Cameroun : le distributeur de journaux Messapresse ferme boutique

Lâchée dans un premier temps par Presstalis, le principal fournisseur de la presse étrangère distribuée au pays, puis par la presse publique et privée locale, l’entreprise Messapresse s’est vue contrainte se  mettre fin à ses activités.

Messagerie de presse (Messapresse), distributeur de journaux au Cameroun, est dissoute.  Selon un communiqué officiel rendu public à cet effet, cette décision est consécutive aux pertes qu’accumule l’entreprise depuis 6 ans qui s’élèvent à  1,3 milliard de FCFA.

Au cours d’une assemblée générale extraordinaire tenue le 16 décembre 2020, le Conseil d’administration tenu le 30 novembre 2020 a décidé de la dissolution anticipée de l’entreprise et de sa mise en liquidation.

Messapresse a souffert du départ  du groupe français Presstalis, actionnaire majoritaire, principal fournisseur à Messapresse de la presse étrangère,  qui avait décidé de se retirer du segment de la distribution des journaux camerounais, au motif que 80% des journaux seraient invendus. Puis, le retrait des journaux à capitaux privés et de la presse gouvernementale Cameroun Tribune  pour insatisfaction du service rendu, et qui ont décidé d’assurer eux même la distribution de leurs supports.

Cette  concurrence a favorisé la décision prise le 16 décembre 2020 par les actionnaires de Messapresse. Ainsi le marché de la presse s’effectue librement, chaque médias allant de sa technique de vente.

Messapresse veut arrêter la distribution des journaux locaux

Au Cameroun, le divorce est désormais programmé entre les éditeurs de presse et la société Messapresse, principal distributeur de journaux dans le pays. C’est ce qui ressort de la séance qui a réuni les 2 parties, le 10 février 2017, à Yaoundé, la capitale camerounaise.

Le groupe français Presstalis, la maison-mère de Messapresse, a envoyé Christian Carisey, le directeur de l’international et des affaires institutionnelles, par ailleurs directeur de la communication. Il est venu annoncer l’intention de Presstalis d’arrêter la distribution de la presse camerounaise. Et pour cause, ce segment affiche de mauvais résultats.

Christian Carisey a expliqué que 80% des journaux locaux sont invendus. Le manque à gagner atteint 270 millions FCfa que les bonnes ventes de la presse étrangère et des livres ne couvrent pas.

Depuis quelque temps, le groupe Presstalis cherche en vain un repreneur pour Messapresse, sa filiale camerounaise, comme il l’a fait au Sénégal et en Côte d’Ivoire. La société française exige des efforts de la Fédération des éditeurs de presse du Cameroun (Fedipresse), d’une part, et du gouvernement camerounais, d’autre part. A l’Etat, il est demandé une subvention sur la distribution des journaux et un allègement fiscal, notamment une imposition sur le bénéfice et non sur le chiffre d’affaires. Le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, a reçu M. Carisey à qui il a promis de transmettre ces doléances à la hiérarchie.

Aux éditeurs de presse, Messapresse réclame désormais 50% sur la vente d’un journal, au lieu du taux de 40%. Cette proposition n’a pas reçu l’assentiment de la Fedipresse qui a répondu par la voix de son président, Haman Mana, patron du quotidien Le Jour : «Nous sommes dans une situation maritale où l’un des conjoints ne veut plus de l’autre. Il faut donc s’entendre sur les modalités du divorce ». Pour lui, le temps est venu « de se prendre en main par nous-mêmes et pour nous-mêmes ». Il ajoute que « c’est une occasion pour nous de nous réapproprier le métier de distribution et de le faire en tenant compte des spécificités camerounaises ».

Oui, «la voix du Cameroun» est économiquement viable!

Par Michel Eclador Pekoua, Journaliste économiste

Le 15 septembre 2016 dernier, le comptable de la société Messapresse qui assure la distribution des principaux journaux au Cameroun m’a invité à venir toucher le paiement des ventes résiduelles de Lah Ba Tshang. C’était 37.585 francs. Le dernier numéro de Lah Ba Tshang date de février 2015. Il ne s’agit pas d’un mystère. Les éditeurs de journaux qui confient leurs produits à Messapresse (contre une commission de 40% prélevés sur les ventes) sont généralement payés sur la base d’une projection minimale qui tient compte de leurs ventes antérieures. Ainsi Lah Ba Tshang touchait la différence entre les ventes réelles de son dernier numéro (qui date de février 2015) et celles que le diffuseur Messapresse avait anticipées en me payant le jour où le produit leur a été livré.

Le prétexte de ce compte rendu n’est pas de faire le bilan de Lah Ba Tshang. Il va au-delà pour parler de la viabilité des journaux partisans au Cameroun et plus spécifiquement des journaux partisans proches de l’Upc, comme le sont Lah Ba Tshang et La Voix du Cameroun.

Au niveau national en ce moment la plupart des grands partis politiques ont tous expérimenté la parution d’un journal pour leur compte propre. L’Upc n’est pas le seul à le faire ou plutôt l’Upc n’est pas le seul à l’avoir fait. Le Rdpc, le Sdf, l’Undp, l’Udc, le Mdr et depuis peu le Mrc produisent ou ont déjà produit des périodiques pour informer le grand public sur leurs activités. Reste qu’au-delà des parutions à l’occasion des évènements bien précis, il se pose un vrai défi de survie et de viabilité économique de ces journaux.

Le challenge de la pérennité n’est pas toujours remporté. Ceux qui fréquentent avec assiduité les kiosques camerounais ont certainement noté que « L’Action » est le journal le plus régulier dans la catégorie « Journaux affiliés à un parti politique ». Il fait la course en tête même si lui-même n’est pas un modèle de régularité. Il faut s’interdire d’aller le chercher tous les lundi, mardi, mercredi, jeudi ou vendredi comme on le ferait d’un quotidien. Il faut s’interdire d’aller le chercher toutes les semaines comme on le ferait d’un hebdo. Il faut s’interdire d’aller le chercher toutes les deux semaines ou tous les mois comme on le ferait d’un mensuel. Il parait néanmoins. Le plus souvent à l’improviste mais chaque fois que l’occasion se présente. Outre les informations propres et internes au Rdpc, il donne le regard de ses dirigeants sur les sujets de l’heure. La justification du rythme des dépenses et des investissements publics, la position de leurs dirigeants sur le terrain social, leur empreinte culturelle ou sportive, etc.

Derrière « l’Action » du Rdpc, ne cherchez plus « Sdf Echos », le journal du 2e parti politique du Cameroun, ni « Undp News » le journal de la 3e formation politique du Cameroun. Leur dernier séjour dans les kiosques de Messapresse date d’au moins 15 ans. Vous avez bien lu, depuis plus de 15 ans, les dirigeants de ces grands partis n’ont plus produit un journal dont ils espèrent que les ventes peuvent leur apporter quelque chose pour amortir les charges de production. Ces derniers temps, on a pu noter la présence de « Renaissance », un journal très bien fait et affilié au Mrc, le parti à la mode du Pr. Maurice Kamto. Sans toutefois jouer aux Cassandre, « Renaissance » va bientôt rejoindre ses cendres lorsque le parti qui le porte va cesser d’être de mode.

En fait, ces derniers temps, et les statistiques de Messapresse le montrent, « L’Action » et « Renaissance » se disputent l’encombrement des kiosques à journaux avec une kyrielle de journaux partisans plus ou moins affiliés à l’Upc. Malgré ses batailles internes voire, grâce à elles, l’Upc présente le meilleur potentiel de survie dans la catégorie « journaux affiliés à un parti politique ». Il s’agit de rendre effectif ce potentiel, de la façon dont Lah Ba Tshang l’a établi.

Parler de la viabilité économique d’un journal affilié à un parti politique consiste à trouver un équilibre stable de ses différentes sources de financement. On distingue le financement par le haut (la trésorerie du parti, voire les publicités supportent toutes les charges de production) et le financement par le bas (les ventes des journaux accompagnent et remplissent toutes les charges du journal).

Cet équilibre est celui que tous les journaux recherchent même s’il y a des publications atypiques. C’est le cas par exemple des journaux gratuits qui se financent seulement par le haut (publicités) ou celui de l’Hebdo satirique français, Le Canard enchaîné qui se finance par le bas en refusant toute publicité pour ne vivre que des efforts de ses lecteurs qui d’ailleurs payent un peu plus cher leur journal. Ceci pour dire que tout journal, qu’il soit partisan ou non, doit pouvoir se constituer son équilibre sur les bases de la projection de ses sources de financement.

En raison de la culture de l’Upc, de ses pratiques et de sa tradition, le mode de financement qu’il faut le plus promouvoir est celui du financement à la Canard enchaîné, c’est à dire un financement par le bas. C’est celui qui convient le mieux à un parti politique dont l’essence est populaire. Le comprendre c’est intégrer que l’appui de la trésorerie du parti doit être marginale afin de ne pas aliéner son indépendance et ne pas aliéner ses lecteurs. C’est ce que Lah Ba Tshang avait compris.

De façon précise, s’il fallait faire un tableau dans lequel on a une ligne horizontale qui représente les charges du journal et tout au long une courbe qui traduit les ventes au numéro, on aurait un graphique qui slalome autour de cette ligne horizontale, la dépassant quelques fois mais restant bien en dessous de façon tendancielle.

En terme moins technique d’analyse de gestion, on dira que les ventes de certains numéros de Lah Ba Tsang ont dépassé le coût de leur production même si globalement les ventes étaient en dessous des coûts de production. Assurer la pérennité de Lah Ba Tshang à travers sa survie économique revient donc à financer ce gap tendanciel par des apports extérieurs. C’est ce que je fais depuis 2007 sans trop me plaindre parce que ce gap tendanciel est faible, voire avantageux au regard des motivations qui ont précédé la création de ce journal.

Il faut le savoir et le comprendre, j’ai créé Lah Ba Tshang en 2007 pour résoudre un problème. C’était au lendemain de ma première expérience électorale. Face à un score très en deçà de mes espérances, j’avais alors pensé qu’il me fallait davantage m’investir sur le terrain médiatique sous mes couleurs partisanes. Je l’étais déjà avec Ouest Echos et je ne souhaitais pas faire d’amalgame.

Ouest Echos c’est certes une structure que j’ai créée en 1994, mais elle appartient à tous ceux qui en vivent, une vingtaine de salariés qui n’ont pas à souffrir de mon engagement partisan et à partir de là, il fallait penser à une démarcation qui ne les oblige pas. Je me suis ouvert à un ami et grand frère, Anicet Ekanè qui m’a dit « trouve un nom en Bamiléké, ce sera un marqueur pour ta cible ». En fait une vraie fixation chez celui qui a suggéré à Henriette Ekwe de donner le nom « Bebelà » au journal qu’elle a créé après. Convaincu par ce conseil, je suis rentré à Bafoussam jeter les jalons d’un journal partisan totalement dédié à l’Upc. Je lui ai donné le nom de « Lèpweu » qui dans ma langue maternelle veut dire « Indépendance ». Au moment d’aller à l’imprimerie, j’ai rencontré feu André Fotchou à qui je me suis ouvert, il m’a tenu un discours conforme à ce que feu Kodock nous racontait : « Michel, c’est quoi cette obsession sur l’Indépendance ? Le pays est indépendant camarade, il est mal géré mais il est indépendant.

