Cameroun-émergence : les Chemins de l’espérance

C’est le titre du recueil de poème récemment paru. L’auteur, Paul Guy Roland Mimb utilise la littérature pour baliser le parcours de la marche vers l’émancipation, le renouveau…

Son inspiration, il l’a tire de ses expériences. Ce qui le motive aujourd’hui à les utiliser comme ressort pour se propulser vers un nouvel horizon. Car ces expériences constituent pour lui une force, un leitmotive qu’il veut partager avec son lectorat. Pour se faire, Guy Roland Mimb a trempé sa plume dans l’encre de son vécu pour tracer les Chemins de l’espérance. 43 poèmes étalés sur 80 pages constituent le contenu de son recueil qui vient de paraître aux éditions Ifrikiya.
Dans un langage simple, et un style direct, le diplômé de littérature et civilisation française à l’université de Douala, reconnait la détresse dans laquelle sont plongés plusieurs concitoyens. Ce qu’il décrit notamment dans le poème intitulé La chanson du désillusionné; le ciel est tombé sur moi, assiégé par des nuages(…) il me rend confus, triste et déconcerté.
Paul Guy Roland Mimb arbore également sa blouse d’enseignant pour reconnaître le calvaire de ce corps de métier auquel il appartient; Pourquoi tant d’élucubrations à ton sujet? Et pourquoi tant de discriminations à ton égard? Pourquoi tant de récriminations contre toi? Salarié alors que ta dignité s’effondre, libre alors que des foyers de tension se dressent contre toi, autonome alors que des barrières s’érigent sur ton chemin.
Ceci, toutefois, ne doit pas constituer un symbole de découragement mais d’espoir. Car pour l’auteur, il y a une lumière qui jaillit au bout du tunnel. Et à ce moment, on dira, voici venu le temps, le temps du renouveau. Où le monde entier prône ton émancipation. Pour revenir aux enseignants, il décrit ces derniers comme les fondateurs de la nation; intellectuel, tu dois révolutionner la cité, pédagogue, tu dois incarner les valeurs morales; qui dans ce monde bâtit mieux que toi? De toi, l’avenir de la cité dépend.
Sur le chemin de l’espoir du poete, on retrouve la femme. Elle est pour lui, un appui qui l’aide à prospérer, Comme femme, ton attention et ton affection me rassurent, comme amie, ton aissistance et tes conseils me fortifient, et comme confidente, notre vie, sans secrets, attire.
Chemins de l’espérance qui coute 3500F est aussi un hommage à  Mon seigneur Christophe Zoa où sa mission pastoral est saluée, tant de fois, je t’ai vu et écouté, par ma plume à présent, je me résous à saluer ton nom(…) ta dignité sans nul doute surabonde et fait de toi un homme de référence, par tes oeuvres, ton ministère s’étend incroyablement, par tes paroles, ta popularité s’accroît infiniment; par ta foi, le peuple de Dieu exulte en chantant à l’unisson, « Béni soit celui qui vient au nom du seigneur ».

Langues nationales au Cameroun: petits poèmes en éwôndô et en français

Par Enoh Meyomesse

Si nous ne faisons rien pour lutter contre la disparition accélérée en cours de nos langues nationales, effectivement, le Cameroun sera réellement un pays « bilingue » en 2100. Nous ne parlerons plus que le français et l’anglais, aussi bien dans l’administration que dans nos familles.

Pour le moment, par bonheur, nous demeurons encore un pays non pas « bilingue » ainsi que le clament tels des perroquets, c’est-à-dire sans réfléchir, les gens, mais plutôt « multilingues », car les Camerounais parlent plusieurs langues à la fois. Le plus petit locuteur de notre pays, parle l’anglais ou le français, correctement, et baragouine l’autre, et en même temps une autre langue, celle de la communauté nationale à laquelle il appartient. Parfois, il en rajoute une quatrième qu’il comprend, voire même parle également.

