de devenir le symbole d’une nouvelle génération de filles et de garçons dits «androïdes», qui n’étaient peut-être pas en âge de voter en 2011, mais pourra par son nombre faire la différence en 2018, qu’elle soit anticipée en 2016 ou non. Et même dans une élection à un seul tour comme le veut Paul Biya dans sa constitution !

Kah Walla (en noir, avec le stylo)
Droits réservés)/n

La criminalisation de l’opposant au Cameroun

Par Jean-Pierre Bekolo

Si la constitution du Cameroun reconnaît le multipartisme et donc ses instruments et ses acteurs, elle garantie les droits des personnes étant d’un bord politique différent de celui du président en exercice, pourquoi les garants de cette constitution tels que la police et d’autres peuvent-ils aisément poser des actes qui criminalisent l’opposant? Un opposant qui voudrait conduire sa vie et ses affaires normalement se retrouve s’il est employé de l’État bloqué dans ses avancements, jamais nommé à des postes de responsabilités; s’il est entrepreneur, il se voit refusé illégalement les marchés publics; il est donc systématiquement discriminé. Quand même il voudrait sortir le soir, parfois il y a des lieux où il se voit refusé l’accès sous prétexte que le lieu sera taxé d’être le repaire des opposants!

C’est bien beau de dire que l’opposition ne fait rien mais qui a envie d’être opposant dans un pays où être opposant, c’est subir le rouleau compresseur d’un État qui se met lui même hors-la-loi?

L’opposant a eu plusieurs ancêtres dont le maquisard est le dernier en date. Ailleurs on les a appelé les nationalistes; tous ceux là qui ont osé lutter contre le colon pour libérer le Cameroun du joug colonial. Pour beaucoup, l’opposant commet le crime d’oser s’inscrire sur une ligne différente de celle du président Paul Biya qui, tel un Dieu devrait être et rester, comme autrefois le colon, l’Alfa et l’Oméga; le début et la fin de toute démarche et initiative politique. Ce n’est donc pas un hasard si l’opposant est d’abord dénigré pour ce qu’il est et non pour ce qu’il dit ou ce qu’il fait. Car l’opposant, c’est l’homme qui s’attaque au Dieu tout puissant créateur du ciel et du Cameroun.

Si l’opposant a une quelconque envergure, il faut d’abord le réduire; le réduire financièrement est une étape incontournable afin de démontrer que c’est sa misère qui le pousse à chercher le pouvoir. Puis, si l’opportunité de l’assister financièrement se présente, on hésite pas et on va surtout on va le faire savoir en faisant circuler des rumeurs pour dénigrer sa personne comme à l’époque de la guerre psychologique antirévolutionnaire. Pourtant l’opposition doit légalement être financée car financer l’opposition c’est financer la démocratie. Enfin on met en exergue l’accaparement de l’argent du parti par le leader au détriment de ses partisans pour en faire un voleur alors que le régime lui-même a fini par reconnaître des détournements scandaleux dans ses rangs après avoir longtemps demandé des preuves. Pourtant l’image des partisans de Paul Biya même en prison reste moins écornée que celle de l’opposant.

Les Camerounais semblent avoir plus de griefs contre l’opposant que contre ceux qui sont en charge malgré tous leurs essarts et la mauvaise gouvernance à l’origine de leurs malheurs? Ils demandent à l’opposant un comportement exemplaire qu’ils n’osent pas demander au sbires du Dieu d’Etoudi. Comment en est-on arrivé la? Que se passe-t-il dans dans nos esprits pour que nous pensions que nous atteindrons les résultats escomptés sans que des hommes et des femmes puissent s’inscrire sur des démarches autres que celles qui, comme à l’époque coloniale, nous sont dictées par le pouvoir?

Quand on réduit l’opposant, ce sont tous les Camerounais sans pouvoir qui sont réduits car la désinvolture de l’élite dirigeantes vis à vis des revendications de la masse mérite que l’opposant soit renforcé pour être en mesure de leur demander des comptes. Il faut arrêter d’accepter de jouer ce match où la même équipe qui joue déjà dans les deux camps veut aussi jouer les arbitres. Si nos opposants ont commis un crime, c’est celui de vouloir ce que Paul Biya et tous ses collègues africains voudraient garder pour eux tout seul ad vitam aeternam; un crime de lèse majesté qui n’est pas un crime. Non seulement le pouvoir ne leur appartient pas, vouloir être président de la République n’est pas un crime. Que tous ceux qui au nom de Paul Biya harcèlent illégalement les opposants sachent aussi que ces derniers auront légalement le droit de leur dire «on s’en souviendra!»