L’Indépendance et la Réunification sont dépassées. Change de nom et trouve quelque chose qui se rapproche du troisième pilier de l’Upc ». Je l’ai trouvé très convaincant dans son argumentaire et je lui ai dit « Quoi donc ? ». Il a hésité quelques temps puis il a dit « Par exemple Lah Ba Tshang ». Étymologiquement cela veut dire « le pays cherche (travaille) » mais mot à mot il ne renvoie pas à cette seule vérité. C’est en fait une expression précieuse pour dire « solidarité et partage ». Elle n’apparait même pas dans le langage commun. C’est en 1995 que j’ai personnellement entendu cette expression pour la première fois. J’étais rentré d’un reportage à Cotonou au Bénin et là-bas j’avais acheté un boubou Yorouba pour mon père. Quand je le lui ai offert, il m’a dit « Lah Ba Tshang ». Je lui dis « hein !? », il a repris « Lah Ba Tshang » ! Il fallait que je m’assure que mon père n’était pas en train de m’insulter…

En sortant de chez André Fotchou, mon idée avait évolué. Ceux qui ont lu le premier numéro de Lah Ba Tshang ont certainement noté que dans certaines pages de cette première édition, pour parler du même journal, on disait plutôt « Lepweu », comme quoi la caque sent toujours le hareng…

L’ouverture et la flexibilité qui m’ont accompagné au début de Lah Ba Tshang ont été des bonnes fées sur le berceau de ce journal qui est aujourd’hui, statistiquement parlant, le plus viable de la galaxie de l’Upc.

J’ai des données pour les autres journaux papier. Notamment « La voix du Cameroun » version Kodock/Papy Doumbè, « La Voix du Cameroun » version Bapooh Lipot, « La Voix du Cameroun » Pr. Bahebeck. « La voix du Cameroun » version Woungly Massaga est restée cybernétique et sa version papier n’a pas été mise sur le marché. Tous pèchent par ce déficit d’ouverture qui fait la force des journaux de Gauche portés par des soutiens populaires.

Comprendre le succès de Lah Ba Tshang revient aussi à faire le constat que c’est le seul journal de la galaxie de l’Upc avoir publié tour à tour les interviews ou les réflexions de Ndeh Tumazah, Woungly Massaga, Augustin Frédéric Kodock, Siméon Kuissu, Samuel Mack kit, Henri Hogbè Nlend, Henriette Ekwè, Louka Basile, Adolphe Papy Doumbè, Charly Gabriel Mbock, Bernard Ouandji, Daniel Yagnyè, Ouaffo Jean Armand, Onana Victor, Sende Pierre, Ninga Tjaï Augustin, André Mounè, Mboua Massock, Jean Michel Tekam, Bakang Ba Tonjè, Berthe Niemeni, Maurice Makek, Vincent Mougnanou, Jean Pierre Djemba, Tchoumba Ngouankeu et tant d’autres anonymes célèbres, qui n’ont en commun que de s’afficher avec l’Upc. Le public de l’Upc d’une certaine façon a plébiscité l’inattendu. Ce n’est pas le cas avec les différentes versions de « La Voix du Cameroun » qui se sont muées en de formes de monologue de ceux qui les sponsorisent.

Dans ce cas, ceux qui soutiennent le guide narcissique n’achètent pas le journal parce qu’ils attendent qu’on le leur donne. Et pour des raisons évidentes, ceux qui sont attaqués et salis dans ces journaux ne sont pas les premiers à les lire. L’inattendu et l’ouverture donnent la force à un journal de Gauche. Les positions ultra libérales de Bernard Ouandji qui prône le démantèlement des barrières douanières doivent pouvoir côtoyer celles de Daniel Yagnyè qui a théorisé le Contentieux Historique. Dans le même journal, on doit pouvoir trouver les réflexions de l’increvable Woungly Massaga qu’on aura auparavant discipliné en lui demandant de circonscrire ses textes en deçà de 7000 signes. C’est ce que Lah Ba Tshang a fait, là où les autres se fermaient à toute contradiction.

Une autre anecdote pour illustrer. En février 2008, Augustin Frédéric Kodock signe une note pour dissoudre la Coordination de l’Upc à l’Ouest et m’insulter comme il savait le faire. Celle-ci est évidemment publiée dans sa « La Voix du Cameroun » avec un commentaire au vitriol de Papy Doumbè. A sa grande surprise, la note est reprise et publiée dans Lah Ba Tshang avec l’argumentaire du secrétaire général de l’Upc. Tout à côté, la position de ceux qui défendaient la Coordination est aussi présentée et développée (feu André Fotchou et moi). Quelques mois plus tard, Kodock reviendra sur sa décision…

A l’heure où je manque d’énergie pour animer Lah Ba Tshang, peut-être parce que je m’émousse, peut-être aussi parce que je n’ai plus peur que mon engagement partisan vampirise la gagne-pain des salariés de Ouest Echos, peut-être aussi parce que l’Upc est lassant, à l’heure où pour mille et une raisons, je manque d’énergie pour animer Lah Ba Tshang, j’ai la satisfaction d’avoir vu et prouvé qu’un journal partisan était économiquement viable dans notre contexte. C’est un enseignement pour ceux qui aspirent à prendre la relève. « La Voix du Cameroun » est économiquement viable, à la seule condition de privilégier l’ouverture, l’argumentaire et le débat, de tourner le dos à l’ostracisme et d’éviter les fatwas.


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Et si la presse était reconnaissante à la distribution: cas du Cameroun où Messapresse était dans le cyclotron

Par Hamoua Baka Armand, Expert en distribution presse, Ancien du système NMMP-Paris

I : UNE LOINTAINE HISTOIRE
Hormis la multiplicité des titres qui a enrichie les gorges des linéaires et le nombre de points de ventes qui a progressé, Le paysage de la presse écrite a toujours gardé un opérateur historique avec ses mêmes techniques de dispatching.

Dans les années 1950 à 1960, on a quelques ouvrages et titres qui sont mis en vente ou à la disposition des usagers a travers certaines administrations. Ainsi le journal officiel, l’Effort Camerounais, sont les pionniers. Les autres revues sont celles provenant directement d’Europe à travers les voyageurs qui rallient le Cameroun par avion ou par bateau, surtout des revues pornographiques qui aident des hommes solitaires à surmonter leur chasteté et abstinence (Clergé, soldats au front, maquisards, coopérants.) aussi quelques tribunes pamphlétaires à l’endroit du colonisateur et de ses serviteurs.

Entre 1960 et 1970 Le besoin accru de formation et d’information de la jeunesse et des cadres de l’administration camerounaise entraînent la mise en place du secteur de l’édition et de la distribution. L’agence Camerounaise Hachette pour l’importation des manuels scolaires Européens, l’imprimerie Nationale pour l’édition des documents administratifs, le CEPMAE pour le livre local.

L’Agence Camerounaise HACHETTE, l’ancêtre de Messapresse et de Presstalis commence donc la distribution en approvisionnant surtout les librairies en livres et accessoirement la Presse (Nous Deux, Pirogue, le Perroquet, La Gazette et les bandes dessinées (Akim Color, Yataga, Antarès, El Bravo, Tintin, Etc.).

Le Début des années 1980 est marqué par la maturation des formations données aux journalistes formés à l’ESSIJY

avec son tout premier directeur en la personne d’Hervé BOURGES ; les produits qui en sortent sont de bonne facture, mais commencent à se sentir à l’étroit dans ce microcosme constitué par Cameroon tribune, Radio Cameroun, le Ministère de l’Information et la toute nouvelle chaîne de télévision CTV(Cameroon Télévision) de Florent ELY ETOGA. Vers la fin des années 80, l’effondrement du mur de Berlin, la fin de la guerre froide Est-Ouest qui débouche sur la Glasnost, le discours de la Baule de Mitterand dans la Loire-Atlantique, sonnent le début des revendications en Afrique et au Cameroun.

Des journalistes en sous-emploi, des opportunistes (hommes d’affaires, politiciens et étudiants en fin de séjour) soudainement revenus de leur exil Européen s’organisent pour faire plier le pouvoir de Yaoundé. Ils trouvent sur place des ingrédients nécessaires pour mettre le feu aux poudres : Le sureffectif à l’université de Yaoundé ou des étudiants désormais sans bourse contestent au jour le jour au point de susciter la réforme dite de Titus Edzoa qui décide de scinder cette vieille institution universitaire en plusieurs nouvelles universités régionales ; les déflatés du secteur public, des sociétés d’Etat qui résultent des ajustements structurels imposés au pays par les institutions de Bretton-Woods, qui revendiquent leurs droits et primes de reconversion (DSA), les journalistes pourchassés pour leur idées subversives composent ensemble : Les uns créent et gèrent les organes de presse les autres alimentent les colonnes par des dénonciations intempestives à caractères socioéconomique et surtout politiques : La Presse écrite vient de se trouver un filon d’or ; les ventes aussi explosent.

II-LA METAMORPHOSE DE LA DISTRIBUTION :
Aidé par la libéralisation du secteur de la presse et de l’audiovisuel, l’unique distributeur pense à faire un réajustement structurel et tactique. Les transformations s’opèrent très vite. L’Agence Camerounaise Hachette du groupe Lagardère croise avec Sopecam pour faire Messapresse.

La vision cyclopéenne des anciens managers et cadres que sont Mme Anguissa, Messieurs Bagnole, Filippi, est révisée par des faucons plus incisifs : Emsellem et Perez puis Remi Touzeau qui conduira et écrira les plus belles pages de Messapresse avant de s’envoler pour Pointe à pitre(Guadeloupe) puis Abidjan d’où il était venu et sera affecté à Dakar à la veille de la brouille Ouattara-Gbagbo.
Touzeau poursuit l’ uvre de modernisation mis sur pied par Emsellem multipliant les points de vente et favorisant les éditeurs afin qu’ils puissent produire sans tracasseries : La Caution de tirage par lettre de couverture est instituée.

Touzeau est un homme de réseau au Cameroun comme en France. Ce pilote amateur de Bateau et d’avion est très écouté de la toute puissante Direction de la gestion des Filiales de NMPP à Paris dirigée par Jean Michel Pravaz et Marquis sous l’autorité suprême de Etienne Cassignol qui viendra d’ailleurs exceptionnellement à Douala réconforter Touzeau, pris de plein fouet par la récession de 1993, décrétée par son compatriote Michel Roussin alors ministre de la Coopération sous Balladur (La dévaluation du CFA).

Touzeau, pale et taciturne à première vue, est un stratège qui sait ce qu’il faut mettre dans du lait pour obtenir du yoghourt : son personnel d’encadrement est traité avec beaucoup d’égards et il exige en contrepartie une efficacité à la dimension des avantages qu’il obtient de haute lutte de Paris pour ses collaborateurs ; tout le monde lui obéira volontiers, excepté dans certains cas où il perdait la lucidité.

III : LE COUP DE POUCE A LA PRESSE AU RISQUE DE FÂCHER YAOUNDE

Sopecam est une société d’Etat camerounaise ; Hachette l’un des actionnaires des NMPP dont dépendent stratégiquement ses filiales est Français. Les relations entre la France et le Cameroun sont parfois tumultueuses, mais les deux acteurs savent fumer le calumet de la paix. Ce détail est important pour comprendre la suite du développement entre l’administration Camerounaise et MESSAPRESSE.

