Pascal Magnaguemabé ou le magistrat tombé de haut

Retour sur le parcours, les affaires et les polémiques autour d’un des magistrats les plus craints du pouvoir judiciaire camerounais.

Il est un produit de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (Enam) de Yaoundé, promotion 1985. Pascal Magnaguemabé, la cinquantaine, est un personnage dont le nom est indissociablement lié à l’opération Epervier. La campagne de lutte contre les détournements de derniers publics lancée par le président Biya en 2006. Depuis son bureau situé dans le bâtiment du tribunal de première instance abritant les bureaux des juges d’instruction surnommé Guantanamo, Pascal Magnaguemabé s’est bâti une réputation solide et terrifiante qui remonte à ses premières années d’exercice au sein du corps de la magistrature.

A sa sortie de l’école, ce fonctionnaire est d’abord affecté dans la ville de Mbanga, puis à Douala avant d’être muté à Yaoundé. Très vite, Pascal Magnaguemabé se démarquera de ses compères en recevant ce qu’il considère comme une « affectation disciplinaire » dans la ville de Mora à l’Extrême-nord du Cameroun. D’après l’ancien Secrétaire général à la Présidence de la République aujourd’hui détenu Marafa Hamidou Yaya, cette affectation faisait suite à sa gestion d’un dossier concernant un litige foncier lié à la succession de l’ancien ministre Mohaman Lamine.

Peu de temps après, Pascal Magnaguemabé est ramené à Yaoundé comme substitut du procureur, grâce à une main mise réelle ou supposée d’Amadou Ali, alors vice-Pm en charge de la Justice, dixit une lettre de demande de réclusion écrite de Marafa Hamidou Yaya. Selon ce dernier, il est le poulain du Vice-premier ministre qui ne manque pas de lui confier les dossiers les plus délicats de la justice camerounaise. L’un des premiers est l’affaire Titus Edzoa/Thierry Michel Atangana, des noms de l’ancien Sg/Pr et de l’ancien président du Copisur (Comité de Pilotage et de Suivi des axes routiers Yaoundé-Kribi et Ayos-Bertoua), tous deux incarcérés entre 1997 et 2014 au secrétariat d’Etat à la défense (Sed) pour détournements de deniers publics.

Dans cette affaire, Pascal Magnaguemabé crée un tollé dans le sérail. Le 23 octobre 2008, le juge instructeur rend une ordonnance de non-lieu partiel et ordonne la levée du blocage des comptes bancaires de Thierry Michel Atangana, et il établit également l’innocence de Titus Edzoa sur 3 des 5 chefs d’accusation préalablement retenus contre lui. Une décision courageuse qui ne manquera pas de faire jaser, avant que l’ordonnance ne soit rectifiée quelque temps après.

Loin de s’en tenir à cela, Pascal Magnaguemabé fait de nouveau parler de lui en 2010. Enquêtant sur l’implication de plusieurs hautes personnalités dans l’affaire concernant l’achat d’un avion présidentiel, il demande au délégué général de la Sûreté nationale de l’époque, Emmanuel Edou, de procéder au retrait du passeport du ministre de l’Administration territoriale, Marafa Hamidou Yaya. Le fait est inédit ! Il faudra l’intervention du président Biya en personne, pour que la mesure du magistrat soit levée. Suite à ce clash, de nombreuses personnes proclament sa chute imminente. Mais c’est l’inverse qui se produit. La même année, une révélation du quotidien l’Oeil du Sahel le cite parmi les récipiendaires d’une somme de 300 millions de F. CFA versée par le président de la République pour financer l’opération épervier (800 millions de F selon l’expert financier Dooh Collins dans des révélations de Wikileaks).

Pascal Magnaguemabé aurait ainsi reçu plusieurs millions de francs, sans que jamais on ne sache dans quel compte cet argent était logé. Le juge est visiblement dans les bonnes grâces des cercle du pouvoir. Ce qui n’empêche pas les prévenus Marafa Hamidou Yaya et Jean Marie Atangana Mebara de récuser le magistrat en 2012, au motif d’une absence d’impartialité de sa part. Les deux anciens haut-commis de l’Etat respectivement ministre de l’Administration territoriale et Secrétaire général à la Présidence de la République étant cité dans l’ affaire Albatros. Une affaire de détournement de derniers publics en coaction, impliquant d’autres prévenus de haut rang tels que l’ancien Premier ministre Ephraïm Inoni, l’ancien DG de la Camair Yves-Michel Fotso, Hubert Patrick Marie Otélé Essomba, Jérôme Mendouga