Jean-Pierre Bekolo
Nicolas Eyidi)/n

Cameroun: Les mensonges vont tuer ce pays

Par Jean Pierre Bekolo

Nous croulons sous le poids des mensonges dans ce pays et le cycle ne semble prêt de s’arrêter. Pour mieux nous coloniser, les Allemands ont fabriqué des tas de mensonges auxquels nous croyons toujours aujourd’hui. Les Français sont venus rajouter les leurs à ceux des Allemands et pas des moindres. Comme si ces deux périodes de mensonges coloniaux ne suffisaient pas, le régime du Cameroun indépendant d’Ahidjo, traître du nationalisme camerounais est venu rajouter sa part. Et aujourd’hui, en bon héritier de tous ces systèmes qui nous ont aliéné, le régime actuel assume dans le style «zéro mort» ces cultures du mensonge qui nous minent depuis plus d’un siècle en refusant de rendre aux Camerounais leur histoire.

Si nous fêtons le 20 mai 1972 ce n’est pas pour les raisons qu’on nous donne. 1972 est la date à laquelle le pétrole est découvert aux larges des côtes du Cameroun anglophone. La France voudrait à notre insu exploiter ce pétrole sans que les anglophones de la République « Fédérale » du Cameroun ne leur posent des problèmes; ils trouve une solution; « l’unification ». La France d’autant plus besoin de ce pétrole qu’elle vient de perdre une année plus tôt ses gisements Algériens nationalisés.

La question que je me pose est comment bâtir un pays avec des mensonges comme celui-ci. Certains ne voient peut-être pas un lien entre la décrépitude de notre pays et tous ces mensonges qui s’accumulent et commencent déjà a vraiment peser. Comment éviter qu’après deux colonisations atroces, une troisième ne s’installe avec les chinois par exemple si ce n’est en apprenant la vérité? N’est-ce pas la tâche de nos aînés, de nos pères qui semblent aujourd’hui plus occupés à s’éterniser aux affaires qu’ à rétablir ces vérités historiques? Combien parmi eux sont occupés à écrire leurs mémoires pour que les générations futurs ne se trompent plus?

Des mensonges; voila ce qu’ils nous laissent en héritage, génération après génération comme si le mensonge avait déjà bâti une nation quelque part! Fabien Eboussi nous apprends qu’«une société qui se ment est condamnée à disparaître car elle n’apprend rien; surtout pas de ses erreurs passées; pire elle commet le crime absolu: le crime contre l’esprit». Car il nous condamne à ne jamais récolter les fruits de la vérité que sont la science et la connaissance véritable.

Et quand on dit que «la vérité vous rendra libre», vous comprenez qu’avec le mensonge, nous avons opté pour l’esclavage; donnant ainsi systématiquement raison à ceux qui disent que le noir est un menteur ou qu’il est incapable de science. Car en effet tout montre dans notre société actuelle notre penchant pour l’irrationalité qui n’est qu’une autre appellation du mensonge; et nous semblons nous y plaire. A ceux qui pensent que le mensonge leur a permis de survivre; ils oublient qu’il nous habitue à un fonctionnement d’une irrationalité effrayante qui parce qu’elle est mensonge finit toujours par nous rattraper un jour; car quand on ment à un malade, c’est parce qu’on veut lui cacher qu’il va mourir.

Jean Pierre Bekolo
Nicolas Eyidi)/n

L’après-Biya pendant Biya…est-il envisageable?

Par Jean Pierre Bekolo

Le Cameroun est entrain de devenir un pays où nous passons notre vie attendre. On attend le retour du président, on attend les nominations, on attend l’émergence, on attend le décret d’application, on attend 2035, on attend 2018, on attend le port en eau profonde de Kribi, on attend le conseil constitutionnel, on attend le prochain régime.