Depuis le ralliement des groupes de presse et des journalistes indépendants au système de distribution de Messapresse il y a du rififi dans l’air. La parfaite organisation de cette impressionnante machine est telle que le Cameroun entier est inondé d’informations agaçantes pour le pouvoir en place à Yaoundé (en moins de 48 heures): terre, rail et avions rendent efficaces la diffusion des titres : De nouveaux titres affluent, les articles fusent de partout écrits par du tout-venant c.-à-d. des mains expertes et, des mains de scribouillards. La presse officielle Cameroon Tribune, pourtant alliée de Messapresse, en perte croissante de lectorat, ne bénéficie pas toujours de la même attention accordée à la presse dite d’opposition basée à Douala. C’est bientôt la guerre des tranchées. Les ponts d’Ebebda au Centre et de la Dibamba dans le Littoral sont les symboles de ligne de rupture entre les opposants au système de Yaoundé et les loyalistes. Le pouvoir central renforce la censure préalable. Les pages entières des journaux sont décorées de rayures et hachures qui portent la marque d’un homme : Pascal Mbozo’o, le Chef de cabinet du gouverneur Koungou Edima Ferdinand, gouverneur du Littoral à Douala. Pour échapper à la suspension des titres qui est décidée à Yaoundé par le Directeur des Associations et Partis politiques du Minat, Eric Essousse, certains directeurs de publications font la navette entre plusieurs titres qu’ils créent à la « va comme Dieu me pousse » : Les plus coriaces sont Séverin Tchounkeu avec la Nouvelle Expression qui, une fois suspendue, devient Expression Nouvelle ; Pius Njawe avec Le Messager qui devient La Messagère; Patrice Ndedi Penda avec Galaxie qui devient ironiquement l’Ami du peuple, Michel Michaut Moussala avec l’Aurore qui vire à 90° vers Aurore Plus, Etc . Les autres à l’instar du Combattant de Benyimbe Joseph,
L’Opinion
du tandem Kameni Lucien-Dikoume Mbonjo, La Vision de Edouard Kingue, Soleil d’Afrique de Fankam, La Détente de Samuel Eleme, Le Journal de Douala de Zang Desjoies, International News Hebdo de Fotso Ayata, Dikalo du binôme Noubissie Ngankam-Thomas Patrick Eyoum à Ntoh préféraient parfois paraître avec la décoration du censeur ou de le défier en passant outre son cabinet.

Messapresse à un moment ou à un autre était taxée tantôt de partisane au régime de Yaoundé, lorsque le vent anti-français prônant le boycott soufflait, à cause de sa proximité avec Sopecam; ou alors de complice des opposants par les pouvoirs publics parce que véhiculant des titres aux articles irrévérencieux et incendiaires à son endroit.

Cette entreprise était donc une situation de bigarrure très inconfortable. En effet, Messapresse qui préfinançait les frais d’impression de la presse locale de Douala dans la toute nouvelle imprimerie Rotoprint du très hargneux Benjamin Zebaze, devait s’assurer du remboursement desdits frais en distribuant obligatoirement les titres mêmes censurés.

Devant l’hésitation de Messapresse à distribuer un titre censuré, le directeur de publication menaçait de porter plainte ou même de se distribuer lui-même en violation de la clause d’exclusivité du contrat de distribution, chose qui apparaissait comme blasphématoire aux yeux du distributeur.

Sur l’entêtement de Messapresse à respecter ses clauses contractuelles avec ses irréductibles clients, le chef de la Province d’alors, ordonna qu’un poste de police permanent soit installé à Rotoprint, dans le quartier de Bonabéri, de l’autre côté du Fleuve Wouri. Des patrouilles mixtes sillonnaient la ville à la recherche des titres suspendus continuant de paraître clandestinement ou s’étant soustrait aux hachures du censeur. Dès lors le travail était devenu insupportable. Tout le secteur de la Presse écrite et le sous-secteur distribution vit « au petit bonheur la chance ». Par un après-midi du mois d’août 1992, une escouade de la police militaire pris position autour de la direction générale de Messapresse sise dans les entrepôts de Socopao dans la zone portuaire, derrière le Meridien Hôtel. Prétextant de retirer les exemplaires d’un ouvrage outrageux du Général d’armée Asso Emane Benoit à l’endroit de ses chefs, les militaires foncèrent vers le bureau de Touzeau qui à son tour ne demanda pas plus d’une fois au commercial Nga Lucas de leur ouvrir le magasin réassort. Après une inspection complète du siège restée infructueuse ils durent se retirer, vraiment dégonflés comme des ballons de baudruche.

Un vent de panique s’empara de tout l’Etat-major de Touzeau qui recommanda d’arrêter toute distribution des titres enfreignant au dépôt de la morasse chez Mbozo’o et par la suite Naseri Paul Bea, son remplaçant au poste. L’imprimerie de Benjamin Zebaze est au bord de la faillite, les éditeurs aussi. Messapresse ne peut s’en sortir qu’à cause de la rentrée de septembre au cours de laquelle les recettes de sa seconde activité de grossiste de librairie lui permettent de bonder ses comptes en banques. Benjamin Zebaze en profite pour monter une unité de distribution avec son staff : Njoume, Abi Donfack, Désiré Makondo et Nadine Zebaze, son épouse faite Directrice. Il comprendra très vite à ses dépens que la distribution c’est la mutualisation. En dehors du Quotidien et de Challenge Hebdo, ses deux publications, aucun éditeur ne lui confiera la distribution de son titre. Badaboum. ! L’aventure tourna casaque.

Entre temps, les éditeurs frondeurs de Douala viennent se faire imprimer à Yaoundé chez Sopecam qui croit par là gagner quelques sommes d’argent pour suppléer à la mévente de Cameroon Tribune qui tire désormais à moins de 5000 Exemplaires par jour et a même supprimé l’édition anglaise et le magazine du vendredi, Week-end Tribune. C’était sans compter avec l’étreinte asphyxiante de l’Etat qui ordonna à la direction générale de Sopecam de ne plus imprimer les journaux d’opposants y compris ceux du Gabon dont Misamu et Le Bucheron du père Mba Abessole. Le Père Omar Bongo de Libreville vivait la même situation socio-politique que son homologue au Cameroun.

Voici donc certains Journaux camerounais qui vont désormais se faire imprimer au Nigéria voisin à défaut de tirer dans de petites imprimeries de fortune en offset et monochrome (noir et blanc) : Cameroon Post de Paddy Mbawa, Weekly Post de Chief Etahoben, Le Messager et bien d’autres. Les conséquences sont multiples : parution désormais irrégulière et au petit bonheur, tracasserie avec les services de douane nigériane et camerounaise, papier mouillé par les vagues scélérates en haute mer, non maîtrise des quantités produites, livraison en saccades, etc.

Cette façon de faire en dehors de la bravoure et de la ténacité de la presse indépendante de montrer à l’autorité administrative qu’elle peut paraître coûte que coûte et vaille que vaille n’est pas prolifique. Dans cette posture que fallait-il faire?
Après plusieurs concertations entre Editeurs et le Distributeur, il apparaît que Messapresse est solidaire du feu nucléaire qui s’abat sur ses clients ; une vieille maxime dit que : « c’est dans le malheur qu’on connait ses vrais amis ». Messapresse, l’ami des éditeurs, décide de passer une fois de plus à l’action.

Un comité de crise est mis sur pied à Messapresse pour éviter le naufrage de la presse locale pourtant très rentable, il y a très peu de temps. Les éditeurs reprennent le tirage chez Rotoprint et tirent désormais exclusivement de nuit. Fidèle à ses habitudes, Benjamin Zebaze imprime d’abord en priorité ses titres, ce qui fait grincer les dents de ses pairs ; à certains moments, on l’accuse de lire les informations en scoop dans la morasse de ses confrères parvenue à son imprimerie avant de faire son bouclage nuitamment. Il reviendra d’après leurs dires, déclasser l’ordre d’impression pour passer en force et paraître en premier avant tout le monde. Fatigué de cette pratique déloyale Séverin Tchounkeu, l’un des meilleurs de l’heure, se battra pour acheter sa propre rotative, Boniface Forbin du Journal Anglophone The Herald lui emboîtera plus tard le pas à Yaoundé, suite aux frasques quelques peu similaires de Sopecam.

Pour échapper au contrôle à l’entrée de l’imprimerie, Un trou est fait dans le mur arrière de Rotoprint par où passent en toute clandestinité les paquets de journaux, en pile de 500 exemplaires. La fourgonnette Toyota-Hiace est presque pleine par une nuit de travail avec le journal Dikalo, lorsque soudain, des coups de feu de semonce nous stoppent nets. Deux thèses sont possibles : Soit nous avons été trahis ou alors l’intuition des flics qui écoutent la rotative vrombir sans jamais voir les journaux franchir le poste de contrôle les a poussés à explorer les contours de la manufacture.

Encerclés, notre très courageux chauffeur Nelle reçoit ordre de conduire le véhicule au Camp du Groupement Mobile d’Intervention (GMI) ; sous très forte escorte nous arrivons dans la cour du GMI où un comité d’accueil nous attend. Le statut de multinationale française de Messapresse dissuade les policiers en treillis et survoltés par de longues heures d’exercices anti-émeutes de nous passer à tabac ; Touzeau est au courant depuis sa résidence du marché des fleurs à Bonapriso, en cette nuit pluvieuse. Nous y sommes retenus jusqu’au petit matin. Auparavant le Commandant du GMI, le Commissaire Etabi Léon nous fera des remontrances et nous distillera dans un ton magistral des rappels de cours de droit pénal spécial. Sur instructions du bouillonnant divisionnaire Peh Peh Ebenezer étant chef de service provincial de la Sûreté nationale du Littoral, notre véhicule nous est restitué sans la cargaison, ce qui ne sera pas du goût de Emmanuel Noumbissi Ngankam remonté contre tous, car se justifiant d’une ligne éditoriale centriste ou plutôt modérée. L’intervieweur de Grégoire Owona dans RDPC : Un bateau dans la tourmente distribué par Messapresse (lui-même G.OWONA, ancien Directeur de publication de l’hebdomadaire Peuple d’Afrique) n’aime pas du tout qu’on lui marche sur les plates bandes depuis ses bisbilles avec Pius Njawe ; il est très exigeant et s’efforce de faire paraître la version dupliquée du Messager (Dikalo c’est le Messager en Duala) avec ou sans l’aide de Messapresse, mais toujours insatisfait des résultats de ventes que lui ramène son collaborateur Ndoki. Noumbissie veut dans un temps court supplanter les chiffres de ventes du Messager pour prouver à son ancien patron qu’il était vraiment talentueux (il l’est en fait puisqu’aujourd’hui est un valeureux fonctionnaire de la Banque Mondiale).
Deux jours après, c’est un nouveau coup de filet : les bidasses justifient vraiment leur solde lorsqu’ils pourchassent çà et là les vendeurs-colporteurs qui polluent les villes du Cameroun avec tantôt l’affaire Robert Messi Messi (Jeune Afrique Economie N°155 année 1992 de Blaise Pascal TALLA), interdit de vente au Cameroun et abondamment relayé par la presse locale ou alors celle de Ebale Angounou, le jeune ami du président de la République dont le Messager seul avait les sources.


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Un autre jour de malchance, sur le pont du Wouri une patrouille mixte saisit notre chauffeur Njieli Michel. Son âge avancé lui garantit un traitement de faveur. Sa cargaison est juste retenue et son véhicule restitué. Un autre véhicule banalisé transportant la presse venant du Sud-ouest est « arraisonné ». Les occupants tentent de se jeter dans le Wouri pour échapper à la rage méphistophélique des hommes en tenue ; peine perdue, ils sont maîtrisés et les éclats de voix déchirent la nuit profonde à réveiller « mami-water » la sirène du fleuve Wouri. Le lendemain au petit matin c’est la razzia de tous les titres sans distinction dans les kiosques ; la marée-chaussée fait parler d’elle à nouveau. Les bureaux de Messapresse sont pris d’assaut par les kiosquiers venu exprimer leur ras-le-bol. Pius Njawe avec son organisation Ocalip (Organisation camerounaise pour la liberté de la presse) programme et marche dans le Douala administratif avec l’ensemble des kiosquiers et certains confrères éditeurs désemparés. Au niveau de la comptabilité à Messapresse, le travail nous inonde pour passer en crédits spéciaux par ajouts de lignes des quantités saisies par les forces de l’ordre aux mains des crieurs. A certains moments, les éléments des forces de l’ordre commencent à marchander de vulgaires attestations de saisie en échange de pots de vin. Ce commerce d’un genre nouveau qui enrichit gendarmes, policiers et petits crieurs dessine la descente aux enfers des éditeurs dont les comptes par moments passent débiteurs.