Pascal Magnaguemabe est contesté de toutes parts. Le magistrat est accusé de tous les maux. Accusé d’avoir dénaturé les faits avec la complicité du procureur de la République pour assurer à Jean Marie Atangana Mebara et à Ephraïm Inoni une « totale impunité », d’avoir « transformé le dossier de l’affaire Albatros en fonds de commerce ». Marafa Hamidou Yaya, dans sa lettre de récusation écrivait d’ailleurs : «Monsieur Magnaguemabé Pascal me dit entre autres qu’il s’occupe du dossier Albatros. Qu’il voulait que nous nous « arrangions » et que, si j’en avais convenance, il pourrait m’aider si je me montrais « compréhensif ».»

Des accusations qui ne laissent pas sa hiérarchie insensible qui le dessaisit du dossier Albatros, alors même qu’il s’apprêtait, selon des sources anonymes, à faire de nouvelles arrestations. C’est un passage à vide que connait le tout puissant Pascal Magnaguemabé, avant sa réhabilitation en 2014.

 

 

 

 

Portraits de femme: Michèle Ngaba Voula, sa famille reste sa priorité

Malgré ses horaires de travail parfois tardifs, elle parvient à tenir son rôle de femme-mère

Michèle Christe Ngaba épouse Voula est une femme au sens complet du terme. Cette jeune dame, la trentaine révolue est mariée, mère de trois enfants qu’elle appelle affectueusement Cherry, Cherriana et Cherrya. Elle pour qui la notion de famille est sacrée, non seulement accorde du prix à l’éducation de ses enfants, mais aussi, à la réussite de sa vie de foyer. Secrétaire de direction au ministère de la Promotion de la femme et de la famille, direction des affaires générales, Michèle Christe Voula fait partie de celles qui pensent que la femme peut et doit aussi s’affirmer professionnellement : la femme est un être à part entière qui mérite qu’on lui accorde non seulement la place qui est sienne, mais aussi la considération professionnelle qu’elle mérite.

Adepte de la précision et des choses bien faites, les journées chez Michèle se suivent, mais ne se ressemblent pas. Pratiquement tous les jours de la semaine, et surtout en période de classe, elle doit se lever très tôt le matin pour s’occuper des enfants qui vont à l’école dès 7 heures le matin. Ensuite, il faut se préparer pour aller au lieu de service. Malheureusement mon travail m’oblige très souvent à rester tard au bureau, parfois jusqu’à 22 heures quand il s’agit de préparer un évènement comme celui que nous préparons en ce moment, la fête du 8 mars. Pour ne pas léser la maison, j’ai dû engager 2 filles. Une pour tout ce qui est travail domestique et l’autre pour mon bébé Cherrya, qui a seulement 17 mois. Et là, je suis contrainte de tout gérer par téléphone pour m’assurer que les choses se passent bien et surtout que mon époux ne manque de rien à cause de mon absence. Heureusement s’exclame Michèle, car: il ya les weekends. Je les mets à profit pour tout mettre au point. Je dois signaler que là c’est lorsqu’il n’ya pas d’obligations professionnelles. Je dois alors vérifier et tout faire moi-même, surtout la cuisine.

Michèle Christe Ngaba épouse Voula
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Parlant justement de son époux monsieur Urbain D’assises Voula, Michèle Christe affirme: qu’heureusement il sait se débrouiller seul. Il s’occupe des enfants, les accompagne le matin à l’école, veille sur tout et me laisse le boulot de femme et d’épouse que je dois assumer tant bien que mal. Il est très regardant sur tout ce qui concerne les enfants et veille sur nous comme un bon père de famille. Comme tout être humain, Mme Voula a son côté jardin. J’aime prier. J’aime également travailler à la maison comme au bureau. J’occupe mes moments de liberté à refaire ce qui n’est pas fait à mon goût. Par contre, je déteste le bavardage. Bavarder pour ne rien dire n’est pas mon fort. Je suis calme, j’observe et j’écoute beaucoup avant de prendre des décisions, je suis soumise à mon mari et je respecte mes supérieurs hiérarchiques. On me fait le reproche de ne pas trop parler, d’être naïve dans les relations humaines. Bon, si accorder du respect et le bénéfice du doute aux autres est naïf, alors, je suis naïve.