Qu’est-ce que nous attendons au juste pour changer ce qui ne va pas? Le départ de Biya? Et pourquoi faut-il attendre? Le bonheur peut-il attendre? Au vu du manque de performance actuel, les agents de l’État et assimilés sont-ils les seuls à pouvoir insuffler un nouveau souffle au pays? Quel est l’espace non-capitaliste que le modèle en place laisse-t-il aux initiatives de la société civile? Pourquoi c’est aux seuls agents de l’État que reviendrait la dernière décision?

Il est impératif de proposer au vu de l’impasse et des incapacités actuelles une autre alternative à la plateforme administrative seule en charge de l’imagination et de la créativité du projet national ainsi que de le pouvoir de l’allocation de la fortune publique. Si nous n’y arrivons pas malgré les «efforts», c’est avant tout parce que la structure actuelle de l’État n’a pas été pensée pour notre émancipation; au contraire.

Pas besoin d’être explicite pour démontrer par exemple comment un délégué du gouvernement désigné par le chef de l’État est plus puissant que des maires élus par le peuple avec un budget plus important se retrouve incapable de construire des crèches, des terrains de sport, des maisons de jeunesse et de la culture pour améliorer et animer la vie des camerounais; mais plutôt préfère construire des boutiques et des restaurants qu’il mets en location comme un vulgaire commerçant cherchant à faire de l’argent. sauf que c’est avec l’argent des camerounais!

Parce que ce genre de non-sens « étatique » pilotés depuis le sommet sont nombreux sans que les citoyens bénéficiaires finaux puissent apporter leur vision, il est impératif de créer une nouvelle plateforme en invitant d’autres acteurs que ceux issus des organigrammes de la fonction publique et ses dérivés car nous savons tous que l’heure du salut qu’on arrête pas d’ajourner, par de promesses qui n’en finissent plus, est un jeu politicien d’un État quasi-monarchique qui sait qu’il n’arrivera pas à développer le pays. Quand une chose ne marche pas, il faut l’arrêter et faire autre chose au lieu de l’étirer indéfiniment.

Pourquoi continuons nous avec ce modèle d’État qui demeure le seul à décider de tout, partout et pour tous sans que les résultats se fassent voir? Un modèle d’État que le blanc nous a laissé dans un but précis, comme il nous a laissé des routes qu’il nous a tracé dans l’unique but d’écouler vers le port nos matières premières; un État que nous sacralisons aussi parce qu’il nourrit l’individu que nous sommes, nous fonctionnaires et assimilés, nous et pas les autres.

Mais comment nous nourrit-il? Comme des parasites poursuivant hypocritement un projet collectif dont nous savons qu’il ne pourra que nourrir d’une manière ou d’une autre notre seule personne. nous permettant de nous construire une maison, rouler dans des voitures de luxe, envoyer nos enfants a l’étranger, se soigner à l’étranger; un État dans la duplicité dont le projet a été détourné vers des ambitions égoïstes d’une minorité qui a abandonné les autres au seul plan de développement qu’est la débrouille, devenue un projet de société. Si les arrestations pour détournements de fonds ne freinent nullement cette surenchère d’un individualisme qui s’organise autour des biens collectifs, c’est bien parce que la structure actuelle les rends possible.

Prenons donc acte de l’impasse actuelle dont la cause est avant tout le manque de foi aux capacités du modèle qui nous gère pour améliorer la vie des camerounais; et le manque de motivation qui en découle nous empêche de recréer une dynamique malgré l’esprit entrepreneur et la créativité des camerounais. Créer cette plateforme est un préalable à l’idée d’une alternance politique qu’on ne doit surtout pas attendre sur la base d’un changement « naturel » du régime qui nous rendra définitivement inapte à insuffler et à animer la transformation de cette société qui sera sans doute un processus long et laborieux nécessaire à tous les étages de la société. La transformation de la société camerounaise ne saurait passer par une crise que tous, et surtout les élites tribalisées, tant au sein du régime qu’ à l’extérieur, acceptent et couvent, avec un fatalisme qu’on peut observer dans l’attentisme actuel, les conflits de demain.