Rien ne va vraiment plus ; au sourire jovial des cadres chaque matin à l’endroit du personnel de la distribution, succèdent un regard de torpeur. Par interphone et téléphone nous nous passons des petits commentaires: Flaubert Tefoung, Fabien Noumbouwo, Ngobo Charlotte, Sindjui Etienne, Jean Paul Kamga, Bassom Marie Claire, Jean Oscar Omam et moi-même. Nous buvions beaucoup de café ou de thé au point où en cette période critique, nous n’avions plus du tout envie d’en commander chez Solange la fille du ménage. Touzeau vint à mon bureau pour me donner un fax venant de Londres ; il me lança une boutade lorsqu’il me vit siroter une amère tasse de café sans sucre : « Armand tu bois encore du café ? .Attends je vais te commander des croissants ! » Il se perdit dans le long couloir climatisé, pendant que je pouffais de rire en m’arrosant de ce café que je buvais en pensant à ma reconversion qui ferait suite à une éventuelle fermeture de la boite.

Mes craintes se confirmeront bientôt, l’agence de Garoua fermera, celle de Yaoundé mise en hibernation, le siège de Douala passera sur le grill de la restructuration, nous laissant pantois, même si nombreux d’entre-nous étions passés entre les fourches caudines du toilettage décidé par Paris.

Il faut se rappeler que tout le temps où nous étions persécutés, Touzeau saisissait ipso facto le consul général de Douala: Monsieur Raymond Petit, qui, à son tour, avait interpellé le Chef de Mission Diplomatique, l’ambassadeur Yvon Omnes, puis le Quai-d’Orsay. C’était pour une double précaution : sa sécurité personnelle et la protection des intérêts de la France. Touzeau disparut un matin de Douala, en cravate et une chemisette courte manche, comme il en portait rarement ; J’apprendrai quelques jours après de la voix vive du secrétaire général de la Présidence, Joseph Owona, qu’il m’avait précédé dans son bureau d’Etoudi et était même assis dans le fauteuil que j’occupais ; lui venait pour régler les problèmes incandescents de la presse, tandis que, préparant un voyage privé à Fort Worth-Dallas(USA), je venais sur les conseils de Rémy Ze Meka alors secrétaire général du Premier ministre Achidi Achu, me faire aiguillonner auprès de mon ancien Chancelier d’université.

Un mois après, Timothy Baldwin, le président de la FIEJ (Fédération internationale des éditeurs de journaux) et Robert Menard, le président de Reporters sans frontières, vinrent s’enquérir du musellement de la presse au Cameroun. Toujours est-il que, après toute ces interventions, une forme d’accalmie se précisa jusqu’à l’entrée en vigueur des textes d’application de la nouvelle loi sur la communication introduisant la censure à postériori.

A un moment donné, le traitement des informations dans la presse n’était plus du goût des lecteurs ; cette baisse d’attractivité venait du fait que la classe politique de Yaoundé avait décidé de fermer toutes les vannes par où s’échappaient les secrets d’Etat. Une purge sans merci digne des dragonnades sera lancée contre les cadres de grandes entreprises et grand commis d’Etat jugés proche de l’opposition. Ceux qui payeront en premier les frais furent à titre d’exemples, Célestin Monga, qui, cadre financier à la BICIC, se vit contraint de s’exiler vers les Etats-Unis après son refus de rejoindre son nouveau poste de directeur d’agence de Kumba qui était en fait une affectation disciplinaire voilée.

A Yaoundé, Vianney Ombe Dzana, suspecté d’être correspondant de la presse d’opposition, sera remercié sans façon de la Société nationale d’investissement (SNI), le poussant à se reconvertir comme directeur de publication de l’hebdomadaire Generation. A la CTV/CRTV, la chaîne de télévision nationale, des journalistes chevronnés comme André Parfait Bell, Ntemfack Ofegue durent renoncer à leur service parce que harcelés par une hiérarchie qui les trouvait trop indépendants et s’éloignant de la ligne éditoriale de cette entreprise d’Etat.

La presse privé radicale et militante pour un changement de pouvoir, sevrée de scoops, va tellement mal en point où les lecteurs préfèrent feuilleter, lire, avant de se décider d’acheter ou pas : c’est la naissance, l’origine du phénomène de la location des journaux. Dans cette nouvelle configuration, la vente au numéro bien qu’étant en régression profite mieux aux petits vendeurs ambulants qui se frottent les mains. En fait, la technique de location est simple : Le vendeur-colporteur connait les bureaux de plusieurs cadres. Le matin vers 8h après la répartition chez le kiosquier, il fait des dépôts des titres souhaités par son lectorat moyennant un taux forfaitaire de 100 Fcfa par titre. Il peut placer 3 titres différents correspondant au prix facial d’un hebdo à l’époque soit 300 Fcfa. Le calcul du locataire est simple : il lit, photocopie 3 titres pour le prix d’un ; Vers 15 h de l’après-midi « le bailleur d’informations », passe au ramassage.

Dans un espace où on peut recenser 20 employés intéressés par cet allègement du budget dédié à la lecture, le petit vendeur se retrouve avec au bas mot avec 6000 Fcfa par jour, chose très au dessus de ce que pourrait lui payer le kiosquier au terme d’une journée de dur labeur (10% de 300Fcfa=30Fcfa par journal vendu) . Pour comprendre l’ampleur du phénomène, il faut l’étendre à l’ensemble de tous les titres presse locale et presse internationale comprise et faire une multiplication à la totalité des vendeurs du réseau. C’est une catastrophe, le taux moyen d’invendus oscille autour de 70% !
Estimation de la perte enregistrée par Messapresse-Cameroun suite au phénomène de la « location des journaux ».


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Nota Béné :
* Le chiffre d’affaires de MESSAPRESSE ici présenté est une estimation de l’auteur avec un indice de confiance à 0.95. Donc proche de la réalité telle que vécue à la direction financière.
* La presse s’entend ici par : la presse importée+Presse Locale.
Le taux de perte estimé résulte du rapport 3.000.000.000/630.000.000 contenu dans le tableau 2.

Commentaires : Sur une période de 5 ans, Messapresse a perdu l’équivalent d’une année de chiffres d’Affaires liée au nouveau phénomène de « Location de journaux » soit: 3,738 Milliards de Fcfa.

Une enquête est menée, sur la rage des éditeurs à voir leurs résultats de ventes qui montrent de piètres chiffres. Certains kiosquiers confirment aux commerciaux de Messapresse l’existence de deux types de trafics pernicieux : La mise en vente des passes et la location des journaux. Les représailles vont commencer:

Dans le premier cas, on a vite compris que les machinistes et certains préposés des éditeurs étaient les responsables de l’animation d’un réseau parallèle qui mettait les titres en vente avant même que Messapresse n’ait traité la distribution. Un contrôle dans les imprimeries de Douala et de Yaoundé consistait à débarquer dans les laboratoires de l’imprimerie au moment de l’insolation des plaques, afin d’éviter qu’elles soient faites en double ; puis Messapresse assistait au tirage du début à la fin, chose qui permettait à l’équipe de veille à récupérer toutes les passes, de les détruire en même temps que les plaques préalablement extirpées des cylindres de la rotative.
Dans le second cas, c’est les kiosquiers qui eux-mêmes font le ménage ; ils ont décidé de bouter hors du réseau vendeurs-colporteurs véreux et de les remplacer par des agents supposés saints. Peine perdue. Le système était déjà soviétoïde ; comme dans un schéma de reproduction de la classe sociale, les anciens avaient déjà transmis aux nouvelles recrues les techniques de la spoliation, ainsi de suite. Un vrai cancer à métastases. Alors que fallait-il faire ? Nous nous sommes penchés sur le cas et voici la thérapie de choc à administrer qui fut retenue!

1- Action sur les quantités : Comme pour réguler dans une maison où les rats prolifèrent, en vidant les poubelles, Touzeau ordonne la réduction des services de moitié pour tous les gros crieurs ; ceci doit permettre de créer une pénurie artificielle, de mettre à mal les petits vendeurs qui n’auront plus un grand stock à mettre en location. Les grincements de dents se font entendre ; certains vendeurs quittent d’eux-mêmes leur ancien patron et migrent ailleurs pour trouver fortune. Entre-temps, nous contrôlons et réglons les services clients à la limite de la moyenne des ventes réalisées sur une période. Le corollaire étant une recommandation aux éditeurs de baisser le tirage. Certains l’acceptent volontiers, d’autres rechignent en arguant un accroissement des coûts d’impression moins que proportionnel lorsqu’on tire bas. La réalité c’est la crainte de perdre des annonceurs qui regardent plus les tirages et parfois les ventes dont on ne communique pas trop les chiffres classés confidentiels. Les éditeurs adorent les grands chiffres qu’ils fabriquent eux-mêmes, lorsqu’il le faut ; c’est la technique dite de : Window dressing.

2- Action sur la présentation : Le magazine Jeune Afrique Economie est dans le top 10 des meilleures ventes dans les années 1990. Il sort de Paris avec pour chaque exemplaire un film de protection. Pour l’acheter, ce n’est qu’en lisant la « une » et la « quatrième » de couverture qu’on se décide. Ses exemplaires qui retournent en invendus sont dans un état parfait tel qu’on pourrait le remettre à nouveau en vente. En y réfléchissant, nous pensions qu’en dehors de la garantie de propreté qu’offrait le film plastique, ses bonnes ventes pouvaient résulter d’une impossibilité à feuilleter les pages du magazine, incitant de ce fait directement le potentiel lecteur, à la décision d’achat. Vite, nous avions pensé de faire de même ! : Sceller les exemplaires des tabloïds locaux. Mais alors, comment le faire en l’absence de la technologie appropriée qui aurait même induit une augmentation des coûts de distribution. La solution retenue fut l’agrafage des pages à l’imprimerie même, aux frais et à la responsabilité de l’éditeur. Les grands tirages de l’heure adoptèrent tous avec faveur de cette initiative de Messapresse tandis que les tirages marginaux restaient indifférents. Quelques semaines après la mise en exécution de l’agrafage des journaux, Les ventes remontèrent quelque peu ; irrités de perdre la guerre sur un terrain qu’ils avaient déjà conquis, les vendeurs-colporteurs à l’image du jeu du gendarme et du voleur qui s’épient en satellitisme bilatéral, trouvèrent une autre alternative qui se révèlera être un ersatz : Ils achètent de leur propres poches des exemplaires et les placent en pension chez les « lecteurs-locataires » ; au moins cette fois ci, ils investiront avant de gagner, mais plus dans les mêmes proportions qu’auparavant. Certains kiosquiers qui demandaient le relèvement de leur assiette de distribution devaient montrer pattes blanches en produisant un faible taux d’invendus au risque de se faire accuser d’être de mèche avec leurs vendeurs-colporteurs. La reprise de la vente au numéro remontera significativement mais plus comme avant.

