Liberté de la presse : le Cameroun 138è sur 180 au classement mondial 2023

La 21e édition du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) révèle des évolutions majeures et parfois radicales, liées à une instabilité politique, sociale et technologique.

 

Le Cameroun est 138è au classement de la liberté de la presse 2023 établi par Reporters dans frontières. Selon RSF, « doté d’un paysage médiatique parmi les plus riches du continent, le Cameroun n’en est pas moins l’un des pays les plus dangereux d’Afrique pour les journalistes. Les professionnels de l’information y évoluent dans un environnement hostile et précaire. Le journaliste de renom Martinez Zogo a été enlevé et assassiné début 2023 ».

Reporters sans Frontières rappelle qu’en janvier 2023, le journaliste Martinez Zogo a été retrouvé mort, le corps gravement mutilé, cinq jours après son enlèvement. C’est le second assassinat de journaliste, après Samuel Wazizi en 2019, en trois ans au Cameroun. En mars 2022, le journaliste Paul Chouta avait été enlevé puis agressé par des individus non identifiés.

« Nombre de journalistes connus font l’objet d’une surveillance. Le degré d’impunité pour les auteurs d’actes de violence envers les journalistes reste très fort. Les journalistes des régions anglophones sont régulièrement accusés d’être complices du mouvement sécessionniste qui s’oppose depuis plusieurs années au pouvoir central de Yaoundé ».

Selon cette organisation, il est impossible au Cameroun d’adopter une ligne éditoriale critique et indépendante sans faire face à d’importantes menaces et pressions lorsque les intérêts du pouvoir et de ses représentants sont en jeu. « Le chef d’État domine toutes les instances, et ce climat alimente l’autocensure et entraîne l’alignement de la plupart des médias sur les positions des autorités ou de certaines personnalités qui leur sont proches. Le président de la République nomme, par décret, tous les responsables des médias gouvernementaux et tous les membres du Conseil national de la communication (CNC), l’organe de régulation des médias ».

Aussi, Les médias fondés sur des critères ethniques ou religieux sont de plus en plus nombreux, ce qui contribue à la polarisation du débat public et encourage des prises de position relevant de l’exclusion ou de la stigmatisation.

Cameroun-Affaire Martinez Zogo : une plainte déposée contre Arnaud Froger

Jean Claude Shanda Tonme saisit le procureur près le tribunal de première instance de Yaoundé Centre administratif pour sept motifs.

La copie de la plainte circule sur les médias sociaux depuis quelques heures. Elle porte à l’entête la dénomination « Le Médiateur universel » et date du 24 avril 2023. L’auteur se plaint contre Arnaud Froger, représentant pour l’Afrique de l’organisation non gouvernementale de droit français Reporters sans frontières. Le président de la Commission indépendante contre la corruption et la discrimination énonce sept chefs d’accusation.

Ce sont « mensonge et dissémination de fausses nouvelles ; dénonciation calomnieuse ; diffamation ; trouble de l’ordre public ; incitation à la haine et à la guerre civile ; atteinte à l’image et à la crédibilité de la nation camerounaise ; incitation implicite à l’émeute, à la sédition et au renversement des institutions ».

Selon le document, cette accusation est consécutive à la sortie du journaliste Arnaud Froger sur les médias internationaux après l’assassinat de Martinez Zogo. Il y aurait fait « des déclarations sans aucun fondement sérieux comme il a reconnu lui-même à son arrivée au Cameroun », explique le plaignant.

« Monsieur Froger a manifestement et volontairement opéré une intrusion curieuse dans la conduite des affaires en cours, en prétextant avoir eu accès aux procès-verbaux des auditions. Il a ensuite usé de cette prétention pour formuler des accusations très graves qui ont troublé l’ordre public, porté atteinte à l’image et au crédit de notre pays, en même temps qu’ils ont instrumentalisé la division, la haine, ainsi que des instincts de justice populaire », ajoute-t-il.

Suite à la découverte du corps de l’homme de médias Martinez Zogo le 22 janvier dernier, Reporters sans frontières a dénoncé un crime d’Etat. Puis, dans un entretien accordé à France 24, Arnaud Froger dit avoir eu accès aux documents citant l’homme d’affaires camerounais Jean Pierre Amougou Belinga comme commanditaire du crime. Une déclaration que le journaliste maintient, selon nos confrères de Camer.be qui se réfèrent à Equinoxe TV.

Emprisonnement des journalistes : Reporters sans Frontières alerte sur le cas Vamoulké

Reporters sans frontières vient de livrer son bilan annuel du nombre de journalistes emprisonnés dans le monde.

Reporters sans frontières (RSF) identifie 533 journalistes détenus dans le monde. Parmi, huit sont présentés comme les cas les plus marquants de détention de journalistes en 2022. Amadou Vamoulké, l’ancien directeur général de la CRTV, est compté parmi ceux-ci.