Pourquoi nous condamnons-nous à rester du côté obscur où tout est de l’ordre du secret quand ça n’est du côté de l’auto-destruction? Comment donc apprendre à sortir ensemble de « la grande nuit » ; si ce n’est en organisant au grand jour une conférence de la société civile sur l’après? L’après -Biya doit cesser d’être perçu par les préfets et sous-préfets ne sachant plus comment sortir de la mission de répression des leurs qui leur a été assigné depuis l’époque coloniale, comme une menace de l’ordre établi et apprennent à se joindre et à dynamiser des initiatives non-gouvernementales de la société civile dans l’unique but de développer le Cameroun.

C’est un concept qu’on pourrait designer par Cameroun 2.0 ; un pays nouveau à accoucher auquel tous y compris le président sortant et son équipe ont intérêt à apporter leur contribution comme « legacy ». Sortez donc de vos maquis des stratagèmes de l’après-Biya pour commencer au grand jour la reconstruction qui s’impose a nous tous.

Jean Pierre Bekolo
Nicolas Eyidi)/n

Arrêtez de faire faire les concours de l’IRIC, de l’ENAM etc. à vos enfants!

Par Jean Pierre Bekolo

Arrêtez vous aussi de faire faire les concours de l’IRIC (Institut des relations internationales du Cameroun, ndlr), de l’ENAM (Ecole nationale d’administration et de magistrature, ndlr) etc. à vos enfants!

Vous qui envoyez vos enfants faire les concours de l’ENAM, de l’IRIC etc. vous pensez que le Cameroun restera cette République d’administrateurs parasites incapables de créer la richesse et de résorber le chômage endémique des jeunes?

Vous pensez vraiment que dans les années qui viennent, les administrateurs sortis de l’ENAM, de l’IRIC etc. continueront de s’accaparer de nos richesses communes et pourront continuer a se pavaner devant les camerounais appauvris pris en otage sans que personne ne dise rien ?

Vous qui n’êtes pas dans ce système, si vous envoyez vos enfants faire les concours de l’IRIC, de l’ENAM etc, est-ce parce que vous voulez faire d’eux les parasites de demain qu’on commence déjà à fustiger aujourd’hui?

Sachez que ce pays devra bientôt cesser d’être un gâteau à partager et son régime une table à manger, où les uns et les autres sont invites à tour de rôle. Si jusqu’ici malgré les slogans l’absence de vision est un véritable scandale, on ne pourrait se permettre de vouloir perpétuer ce modèle hérité du colonialisme qui est lui même à l’origine de l’impasse actuelle, car il n’a jamais été pense pour nous permettre de nous en sortir; au contraire. S’il est difficile de savoir combien « le commandement » nous a rapporté , il est par contre facile d’estimer combien il nous a coûté.

Si vous, parents aux affaires, avez cessé de rêver pour le Cameroun, permettez au moins à vos enfants, à nos enfants d’avoir un autre rêve pour ce pays. Que le système actuel soit moribond, on pourrait encore le tolérer, mais qu’on ait envie de le perpétuer de génération en génération est franchement scandaleux.

Il faudrait que bientôt dans ce pays entrer a l’ENAM et a l’IRIC devienne tellement insignifiant que, les tripatouillages des listes laissent la majorité des camerounais indifférents parce que justement, l’avenir ne se jouera plus dans le gâteau national, mais plutôt dans une plantation nationale du futur où seuls seront acceptés ceux qui apportent leur contribution pour que la récolte soit de plus en plus grande et que tous aient à manger.

Jean Pierre Bekolo
Nicolas Eyidi)/n

Jean-Pierre Bekolo: « Montebourg, Fabius, le Commerce extérieur et l’Afrique »

Le fait que deux ministres se discutent le portefeuille du Commerce extérieur, devrait-il inquiéter les Africains?

Le fait que deux ministres se discutent le portefeuille du Commerce extérieur, devrait-il inquiéter les Africains? Nous avons pu voir Laurent Fabius à l’ uvre depuis que Hollande est au pouvoir, le commerce extérieur avec l’Afrique sous Fabius est resté sans grand bouleversement; dans la ligne du pacte colonial. Sous Fabius, la France a compris qu’elle pouvait, comme les Américains, profiter de l’économie de la guerre et ainsi couper l’herbe sous les pieds des Chinois en l’ajoutant aux relations d’échanges traditionnels avec l’Afrique.