Ce côté de Messapresse inconnu de certaines générations pour la promotion d’une presse viable et libre mérite d’être révélée au public; le fait de se faire frapper sur les doigts à gauche et à droite montre bien la dimension ingrate et ambiguë de la profession du distributeur qui n’est aimé que parce qu’il aura rendu service à la victime (les éditeurs) et au bourreau (le pouvoir). La distribution plus qu’hier avec la censure, a désormais un gros problème au Cameroun se résumant en un mauvais maillage du réseau et la baisse des ventes au numéro subséquente au transfert d’une partie du lectorat vers Internet. Une autre plus belle aventure est possible en dépit de tous les préjugés défavorables, à condition que des restructurations bien ciblées et en harmonie avec une pensée bien évoluée des éditeurs et des pouvoirs publics soit mise à contribution. Nous pensons ainsi à l’amélioration des conditions des vente des kiosquiers et des vendeurs-colporteurs par un relèvement des commissions, d’une réorganisation plus profonde du secteur de la presse qui doit passer par une loi à l’Assemblée nationale concernant une nouvelle structuration(autorité de régulation de la Presse, une commission de réseau), maillage ou capillarité tirée par les mairies et les communautés urbaines, un syndicat des diffuseurs fort, et une aide publique substantielle à la presse écrite et en ligne qui est le complémentaire de la première.

De Touzeau, nous lui souhaitons une paisible retraite peut être dans son Toulon natal. Salut l’artiste !


Hamoua Baka Armand)/n

Cameroun: pour Messapresse, la cession de la distribution de la presse à d’autres acteurs n’est pas « une question taboue »

La filiale du groupe français Presstalis veut se désengager de ce segment, l’un des moins rentables de ses activités

On continue à parler des problèmes de distribution de la presse au Cameroun. Le 17 juin dernier à Douala, comme en 2015, le sujet a été évoqué au cours de l’assemblée générale de Messapresse, société ayant le monopole de la distribution de la presse et des livres au Cameroun. La filiale du groupe français Presstalis compte ainsi, comme au Sénégal, au Gabon, ou en Côte d’Ivoire, céder cette activité à d’autres acteurs au Cameroun.

« C’est vrai qu’on a cédé tout ou partie de nos sociétés de distribution à des acteurs économiques dans les pays susmentionnés. Bien entendu, quand on cède nos activités de distribution, on reste quand même présent, mais en tant que clients, puisqu’on continue à fournir la presse importée. Pour nous, ce n’est pas une question taboue. On est évidemment prêts à en discuter avec toute personne intéressée par la distribution de la presse et du livre au Cameroun », a déclaré le directeur de l’International et des Affaires institutionnelles de Presstalis, Christian Carisey, dans la presse publique lundi. Ce dernier est par ailleurs le président de Messapresse.

Selon les données communiquées lors de la récente assemblée générale de messapresse, sur l’exercice écoulé, la société a connu une baisse de son chiffre d’affaires de l’ordre d’environ 7,5% sur la presse importée; une légère hausse de 1,2% sur la presse locale et une progression de 11% dans l’activité librairie.

Les éditeurs locaux reprochent à Messapresse l’inactivité de 50% en moyenne de ses points de vente à Yaoundé et à Douala; et le manque de kiosques à journaux dans des localités périphériques des centres urbains dans les grandes villes. Les autres régions du pays en sont plus affectées, même dans leurs chefs-lieux.

Messapresse dénonce régulièrement pour sa part l’existence de réseaux parallèles de distribution et de vente des journaux qui viennent amputer l’activité de l’entreprise.


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Messapresse veut proposer au gouvernement de s’impliquer dans la distribution des journaux

C’est l’une des pistes qu’envisage la filiale camerounaise du groupe français Presstalis, pour améliorer la distribution de la presse sur l’étendue du territoire

Messapresse a tenu son assemblée générale dans la capitale économique du Cameroun le 05 juin dernier. C’étaient en présence de ses deux actionnaires, Presstalis et la Société de presse et d’éditions du Cameroun (Sopecam). Occasion pour la filiale camerounaise du groupe français Presstalis, anciennement appelé Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), de revenir sur l’épineux problème de distribution de la presse, qui coûte «extrêmement cher» selon elle. «On aura sans doute matière à nous rapprocher des pouvoirs publics pour voir avec eux comment assurer cette distribution dans les conditions économiques qui soient supportables pour une société comme la nôtre. Sachant que la presse n’est pas un produit comme les autres et qu’il y a évidemment une dimension citoyenne. Je peux prendre l’exemple d’autres pays, notamment la France, où les pouvoirs publics aident à la distribution de la presse quotidienne», illustre Christian Carisey, directeur de l’International et des Affaires institutionnelles de Prestalis, dans le quotidien gouvernemental, édition du 08 juin.

Messapresse, qui a le monopole de la distribution des journaux au Cameroun, ne remplit pas correctement son cahier de charges, s’était publiquement plainte en juillet 2014 la Fédération des éditeurs de presse (Fedipresse). Cette structure, qui regroupe des directeurs de publication au Cameroun, dénonçait, à la suite d’une enquête menée dans certaines régions du Cameroun, l’inactivité de 60% de points de ventes de journaux à Douala, la capitale économique et 44% à Yaoundé. De plus soulignait-elle dans cette étude, des villes situées à moins de trois heures de route de Yaoundé manquent de kiosques à journaux.

L’année dernière, des rumeurs ont couru sur le désengagement envisagé par Messapresse dans le segment de la distribution des journaux. «Il ne s’agit pas du tout de se désengager de cette activité. Simplement, en tant qu’actionnaires, par définition on est obligés de garantir les grands équilibres de la société et donc de faire en sorte que les conditions d’exploitation soient supportables», explique Christian Carisey par ailleurs président de Messapresse.

Selon ce responsable, au Cameroun, la presse importée et locale «a connu des baisses de vente en 2014. Avec comme difficulté notamment l’existence de réseaux parallèles de distribution et de vente des journaux qui viennent amputer l’activité de l’entreprise».

De quoi échauder Messapresse sur cette question, quand on sait que l’entreprise réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires dans l’activité «livres» et beaucoup moins dans la distribution de la presse.


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Le problème spécifique de la presse écrite de langue anglaise au Cameroun (suite et fin)

Par Armand Hamoua Baka, Ancien cadre de Messapresse, Expert Consultant en distribution Presse

II-PARADOXE D’UN MARCHE AU VISAGE POLYMORPHE: Course sur un tandem à postes de pédales opposés.

Aussi paradoxal qu’il soit, il existe bel et bien un marché de la Presse anglophone au Cameroun. La structure de ce marché est aujourd’hui très complexe. Si hier, la quasi-totalité de la Presse papier anglophone qui arrivait était destinée au Cameroun occidental, aujourd’hui la donne n’est plus la même.

En effet, l’existence d’une bourgeoisie administrative composée des hauts cadres de la fonction publique ayant fait leurs études dans des universités anglaises ou nord-américaines fait que par nostalgie ou par élitisme, ils continuent de s’informer en anglais.

Dans le même sens, la politique de développement du bilinguisme prescrite par les plus hautes instances du pays pour le renforcement de l’Unité Nationale fait qu’aujourd’hui il y a une proportion sans cesse galopante de Camerounais qui manie aisément aussi bien la langue de Molière que celle de Shakespeare; le pouvoir d’achat est aussi fort en ville.

Ces trois déterminants ont pour conséquence l’élargissement de l’espace de lecture de la Presse anglophone en ville et sa possible capitalisation. La ville serait donc en forte concurrence avec la région sur le terme du volume des ventes.

Dès cet instant, on serait tenté de croire que la mauvaise pénétration de Messapresse dans la zone traditionnelle anglophone pourrait être compensée par son nouveau lectorat des villes.

Que non ! En analysant de plus près, la ville ne pourrait supplanter la région anglophone. Ce n’est qu’une illusion d’optique. La région est peuplée de grands-parents, parents, solidement ancrés dans la culture anglo-saxonne, des nostalgiques qui sont le socle même du lectorat de cette Presse.

Il faudrait aussi prendre en compte le fait que de nouvelles universités d’Etat, les écoles spécialisées, les pôles de développement ruraux, stoppent la migration des jeunes étudiants et jeunes diplômés de la région pour la ville. Ceux-ci restent cantonnés dans leurs fiefs naturels, mouvementant de facto, à la hausse, le lectorat régional.

Un autre particularisme exacerbant du marché de la Presse d’obédience anglophone est son infiltration par les éditeurs francophones. Cette concurrence met à rude épreuve les éditeurs anglophones, obligés de se partager le marché de la pub et la vente au numéro: Sopecam jadis avec Cameroon Tribune version anglaise, Le Messager à son âge d’or avec sa version anglaise, etc.

En dehors de Sopecam qui a toujours ses relations privilégiées avec son distributeur [d’hier, d’aujourd’hui et peut être de demain] et respecte autant se faire que ce peut les termes du contrat, les autres ont toujours violé la clause d’exclusivité au nez et à la barbe de Messapresse qui ne se limite qu’à faire constater la forfaiture par exploit d’huissier sans véritable action répressive d’envergure .

La Presse anglophone détient la palme d’or de la rupture du contrat de distribution pour cause de distribution parallèle et à raison. Lorsque l’éditeur, après quelques parutions, découvre ses résultats de ventes (Sales figures en Anglais ; ndlr) chez Messapresse, dans un réseau désarticulé voire inexistant, dans sa zone de prédilection, il décide unilatéralement ne plus livrer franco-domicile son distributeur.

Lui-même s’improvise en distributeur (concurrence déloyale) quand bien même au bout du compte le résultat est le même: encaisses insuffisantes! Il est floué par les multiples intermédiaires véreux au c ur d’airain qui le spolient. La seule satisfaction qu’il tire de cette mésaventure c’est d’être au moins lu sur toutes les régions anglophones; on travaille pour la gloire! Avait fini par clamer l’un d’entre-deux, la mine grisâtre, tel le supplicié de Tantale.


En ces jours, Scoop, Chronicle News, The Guardian Post, Summit Mag, etc. ne démentiront pas d’entretenir leurs réseaux privés de dispatching qui intègrent volontiers des anciens partenaires/clients de Messapresse suspendus ou téméraires aux menaces et injonctions du Chef d’orchestre.

Entre le Léviathan-Distributeur, rigide, intraitable dans ses méthodes à l’endroit du marché anglophone, les éditeurs «vautours» de la presse francophone qui s’invitent, fragmentent l’étroit et fragile marché, ses incontestables titulaires que sont les éditeurs anglophones, la course de tandem ne permet pas au cycle d’avancer, à cause de la multiplicité des coéquipiers aux intérêts divergents.

La pluralité des langues et des marchés est-t-elle déjà en train de nous montrer les apories d’un système et surtout l’issue de secours débouchant sur la fin d’une longévité monopolistique de Messapresse.


III- CARICATURE D’UNE VOIE DE SORTIE Le décryptage d’un SOS.

Que faut-il attendre de ces entrelacements qui donnent du fil à retordre au distributeur et aux éditeurs Anglophones, pour une sortie de crise?

On peut espérer :

. L’avènement d’un redressement de Messapresse qui décide un baroud d’honneur en installant tous azimuts des kiosques dans les principales villes des deux régions anglophones ;

. L’ouverture du marché par l’arrivée d’une firme concurrente capable de splitter en deux sa machine de distribution: Une pour la Presse anglophone, l’autre pour la Presse francophone ;

. L’arrivée d’un nouvel opérateur professionnel seulement spécialisé dans la distribution des produits Anglophones ;

Dans tous les cas, la résurgence du manque des voies d’accès, la qualité et la quantité des clients qu’on souhaite, surtout solvables, seront l’ensemble des solutions d’une équation paramétrique de résolution laborieuse dans un référentiel fatras, voire Copernicien.

