Dans le septentrion, certains chefs traditionnels exigent des Imams, qui sont sous leur commandement, à ne laisser que les personnes dûment autorisées à prêcher dans les mosquées
Les musulmans de l’Extrême Nord du Cameroun sont les premières victimes des attaques et violences perpétrées depuis plusieurs mois, par la secte nigériane Boko Haram « soit disant au nom de l’Islam », dénoncent les guides religieux musulmans camerounais rencontrés par Anadolu.
20,9% de Camerounais sont de confession musulmane et la majorité d’entre eux est concentrée dans le Nord, dans l’Extrême-Nord et dans l’Ouest du Pays, selon des données démographiques officielles. C’est justement dans l’Extrême Nord, frontalier du Nigeria, que Boko Haram multiplie ses attaques.
La ville camerounaise de Fotokol, distante de moins d’un kilomètre du Nigeria, pleure aujourd’hui encore près de deux cents morts, la majorité de confession musulmane, massacrés le 4 février dernier, par près de 800 combattants de Boko Haram.
Lors de l’incursion dans la localité, les assaillants, qui se battent «pour établir un califat islamique», s’en sont pris entre autres, à plusieurs dizaines de fidèles qui se trouvaient dans des mosquées pour la prière de l’aube.
L’imam de la grande mosquée de Fotokol qui conduisait la prière, a succombé lui aussi sous les coups d’épées des combattants de Boko Haram, l’édifice religieux a quant lui été consumé par les flammes. Pour Alim Garga, lamido camerounais (leader religieux musulman) à Garoua (capitale de la région du Nord), ces attaques sont un affront à l’Islam.
«L’Islam n’a jamais demandé qu’on fasse du mal à qui que ce soit. Ce qui est arrivé aux populations de Fotokol est vraiment désolant. L’Islam est une religion de paix et non de barbarie. Je condamne fermement ce qui s’est passé à Fotokol et partout d’ailleurs au Cameroun, au Nigeria, au Tchad comme au Niger», a déclaré le religieux rencontré par Anadolu.
Pour éviter que Boko Haram n’embrigade les populations en utilisant la religion, Garga prône la prévention. Le chef traditionnel, garant de la tradition et de la religion, a exigé des Imams, qui sont sous son commandement, de ne laisser que les personnes dûment autorisées, à prêcher dans les mosquées.
« Ce qui arrive dans l’Extrême-Nord peut bien sûr arriver dans d’autres régions du pays si nous ne sommes pas vigilants. Pour éviter que certaines personnes viennent prêcher de fausses paroles, et faire un lavage de cerveau aux croyants pour les rallier à leurs causes, j’ai demandé à tous mes imams de me dresser les noms de ceux qui doivent prêcher dans les mosquées et ces derniers doivent nous fournir d’avance les thèmes de leurs prêches. »
« Nous comprenons notre Islam et nous n’avons pas besoin de ceux qui pensent comprendre cette religion mieux que nous. Boko Haram a recruté les jeunes garçons partout même à Garoua. J’ai fait le tour de tous les villages sous mon commandement et j’ai demandé aux chefs traditionnels de collaborer avec les forces de défense et les autorités administratives camerounaises. Ils doivent les informer de toute personne suspecte qui arrive dans leurs différents villages », conclut le lamido de Garoua.
Le lamido de Rey Bouba (Nord), Aboubakary Abdoulaye, par ailleurs vice-président du sénat de la région du Nord, s’est dit pour sa part « très touché » par les exactions que vivent au quotidien les populations de l’Extrême-Nord.
«C’est vraiment triste ce qui arrive à notre pays et surtout à mes frères et s urs de l’Extrême-Nord. Nous sommes de tout c ur avec eux et nous espérons qu’avec l’engagement de l’Etat et des pays frères, nous serons bientôt à la fin de ce calvaire. Les membres de Boko Haram sont des bandits, des voyous qui nous font croire qu’ils agissent au nom d’Allah. Allah n’a jamais demandé qu’on tue à son nom. Il n’est écrit nulle part dans le Saint Coran qu’il faut ôter la vie d’autrui au nom d’Allah», regrette le vice-president du Sénat.
Après avoir tenu plusieurs séances de concertations avec les fils et filles du Grand Nord sur le sujet Boko Haram, le lamido de Rey Bouba propose tout comme le lamido de Garoua que les populations soient mises à contribution dans la lutte contre la secte nigériane.
Pour le président de l’Association des Imams du Cameroun, le cheikh Ibrahim Mbombo Moubarak, la réglementation des prêches, ainsi que des écoles coraniques, ainsi que l’institution de mécanismes de contrôle, pourraient constituer une réponse en marquant davantage la présence de l’Etat.
«Les religions sont pratiquées sans aucune autorisation et c’est ainsi que ces mouvements extrémistes gagnent du terrain au Cameroun», a conclut Moubarak.