Personne ne veut croire qu’avec la situation actuelle de l’économie française qui cherche désespérément de l’argent pour financer la santé, le chômage, les retraites etc. qu’elle en trouve pour faire la guerre au Mali et en Centrafrique! Difficile de ne pas croire que ces guerres ne boostent pas d’une manière ou d’une autre le commerce des ressources naturelles par exemple au profit d’une France qui pour ne pas faire les choses à moitié, selon Snowden, aurait mis tous les dirigeants africains sur écoute grâce à Orange.

Si la guerre est ce qu’on pourrait retenir des projets initiés par Fabius pour l’Afrique depuis deux ans, y a-t-il lieu d’attendre mieux de Montebourg? Un plus d’imagination peut-être. Ou bien Montebourg, l’homme du redressement productif se laisserait empêtrer dans l’idéologie belliciste du « nous », les gentils, contre « eux » les méchants ? Pourrait-il, au-delà de ses efforts louables pour défendre le « travail » contre le « capital », se retrouver plutôt à faire le lit de la xénophobie et donc du Front national?

Une France économiquement aux abois reste inquiétante pour l’Afrique car elle serait tentée d’aller chercher un second souffle chez les plus faibles et en particulier en Afrique où elle dispose de puissants leviers économiques hérités de la colonisation pour profiter de ses anciennes colonies ayant, pour la plus part d’entre eux, des dirigeants qui doivent plus à la France qu’à leur peuple. Comment imaginer que des socialistes inscrits dans une politique d’accompagnement du capitalisme s’en priveraient? L’Afrique aurait de bonnes raisons de craindre la France qui est une sérieuse menace pour l’Afrique, car elle est, comme le démontre le rapport Védrine, en manque d’imagination pour réinventer ces relations injustes et honteuses qui datent de l’époque coloniale.

Au-delà d’une guerre de portefeuille et de positionnement politique individuel, le commerce extérieur français en général a besoin d’idées et de projets novateurs. Nous parlons bien de commerce, donc de création de la richesse, ce que la droite jusqu’ici a reproché, à raison, aux socialistes d’en être incapables. Le commerce extérieur avec l’Afrique ne devrait pas être ce bastion de la Françafrique où on se contente d’une rente immorale parce qu’on est incapable de créer de l’enthousiasme comme savent si bien le faire les Américains avec des entreprises qui sont devenues les premières mondiales en nous offrant de la gratuité!

Comment sortir des basses man uvres en Afrique et uvrer pour un co-développement comme l’a imaginé Ségolène Royal sans que quelqu’un trompe l’autre? Où sont les Google, les Facebook, les Twitter du redressement productif de Montebourg auxquelles nous seront tous « addicted ». avec notre consentement? Que font les socialistes au pouvoir de toute cette énergie positive et créative de l’économie durable, du commerce équitable et de l’altermondialisation? On aurait vu en Arnaud de Montebourg un leader visionnaire de gauche qui cristalliserait dans le commerce extérieur le « travailleur de tous les pays unissez-vous » d’autrefois en nouvel idéal de commerce mondial, et ainsi pousser le PS au pouvoir à ne plus se contenter d’être un parti d’accompagnement du capitalisme.

Pourquoi se contentent-ils d’une vision du monde où les rapports et les échanges entre les hommes ne sont régis que par le seul profit? Que font les socialistes de ce dynamique mouvement associatif en France qui travaille tous les jours pour redonner de la dignité au chômeur, au malade, au retraité? Au-delà de la consommation, du pouvoir d’achat, n’est-ce pas ce rêve d’inventer une manière de vivre et de vivre ensemble sur cette planète dont il est question? Pourquoi la France qui ouvre un Musée du Louvre à Abu Dhabi n’a jamais imaginé ouvrir une Sorbonne à Dakar? Le redressement productif devrait avant tout être un redressement de la manière dont la France voit l’Afrique et son évolution économique dans les années qui viennent.