Article lié:
Le problème spécifique de la presse écrite de langue anglaise au Cameroun (I)

Une vue aérienne de la ville de Bamenda, chef-lieu de la région anglophone du Nord-Ouest Cameroun
Wikimedia)/n

Le problème spécifique de la presse écrite de langue anglaise au Cameroun (I)

Par Armand Hamoua Baka, Ancien cadre de Messapresse, Expert Consultant en distribution Presse

La Presse écrite d’expression anglaise de tout temps est une Presse au style direct, incisif, réaliste à l’image de sa Presse parlée toujours avant-gardiste (confère la vieille émission Cameroon Report dont les différents animateurs, souvent traités de subversifs, avaient toujours maille à partir avec les pouvoirs successifs en place à Yaoundé).

Son contenu est dense, ses analyses pointues. Ici vous avez l’information en scoop, chose que les journalistes d’expression Française ne vous diront même pas parce que embourgeoisés et habitués au moindre effort dans la recherche de l’information, parce qu’aussi plus soucieux de la déontologie aux fins de carriérisme, et enfin parce que leurs sources d’informations sont assez contrôlées avec au finish des informations nettoyées, épurées ou bâclées.

L’antichambre des journalistes de la Presse anglophone renferme du tout-venant: De vrais professionnels formés dans les écoles spécialisées, des reconvertis, des hommes d’affaires, des aventuriers de tout bord.

On citera au vif, le cas de Boniface Forbin, titulaire d’un Ph.D, ex cadre à la Camair et éditeur du journal The Herald ; Charly Ndi Chia transfuge de la CRTV (télévision d’Etat), devenu collaborateur de plusieurs organes de presse; Paddy Mbawa qui aujourd’hui se serait encore reconverti en gourou d’une église de réveil au Nigéria, homme de niveau intermédiaire mais alors très puissant dans le traitement des informations pour Cameroon Post dont il fut créateur; Chief Etah Oben (Weekly Post) et Shalo(Ex financier du SDF à Limbé ) sont des hommes d’affaires venu faire fortune dans la Presse des années 90.

Après avoir relevé les traits majeurs de la Presse anglophone, voyons très exactement de quoi elle souffre côté distribution.
La Presse écrite d’expression anglaise de tout temps est une Presse au style direct, incisif, réaliste à l’image de sa Presse parlée toujours avant-gardiste (confère la vieille émission Cameroon Report dont les différents animateurs, souvent traités de subversifs, avaient toujours maille à partir avec les pouvoirs successifs en place à Yaoundé).

Son contenu est dense, ses analyses pointues. Ici vous avez l’information en scoop, chose que les journalistes d’expression Française ne vous diront même pas parce que embourgeoisés et habitués au moindre effort dans la recherche de l’information, parce qu’aussi plus soucieux de la déontologie aux fins de carriérisme, et enfin parce que leurs sources d’informations sont assez contrôlées avec au finish des informations nettoyées, épurées ou bâclées.

L’antichambre des journalistes de la Presse anglophone renferme du tout-venant: De vrais professionnels formés dans les écoles spécialisées, des reconvertis, des hommes d’affaires, des aventuriers de tout bord.

On citera au vif, le cas de Boniface Forbin, titulaire d’un Ph.D, ex cadre à la Camair et éditeur du journal The Herald ; Charly Ndi Chia transfuge de la CRTV (télévision d’Etat), devenu collaborateur de plusieurs organes de presse; Paddy Mbawa qui aujourd’hui se serait encore reconverti en gourou d’une église de réveil au Nigéria, homme de niveau intermédiaire mais alors très puissant dans le traitement des informations pour Cameroon Post dont il fut créateur; Chief Etah Oben (Weekly Post) et Shalo(Ex financier du SDF à Limbé ) sont des hommes d’affaires venu faire fortune dans la Presse des années 90.

Après avoir relevé les traits majeurs de la Presse anglophone, voyons très exactement de quoi elle souffre côté distribution.

I-CHRONIQUE d’UN REFUS DE SERVIR. Le distributeur: Du mauvais choix de la Matrice de distribution.

Selon le canevas de diffusion de la firme pilote du secteur, Messapresse, la ville (Douala, Yaoundé) est le centre des grandes ventes, la région (le reste du pays) le lieu des ventes mineures.

Ce schéma d’estimation des ventes en réalité ne se vérifie que pour la Presse francophone. Dans le cadre de la distribution de la Presse anglophone, force est de constater que la région reste favorable à la lecture des titres dans la langue de Shakespeare, car elle est la zone naturelle de peuplement des Anglophones.

En ce sens, il conviendrait donc pour Messapresse d’avoir deux logiciels distincts de traitement de la distribution ou alors de corriger la répartition spatiale des tirages anglophones pour inverser la présentation Ville/Région en Région/Ville.

Malheureusement, pour des raisons hégémoniques que nous avons évoquées dans une récente contribution, Messapresse ne peut pas se donner trop de peine à la recherche des solutions pour l’émergence d’une Presse historiquement contraire à sa politique. Ici on promeut la langue Française en première intention, les autres langues de manière accessoire, pour le prestige (Der Spiegel, Corriere de la Sierra, News Week, etc.).

Cette situation du choix de la langue à promouvoir piège Messapresse dans son option commerciale. En fait si cette société fait réellement du commerce, elle n’aura aucun avantage à ne vendre que dans une partie du pays et pas dans l’autre.

La grande partie de la population camerounaise est installée à 80% en territoire francophone. Le distributeur unique de tout le pays est d’essence française. Lorsqu’il bâtit son réseau, il n’a que trop peu de souci pour la partie anglophone.

Le Politique: De l’exégèse d’un antagonisme avilissant.

Jean IMBERT écrit à propos du Cameroun sous mandat:

Le gouvernement français aurait voulu établir la «pleine souveraineté de la France» sur le Cameroun, qu’il considérait comme l’Alsace-Lorraine coloniale; cependant, après de multiples négociations avec les Affaires étrangères Britanniques, il accepta que les deux Cameroun soient placés (comme le Togo) sous mandat de la Société des Nations. La division du Cameroun en deux parts, Anglaise et Française, se voyait ainsi légalement confirmée ; dès lors, les deux Cameroun allaient se forger des traditions sociales, économiques et politiques différentes, pendant près de quarante ans.(.) en fait, alors que le colonisateur français sauvegardait dans une certaine mesure l’autonomie du pays, les Anglais visaient à incorporer purement et simplement le territoire Camerounais au Nigéria.

La note de cet éminent Professeur de droit, permet de comprendre sans grands efforts l’antagonisme qui existe depuis belle lurette entre la chose anglophone et francophone.

Depuis lors, lorsqu’une entreprise d’intérêts Français s’installe au Cameroun, il lui est difficile de créer des succursales en territoire anglophone. Rien ne l’interdit, mais la méfiance observée depuis l’époque coloniale reste d’actualité.

Chez Messapresse par exemple, l’essentiel du staff managérial n’est composé que de cadres formés dans le moule du système Français. Si nous prenons le reste de la pyramide, donc les agents de maitrise (secrétaires, informaticiens, metteurs en casiers, chauffeurs et autres techniciens de surface), il y a fort à parier avec un coefficient de confiance à 99% qu’on ne retrouvera pas un seul anglophone dans cette entreprise.

La conséquence immédiate est que lorsqu’il faut bâtir le réseau, aucun cadre n’a le courage de corriger les axes d’orientation définis par le Directeur général, le plus souvent Français, déjà marqué par le spectre de l’anglophobie.

On peut même aller plus loin: lorsqu’on observe que des cadres présents, à commencer par le Directeur général, nombreux sont ceux qui redoutent à rencontrer un directeur de publication d’expression Anglaise qui arrive pour demander un service. La barrière linguistique a donc aussi une conséquence négative sur le planning des missions de prospection en zone anglophone.

Or cette posture est très préjudiciable à une entreprise commerciale qui ne devrait pas avoir de frontières dans la recherche de son bénéfice qui ne découle que de l’agrégation des ventes sur toute l’étendue du pays.

Sur le plan de la gouvernance étatique, à cause de sa petite superficie (2 régions), on aurait pensé que le pouvoir central allait doter rapidement cette partie du territoire d’infrastructures de base (communication, santé, éducation et autres), ce qui devait favoriser la distribution, la diffusion des manuels et autres supports culturels dont Messapresse est l’acteur majeur.

Au regret, pour les mêmes raisons qui trouvent leurs origines dans l’hypotypose d’Imbert suscitée, on assiste à une promotion des infrastructures basée sur un clientélisme politique où l’on ne décide du bitumage d’un axe routier qu’à condition d’avoir l’essentiel des suffrages des citoyens de l’enclave.

Cet affairisme d’Etat fait que dans la partie anglophone du pays il y a certaines contrées où l’accès n’est possible en saison des pluies qu’en faisant un détour, une incursion en territoire nigérian. Difficile dans ces conditions d’imaginer notre société de distribution française de demander chaque mois des visas, laissez-passer et passavant au Haut-Commissariat de la République du Nigéria au Cameroun pour des besoins de service sans s’attirer soupçon et méfiance.

On le voit bien, le faible score d’implantation de l’unique distributeur attitré dans la zone anglophone est aussi le fait d’un mauvais réseau routier sui generis imputable à l’Etat.

Lire la suite:
Le problème spécifique de la presse écrite de langue anglaise au Cameroun (suite et fin)


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Focus sur la Distribution Presse (fin). La mise en place d’un système concurrentiel

Par Armand Hamoua Baka, Ancien cadre de Messapresse; Expert Consultant en distribution Presse

Focus sur la Distribution Presse. Pour une reformulation de la distribution de presse au Cameroun.

III-Difficultes dans la mise en place d’un système concurrentiel efficace de distribution au Cameroun.

a-Les écueils entre les directeurs de publication.
De tout temps, certains éditeurs traitant MESSAPRESSE de Français, Pro-gouvernemental par ses relations privilégiées avec SOPECAM, ont voulu créer une société concurrente. C’est le cas de feu Pius NJAWE du MESSAGER qui avait son propre réseau de distribution. C’est aussi le cas de Benjamin ZEBAZE, ancien directeur de publication de CHALLLENGE Hebdo, qui avait lancé DISTRIPRESS sans grand succès non plus. On peut aussi évoquer la volte-face du brillant André Parfait BELL qui pensait intégrer dans son démarrage ce pan de son métier chez PRESCEIPTOR de l’ami BABISSAKANA où il était le co-fondateur.

Ces trois cas étaient dus à l’hermétisme de leur promoteur, mieux à la lutte sauvage pour le leadership ou la peur de l’échec. Rarement, au cours d’une réunion concernant les éditeurs de presse, on pouvait réunir sur le même plateau les principaux directeurs de publication de cette époque: Pius NJAWE n’acceptant pas la présence de Thomas EYOUM A NTOH ou d’Emmanuel NOUMBISSI NGANKAM pour avoir fait défection au MESSAGER et créé DIKALO qui signifiait tout simplement «le messager» en langue duala.

Ceci était valable mutatis mutandis pour NYEMB POPOLI et le même NJAWE. Séverin TCHOUNKEU et BENJAMIN ZEBAZE exerçant l’un sur l’autre les forces de même nature les repoussant comme des bâtons d’ébonites. Le plus détesté de tous, celui qui se faisait virer à toutes les réunions étant M. FOTSO AYATA directeur de publication de INTERNATIONAL NEWS HEBDO, traité de paranoïaque par ses pairs.