L’unique manière de maintenir en vie les langues héritées de nos ancêtres qui existent encore au Cameroun à ce jour – mais pour combien de temps ? – est de les pratiquer, c’est-à-dire, les écrire, les lire et les parler. Actuellement, nous ne les écrivons presque plus, en conséquence ne les lisons non plus, et les parlons de moins en moins, même dans les cercles familiaux. Et même, pour ceux et celles qui les parlent encore, ils le font en les truffant de mots français ou anglais, dans une bouillabaisse indescriptible. Exemple : « je dis que, tu m’as vu le mbôm là ? Manyaka ! Mbana loba, moi je see seulement o sengi ? » ; Ou bien « ma kad naa, tu ne peux rien, il est trop fort, a ne nnemne ngul, bebelà ». Désastre !!!!!!!

Ce recueil de poésie a été à l’origine composé en langue éwôndô. Par la suite, certains des poèmes qu’il comporte ont été traduits en français. Il s’agit ainsi d’un livre bilingue, éwôndô/français. Le but recherché en le rédigeant, a été de démontrer aux Camerounais qu’il est possible d’écrire de la poésie, et par conséquent de la prose, du théâtre, des essais, etc., dans nos langues nationales.

Yaoundé
Ô toi mon ami
tes pieds as-tu déjà promenés à Yaoundé
dis-le moi
si ton âme n’y a jamais été
que je t’y emmène
tu verras des autos nombreuses
comme des fourmis
elles arrivent de partout
elles repartent de partout
elles sont noires
elles sont blanches
elles sont rutilantes
elles sont déglinguées
elles sont étincelantes
elles sont crasseuses
elles sont magnifiques
elles sont dégueulasses
tu en verras
de toutes sortes
etc.

Ongôl’éwôndô
a môé wama
ye ô kùi ya fôà Ongôl’éwôndô
kad mà
ngë wò bëkig kùi à wôé
më ke ai wo
wo ye yen bemetôa ane sùluk
bànà bà sò à li bànà bà sò à li
bànà bà ke à li bànà bà ke à li
bànà bà vin
bànà bà vié
bànà bà fum
bànà bë ne mimkpwàmàn
bànà bë ne bitùk
bànà bë ne mimfùbàn
bànà bë ne mvid
bànà bë ne menën
bànà bë ne mebòd
bànà bë ne abeñ
bànà bë ne abé
wo ye yën bemetôa
kàn ése
etc.


monsieur-des-drapeaux.com)/n

Enoh Meyomesse: « comment moi, un ex de Kondengui, j’ai été célébré à Karlsruhe »

Par Enoh Meyomesse

C’est le jeudi 04 novembre 2015 de 20 h à 22 h que la communauté littéraire de la ville de Karlsruhe, en Allemagne, dans le länder de Baden-Württemberg, s’est fait l’honneur de me recevoir en ma qualité d’écrivain persécuté dans son pays, et désormais réfugié en Allemagne à la faveur d’une bourse gracieusement offerte par PEN-Deutschland.

La cérémonie s’est déroulée dans la maison de la culture de cette ville. Tout le gratin littéraire de la région était présent. Des extraits de mes livres traduits en Allemand y ont été lus par des personnes choisies à cet effet, et l’animateur de celle-ci, un journaliste d’une radio de la ville, me posait des questions sur mes poèmes, les conditions de leur écriture, et, naturellement, mon séjour à Kondengui.

Le poème intitulé « Quartier kosovo » dans mon recueil « Poème carcéral » rédigé pendant ma détention et traduit en allemand et publié en Autriche, puis en anglais et publié en Angleterre, alors que je me trouvais encore à Kondengui, a fait sensation. Le public ne parvenait pas à croire que les prisonniers sont si mal traités au Cameroun.

Nous nous sommes alors attardés sur la pratique de la torture dans les gendarmeries et les commissariats de police du Cameroun, sur les lenteurs judiciaires, sur l’inféodation des juges au pouvoir politique, l’aberration de l’existence d’une justice militaire chargée de juger des civils, etc. Naturellement, les questions d’alternance politique n’ont pas manqué. On peut aisément deviner, sur ce point, la réaction du public..

Il m’a été demandé d’évoquer la question de l’usage des prénoms allemands au Cameroun, parce que l’un de mes poèmes d’un de mes livres traduits en allemands évoque cette question, le poème intitulé : « S’ils n’étaient pas venus . ». C’est-à-dire que si les Français n’étaient pas arrivés dans notre pays en 1916, je ne me prénommerais nullement Dieudonné, mais probablement Helmut, Karl, Jürgen, Eduard, Lukas, etc., et ce serait le cas pour tous les Camerounais.