A la question de savoir comment fait-elle pour garder son époux, Michèle répond:Le secret pour garder mon mari c’est l’écouter, lui demander à chaque fois son avis sur tel ou tel aspect des choses. C’est aussi et surtout l’aimer et être à ses côtés dans tout ce qu’il vit et fait. C’est enfin, lui faire part de mon intuition féminine sans le contraindre à m’écouter absolument. Comme conseils pour les femmes pour ne pas me transformer en donneuse de leçons, je leur demanderai simplement de mettre Dieu au centre de leurs vies et tout ira pour le mieux, a-t-elle dit.

Sa famille reste sa priorité (Sur la photo, son mari et ses trois enfants)
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Portraits de femme: Marie Madeleine Wafo, femme, albinos et bien dans sa peau

Veuve depuis douze ans, elle milite à travers des associations pour l’insertion des albinos et des orphelins dans la société

« Je suis un noir, ma peau est blanche et moi j’aime bien ça ; C’est la différence qui est jolie ». Ce refrain de Salif Keita, madame Njomnan, épouse Wafo Marie Madeleine le chanterai volontiers. « Si je le connaissais » avoue-t-elle, après en avoir écouté un bout. «Vue que c’est tout moi ! Je suis concernée par la chanson ». Elle est, comme l’auteur de la chanson, albinos. « Les gens nous appelle Nguenguerou, hirondelle », mais elle a toujours su garder sa force de caractère. « Travailleuse et relax », voila comment elle-même se présente. Et à l’approcher, l’on s’en rend immédiatement compte. Sans complexe. « Je me sens bien dans ma peau, je ne me sens jamais étrangère dans un milieu ». Toujours un large sourire aux lèvres et un humour déconcertant, Marie Madeleine est le genre de personne qui sème la bonne humeur à tout moment dans son entourage.

Un mari à 15 ans
Son sourire est d’ailleurs l’un de ses principaux atouts, elle qui est appelée à rencontrer les patrons et autres chefs d’entreprises pour défendre des projets en faveur des associations et regroupements qu’elle préside. Elle est présidente des femmes albinos du Littoral, puis délégué régionale pour le Littoral de l’ASMODISA, l’association mondiale pour la défense des intérêts des albinos. Sous cette casquette, elle a pour mission principale de réunir toutes les femmes albinos de la région autour de l’idéal selon lequel « elles font partie intégrante de la société ». Mission difficile, « et je dirais même très difficile, puisque les femmes sont encore très complexées. Les séquelles de la marginalisation qu’elles subissent de la société ne sont pas prêts de s’effacer » raconte la présidente, native de Batoufam dans la région de l’Ouest. Elle y voit le jour le 24 juin 1963. Seule albinos de sa famille, elle fera pendant longtemps l’objet de toutes les injures, de toutes sortes de rejet de la part de ses camarades. « Mais je n’étais pas du genre à me laisser faire. Je n’acceptais pas qu’on m’insulte et de toutes les façons je prenais bien soin de moi ». La preuve, à l’âge de quinze ans, elle se fait remarquer par un homme qui quatre années plus tard deviendra son mari. « Je me rappelle qu’il passait tous les jours devant l’école pour aller à son travail. Il faisait des pieds et des mains pour me saluer chaque matin. Au départ j’étais toute naïve, mais vue qu’il insistait et qu’il s’est montré sérieux, je me suis lancée ». De cette union est né un seul enfant, puisque le conte de fées s’est tragiquement achevé en 1999 avec la disparition de son mari.

Marie Madeleine Wafo
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Femme de c ur
« Depuis la mort de mon époux, j’ai décidé de ne plus me marier. C’est la seule personne qui m’avait entièrement adopté, qui me comprenait et je ne suis pas sûre que je pourrai m’entendre autant avec quelqu’un d’autre ». Depuis lors, Marie Madeleine à consacré sa vie au combat pour une saine insertion des albinos et des orphelins dans la société. « Je ne fais rien d’autre que ça, m’occuper des enfants vulnérables et des femmes albinos ». Elle est par ailleurs présidente, depuis trois ans, de l’association « Femme de c ur de Tergal », le quartier de Douala où elle vit depuis près d’une trentaine d’années. Depuis 2005, l’association accueille les orphelins et enfants vulnérables de 0 à 17 ans. Avec beaucoup de difficultés certes, mais elle mène ses actions d’abord avec le c ur. Un partenariat vient d’être signé avec l’ONG « Africa For Women » qui se propose de venir en aide aux orphelins de cette association. « Le soutien aux orphelins n’est pas évident au Cameroun, au regard de la malhonnêteté qui caractérise les gens » explique-t-elle. Mêmes difficultés dans le cadre de l’asmodisa, « puisqu’il faut des moyens pour organiser les conférences et autres table-rondes pour expliquer des choses fondamentales sur la santé de l’albinos qui, on le sait, est très fragile ».