En regardant la chose autrement, SOPECAM, éditrice de CAMEROON TRIBUNE peut- elle se faire distribuer par une autre agence que MESSAPRESSE au mépris de leurs accords vieux de plus de 25 ans? On peut pousser encore loin: Les directeurs de publications de Yaoundé considèrent ceux de Douala comme des hommes d’affaires véreux et non des journalistes. Parfois Douala c’est l’opposition et Yaoundé les légalistes ou les amis du pouvoir central. MESSAPRESSE, étant d’essence française, est considérée comme le moindre mal, le juste milieu, la neutralité.

b-L’absence de cadres expérimentés.
Le long monopole de MESSAPRESSE a fait que ce secteur, en 40 ans d’existence au Cameroun (Agence Camerounaise HACHETTE à l’époque avec comme directeurs Mme ANGUISSA, M. FILIPPI etc.) n’a généré que très peu de hauts cadres capables de créer des entreprises concurrentes. On peut dénombrer au maximum 20 cadres vraiment spécialisés dans ce domaine, étant passés chez ce distributeur singulier. La réponse à la question de ceux qui se demandent pourquoi aucun ancien cadre de MESSAPRESSE n’a tenté de lui faire concurrence se retrouve dans toute la complexité développée dans ce document. C’est un projet trop sérieux pour qu’on se lève le lendemain de son licenciement ou de sa retraite pour se retrouver tout seul distributeur.

c-La quasi impossibilité pour tout nouveau d’être client chez Nmpp.
On le sait très bien, le chiffre d’affaires de MESSAPRESSE, librairie mise de côté, est constitué des ventes de la presse locale et des ventes de la presse importée. Cette presse importée fait d’ailleurs que cette société est de tout temps le 1er client du fret aérien au Cameroun car la presse arrive tous les jours de la semaine. Aucune société concurrente au Cameroun n’aura accès au service de la maison mère de MESSAPRESSE, NMPP (Nouvelles Messageries de Presse Parisienne). Compter uniquement sur la presse locale pour faire un gros chiffre serait illusoire. Pour s’en sortir, le concurrent doit signer des accords avec ce qu’on appelle ici les «éditeurs directs» ou avec d’autres structures comme la LYONNAISE DE PRESSE qui est une autre moyenne coopérative d’éditeurs, malheureusement, il serait difficile que la LYONNAISE serve directement en Afrique sans se faire taper sur les doigts par NMPP. La presse dite dans le secteur«Bateau», constituée des BD (Zembla, Akim, Tex willer, etc.) a longtemps perdu le public jeune qui préfère regarder la télé et les jeux vidéo (dessins animés du genre MANGAS, POKEMON, HARRY POTTER, etc.)

d-L’outil informatique.
Le logiciel «PRESSE DE FRANCE» qui aujourd’hui a connu plusieurs versions est avant tout le gage de la réussite de la distribution dans le réseau NMPP. La confidentialité dans le système informatique de MESSAPRESSE est tel que, en cas de problème qui ne saurait être réglé par télédépannage depuis Paris,

La toute puissante Direction de la Gestion des Filiales préfère mettre en mission dès le lendemain, des «techniciens -maisons» qui sont aussitôt récupéré à l’aéroport et repartent dès que tout est parfait. Cette méfiance qui touchait jusqu’aux techniciens des plus futés d’IBM-Cameroun, pourtant fabricant des machines utilisées par MESSAPRESSE, a fait que plusieurs employés surpris entrain de vouloir comprendre quelque chose au fonctionnement de ce logiciel ont eu la bénédiction divine d’échapper à la prison après un licenciement sec pour faute lourde.

Si, avec l’abondance des écoles de formations en génie logiciel, quelques anciens cadres peuvent donner un schéma directeur ou des principaux algorithmes de traitement des données de manière à faire quelque chose qui faciliterait la complexités des opérations de distribution, on pourrait alors avoir gagner 50% de la bataille.

e- Les financements.
La distribution de la presse demande la mobilisation d’énorme fonds. Ces fonds en réalité permettent de payer par avance les fournisseurs (éditeurs de presse). En réalité le temps mis pour avoir tous les résultats de ventes d’un éditeur pour le payer est tel que celui-ci ne pourrait pas résister au rythme d’une production hebdomadaire si MESSAPRESSE ne lui apporte pas un coup de pouce. L’autre poste de dépense important étant le carburant pour les rotations de ville. Conséquence: cette société paie de grosses sommes aux titres d’agios et commissions de découverts sur les avances reçues du consortium de banques qui sont à son chevet. Tous ces découverts étant généralement épongés avec les fortes rentrées d’argent générées par son activité «librairie» au début de l’année scolaire.

La question fondamentale pour une société locale de distribution Camerounaise dans cette optique c’est de savoir si au départ elle peut avoir levé une subvention auprès de l’Etat Camerounais.

LES SOLUTIONS A LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR DE LA DISTRIBUTION PRESSE.
En faisant une lecture attentive des problèmes, on serait tenté de croire que par contraposée, on a tout de suite les solutions. Il faut un autre travail de finesse par de hauts stratèges bien calibrés pour démonter ou supplanter le système NMPP au Cameroun. Beaucoup d’intérêts sont en jeux, la seule volonté des directeurs de publication ne suffit pas, il faut aussi l’onction du gouvernement. La réflexion doit être axée dès à présent sur la création d’un comité qui doit déboucher sur une Agence Nationale de Diffusion de Presse.

Articles précédents:
Le diagnostic de la faillite du système de distribution de Messapresse (Partie II)
Du vrai visage de Messapresse (Partie I)


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Focus sur la Distribution Presse. Diagnostic de la faillite du système de distribution de Messapresse

Par Armand Hamoua Baka, Ancien Cadre de Messapresse; Expert Consultant en distribution Presse

Focus sur la Distribution Presse. Pour une reformulation de la distribution de presse au Cameroun.

II-Diagnostic de la faillite du système de distribution de Messapresse.
Avant toute chose, il faut préciser que la société de distribution MESSAPRESSE divise les résultats de ses ventes en deux: la ville et la région. La ville s’entend à Douala et Yaoundé, le reste du pays constituant la région. Les 70% des bonnes ventes de MESSAPRESSE proviennent de la «ville». Lorsque le réglage pour le service client est optimal, le taux d’invendus idéal est de l’ordre de 30%.

Nous allons énumérer ou mettre en relief les points névralgiques imputables à MESSAPRESSE et d’autres qui ne le sont pas:

a): La limitation des kiosques dans la ville ou la mauvaise répartition spatiale : on trouve des quartiers entiers où il n’y a pas un seul kiosque MESSAPRESSE. Ceci peut être dû au refus de la communauté urbaine d’autoriser la construction d’un kiosque ou alors par l’impossibilité des potentiels kiosquiers de la zone à satisfaire les conditions du distributeur.

b): Le système de paiement hebdomadaire : A MESSAPRESSE, on paie les factures toute les semaines, le samedi avant 13 heures. Sinon on est suspendu depuis le système informatique central basé à Douala. Lorsqu’on est ainsi suspendu, le système de distribution par réglette manuelle ou automatique ignore l’existence du client et ne lui accorde aucune quantité.

c): La violation de la capacité du client : Il arrive qu’on inonde un client sans respecter son service de base. C’est le cas des nouveaux titres pour lesquels il n’a pas souscrit où il se voit attribuer 300 ou 400 pièces ou alors qu’on lui livre et facture des magazines qui coûtent 5000 F CFA pièce (Demeures et châteaux, marchés tropicaux, etc.).

d): La non prise en compte à temps des remontées d’invendus : Parfois des erreurs de saisies, l’éloignement du client, font que des invendus qui auraient pu diminuer sa facturation ne soient pas pris en compte. Le client pénalisé se retrouve avec une grosse facture hebdomadaire qu’il ne peut payer. Il sera tout simplement suspendu.

e): Les saisies de police et de gendarmerie : lorsqu’un numéro est interdit et que le crieur n’a pas reçu de certificat de saisies, les quantités à lui livrées sont considérées comme vendues. Sa trésorerie prend un coup.

f): L’inexistence d’un service commercial efficace et autonome : Chez MESSAPRESSE, un commercial ne peut pas créer un point de vente en toute liberté. La hiérarchie se prononce presque toujours défavorablement aux actions des commerciaux. Le directeur général en fait à sa tête. Parfois, il arrive qu’aucun commercial ne se déplace pour les recouvrements de brousse. Les clients qui ne peuvent atteindre une agence sont simplement suspendus.

g)L’exigence des cautions : on peut être confronté à payer deux cautions. Une caution kiosque de 800.000 fcfa à 1000.000 Fcfa si c’est MESSAPRESSE qui fournit le kiosque, et une caution de fourniture Presse variable à partir de son premier service de base.

h)L’inexistence d’un réseau dense sur l’étendu du territoire : En raison du fait que MESSAPRESSE pense pouvoir réaliser l’essentiel de son chiffre d’affaires sur la ville, il trouve que le fait de s’investir dans l’arrière-pays est un luxe.

i)Service Marketing Inexistant : Beaucoup de personnes qui veulent faire dans la distribution des journaux ne savent pas où se diriger. La société MESSAPRESSE ne sait pas se vendre. Sa posture de monopoleur lui confère des a priori très défavorables. Elle n’est pas présente aux foires, ne sponsorise aucune émission ou aucun évènement de grande envergure.

j)L’absence de voies et moyens de communication : Le mauvais état routier voire même l’absence des routes, couplé à l’inexistence des moyens de communication ( voitures, trains, avions) font que certaines régions du Cameroun ne sont pas accessibles. Pourtant on y trouve des fonctionnaires voulant s’informer par la presse.

k)L’analphabétisme : malgré le taux d’alphabétisation relativement élevé au Cameroun (la jeunesse), il faut noter que les parents qui ont le pouvoir d’achat sont en majorité en région et illettrés. Ils prefèrent donc suivre les émissions radiodiffusées des chaines communautaires.

l)Le magasin « Rassort » : Le magasin «rassort» est un magasin physique qui crée trop de frictions entre l’éditeur et le distributeur. La technique consiste à envoyer le trop plein d’un tirage au magasin en attendant en «réassort» qui est une demande supplémentaire faite par un client qui a tout vendu en ce qui concerne un titre. En fait, un éditeur X livre 5000 ex d’un tirage à MESSAPESSE. Ce dernier du fait de son incapacité à densifier son réseau d’une part et à cause des clients suspendus d’autre part, ne peut mettre que 500exemplaires respectant les services de base des clients en réglette automatique (on force parfois le système en passant par réglette manuelle). Les 4500 ex non distribués prennent la route du magasin sous le nom de «Rassort». Ils deviendront plus tard des invendus. Pour savoir cela, il faut demander la fiche statistique de distribution par client du titre en question sur tout le réseau. Vous ne l’aurez pas aussi facilement ! Généralement, les commerciaux vous tournent en bourrique jusqu’au retour des premiers invendus du titre, dans cette confusion vous n’y verrez que du feu.

m)La vétusté du parc automobile : Avec un parc automobile datant de près de 20 ans, exception faite des voitures de direction, les vieilles guimbardes sont clouées au sol, incapables de faire le tour de ville sans pannes. Dans ces conditions, les coûts d’entretien assez élevés profitent aux mécaniciens et le responsable technique qui attend ventripotent les retro-commissions. Conséquence, la distribution tend vers l’amateurisme et lorsqu’on sait que le temps est un paramètre essentiel dans la diffusion de l’information, il y a lieu de s’inquiéter de faire des invendus record si le relais est déjà fait par les réseaux sociaux.