A l’heure où les Chinois font des miracles en Afrique avec très peu de moyens, il devient évident pour les Africains que l’élite française, aveuglée par la prétendue suprématie de la France, n’a jamais cru en leur développement; les accords de libre échanges APE que leur propose l’Union Européenne (rejetés par de nombreux pays africains comme le Nigeria) n’est qu’une tentative de la dernière chance pour perpétuer un pacte colonial aujourd’hui obsolète.

Jean-Pierre Bekolo
Nicolas Eyidi)/n

Oui, en Afrique, on ne meurt pas comme ça…

Par Jean-Pierre Bekolo

L’esprit scientifique nous dit que «tout phénomène a une cause ». L’esprit dit « africain » dit lui aussi qu’un homme ne meurt pas comme ça, sans qu’il n’y ait derrière une cause. D’où vient-il que l’esprit africain qui, dans une certaine mesure dit la même chose que l’esprit scientifique soit taxé lui d’irrationnel? Quelle différence entre ces deux esprits qui recherchent tous les deux la vérité et surtout la maîtrise par l’homme des phénomènes qui le dépassent?

Aujourd’hui, les Camerounais sont dépassés par la mort de certains de leurs compatriotes et se doivent et selon l’esprit scientifique et selon l’esprit africain se demander qu’elle en est la cause. Mieux encore, s’assurer que dans quelques années personne ne mourra plus des mêmes causes ; ce à quoi sert la recherche scientifique. Comment se fait-il que les cartésiens camerounais que nous sommes réfutent cette démarche africaine qui cherche derrière chaque mort sa cause ; comme l’ont fait tous les grands scientifiques à qui nous devons les découvertes qui ont permis de vaincre de nombreuses maladies? Dès que les Camerounais interrogent la mort, on entend un lever de bouclier leur demandant de l’accepter comme une fatalité… comme ils acceptent déjà beaucoup d’autres choses ? Et bizarrement c’est ceux qui s’interrogent et qui veulent comprendre qui sont taxés d’irrationnels !

Que faisaient nos ancêtres à qui nous devons d’être là aujourd’hui ? Que font les scientifiques? Ils essayent de comprendre… comprendre afin que l’humanité n’assiste plus impuissante aux phénomènes qui nous terrassent tels que la maladie et la mort. Qu’est-ce qui s’est passe pour que notre culture africaine qui nous a porté pendant des siècles soit aujourd’hui stigmatisée au point de devenir à nos yeux la culture de l’obscurantisme quand elle n’est pas désignée comme le mal lui-même? Je prends pour exemple les Betis qui ne savent plus comment il se fait que pour dire que quelqu’un fait des mauvaises choses, on dit qu’il fait « des choses betis ». Comment se fait-il que nous acceptons cette inversion pensée et mise en place par l’église catholique de l’époque et intégrée aujourd’hui par tous, quand on sait que c’est cette aliénation qui est le véritable obscurantisme dont nous souffrons?

Avec quel prisme allons-nous regarder notre société allant à la dérive sans savoir ni ce qui nous arrive, ni comment nous en prémunir ? Comment se fait-il que tous ces valeureux camerounais meurent dans nos hôpitaux publics alors que ceux qui dirigent notre pays se font soigner à l’étranger? L’esprit qui interroge est le même esprit qui a permis le progrès. Pourquoi personne n’interroge le ministre de la Santé ? Pourquoi personne n’interroge les directeurs des hôpitaux publics ? Quelle est notre politique de santé publique? Quelles sont les procédures de prise en charge, la qualité des soins, des équipes, les insuffisances, les moyens etc… Où sont ces cartésiens qui se précipitent de fustiger ceux qui s’interrogent au lieu de chercher à comprendre comment nos hôpitaux sont devenus des mouroirs sans que cela n’émeuvent plus personne?

Que s’est-il passé pour qu’une simple infirmière occidentale de brousse rassure les populations plus que nos grands professeurs de médecine? A moins de croire à une théorie du complot, où sont les explications et les résolutions que l’État prend pour protéger ses serviteurs et leurs familles? Pourquoi acceptons-nous que nos vies de pauvres camerounais ne valent rien aux yeux de nos dirigeants comparé aux vies françaises qui mobilisent personnellement le président de la République lors des prises d’otages où l’on voit les gros moyens de l’État se déployer à coups de milliards! Personne d’autre que nous-mêmes ne nous oblige à nous infliger un tel sort sinon cet esprit que nous disons africain mais qui ne l’est point, qui nous a appris à accepter d’être à nos propres yeux des sous-hommes.

