Les lacs Nyos et Monoum, d’hier à aujourd’hui!

Le Dr Victor Hell s’est essayé à l’histoire de ces deux lacs. Historique, bilan et perspectives ont meublé une animation scientifique tenue jeudi à Yaoundé, dans le cadre du mois de la recherche

Il était une fois, deux lacs. Nyos et Monoum. Alors que les habitants du Lac Monoum se rassasiaient de la beauté du site et des terres environnantes, une explosion survint. C’était le 15 août 1984. 37 morts. Deux ans plus tard, pratiquement à la même date, le 29 août 1986, c’est autour du lac Nyos d’exploser. Là, le bilan sera bien plus lourd. Près de 2000 âmes sans vie seront comptées et des dégâts entre autres, sur la végétation. Plus de 3000 rescapés sont alors recasés par le gouvernement dans les campements. Une eau dormante claire devint l’objet d’une catastrophe historique au Cameroun.

«A cette époque, c’était un phénomène à nul autre pareil dans le monde et depuis ce temps, les deux lacs ont été qualifiés de lacs qui tuent!». L’histoire des lacs Nyos et Monoum, racontée brièvement par le directeur de l’Institut des recherches géologiques et minières (IRGM), Dr Victor Hell, était au centre d’une conférence tenue jeudi 02 juillet 2015, à Yaoundé. Cette animation scientifique initiée par le ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation portait sur le thème: explosions des lacs Nyos et Monoum: bilan et perspectives.

Mais que s’est-il passé exactement ce jour-là au niveau du lac Nyos? «Le gaz se serait échappé et aurait dévalé la pente tuant tous ceux qui dormaient dans le village Nyos sur environ une vingtaine de kilomètres de diamètre», explique le Dr Victor Hell à l’assistance, la scène représentée sur des diapositives grâce à un vidéoprojecteur. Même s’il reconnait que beaucoup d’allégations ont été faites à ce sujet: attentat, bombes, phénomène naturel.

Néanmoins, les rapports d’enquête ayant conclu à un phénomène naturel ont permis aux experts de tirer des conclusions et de proposer des solutions de sécurisation des deux lacs.

Projet de dégazage des Lacs Nyos et Monoum
Les études de l’IRGM ont permis de voir la stratification de ces lacs dits de cratère. «Le gaz qui entre dans le lac se dissout et en saturation il remonte vers la surface. C’est pour ça que les eaux du fond du lac sont plus chargées en gaz carbonique que celles de la surface», explique le Dr Victor Hell, qui pense qu’une rupture de cet équilibre était peut être à l’origine de la catastrophe d’avant du lac Nyos. D’autant plus que «d’après ce qu’on nous a dit, deux jours avant l’explosion, de grandes pluies étaient tombées. Ce qui a pu faire tomber de grands blocs dans les eaux qui ont forcément perturbé l’équilibre. Nous pensons qu’il y a eu rupture des rochers sur les pentes du lac qui sont tombés et ont provoqué une remontée brutale et accidentelle des eaux du fond comme lorsqu’on ouvre avec force une bouteille de champagne», argumente-t-il.

Selon lui, ce lac «se recharge aujourd’hui en gaz carbonique». A partir de ce moment, il était question de procéder au dégazage. Il s’agissait en d’autres termes d’enlever du gaz de ces lacs.

Pour garantir une certaine sécurité, des colonnes de dégazage grandeur-nature télécommandables depuis Yaoundé ont alors été construites par des experts français avec l’accord du gouvernement camerounais. C’est ainsi qu’est né le projet de dégazage des lacs Nyos et Monoum.

Un dispositif y relatif a été établi. Des explications du Victor Hell, il ressort que c’est après avoir dimensionné les tubes et évaluer le taux de recharge des deux lacs en gaz carbonique, que des colonnes ont été mises en place. Le lac Nyos qui a un taux de recharge de cinq millions de mètres cubes de gaz par an a bénéficié d’un dispositif sur cinq colonnes et le lac Monoun qui produit environ deux millions de mètres cubes par an a bénéficié de trois colonnes. La capacité d’extraction des colonnes au niveau du lac Nyos était de deux millions de mètres cubes par an et au lac Monoun c’était de 0,8 million de mètres cubes.

La première colonne a été installée au lac Nyos en 2001.

A partir de ce moment le gouvernement a décidé de mettre en place un programme national de sécurisation et de réhabilitation des lacs. Il regroupait quatre composantes. La première, relative à la sécurisation des lacs, d’abord. La deuxième, la réinsertion des populations déplacées et l’appui au secteur productif. Troisièmement, le développement durable des ressources et la protection de l’environnement et en quatre, l’amélioration des infrastructures. «Tant que la première composante n’est pas totalement achevée, il est impossible d’autoriser officiellement le retour des populations», insiste le Dr Hell.

Au regard de la pression que les populations mettent pour revenir sur leurs terres, «nous avons alors décidé d’accélérer le dégazage du lac Nyos. C’est ainsi qu’au lieu de cinq colonnes, on a retenu trois colonnes qu’on a décidé d’allonger» indique toutefois le Directeur de l’IRGM.

Retombés du projet
Sur le plan humain, une équipe de chercheurs et techniciens ont été formés et les capacités renforcées. Un important lot de matériel a également été acquis et un laboratoire de recherches et d’examens construit, entre autres.

Les populations restées sur les lieux par «entêtement», faites désormais premières gardiennes de ces équipements de protection des lacs, ont été sensibilisées. Les zones ont été équipées d’alarmes au cas où la catastrophe des années 80 viendrait à se reproduire, «puisqu’on parle de phénomène naturel», souligne le Docteur Victor Hell. «Les zones à risque ont été circonscrits», et «les conseils ont été donnés sur comment il faut se comporter quand ils entendent les alarmes sonner et où se diriger».

Ce projet qui a déjà couté plus de dix milliards au gouvernement, bénéficie de l’appui des partenaires multilatéraux et bilatéraux, notamment l’Union européenne, le Japon, la France, le PNUD, l’Unesco.

Les lacs Nyos et Monoun au coeur d’une animation scientifique au Minresi, jeudi 02 juillet 2015 à Yaoundé.
Journalducameroun.com)/n