Lire l’article suivant: La mise en place d’un système concurrentiel (fin)
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Focus sur la Distribution Presse. Du vrai visage de Messapresse

Par Armand Hamoua Baka, Ancien cadre de Messapresse; Expert Consultant en distribution Presse

Focus sur la Distribution Presse. Pour une reformulation de la distribution de presse au Cameroun.

I-Du vrai visage de MESSAPRESSE.
Le secteur de la distribution de presse au Cameroun est vraiment malade et l’Etat camerounais ne fait rien.
L’Etat ne fait rien, peut être par méconnaissance de ce que c’est que cet outil et j’en veux pour preuve la non représentation de ce secteur au Conseil National de la Communication.

MESSAPRESSE qui est monopoleur n’est pas en réalité là pour la distribution de la presse locale camerounaise. MESSAPRESSE est avant tout un outil d’hégémonie, de propagande et de diffusion de la culture Française. A travers le livre scolaire de grands éditeurs comme Larousse, Nathan, Bordas et la presse du genre figaro, Paris Match, le Monde du Graal, Voici, Maxi, cette filiale du groupe NMPP (nouvelle Messagerie de Presse Parisienne) a su mettre en valeur le savoir faire de la France dans plusieurs domaines. Bien plus, MESSAPRESSE est un puissant outil de renseignements et de collecte d’informations pour l’Elysée via le Quai d’Orsay à travers le Consulat de France à Douala et l’Ambassade de Yaoundé.

MESSAPRESSE se retrouve à distribuer la presse locale camerounaise suite à sa convention de distribution avec Cameroon Tribune. «On entre dans une famille par la femme» ! Le schéma est le même en Cote d’ivoire avec Fraternité matin et la filiale de NMPP qui s’appelle là-bas EDIPRESSE, au Gabon SOGAPRESSE, ADP (Agence Diffusion Presse) au Sénégal , TMV à Madagascar, GDP en Guadeloupe.

Sous son directeur de l’époque, Joël EMSELLEM, MESAPRESSE, qui sent la grande ouverture démocratique, met en place une grande politique de ralliement de la presse locale. Elle ouvre d’abord son capital à certains actionnaires locaux dont M. Joseph Charles DOUMBA (11% de parts). A ce moment, ce Directeur de SOPECAM, éditrice de Cameroon Tribune fait à lui tout seul les 80% du chiffre d’affaires de la presse locale. Le multipartisme s’enracinant progressivement, Paris rappelle Joël EMSELLEM, ce juif de caractère trop dur et le remplace par Remi TOUZEAU. Franc-maçon de caractère tempéré mais fin limier de renseignements, il vient alors tout droit d’Abidjan où il était directeur Adjoint à EDIPRESSE, pilote amateur d’avion et propriétaire d’un bateau «zozo» pour ses loisirs. Pour avoir les coudées franches, TOUZEAU licencie d’abord l’ancien bras droit d’EMSELLEM résident à Yaoundé, PEREZ.

La «camerounisation» des cadres commence avec NOUMBOUWO Fabien (qui gère aujourd’hui la librairie ETAPE II à Douala et un Hôtel à Dschang) ; Jean NKENGSA(ancien de BAT) et Jean Paul KAMGANG (actuel propriétaire de l’OASIS Hôtel du plateau à Yaoundé). Tous ces cadres ont pour objectif le rabattage des éditeurs locaux trop dispersés et indépendants vers MESSAPRESSE. Ceux qui acceptent de venir, ne pouvant siéger au conseil d’administration à Paris comme le DG de SOPECAM tous frais pris en charge, ont l’avantage d’avoir une lettre de couverture leur permettant d’acheter du papier chez le grossiste NGASSA de MOORE PARAGON et de tirer dans les principales imprimeries de l’époque: SOPECAM à Yaoundé, ROTOPRINT de Benjamin ZEBAZE à Douala. Pius NJAWE, l’éternel rebelle vient chez MESSAPRESSE, repart le lendemain et revient un autre jour. Il sentait des choses mais était incapable de lire dans le grimoire pour ses pairs, et aussi incapable de se distribuer seul (trop de charges et d’impayés des distributeurs improvisés !).

La politique de TOUZEAU paye. Le chiffre d’affaires de la presse locale explose (Autour de 4 Milliards de F CFA). La Presse dite de l’opposition a sa revanche sur Cameroon Tribune dont l’insigne orne tous les kiosques MESSAPRESSE. Le pourcentage d’invendus est record, de l’ordre de 75%, et l’éditeur est obligé de supprimer sa version anglaise et Week-End Magazine. NDEMBIYEMBE, le remplaçant de DOUMBA joseph Charles à la Sopecam, avec tout son Etat-major (KOUE, Cassien YOMBA, MIEN ZOCK, Ibrahim KARCHE, à Douala puis LEBOGO NDONGO) ne savent plus quelle alchimie trouver pour remonter les ventes. Les contrats de performances successifs sont d’effets idempotents (sans changements). L’ensemble des Camerounais a opté pour un autre ton de la presse en ce début des années 90.

Les informations foisonnent, le renseignement entre TOUZEAU et le consul de France à Douala M. PETIT s’intensifie tous les jours vers 18 heures. Paris est au courant de tout ce qui se passe au Cameroun 24h sur 24. Par ailleurs, MESSAPESSE qui se porte bien ne signe des contrats qu’avec les sociétés d’origine française ou patrons Français. On a à la volée: la sécurité avec AFRICA SECURITY de Patrick TURPIN ; la médecine du travail avec le Dr VOGLSPERGER ; les voitures de location ou d’achat avec AVIS ou CAMI SOCADA, ses avoirs à la SCB-Crédit lyonnais ; la SGBC(société générale) ; BICIC(groupe Banque populaire) ; les Assurances avec GRAS SAVOYE, UAP ; le contentieux avec Me WOLBER ; l’audit aux comptes avec PETITEAU SCHACCI ; le transport avion avec Air France et accessoirement CAMAIR ; le transport bateau avec DELMAS ; le transitaire SOCOPAO, SAGA ; l’outil informatique IBM, etc.
Tout ceci permet de comprendre les ramifications des activités de MESSAPRESSE. Où va l’argent et où vont les informations ? Les enjeux sont importants.

Lorsque les rapports entre la presse indépendante et les pouvoirs public sont explosifs à cause de la censure avant impression opérées par les anciens chefs de cabinet du Gouverneur KOUNGOU EDIMA dont Pascal MBOZO et NASERI Paul BEA ( plus modéré que le premier), l’Europe toute entière est indignée. C’est dans les locaux de MESSAPRESSE qu’étaient reçu Robert MENARD de RSF/Reporters Sans Frontières et Timothy BALDWING de la FIEJ (Fédération internationale des journalistes). Ange ou démon, on ne saurait comment qualifier cette entreprise. Passé cette période euphorisante qui a fait les choux gras de la presse locale, où MESSAPRESSE a démontré les subtilités liées à l’exercice d’une profession quasi-ignorée du grand public.

Aujourd’hui, ce n’est plus un secret pour personne, les Chinois, les Coréens, les indiens ont savonné les mains de la France qui voit l’Afrique lui filer des doigts. La langue Française perd progressivement du terrain au profit de l’Anglais et peut être bientôt du Chinois.

Les sources d’informations sont plurielles et surtout virtuelles. On peut les avoir désormais sur son écran à travers les satellites, la fibre optique, le Wireless, Bluetooth et tutti quanti.

Que doit concrètement faire le Cameroun pour relancer la vente de la presse-papier si l’on constate les multiples défaillances et dérapages de l’allier traditionnel ci-devant nommé MESSAPRESSE ?

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Le diagnostic de la faillite du système de distribution de Messapresse (Partie II)
La mise en place d’un système concurrentiel (fin)


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« Plutôt que de vivre en esclave en France, je préfèrerais vivre en épave chez moi »

Par Bertrand Teyou

A M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur:

Monsieur,

Je souhaite, par la présente, solliciter une issue définitive à ma situation. En effet, après avoir été emprisonné pour mes livres au Cameroun, pays où j’avais ma maison d’édition, un lieu où écrire et dormir, un toit décent pour ma petite famille, j’ai tout perdu et me suis retrouvé comme réfugié politique en France, havre humanitaire où, malheureusement, mon droit d’exercer se trouve gravement compromis.

Je me retrouve dans un environnement professionnel où, malgré ma capacité avérée de générer des revenus avec mon travail d’écrivain et mon respect rigoureux des normes applicables, l’opportunité d’accès au marché français du livre m’est férocement interdite. Après avoir exploré toutes les pistes possibles en France pour me remettre en activité, je constate que la réalité ne me laisse aucune chance quel que soient le talent et l’investissement de soi.

En refusant avec encore plus d’acharnement la diffusion sur son territoire des ouvrages qui ont permis l’obtention de mon statut de réfugié politique, la France fait comprendre que c’est bien elle qui a le plus intérêt que le carnage du Cameroun ne soit point dénoncé, elle prouve par-là que mon engagement littéraire est dans la nécessité d’une urgente révision de cible.

Alors, compte tenu des contraintes insurmontables, je demande très humblement à la France de se pencher sur mon droit de retour au Cameroun, étant donné qu’elle en a créé les conditions par le non-respect de ses engagements d’accueil.

Je souhaite très rapidement me remettre au travail. Les graves violations de la convention de Genève de 1951 que je connais en France représentent le mépris le plus infâme que peut subir un être humain, une réalité cynique par laquelle la France réduit par ailleurs le destin de ses immigrés africains en esclavage pour les papiers et le bonheur mensonger qui va avec. En vivant de près le paradoxe de la France dite « pays d’accueil », la France de la fabrique des crimes, en plongeant dans la froide entreprise de la France humaniste qui familiarise ses immigrés africains avec l’inacceptable, on comprend que la guerre avec nos dictateurs supposés est une vaine bataille, on réalise, de la façon la plus complète, que le seul ennemi de l’Afrique est la France néo coloniale.

Plutôt que de vivre en esclave chez vous, je préférerais vivre en épave chez moi.
Je vous prie, dans le cadre du traitement de mon droit au retour, de bien vouloir prendre en compte le fait que mon emprisonnement au Cameroun et l’assassinat de ma fille de 7 ans partent de la suspension arbitraire de la diffusion de mes livres par Messapresse, société du groupe français Pressatlis qui a déclaré devant le TGI de Paris avoir agi sur la base d’une loi qui n’a jamais été produite, ces deux acteurs du marché du livre qui exercent au Cameroun forts d’un mandat gouvernemental établi à partir de la coopération existant entre l’Éducation nationale camerounaise et l’État français.

Vous voyez bien qu’en prenant du recul, on réalise que notre tragédie est planifiée par la France, et que tout réfugié politique voulant rester cohérent avec lui-même doit rapidement quitter le privilège esclavagiste agité par l’ancien colon et rentrer au bercail pour faire barrage au seul ennemi qui est l’imposture de l’Occident.

De ce pas, je vous remets ma carte de résidence et mon passeport pour la conclusion de mon rapide retour.
Je quitte votre pays en espérant pour lui que ses dirigeants comprennent que leur imposture n’a aucun avenir, j’invite vivement ces derniers à réaliser qu’ils font mal non seulement aux Africains mais aussi et surtout compromettent gravement l’éclosion de la France merveilleuse.

Dans l’attente de l’accomplissement des formalités de mon départ, veuillez croire, monsieur le Ministre, à l’expression de ma profonde sincérité.

Bertrand Teyou
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