Mais l’une des choses dont elle est déjà fière aujourd’hui, c’est d’avoir réussi à mobiliser les femmes albinos de la région du Littoral au sein d’un regroupement qui va grandissant chaque année. « Les chiffres augmentent chaque année. La première année nous étions quatre femmes à défiler lors du 08 mars, cette année nous atteignons la trentaine et cela me fait énormément plaisir que les femmes prennent conscience de ce qu’être albinos n’est pas un drame, mais une volonté divine. Il faut accepter ce que Dieu a voulu que nous soyons». Ainsi dit, tout son souhait est de pouvoir obtenir des microcrédits qui vont leur permettre de créer des activités génératrices de revenus, « vue que les albinos ont même des problèmes pour être embauchés dans les entreprises ». Une situation très grave selon Marie Madeleine Wafo, qui depuis douze ans vit et s’occupe de sa famille, sa fille et d’autres enfants qu’elle accueille chez elle, grâce à la pension de son défunt mari.

Elle consacre sa vie au combat pour la reconnaissance des albinos
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Georges Minyem, universitaire, chercheur, chansonnier… Homme politique camerounais

Il a accepté de raconter son parcours, parler de ses aspirations et délivrer un message. Interview

Georges Minyem, merci d’avoir accepté de répondre aux questions de journalducameroun.com. Vous êtes enseignant, chanteur. Présentez-vous aux internautes?
Henri Georges Minyem (mes étudiants me surnomment HGM) est à la fois un universitaire et un chanteur. Je suis né le 09 mai 1966 à Douala au Cameroun, j’ai donc eu 43 ans en 2009. Sur le plan académique, je suis chercheur en sciences politiques à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) de Paris depuis 2002 et universitaire diplômé de plusieurs disciplines: Communication (IUT de Besançon 1992), Sciences politiques (IEP Lyon 1995), Finances-Banques (Université Lyon II 1996), Ingénierie d’Affaires et projet (EPF-Ecole Polytechnique privée de Sceaux 1997) avec à la clé une thèse de 3ème cycle que j’ai soutenu sur les projets de systèmes d’informations, Systèmes d’information (IFIP Paris 2000). Par ailleurs, je suis expert en systèmes d’informations et consultant expert en gestion de projet certifié par l’AFITEP/ IPMA (International Project Management Association), membre du conseil d’administration de l’IIBA France (International Institute of Business Analysis). J’exerce le métier de professeur d’ingénierie dans de grandes écoles d’ingénieurs et de gestion dans toute la France et en Angleterre depuis bientôt 10 ans. Je suis agréé dans plus de 20 disciplines allant de la sécurité des réseaux d’entreprises à l’analyse sociologique des organisations. Je suis aussi conférencier et travaille sur commande auprès de grands groupes tels EIFFAGE, EDF afin d’animer leurs conventions cadres, en fait, pour former leurs directeurs et cadres à la gestion de projets complexes. Comme vous le constatez, je suis assez polyvalent et mes connaissances sont transversales. En tant que chercheur en sciences politiques, je travaille actuellement sur la philosophie et l’économie politiques de la traite des Noirs et l’esclavage du 17è au 19è siècles; mes travaux seront disponibles au plus tard en début 2010, et croyez-moi, ça va faire du bruit.

Ça, c’est pour les volets académique et professionnel. Sur le plan musical, je suis artiste depuis l’âge de 12 ans et ceux qui ont été à Douala dans les années 80 connaissent les frères Minyem, dont un certain Min-solo, mon pseudo d’artiste de l’époque. Depuis 1985, je suis chansonnier car j’ai décidé d’écrire des chansons à texte pour m’exprimer artistiquement, dont la plus célèbre « Le solitaire » a fait le bonheur de plus d’un mélomane camerounais depuis 1986, date de sa première diffusion. J’ai aussi créé à l’époque « Le club de la chanson » à Yaoundé puis, j’ai dû m’envoler par la suite pour l’Europe, non sans avoir effectué 3 années de salariat en qualité de chef de la paie à la SNEC de Douala.