Jean-Pierre Bekolo
Nicolas Eyidi)/n

Il est temps d’avoir une conversation dans ce pays

Par Jean-Pierre Bekolo

Ne pensez-vous pas comme moi que le temps est venu ?

Le temps d’avoir une conversation. Ca fait tellement longtemps qu’on a pas eu de conversation dans ce pays. Vous rappelez-vous la dernière fois que c’était ? Savons-nous seulement encore ce que c’est une conversation ? Au lieu d’une conversation, j’entends plutôt des gens qui se parlent à eux-mêmes sans seulement se soucier si, à part ceux qui sont payés pour le faire, quelqu’un les écoute même encore ; si ceux qui les écoutent ont quelque chose à dire après qu’ils aient débités leurs discours.

Il est vraiment temps d’avoir une conversation dans ce pays ne serait-ce que pour le tuer le temps. D’échanger des propos comme on échange toutes les choses qu’on aime partager avec les amis, de peur que le temps qui s’alourdit de plus en plus ne nous pèse et ne finisse un jour par s’arrêter. Il est temps d’avoir une conversation en plein jour, des conversations que tout le monde peut entendre et y participer sans peur d’être entendu comme dans ces conversations qu’on a dans l’obscurité ; ces conversations où on complote, on rapporte, on dénonce et on trahi ; celles qui sont intéressées où on vient quémander, tromper ou escroquer. Je parle des conversations où nous disons à l’autre qu’il est un Homme comme moi et que nous sommes tous de la même famille, des conversations où on parle d’égal à égal sans condescendance aucune d’une part ni subordination d’autre part.

Je ne sais pas pour vous, mais moi j’ai hâte d’avoir une conversation avec mes frères sans que personne d’autre de s’en mêle ; une vraie conversation qui ne regarde que nous Camerounais. Si vous ne saviez pas que vous avez une dette, sachez que chaque Camerounais doit à l’autre une conversation. Pas demain, pas après-demain mais aujourd’hui, pendant que tout est encore si calme, pendant qu’il fait encore si beau et pendant que nos c urs sont encore posés.

Nous devons vraiment avoir cette conversation pour faire honte à tous ceux qui attendent qu’on se donne en spectacle au reste du monde comme savent si bien le faire nos frères africains. Nous devons avoir cette conversation pour proposer une autre image de nous-même à nos enfants qui ne méritent pas ca. Nous devons avoir cette conversation pour ne pas attendre l’humiliation et l’infantilisation de la communauté internationale qui finit par être la seule capable de nous faire asseoir entre frères pour échanger.

Nous devons avoir cette conversation, comme une conversation qu’on a le soir avant de se coucher pour parler du lendemain, de ce qu’on va faire quand le soleil sera levé, car le jour se lèvera demain avec ou sans nous. Car si nous n’avons pas cette conversation, il va arriver demain, un moment où, quand bien même nous le voudrions, nous ne pourrons plus nous parler. Car les esprits qui nous empêcheront d’avoir une conversation sont là et rodent en attendant de trouver un pays entier à envoûter. Il est temps parce que le temps est proche, le temps où on va se regarder, le temps où chacun va demander à l’autre « on fait comment ? »

Et à ce moment là, nous n’aurons plus personne en face car on ne reconnaîtra plus ceux avec qui hier encore on aurait pu avoir une conversation, et on ne ressemblera à ce que nous sommes encore aujourd’hui car la haine nous aura tous métamorphosé. Bien sûr que là il sera trop tard, on regrettera alors de n’avoir pas eu, en plein jour, cette conversation que je vous prie, que je nous prie de commencer maintenant entre le nord, le sud, l’est, l’ouest, l’extrême-nord, l’adamaoua, le littoral, le sud-ouest, le nord-ouest, le centre ; entre les musulmans, les chrétiens ; entre les anglophones, les francophones, dans les stades, les églises, les quartiers, les bars, les écoles, les taxis. il est vraiment temps d’avoir cette conversation, une conversation sur l’APRES.

Jean-Pierre Bekolo
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