L’étude rajoute que, « Amadou Vamoulké a été conduit 137 fois de sa cellule au tribunal criminel spécial de Yaoundé depuis son arrestation en 2016, dont 57 fois en 2022. Ces audiences à répétition n’ont toujours pas abouti à un jugement ».

Aussi, Amadou Vamoulké a déjà passé plus de 2 000 jours en détention préventive à la maison d’arrêt de Kondengui à Yaoundé.

Toujours selon les chiffres publiés par cet organisme, cinq journalistes sont aujourd’hui emprisonnés au Cameroun. « Le Cameroun figure dans le recensement des journalistes emprisonnés tous les ans depuis 2014. C’est le deuxième pays qui emprisonne le plus de journalistes dans la région, avec cinq détenus de manière arbitraire dans le cadre d’un système judiciaire opaque qui prévoit le recours à des tribunaux militaires pour poursuivre les journalistes, qui sont des civils au regard du droit international », a écrit Comité pour la protection des journalistes dans son rapport annuel.

Depuis son arrestation du 29 juillet 2016 sur la base d’accusations de détournement de fonds, l’ancien directeur général de la radiotélévision publique camerounaise (CRTV) est maintenu en détention « provisoire ».

 

 

 

Cameroun: la détention d’Amadou Vamoulke revêt un « caractère arbitraire » (ONU saisie par RSF)

Par Reporters sans frontières

 

Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités camerounaises à se conformer à l’avis rendu par le groupe de travail des Nations Unies qui estime que la détention provisoire de l’ex-directeur de la radiotélévision publique n’a “pas de base légale” et demande que le journaliste soit “libéré immédiatement afin qu’il puisse recevoir le traitement médical nécessaire” à sa maladie.

Saisi par RSF en janvier 2019, le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire estime dans ses conclusions communiquées récemment à notre organisation, et à l’Etat du Cameroun, que la détention provisoire de l’ex directeur général de la CRTV Amadou Vamoulké n’a “pas de base légale” car elle va “au-delà de la limite maximale prescrite par la loi, et sans explication suffisante du caractère raisonnable et nécessaire de cette mesure.”

Poursuivi pour des détournements de fonds, non pas à des fins personnelles mais au seul profit de la CRTV, le journaliste est en détention provisoire depuis près de quatre ans. Plus d’une trentaine d’audiences ont eu lieu, deux procédures ont été lancées mais aucun élément n’est venu corroborer les accusations portées contre lui. Une procédure inique, comme le dénonce régulièrement RSF, qui s’apparente à une volonté manifeste de représailles contre ce journaliste connu pour son indépendance d’esprit et ses méthodes de gestion éthique. Dans sa conclusion le groupe d’experts indique que “les violations du droit à un procès équitable sont d’une gravité telle qu’elles confèrent à la détention de M. Vamoulké un caractère arbitraire.”

L’ONU demande “instamment” au gouvernement de libérer “immédiatement M. Vamoulké et de veiller à ce qu’il reçoive le traitement médical nécessaire dans toute la mesure du possible.” Le journaliste, aujourd’hui âgé de 70 ans, est malade, et aucun protocole médical adapté n’a été suivi malgré deux certificats médicaux prescrivant des examens qui ne peuvent être réalisés au Cameroun. L’épidémie de coronavirus qui n’a pas épargné la prison centrale de Yaoundé dans laquelle est incarcéré Amadou Vamoulké n’a pas non plus conduit les autorités à lui accorder une remise en liberté, ne serait-ce que provisoire. Le groupe d’experts qui s’est déclaré “profondément préoccupé” par la “gravité de l’état” du journaliste a décidé de transférer son cas au rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la santé, un mécanisme également actionné par RSF.

“Les conclusions des Nations unies sur le caractère arbitraire de cette détention rejoignent celles de RSF et viennent ajouter une nouvelle voix à celles déjà nombreuses qui demandent la libération de cet éminent journaliste africain, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Nous appelons les autorités camerounaises à entendre ces appels. Au delà des graves manquements observés et établis dans la procédure, ce journaliste est âgé, malade et vit dans une prison touchée par l’épidémie de coronavirus. La dimension humanitaire de cette affaire devrait primer afin d’éviter que le pire ne survienne.”

Le 6 avril, RSF et 80 organisations avaient écrit à dix chefs d’Etat africains dont le président Paul Biya pour leur demander de libérer les journalistes emprisonnés dans leurs pays respectifs soulignant que dans le contexte de la crise sanitaire et dans des prisons surpeuplées, ils n’avaient pas la possibilité de s’isoler et qu’ils étaient souvent privés des soins médicaux nécessaires.

Le Cameroun, 134e sur 180 pays, a perdu trois places au Classement mondial de la liberté de la presse récemment publié par RSF.