On va commencer par votre première casquette, enseignant. Comment devient-on enseignant en France?
D’emblée, je tiens à apporter une précision : Je ne suis pas enseignant de formation, cette casquette n’ayant même jamais fait partie de mes perspectives de carrière auparavant. Donc, comme je ne suis pas enseignant de métier, l’enseignement n’a jamais constitué une finalité pour moi. Je n’ai d’ailleurs jamais passé aucun concours de la fonction publique. Faut croire que le fonctionnariat ne me convient pas ! C’est le conseil aux entreprises industrielles (EDF, RENAULT.) que je pratique depuis plus de 10 ans qui m’a amené à enseigner. Telle école d’ingénieurs vous propose de dispenser des cours, puis telle autre, le bouche-à-oreille faisant le reste. Je suis donc devenu professeur titulaire à l’école d’ingénieurs du CESI (Centre d’Etudes Supérieures Industrielles), sur 8 centres répartis géographiquement dans toute la France et en Angleterre, au CNAM (Conservatoire National des arts et métiers), et je suis intervenant à Sup de Co et à l’école Centrale de Paris. Mon rayon d’excellence est donc les grandes écoles d’ingénieurs et de gestion et les formations continues des universités!

Etre noir n’est pas un frein dans le monde académique?
Hum ! Vous posez là une question qui fâche ! Vous savez, être noir a toujours été un frein dans tous les secteurs professionnels et pas que dans le domaine de l’enseignement en Europe. Je vis en France depuis 20 ans, vous pouvez imaginer ce qu’a pu être ma vie : un combat perpétuel ; non point le mythe de Sisyphe de Camus, mais la réalité de Georges Minyem. J’ai souffert de la discrimination raciale à toutes les étapes de ma vie dans ce pays qu’on appelle « La France ». J’en ai tellement souffert dans ma chair et mon sang que j’ai monté en 1994 un journal communautaire à Lyon avec des frères camerounais : « Le cocktail des échos » pour sensibiliser les Français à notre combat. J’en ai tant enduré que j’ai écrit un récit philosophique publié en 2005 : « Terre d’asile etc » ; j’en ai tellement bavé qu’en 2004, j’ai adhéré à un mouvement pour les minorités dites visibles « France Diversité » où, j’ai été élu à l’unanimité des voix « Directeur de campagne » avec Dogad Dogoui.

Georges Minyem
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Cependant, dans le monde académique, il y a quelques distinctions à opérer. Un universitaire qui passe des concours pour l’agrégation ou la certification sera confronté à des réalités d’un ordre différent de celui qui enseigne dans les écoles d’ingénieurs par exemple. Pour le premier, son statut de fonctionnaire le couvre plus ou moins. Dans le monde des grandes écoles où les étudiants sont souvent des ingénieurs diplômés en exercice, des étudiants avec un bagage d’au moins un DEA, DESS (aujourd’hui Master II), ou des techniciens en fin de cycle d’ingénieurs, c’est la compétence qui vous légitime. Les professeurs sont notés par les étudiants. Par voie de conséquence, si vous n’êtes pas à la hauteur, vous ne revenez pas : c’est une culture de l’excellence et de l’efficacité. Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas fonctionnaire, donc j’ai intérêt à maîtriser mes domaines de compétences. Et comme, je suis agréé dans plus de 20 matières, vous pouvez imaginer la pression, le stress et l’amplitude des mises à jour requises.

Et chanteur. Racontez nous comment commence l’aventure?
L’aventure commence en 1976 à Nkongsamba où je reçois en cadeau de la Régifercam (mon père y était inspecteur) une guitare que mes frères aînés ont baptisée « Bontempi » pour me taquiner. Comme, visiblement je ne suis pas le seul à m’intéresser à la musique, ma mère décide d’acheter une vraie guitare à mon frère aîné Corneille et celui-ci qui est au Lycée du Manengoumba apprend auprès des artistes de l’orchestre du lycée. Mon frère Corneille m’a appris tous les accords, un par un et j’ai poursuivi mon chemin en créant en 1978 un groupe de jeunes : Les « Young Eagles » en référence au groupe mythique des 70’s, Les Eagles dont nous étions fans. S’en sont suivis des déménagements (comme c’est souvent le cas chez les cheminots) et nous sommes revenus à Douala. Cependant, j’avais été piqué au virus de la musique que j’ai embrassée au détriment du football qui était ma première passion. Ensuite, les années lycée de 1980 à 1984 où je suis devenu le chef d’orchestre du Lycée Joss de Douala, excellant dans la pratique de la guitare solo au point que l’on me surnomma « Min-solo ».