Le titre en allemand du poème est « Wennnichtgekommenwären . ». J’ai donc relaté au public l’histoire des prénoms allemands au Cameroun. De 1884 à 1916, ceux-ci étaient en vogue. Les Hans, Hermann, Henrick, Otto, Lukas, Claus, Wilfried, Siegfried, Angela, Roswitha, Erna, Angelika, Irmgard, pullulaient au Cameroun.

Puis, à l’arrivée des Français et des Anglais, ils ont commencé à disparaître, sous l’action combinée de l’administration et de l’église catholique dont les prêtres étaient français. L’administration refusait de plus en plus d’établir des actes de naissance avec des prénoms allemands. Les Camerounais se sont donc mis à attribuer des prénoms français à leurs enfants, pour les papiers officiels, tout en conservant ceux allemands pour la famille.

Puis, aussitôt qu’il a été multiplié des centres d’état-civil dans les villages, les prénoms allemands ont refait leur apparition sur les actes de naissance. A la veille de la guerre, c’est-à-dire en 1938, 1939, la propagande allemande d’un retour du Cameroun sous administration de Berlin, accompagnée de la folle rumeur d’une visite imminente d’Adolf Hitler dans le pays qui avait circulé, avait entraîné de la part de l’administration française une recrudescence de la répression des prénoms allemands au Cameroun.

Les prêtres également étaient redevenus plus réticents à baptiser les gosses portant ces prénoms. Finalement, la France ayant gagné la guerre, le déclin définitif des prénoms allemands a été entamé au Cameroun, au point où il n’en existe plus que très peu aujourd’hui. On ne compte plus que quelques rares Fritz, Hermann, Wilfried, Siegfried, Hans. Tout le monde a longuement applaudi. Après quoi, un participant venu du sud de l’Allemagne, s’est proposé d’organiser un colloque sur la présence allemande au Cameroun de 1884 à 1916, et auquel je serai également l’invité d’honneur.

Dans la salle il y avait plusieurs Camerounais de la ville qui étaient venus soutenir leur compatriote. Ils m’ont informé qu’ils y étaient au nombre de cinq cents environs, des étudiants et des travailleurs, et plus de vingt mille dans toute l’Allemagne, et nous avons convenu d’une conférence-débat que je viendrai animer au mois de janvier 2016.

Enfin, la soirée s’est clôturée par la dédicace de plusieurs de mes livres en allemand, et d’innombrables photos. Et pour terminer, voici en entier le poème «Quartier Kosovo» en français.

«Je prononce ton nom en frissonnant de tout mon corps et je remercie le ciel de ne pas avoir été envoyé chez toi/Kondengui/tu es une colonie de vacances/un internat joyeux/on ne le sait pas/mais/Kosovo/en ton sein/toi Kosovo le quartier maudit/tu es la terreur /je prononce ton nom en claquant des dents/et je remercie le ciel de ne pas avoir été/déporté chez toi/tu héberges gaiement tes soixante-quinze suppliciés/par chambrettes de seize mètres carrés/là où quinze couchettes il était prévu au/commencement/tu héberges gaiement tes deux mille damnés/en plein air dormant à la pluie au vent au soleil/dans tes rigoles de détritus et tes douches et tes/urinoirs et tes WC bouchés/tu héberges gaiement tes zombies terrifiants qui/somnolent debout éternellement en avançant/tels des robots parce qu’ils n’ont guère d’espace/où reposer leurs silhouettes squelettiques/et/lorsque retentit la cloche de ta pitance/les visages s’illu-minent/mais même les porcs de la campagne/ne peuvent avaler ton ragoût de maïs/et tes êtres d’outre-tombe au corps purulents/se ruent sur les épluchures d’oranges d’avocats/de mangues de macabos de maniocs d’ignames/peaux de bananes douces/O DIEU DU CIEL !/Que fais-tu donc/Blotti derrière/ Les nuages / Descends sur terre/Viens au Kosovo sur Kondengui/on ne te racontera point/la souffrance /de ces gueux.


pen.org)/n