Cameroun: Kareyce Fotso, la jeune diva monte et monte toujours

«Je ne suis pas une star. La star mania c’est prendre beaucoup de temps à paraître, se donner une image parfois fausse»

Une voix étonnante de maturité et de maîtrise
Avec sa guitare toujours en bandoulière, ses dreadlocks au vent et le tissu traditionnel des princesses Bandjoun qu’elle porte comme un signe distinctif, Kareyce Fotso est en train de connaître la gloire. Certes, son registre musical ne la destine pas à la grande popularité ou au populisme, mais la jeune artiste fait son chemin, surtout à l’international. Son succès n’a pas eu raison de son humilité. De nature plutôt réservée, Kareyce Fotso ne sort d’elle que lorsqu’elle se saisit de sa guitare et, face à un micro, elle surprend par sa voix. Elle a une autre vision de la star mania: je ne suis pas une star. La star mania c’est prendre beaucoup de temps à paraître, se donner une image parfois fausse. Se présenter aux gens comme ils auraient voulu que vous soyez. C’est beaucoup d’énergie que l’on met sur sa personne. Une artiste, c’est celle qui passe le plus de temps dans la création. C’est ce que je m’attelle à faire tous les jours. C’est tout ce que je sais faire. Etre star, je n’y arrive pas encore. Le bling-bling, je ne connais pas. C’est certainement une autre école à laquelle je n’ai pas encore été. Peut-être que le jour où je vais commencer à être une star, je vais aussi perdre ma capacité de création. J’ai tellement de choses à montrer avec ma voix et avec tous ces instruments qui nous entourent que je n’ai pas le temps pour autre chose. affirme la diva.

Sa source d’inspiration s’enracine dans son métissage culturel
Parfaitement multiculturelle par ses origines et ses lieux de vie, elle chante aussi bien dans la langue Bandjoun et Ewondo. Je suis Bamiléké, mais la première langue que j’ai apprise c’est l’éwondo. J’ai grandi à Mvog-Ada au milieu des Béti. Dans les années 80, il y avait des grands-mères beti qui s’occupaient de moi, alors que ma mère, Bayam-sellam, était au marché. C’est donc comme ça que j’ai pu très vite apprendre cette langue que je chante aujourd’hui, confie cette petite femme au regard tendre. Si c’est seulement aujourd’hui que Kareyce Fotso, la trentaine, s’offre au public, elle est dans le circuit musical depuis une dizaine d’années. Issue d’une modeste famille de sept enfants dont elle est la cinquième, lorsque Kareyce Fotso décroche son baccalauréat D et ses parents rêvent pour elle. Elle sera médecin. La jeune fille s’inscrit à l’université de Yaoundé I en biochimie. Pendant trois années dans cette faculté, elle marque le pas. Elle s’ennuie. Les rêves de ses parents ne sont pas les siens. La scène l’intéresse. Le public la fascine. Ses parents la voient bien en blouse blanche de médecin. Elle se voit bien une guitare en bandoulière comme Coco Ateba qu’elle admire. Elle quitte l’université de Yaoundé I et s’inscrit à l’Institut Siantou Supérieur. En 2001, elle obtient son Brevet de Technicien Supérieur (BTS) en audiovisuel. La même année, elle est repérée par le groupe Korongo Jam, qui fait d’elle l’une de ses choristes du groupe. Elle réalise son rêve. Mère d’une fille de six ans, Kareyce Fotso suit aujourd’hui fièrement sa vocation.

La jeune Diva Kareyce Fotso
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Kareyce Fotso: une artiste tout simplement
Le charme du premier album de Kareyce Fotso est qu’elle a réussi à chanter dans une langue maternelle qui, musicalement n’est pas aisée. «J’ai découvert le côté poétique de la langue Bandjoun. C’est sa dureté. Son côté saccadé donne un rythme incroyable. C’est une langue avec laquelle tu peux chanter sans même avoir besoin des instruments. Tellement elle est rude, quand tu butes sur les mots, c’est comme si une percussion t’accompagnait. J’ai exploité ce côté-là qui est devenu mon style», explique-t-elle, heureuse, tout en clignant ses petits yeux d’amandes. Elle annonce la sortie de son deuxième album qui sortira très bientôt dont l’enregistrement a eu lieu en Belgique sous le label Contre-jour, une écurie spécialisée dans la world music, la même qui a produit l’Ivoirienne Dobet Gnahoré, Habib Koité du Mali, etc. Un opus qui contrairement au premier sera un véritable régal musical : Dans le premier album, j’ai essayé de transmettre tout ce que j’ai appris dans les cabarets; un peu de bikutsi, un peu de blues, un peu de jazz, de soul. Dans le deuxième album, j’ai envie de prendre un domaine et l’explorer à fond. Mon deuxième album va être très influencé par la Sanza. J’ai envie de voyager, d’aller à la rencontre d’autres cultures africaines. J’ai envie de connaître davantage. Je veux dépasser les limites que je crois avoir. Aller au-delà. Etre meilleure que ce que je suis maintenant. Je veux proposer des albums qui tout le temps vont amener les gens à se dire «ici il y a eu du boulot». Je n’ai pas envie de proposer des choses d’une grande légèreté. Je respecte l’ouïe des gens. C’est un organe très fragile qu’il faut ménager. Je veux que, lorsque les gens ont écouté des musiques tapageuses ou dansantes, qu’ils écoutent ma musique qui les adoucisse. Que ma musique ne soit pas écoutée dans les bars ne me dérange pas du tout. La voie que j’ai choisie n’est pas facile. Mais je ne veux pas faire dans la musique super show-biz où on est star à 7h du matin et oublié à 8h du soir. Je ne suis pas une star, je suis une artiste tout simplement.

Kareyce Fotso sur scène
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