Après l’obtention de mon baccalauréat D en 1984, je suis « monté » à Yaoundé et ai découvert un autre univers : celui des chansonniers. Après quelques contacts, j’ai créé en 1986 « Le club de la chanson » (qui existe encore de nos jours, animé par Foly Dirane) afin de promouvoir l’expression artistique à texte. Partant du principe que nous étions riches de notre diversité culturelle et des nombreux courants et influences que l’ouverture au monde nous apportait, il n’y avait aucune raison pour que la chanson à texte n’y trouvât sa place. Ceci d’autant plus que par la langue française, nous touchions un auditoire plus étendu. J’ai donc été le premier chansonnier camerounais à tourner un clip vidéo au Cameroun avant la fin de l’année 1985 et la première mouture du Solitaire est sortie en 1988 à la CTV, sous la forme d’un clip vidéo réalisé par Richard Lobe.

Puis, j’ai dû partir du Cameroun afin de reprendre mes études. J’ai chanté dans les bars, fait les cabarets pour payer mes études et ma chambre d’étudiant. Le reste, vous le connaissez. J’ai sorti mon album « Le Solitaire » en 2000 au Cameroun et le 2è opus, « Noir » en France en 2006. Le marasme actuel de l’industrie culturelle étant un véritable frein à l’expression artistique et à la créativité musicale, j’ai des projets sous le boisseau, d’autant plus que je suis mon propre producteur depuis le début.

Des projets musicaux?
Bien entendu. Vous savez, la musique est un opérateur anthropologique fondamental qui lie les personnes. Quant à la chanson, c’est une saisie temporelle d’un fragment d’éternité. Quand vous saisissez une mélodie, elle vous hante. Mon aîné et maître, Francis Bebey me disait souvent : « Nous autres, poètes, heureux hommes, nous voulons changer le monde avec une chanson. Nous oublions souvent que c’est le monde qui crée la chanson ». Et m’il m’encourageait : « Tu as choisi une voie, laissant de côté la facilité du Makossa camerounais, va jusqu’au bout de tes rêves ». Je suis en studio pour le 3ème album. Mais alors, il sera distribué où ? Qui l’achètera avec le développement de la piraterie chez nous ? Autant de questions auxquelles en l’état, je ne peux répondre, mais pour lesquelles, j’ai des solutions concrètes et efficaces sur le plan politique dont vous avez compris que c’est un de mes nombreux domaines d’excellence. Ainsi donc, mes chansons sont des messages et je me considère comme le messager du réel caché sous les apparences. Ce qui signifie que par mes textes, je porte un regard critique sur la société, sur le monde dans lequel je vis, ce qui crée un rapprochement avec la réflexion philosophique, c’est-à-dire la prise de distance nécessaire à une analyse critique des faits sociaux. Je ne peux donc pas m’empêcher de composer et tant que j’en aurai l’envie et les moyens, je composerai des chansons.

Et le Cameroun, vous y retournez souvent?
Voyez-vous, pour moi, un homme sans racines est comme une feuille volante sans attaches, qui se balance au gré du vent. « L’homme est à la fois unique et porteur d’histoire » disaient John Stuart Mill et Ralph Emerson. Moi, mon pays, le Cameroun, est cette racine sans laquelle mon souffle ne peut se réoxygéner, sous peine d’anoxie. J’étais au Cameroun en février dernier. D’ailleurs à cette occasion, j’ai réuni des descendants du chef Minyem mi Ntomb (dont je suis) dans mon village de Bogso dans le centre du Cameroun. Et ma centaine de cousins et cousines ont décidé de me faire confiance pour les représenter et guider leur action. J’ai été élu président de l’association de mon village. J’essaie d’être présent au Cameroun tous les ans, ce qui n’est pas toujours possible à cause de mes multiples travaux, mais j’y retournerai aussi souvent que je pourrai: c’est mon terroir.

Georges Minyem
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Le président Paul Biya était en France il y a quelques mois. S’en est suivi un long débat sur le statut de diaspora et d’intellectuel. Définissez nous diaspora et intellectuel?
Le terme même de diaspora remonte à l’antiquité, c’est-à-dire historiquement, de la période s’étalant de 3300 environ av. JC à 576 apr. JC. Il y a eu dans la préhistoire deux catégories de peuples, les nomades et les sédentaires. Le néolithique est la période qui symbolise le mieux cette sédentarisation des populations avec le développement de modes de vie basés sur l’apparition de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Cependant, dès le début de l’histoire (vers 3300 av. JC, 2600 av. JC chez les arabes), avec l’apparition de l’écriture, l’on a vu se développer des confessions religieuses fortement axées sur la croyance en des forces telluriques, célestes, voire animistes avec une tentative préscientifique d’explication du monde que la théorie Comtienne des trois(3) âges a qualifiée d’âge théologique. Au sein de cette perception, obscurantisme, imagination et mythes, croyance dans les divinités pour expliquer le monde prirent le dessus sur la rationalité insuffisamment développée. Cela n’a pas empêché une civilisation d’émerger et de se singulariser parmi toutes les autres et ce fut la civilisation hébraïque, voire les royautés hébraïques qui posèrent le postulat d’un Dieu unique, porteur d’un message à son peuple. De la persécution qu’ils commencèrent à subir environ 1200 ans avant JC s’imposa la nécessité pour eux de s’enfuir, de se disperser. Avec la destruction du temple de Jérusalem en 70 apr. JC, la persécution des Juifs s’accentua et le mot « diaspora » rentra dans le domaine civil pour décrire un groupe éloigné de son territoire naturel et relevant sociologiquement d’une même perception, du point de vue extérieur. A ce titre-là, nous Camerounais de l’extérieur, pouvons effectivement être qualifiés de « diaspora camerounaise », même si, je le précise, un réductionnisme méthodologique (c’est-à-dire une analyse à l’intérieur même du groupe) permettrait de se rendre compte des nombreuses trajectoires et aspirations individuelles qui ne rencontrent pas collectivement le groupe concerné.

Quant à l’intellectuel, permettez-moi de faire une nuance d’entrée de jeu. L’intellectualité ne se résume ni à l’instruction (même si elle est indispensable à l’ouverture d’esprit), ni aux mots d’esprits (qui ne sont qu’un paravent intellectualiste), ni aux statuts (qui relèvent plus d’une stratification sociale). Les cafés littéraires du 19è siècle en France sont l’illustration parfaite de cette illusion de connaissance que l’on attribuait à l’aristocratie, catégorie sociologiquement construite, mais qui passait pour innée.
Aristote pensait qu’un philosophe était celui qui « dans la mesure du possible possède la totalité du savoir », alors que pour Socrate, « le savoir philosophique est la conscience d’un non-savoir ».
Entre les deux approches, il ya bien une place pour celui qui, sans tout savoir sur tout, a une idée précise (je dis bien précise), c’est-à-dire une connaissance argumentée sur la plupart des sujets qui concernent le monde de la conscience : Historique, technique, technologique, spirituelle, philosophique, littéraire, sociologique, économique, sociale, etc. Tellement de personnes s’imaginent intellectuels parce qu’ils ont soutenu une thèse de doctorat, ou parce qu’ils sont ingénieurs, ou encore directeurs de sociétés. Ce ne sont que des qualifications universitaires exemptes de toute sapience intellectuelle au sens philosophique.

Estimez-vous être intellectuel camerounais?
Vous voulez dire « un intellectuel méconnu » comme tel ? Franchement, et sans fausse modestie, je le crois. Mais je ne m’étendrai pas là-dessus car il ne s’agit pas de s’autoproclamer comme tel, encore faut-il le prouver, n’est-ce pas ? Pour cela, il convient d’être mis en situation, ce qui, jusqu’à présent n’a été possible que dans l’excellence universitaire et professionnelle en France et pas au Cameroun. A titre d’exemple, aucun de mes ouvrages dont le best-seller « De l’ingénierie d’affaires au Management de projet » sorti chez Eyrolles, le premier éditeur mondial d’ouvrages professionnels n’est disponible nulle part au Cameroun ! Mes théories ne sont exposées que sur Internet. Or peu de Camerounais y vont pour s’éduquer !
Par ailleurs, dans la perception collective des Camerounais, l’intellectuel est celui qu’on voit, qu’on entend énoncer de grands discours, de belles théories. Or jusqu’à présent, je n’ai fait que présenter mes albums dans les émissions télé où j’ai été invité. L’intellectuel Henri Georges Minyem n’est pas encore connu, mais patience, cela ne devrait tarder !

Votre projet le Cameroun Nouveau. Parlez-nous-en?
Merci de me donner l’opportunité de m’exprimer sur ce projet qui mobilise actuellement une bonne partie de mon énergie.
Le Cameroun Nouveau (LCN), le mouvement que j’ai créé le 01 août 2009 à Paris est né d’un quadruple constat :
.Le Cameroun va mal et ses enfants doivent mettre leur savoir à son service.
.Les intellectuels camerounais sont trop dispersés, certains se préoccupant à peine des réalités de chez eux et préférant substituer à leur responsabilité le relatif confort que leur offre l’occident ; d’autres sont tellement dépités par la mauvaise gouvernance de leur pays qu’ils choisissent de dissimuler leur souffrance dans l’anonymat de l’Occident, faute de place chez eux.
.L’opposition politique camerounaise est moribonde à cause d’une fragmentation importante, d’une incapacité à mobiliser et d’un fatalisme quasi-généralisé face à la phagocytose du parti au pouvoir.
.Le déficit de sens de la politique camerounaise depuis 23 ans (c’est-à-dire non pas depuis l’accession de notre président au pouvoir, mais plutôt depuis les difficultés conjoncturelles auxquelles il s’est trouvé confronté), nécessite une nouvelle génération, une autre façon de penser la « praxis » politique.

Devant cette carence ostensible d’imagination, cette fuite de responsabilité et face à une gestion politicienne des affaires de l’Etat, nonobstant la responsabilité contractuelle qu’il avait envers le peuple camerounais, notre président a failli ! Il incarnait l’espoir, l’avenir en 1982, au regard de son cursus, il a laissé au contraire se développer tous les travers qu’il fustigeait à son accession au pouvoir. Le système corrompu, clientéliste qu’il a laissé se développer, l’absence d’éthique de la responsabilité dans sa gestion politique, l’appétit du pouvoir ont entraîné notre président dans un laxisme criminogène dont les conséquences sont visibles par tous : absence de direction dans une politique erratique et improvisée qui ne dit pas son nom. On ne gère pas un pays par à coups : on en est le guide, le chef suprême ; Par conséquent, on planifie ses actions et on les exécute ! Pendant ce temps, l’indice de développement humain en est à 0,5 et plus d’1 camerounais sur 2 (voire 2/3) vit en dessous du seuil de pauvreté. Ma conscience meurtrie ne peut accepter cela. C’est pour toutes ces raisons que j’ai décidé de créer ce groupe de réflexion, le LCN, afin d’étudier toutes les possibilités de développement au Cameroun, toutes les niches potentielles de croissance et de proposer sous une forme partisane un programme politique aux Camerounais : Un Camerounais, Un emploi ! Le LCN (LE CAMEROUN NOUVEAU) est donc bel et bien un PARTI POLITIQUE en gestation et nous avons déjà recueilli plus de 800 adhésions sur « FACEBOOK» en un mois d’existence. N’est-ce pas révélateur d’un engouement des Camerounais pour le changement ça ?

Bientôt, nous mettrons en ligne un site internet afin de permettre à tous les Camerounais conscients d’adhérer au mouvement, de même que nous sillonnerons le Cameroun pour dire à tous nos concitoyens que l’heure du véritable changement est venue, et cela jusqu’au fin fond des forêts équatoriales, dans les bas-fonds de nos cités, au sein des cases en terre battue de nos innombrables campagnes. Nous allons battre campagne avec l’aide de DIEU et nous réussirons ! Car je suis persuadé qu’au fond de chacun de nos frères camerounais, ce désir de changement est son souhait et v u le plus cher qui lui donne des insomnies. La crainte des Camerounais est la guerre civile ou le coup d’Etat, doublés de la famine, autant de munitions politiques qu’utilise le RDPC pour ratisser large. Je dirai même que moins de 30% de Camerounais sont adhérents du RDPC par réelle conviction, ils y sont par opportunisme !

Doit on considérer politicien comme une nouvelle corde à votre arc?
Franchement? Pour tout vous avouer, si je n’étais pas politicien dans l’âme, croyez-vous que j’aurais fait Sciences-po, l’une des plus prestigieuses écoles françaises à structurer la pensée en matière de gouvernance? Pourquoi serais-je chercheur en sciences politiques? Vous pouvez ajouter, sans crainte, cette nouvelle corde à ma guitare qui en compte déjà pas mal. Le cri de ralliement du LCN est: WE CAN DO IT! WE HAVE TO DO IT! For our beloved motherland! For our country! God Bless CAMEROON

Georges Minyem
Journalducameroun.com)/n